Mondial de football
de 1990. Une des demi-finales oppose la séduisante équipe d'Angleterre à une
équipe allemande sans génie, mais réaliste. Au terme des prolongations, le
score est de 1-1. Tirs aux buts, et c’est l’Allemagne qui s'impose
finalement par 4 à 3. Suite à ce match, l'avant centre de l'équipe
anglaise, Gary Lineker, donnera avec humour sa définition du football :
"Le football est un sport simple : 22 hommes poursuivent un ballon pendant
90 minutes, et à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne". On peut au passage
lui donner raison, en se souvenant du réalisme allemand venant à bout en 1954 de l'imbattable Hongrie de Ferenc Puskas, des Pays Bas de Johann Cruijff en
1974, ou de l'Argentine de Diego Maradona cette même année 1990.
"Et à la fin,
c'est l'Allemagne qui gagne". Ce sont les mots qui me sont venus à
l'esprit en lisant l'accord conclu en ce début de semaine par Angela Merkel et
Nicolas Sarkozy pour tenter à nouveau de sauver l'euro.
Il faut dire qu’il y a
vraiment le feu à la maison euro, après l’annonce par Standard & Poors de sa
surveillance de tous les AAA de la zone. Fini les grandes idées de rachats sans
fin d’obligations pourries, fini la charité poussant à prêter à tout le monde
de l’argent que l’on n’a pas et qu’on ne nous remboursera pas. Fini encore la
fausse bonne idée des eurobonds, poussée notamment par les socialistes
français. Censée mutualiser la dette et
illustrer la solidarité européenne, elle n’aurait fait qu’accentuer davantage la
ruée vers la dette. Encore un cas, extrême, d’aléa moral
Les idées allemandes
ont eu raison des dernières résistances de Nicolas Sarkozy sur la plupart des points
clés de l’accord. Michel Audiard disait
de l’argent qu’ « à partir d’un certain montant tout le monde
écoute ». Dommage que ce soit un montant de dettes.
La vraie révolution
que l’on perçoit dans cet accord, c’est évidemment la procédure automatique de
sanctions contre les Etats ne respectant pas les sacro-saints critères de
Maastricht (3% du PIB pour le déficit, et 60% pour l’endettement). Jusqu’à
présent, les simples promesses suffisaient à éviter la sanction. Désormais il
n’y aura pas de cadeau. Cette sanction ne peut en effet être levée qu’à la
majorité qualifiée.
La règle d’or prévu
par l’accord est aussi un pas très important. Chaque Etat doit la voter et, de
préférence, la graver dans le marbre constitutionnel. Elle va surtout plus loin
que celle lancée tactiquement par le président français pour gêner et diviser
ses adversaires socialistes avant l’élection présidentielle. Ce n’est pas seulement un vœu pieu que
personne ne respecte (On a déjà donné avec les critères de Maastricht). Il y a
désormais un objectif de retour à l’équilibre, qui se traduira par une date. Et
la Cour Européenne de Justice aura l’œil dessus.
Le fond de secours
européens (FESF) est brandi à toute occasion comme la solution à la fin de la
crise. Mais sans considération pour ce que ça coûte ni où trouver l’argent. Il
ne sera finalement accessible qu’à une majorité super qualifiée, voire à
l’unanimité. De quoi dissuader les Etats peu responsables qui comptent trop sur
cette manne providentielle.
Le reste de l’accord
va vers une plus grande convergence européenne en matière fiscale et
sociale. La France, incorrigible, n’a pas pu s’empêcher d’y glisser la
« régulation financière » ou le « soutien à la croissance ».
On ne change pas comme ça du jour au lendemain.
Seul point où
l’Allemagne a peut être fait fausse route, le problème de la participation du
secteur privée à la restructuration de la dette. Les allemands poussaient depuis des mois à ce
que les investisseurs privés abandonnent jusqu’à 50% de leurs dettes. Question
de justice. C’était sans doute normal et moral. Oui mais voilà, ça a fait fuir les
investisseurs privés, et mit davantage encore l’euro en difficulté. Le
pragmatisme allemand a fait défaut sur ce sujet par rapport aux français. C’est
peut être pour cela que l’Allemagne n’a pas gagné toutes les coupes du monde,
et que les français en ont accroché une.
Ce n’est pas la
première fois que la France se met dans les pas de l’Allemagne. En 1982, après
avoir dépensé sans compter pour mettre en œuvre le programme commun, le
gouvernement Mauroy, sous la houlette du ministre des finances, Jacques Delors,
se met à la rigueur allemande. Quelques années plus tard, c’est Pierre
Bérégovoy, ministre des finances, qui soutient un franc fort, calqué sur le
modèle du Deutschemark fort. Phase de désinflation compétitive à double
tranchant, mais la France ne s’en est pas si mal portée. En revanche, les
divergences de vues franco-allemande se sont accentuées sous les ères
Chirac-Sarkozy par rapport à la rigueur Schroeder-Merkel. On le constate, quand
chacun suit sa propre route, l’Europe va moins bien.
Aux antipodes d’un
Arnaud Montebourg (Montebourde ?) dénonçant une Bismarkisation de la chancelière
allemande, il convient donc plutôt de se féliciter de ne pas avoir à commenter
le énième plan de relance par le déficit budgétaire. Autant de coups d’épées
dans l’eau qui ne font qu’un peu plus plonger dans le rouge des pays déjà en
difficulté.
Et à la fin, c’est
l’Allemagne qui gagne.
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