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mardi 31 janvier 2012

Sarkozy a-t-il déjà perdu ?

Y aurait-il comme un doute dans la tête du président sortant ? Bien qu'il s'en défende, il faut bien se rendre à l'évidence que les choses se présentent mal pour lui.

Il y a d'abord cette crise économique et financière qui n'en finit plus depuis maintenant l'été 2008 et la faillite retentissante de Lehman Brothers. On en avait même aperçu les premiers soubresauts en août 2007. Les subprimes donnaient alors des signes de faiblesse sur le marché américain. Nicolas Sarkozy, tout juste installé à l'Elysée, ne se doutait pas qu'il ne sortirait plus la tête de l'eau. Car la crise s'est impitoyablement abattue sur la France comme sur le reste de l'Europe. Grossissant des dettes que les Etats avaient le plus souvent renoncé à contrôler et juguler, la crise financière a durement frappé l'économie réelle. 

La France n'y échappe évidemment pas. Un chômage qui ne cesse d'augmenter et se porte maintenant à près de 10%, une dette qui creuse de 500 milliards d'euros pour atteindre 1700 milliards d'euros. L'horizon est sombre. Les opposants du président le tiennent évidemment pour responsable de cette situation. C'est de bonne guerre. Il y a parfois du vrai d'ailleurs. Certaines niches fiscales coûtent chers et n'ont que peu d'effets (TVA réduite pour la restauration, niche Copé...), d'autres ne coûtent pas si cher mais sont symboliquement dures à défendre en période de vaches maigres (Bouclier fiscal...). Maintenant, si nous examinons la situation d'autres pays, on s'aperçoit sans surprise que leur taux de chômage a fortement augmenté, souvent plus qu'en France (Espagne, Italie, Grande Bretagne...) , et que leur dette s'est aussi fortement accrue (Espagne, Etats Unis). Sa responsabilité n'est donc pas exclusive et est donc à nuancer. 

Néanmoins, si l'on se réfère aux élections récentes, les peuples n'ont guère chercher de circonstances atténuantes à leurs dirigeants politiques, fusibles de premier choix en cas de pareil marasme économique. Socrates au Portugal, le parti socialiste de Zapatero en Espagne, Berlusconi en Italie ou Papendreaou en Grèce. Tous se sont vu signifier l'arrêt (momentanée) de leurs activités à la tête du gouvernement, quelque soit la justesse de leurs politiques pendant la crise. Il est d'ailleurs intéressant de constater que leurs remplaçants poursuivent les politiques de rigueur qu'ils avaient initiées. It is the economy, stupid. Le président Sarkozy a donc beaucoup de soucis à se faire. 

Face à lui, le candidat socialiste François Hollande est au zénith dans les sondages et favori de toute la presse. Il n'a pas donné beaucoup de signes de faiblesse jusqu'à présent. Et il le sait, la crise économique joue pour lui, et il peut compter sur le renfort des anti-sarkozystes qui continuent 5 ans après de se rappeler du Fouquet's ou yacht de Bolloré. Ces erreurs initiales d'affichage du président, qui n'était d'ailleurs pas encore investi président, il les portera donc jusqu'au bout. Si la situation économique était meilleure, les gens auraient pu oublier. Mais là non, en ses temps de disette, c'est resté, même si c'est loin maintenant.

Malgré tout, François Hollande a bâti un programme. Le programme se veut rigoureux, mais ce n'est pas pour autant la rigueur, et encore moins l'austérité tant redoutée. A contre-temps par rapport aux mesures prises par nos voisins européens, le programme socialiste propose de nouvelles dépenses. Il est néanmoins jugé plutôt responsable par l'opinion. Sans doute à tort. De plus, le candidat socialiste s'est très bien préparé et semble avoir tiré les leçons de la campagne désorganisée de Ségolène Royal en 2007. Il sait faire campagne et est un débatteur hors pair. Il l'a encore démontré la semaine dernière contre Alain Juppé qui n'a pas véritablement trouvé l'angle d'attaque pour le déstabiliser. Bref ça plane pour Hollande. Mais peut être un peu trop.

En effet, voulant montrer un visage d'assurance, il est parfois passé pour trop sûr de lui, trop sûr de sa victoire. Comme s'il s'y voyait déjà, ignorant presque qu'il y a un président encore en exercice. Il est surprenant qu'un politique expérimenté comme Hollande soit tomber dans cet excès de confiance. Il doit pourtant savoir qu'une campagne électorale n'est jamais jouée à l'avance et que les électeurs détestent qu'on choisisse à leur place. Il l'a même expérimenté en conduisant comme premier secrétaire du PS la désastreuse campagne électorale de Lionel Jospin en 2002. Ce dernier était pourtant sûr de gagner.

On peut aussi se replonger dans les archives de 1995. Fin Janvier, le candidat Balladur pointait à 35% dans les sondages contre 13% pour Jacques Chirac. Arlette Chabot demandait même à ce dernier s'il comptait aller jusqu'au bout de sa candidature. Philippe Seguin, en campagne pour Chirac, provocateur, lance alors : "il parait qu'il y a une élection présidentielle, mais le vainqueur a déjà été désigné par les commentateurs, elle n'a plus lieu d'être". Les électeurs se révoltent contre ce scénario trop bien écrit à l'avance et on sait ce qu'il adviendra. De quoi rassurer un peu le candidat Sarkozy qui toutefois, contrairement à Chirac en 1995, est le sortant, avec une crise sur le dos et une opinion durablement hostile. Oui, il est mal barré...

jeudi 1 décembre 2011

It's the economy, stupid

En 1992, Georges H. Bush est en campagne pour sa réélection à la présidence des Etats Unis. En politique étrangère, tout semble lui sourire: Éclatement de l'URSS en Août 1991, campagne victorieuse contre Saddam Hussein en Irak cette même année, approuvée et soutenue par une large coalition internationale. L'action du président américain pour libérer le Koweït est largement saluée, et le président est très populaire dans son pays. Pourtant, quelques mois plus tard, Georges H. Bush est battu.

En 2004, Georges W. Bush, le fils donc, est lui aussi en campagne pour sa réélection. Sa politique étrangère est jugée calamiteuse. Les troupes américaines sont embourbées en Irak et l’Afghanistan est hors de contrôle. A cela s'ajoute de fortes critiques sur sa vision simpliste du monde, notamment son concept d' "Axe du Mal". En Irak, on ne trouve pas les armes de destruction massive dénoncées. Les boys meurent alors que l'administration américaine a sciemment menti au monde entier sur ses intentions. On peut imaginer un destin à la Lyndon Johnson, totalement déconsidéré par la guerre du Vietnam, et qui ne voudra même pas se représenter. Et Georges W. Bush est réélu. Il est même mieux réélu qu'élu. Que s'est-il passé ?

Retour en 1992. Pendant la campagne électorale, Bill Clinton, jeune gouverneur de l'Arkansas représente le parti démocrate face au sortant républicain, jugé imbattable après ses succès sur la scène internationale. Peu expérimenté, Clinton va pourtant gagner face à un Georges H. Bush trop sûr de sa victoire et affaibli par la candidature indépendante de Ross Perot, en rupture sur sa politique fiscale. Mais ce qui va surtout faire basculer la campagne, c'est la situation économique du pays. La conjoncture est mauvaise, le chômage remonte à un niveau record de 7,8% et les plans de lutte contre la récession du président sont combattus par un congrès à majorité démocrate. James Carville, conseiller de Bill Clinton va matérialiser cette situation par une phrase: "It's the economy, stupid". Le candidat va alors marteler ce message aux quatre coins du pays. Et les courbes vont s'inverser. Georges H. Bush, vainqueur de l'Union Soviétique et de Saddam Hussein, populaire et favori des sondages, est battu par un jeune démocrate sans grande expérience. En 2004, Georges W. Bush est honni par le monde entier. Même aux Etats Unis, sa cote de popularité est médiocre. Mais l'économie est en plein redémarrage, après la crise des nouvelles technologies des années 2000. La croissance est au rendez vous et le chômage baisse à 5,5%. Bush Junior sera réélu pour un second mandat face au démocrate John Kerry.

Au regard de ces faits, l'annonce des mauvais chiffres du chômage en octobre (+1,2%), confirmant une tendance de fond depuis le début de l'année, est une catastrophe pour le candidat Sarkozy. La campagne  commence en réalité à se jouer maintenant avec ces chiffres alarmant. En effet, la situation devrait vraisemblablement encore de se dégrader en 2012, et le chômage pourrait alors atteindre les 10% au moment de la campagne présidentielle. Mettant le président sortant dans une situation désespérée dans l'optique de sa réélection, celui-ci cumulant la (très) mauvaise situation économique qu'à connu Bush père, et la faible cote de popularité de Bush fils. Beaucoup pour un seul homme.

Les socialistes ont toutes les chances de gagner. Même si ce sera probablement par défaut. L'exemple récent des élections espagnoles l'atteste. Candidat peu charismatique, avec comme seul programme la poursuite de la rigueur déjà initiée par ses adversaires sortants, Mariano Rajoy a malgré tout largement gagné. De quoi donner de l'espoir à François Hollande qui malgré les cafouillages de son début de campagne a de bonnes chances de l'emporter. A moins de se saborder tout seul sur un programme trop irréaliste. Nous verrons dans quelques semaines les arbitrages qu'il aura choisi.

Dans notre histoire récente, la défaite cinglante de Lionel Jospin en 2002 l'atteste. Le chômage a globalement baissé pendant son mandat, mais la conjoncture a connu un net ralentissement économique en 2001-2002. Cette brusque remontée du chômage avant les élections présidentielles a eu raison de ses ambitions, minées de plus par les divisions à gauche.

L'économie prime donc sur le vote des électeurs quoi qu'il arrive, consciemment ou inconsciemment. Les succès Libyen de Sarkozy, où l'élimination de Ben Laden par Barack Obama ne leur seront d'aucune aide pour une éventuelle réélection (pour la postérité si peut être). Ce qui compte, c'est si le fils, la petite fille, le frère ou la femme a un emploi. Si ce n'est pas le cas, le pouvoir en place perd. C'est la règle.

It's the economy, stupid.