Affichage des articles dont le libellé est Affaire Mérah. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Affaire Mérah. Afficher tous les articles

mardi 27 mars 2012

Du mauvais usage de Twitter

Oui, je l'avoue, dès le départ, j'avais plutôt une mauvaise image de Twitter, ce site communautaire de micro-blogging à 140 caractères maximum. Peut être en raison de l'affligeant bêtiser hebdomadaire que recensent certains médias. Une sorte de "Best Of" ou plutôt "Worst of" twitter. En tête du hit parade, on retrouve souvent l’inénarrable Nadine Morano, qui, dixit elle-même, twitte d'abord, réfléchit ensuite, ou encore Eric Besson qui semble confondre entre twits privés et twits publics. Bref, on ne sait toujours pas avec qui le ministre va se coucher quand il est trop fatigué. Et on s'en fiche pas mal en fait. On espère au moins pour l'intéressée que c'est sa femme... 

Pourtant, à première vue, twitter n'a rien de bien méchant. On s'inscrit, on s'abonne comme "follower" d'autres utilisateurs, et on "twitte" soit même, en le faisant partager à ses propres followers. Basé sur des messages échangés instantanément, c'est l'assurance d'obtenir un maximum d'informations par le biais de son réseau, et ce en "live". Et comme le site limite chaque "twit" à 140 caractères, cela oblige à aller à l'essentiel. La lecture n'en est que facilitée, et permet donc de suivre un maximum de flux. A condition toutefois de s'y retrouver dans cette somme colossale d'informations.

Moyen moderne d’interagir avec ses supporteurs et plus généralement avec les électeurs, la plupart des politiques s'y sont mis. Il y a les champions du twit. A gauche Cécile Duflot s'y déchaîne très souvent. Manuel Valls aussi. A droite, Nathalie Kosciuszko Morizet y est plutôt appréciée. A l'opposée d'une Nadine Morano qui inonde ses followers de stupidités jusqu'à les saturer. Même les politiques confirmés et candidats à l'élection présidentielle ont dû s'y mettre, notamment Nicolas Sarkozy ou François Hollande. La puissance du site fait qu'il devient inconcevable de ne peut pas avoir son compte. On pouvait déjà être amis de Nicolas Sarkozy ou François Hollande sur facebook. On peut désormais suivre leurs campagnes électorales sur le site de micro-blogging et être sûr de ne perdre aucun des préciseux "twits" d'un des prétendants à l'Elysée. Quel progrès ! Sauf que bon, ils ne rédigent pas eux même les twits. Des équipes de com' le font pour eux. Ou comment détourner totalement twitter de son esprit.

Cependant, avec le drame de Toulouse la semaine dernière, nous avons pu observer certains comportements sur Twitter qui laisse quelques peu perplexes sur la réelle utilitée de ce média. Ainsi, dès lundi dernier, la nageuse Laure Manaudou réagissait sur son compte en twittant sur l'horreur que lui inspirait le drame de Toulouse et la sauvage tuerie devant l'école. Jusque là, tout va bien. Puis, dans un second twit, la championne pointe du doigt l'effet néfaste des jeux vidéos, coupables d'après elle d’entraîner des comportements violents. Sur le fond, on peut vraiment en discuter. Rien n'a été prouvé sur le sujet, et ce n'est en l'occurrence pas, ici, l'élément déclencheur de cette sordide histoire. Mais c'est néanmoins un avis couramment répandu et respectable. Sauf que c'est un déchaînement de haine et de messages injurieux qui déferle sur le compte de Laure Manaudou. Celle-ci fermera son compte twitter le soir même. Ce média, instantanéité oblige, n'est pas modéré comme peuvent l'être les journaux en ligne ou les forums de discussion. Les pires dérives et injures sont donc possibles. Premier problème.

Toujours le lundi, une cérémonie de prière et de recueillement est organisée à la synagogue Notre Dame de Nazareth à Paris, en mémoire des victimes de l'école toulousaine. De nombreux politiques s'y pressent, surtout lorsqu'ils sont candidats à l'élection présidentielle. François Hollande s'y rend également avec un petit cortège du PS composé notamment de Valérie Trierweiler, sa compagne ou encore Manuel Valls, le directeur de communication de sa campagne. Ce dernier, que l'on a connu plus inspiré, va lui aussi y aller de son twit, expliquant qu'il est avec le candidat socialiste et sa compagne dans la synagogue pour le recueillement. On peut se demander si envoyer un twit en pareil moment, dans un lieu sacré qui plus est, était vraiment du meilleur goût. On se souvient d'un Nicolas Sarkozy épinglé par les médias pour avoir envoyé des sms pendant l'homélie de Benoit XVI à la basilique Saint Pierre de Rome. Était-il à ce point indispensable de twitter à ce moment précis ? C'est manuel Valls qui se fait prendre ici, mais on se souvient aussi de députés UMP twittant en pleine réunion avec le président de la république. Dans le but bien évidemment d'informer le citoyen électeur de ce qui se disait à huis clos. Comme-ci attendre la fin de la réunion était à ce point une torture insupportable ? Seraient-ils donc tous démangés par le démon du twit ? Le vrai problème que cela pose ici, c'est clairement celui de la course au scoop, la compétition de celui qui sera le premier à relayer une information. Sans même avoir pris un minimum de recul par rapport au contenu envoyé ni même au contexte de l'envoi. Des politiques devenus de simples relais sans aucune réflexion derrière ? Avec le quinquennat, on a accéléré le temps politique. Avec twitter, on l'a carrément supprimé. Deuxième problème.

Enfin, mercredi dernier, Jean-Jacques Urvoas, le député PS du Finistère et "Monsieur Sécurité" du Parti Socialiste va lâcher un twit particulièrement maladroit et, disons le, carrément stupide. Et ce, au moment même ou le RAID commençait son assaut de l'appartement de Mohammed Merah. Que dit-il dans son twit ? Et bien qu'il est étonnant d'après lui qu'en 30 heures de siège, les hommes du RAID soient incapables d'aller chercher un homme seul. Mais bien sûr, c'est évident, pourquoi n'y ont ils pas pensé plus tôt ! Quand on pense que ce monsieur est en charge des questions de sécurité auprès de François Hollande, et qu'il sera peut être, dans quelques semaines, son conseiller, voire son ministre, cela fait plutôt peur d'entendre de telles bêtises. C'est tout juste digne de propos de café du commerce. On n'est pas loin ici de ses "grands sportifs" du café des sports assis devant leur verre et regardant un match à la télé, n'hésitant pas critiquer parce qu'un joueur n'a pas mis un but ou ne court pas assez vite. Conscient de sa bourde, le député twitte de nouveau quelques minutes plus tard pour s'excuser. Il s'explique, précisant que 140 caractères, c'est trop court pour développer sa réflexion sur la situation toulousaine. Et là, en revanche, il a raison et pointe du doigt le dernier problème de ce média. Par la limitation du nombre de caractères, il oblige les utilisateurs à faire court, et donc à exprimer un avis, sans nuancer, ni développer de réflexion fine et mesurée. Et c'est un vrai problème en politique, car si relayer des informations factuelles est possible en quelques mots, développer une réflexion politique ne l'est pas. Troisième problème.

C'est pourquoi on se rend compte, à la lecture de tous ces twits de politiques, qu'ils n'ont pour la plupart aucun intérêt, si ce n'est celui d'occuper le terrain et de faire celui qui est à la page des dernières tendances geeks. Malheureusement ce mode de pensée conduit au degré zéro de la réflexion politique. Il ne faut dès lors pas s'étonner de la pauvreté du débat. Georges Frêche, l'ancien sulfureux président de la région Languedoc Roussillon, disait avant sa mort qu'il faisait campagne pour les cons, parce que les gens intelligents, il n'y en avait que 6 ou 7 %. On ne peut que regretter qu'il aie raison.

Du mauvais usage de Twitter...

mercredi 21 mars 2012

Ils auraient dû se taire

La semaine dernière, trois soldats de l'armée française, tous trois parachutistes ayant servi en Afghanistan, et stationnant avec leur régiment à Montauban ont perdu la vie. Victime d'un lâche et monstrueux assassinat devant leur caserne par un assassin particulièrement déterminé et rempli de haine. Son mode opératoire est simple. Il arrive en moto, et sort son calibre 45 (11,43mm pour les connaisseurs que je ne suis pas). Il élimine alors de sang froid ces trois malheureux de façon méthodique et ciblée contre eux. Deux d'entre eux semblent d'origine maghrébine. L'autre est antillais. 

Lundi matin 8h00, devant le collège-lycée Ozar Hatorah, établissement scolaire de confession juive, c'est trois enfants et un professeur, tous juifs qui sont, là encore, lâchement assassinés. Le mode opératoire est le même. La moto, le calibre, la détermination, la méthode. Les victimes sont supprimées à "bout touchant", signe d'une haine particulièrement féroce de l'individu. Comble de l'abject, il portait sur lui une caméra pour filmer son crime. Dans cette horreur, ce sont deux familles traumatisées à jamais, et plus largement toute un quartier, toute une ville, toute une communauté, tout un pays. Concernant l'assassin, il n'y a guère de doute, c'est le même que celui des militaires de Montauban. 

C'est évidemment un traumatisme pour tout le pays, surtout quand celui-ci est en pleine période électorale. Nicolas Sarkozy suspend sa campagne électorale et reprend dignement ses habits présidentiels pour honorer la mémoire des victimes et ordonner des moyens exceptionnels pour faire aboutir l'enquête au plus vite. François Hollande suspend lui aussi sa campagne et met ses pas dans ceux du président. D'abord en se rendant également à Toulouse, dans l'école où a eu lieu ce crime odieux, puis le soir à la synagogue Notre-Dame de Nazareth à Paris, enfin aujourd'hui à Montauban pour les obsèques des trois parachutistes. Mis à part une petite rechute inélégante le mardi matin dans son interview sur RMC où il sous entendait que le pouvoir actuel avait peut être sa part de responsabilité, il a plutôt eu une conduite digne dans cet épisode tragique. On pourra toujours s'interroger sur ce comportement de "président-bis", qui n'était peut être pas indispensable. Mais que n'aurait on dit s'il n'y était pas allé. Dans ces circonstances, et même s'il n'a pas de mandat particulier, mieux vaut en faire trop que pas assez.

En revanche, passer les deux favoris, les autres acteurs de cette élection présidentielle n'ont pas spécialement brillé. Nathalie Artaud (Lutte Ouvrière) refuse de s'associer à l'union nationale. Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche) poursuit de plus belle sa campagne électorale, sans doute par peur de voir l'élan suscité par sa prise de la bastille de dimanche stoppée en plein vol. Et puis il y a François Bayrou, souvent opportuniste, qui voit l'occasion de se démarquer et va même, lors d'un meeting à Grenoble sous entendre que le pouvoir actuel n'y est peut être pas étranger. Dans cette droite lignée, l'ex candidate (ouf) Corine Lepage parle même "d'un climat de haine". Quant aux commentateurs extérieurs, ils se prennent largement les pieds dans le tapis, à l'image de Dominique Sopo, le président de SOS racisme, que l'on a connu plus inspiré, qui met en cause Marine Le Pen. Quant à nos "grands penseurs", ils se fourvoient aussi à l'image de Bernard Henri-Lévi, pour qui la cause de massacre n'est autre que le débat sur l'identité. 

Car la cause semble entendue. Le crime est forcément raciste, et vient très probablement de l'ultra-droite. Le raisonnement est simple. Si l'assassin s'en prend à la fois à des soldats maghrébins ou Antillais, puis à des personnes de confession juives, c'est forcément la piste à suivre. Et si cet assassin a agit ainsi, c'est qu'il y a été incité. Comment ? Par le climat "de haine" qu'il y aurait en France. Et pourquoi pareil climat de haine ? Par la présence au pouvoir d'un président de la république et d'un gouvernement lançant des débats sur l'identité nationale et l'immigration. Ou encore par la présence d'une Marine Le Pen faisant un coup médiatique sur la viande Hallal en île de France. Dans ce contexte, des esprits faibles n'auraient donc aucun mal à passer à l'acte.

Sauf que ce matin, rebondissement dans ce drame tragique. L'assassin s'appellerait en réalité Mohammed Mérah. Il aurait 24 ans. Il serait français et de la mouvance Al-Qaïda. Il aurait à ce titre séjourné dans des camps d'entrainement en Afghanistan. Il aurait agit pour venger les enfants palestiniens et projetait de poursuivre son oeuvre sordide. Et finalement, ce profil colle évidemment plus avec les analyses que les criminologues avaient pu apporter ces derniers jours au regard des faits. On a ici affaire à un homme très entraîné, fanatisé, et en mode commando. Tuer à "bout touchant", c'est à dire à quelques centimètres de sa victime est le signe d'une haine fanatique que pouvait avoir les kamikazes du 11 septembre 2001. Les autorités policières et du renseignement ont rapidement convergé sur la piste Al-Qaïda et remonté la piste de cet individu, connu de la DCRI pour avoir séjourné en Afghanistan.

Le problème, c'est que c'est tout le schéma construit par ces hommes politiques en mal de suffrages et commentateurs en mal d'idées qui se trouve faussé. Bien que tout le monde s'en défendent, la plupart ont consciemment ou inconsciemment tenté de récupérer ce tragique évènement, l'un des plus tragiques de ces dernières décennies. Ils ont préféré interpréter des évènements qui leurs échappaient pour servir leur cause plutôt que de se ranger dans l'union nationale qu'imposent de telles circonstances. Et cela, oui, c'est condamnable. On peut ne pas aimer le président de la république, on peut ne pas être d'accord avec tel ou tel débat. Et parfois à raison d'ailleurs. Mais on ne mélange pas tout en de pareils circonstances. Non tout n'est pas possible. 

Il est notable, qu'il y a des précédents à ce genre d’évènement tragiques et à son traitement. Octobre 1980, attentat devant la synagogue de la rue Copernic à Paris qui fait plusieurs mort. L'enquête va s'orienter vers la piste d'extrême droite. Le pouvoir socialiste, à partir de 1981, va lui même orienter l'enquête en ce sens. Les auteurs viendront en réalité d'une autre piste, le terrorisme libanais. Mais l'enquête aura perdu trop de temps. Les coupables, bien qu'en partie identifiés, ne seront jamais appréhendés. Plus récemment en 2004, en Espagne. Terrible attentat à Madrid quelques jours avant les élections. Le pouvoir en place, la droite de José Maria Aznar, l'attribue hâtivement à l'ETA. Sauf que c'est en réalité Al-Qaïda qui est en l'auteur. La droite perd dans la foulée les élections. 

Il y avait une attitude simple et digne. Se recueillir en mémoire des victimes et attendre les conclusions des enquêteurs. Certains l'ont fait. D'autres opportunistes non. Ce qui n'empêche pas de condamner l'antisémitisme et l'islamophobie. Mais c'est au quotidien que ceci doit se faire.

Oui, ils auraient dû se taire...