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vendredi 13 juillet 2012

L'erreur économique



"La maison brûle et nous regardons ailleurs" disait Jacques Chirac lors d'un discours prononcé en 2002 en Afrique du Sud. A l'époque, c'était le réchauffement climatique qui retenait l'attention du monde entier. Aujourd'hui, dans le marasme économique et financier de la zone euro, regarder ailleurs, c'est un peu l'impression que donne le tandem Hollande - Ayrault.

Alors que l’Europe, et tout particulièrement le club des 17 de la zone euro, s'enfonce dans une crise de la dette à l'évidence insoluble, le nouveau pouvoir en place a estimé qu'il était urgent de ne rien décider. Quant aux quelques annonces qui ont pu être faites jusqu'à présent, elles ne tiennent pas compte de l'ampleur de la crise qui s'est abattue sur les pays surendettés du vieux contient. Pire, elles vont souvent à l'encontre du bon sens économique. Oui, Hollande et Ayrault commencent ce quinquennat, pourtant crucial, sur une erreur économique.

Le discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault à l'assemblée nationale avait donné le ton. François Hollande l'a confirmé cette semaine devant le Conseil Economique et Social. S'il y a une urgence, c'est bien celle de ne pas agir. Le gouvernement déclare vouloir prendre son temps, et laisser le temps à la concertation  entre les "partenaires sociaux" comme on dit. La méthode est louable. Mais elle a rarement fonctionné, tant le dialogue entre patronat et syndicat est impossible dans le pays. Le premier ministre veut aller à rebours de la méthode Sarkozy, en évitant de réformer dans la précipitation. Certes, le temps est une notion très importante. Le cycle économique des entrepreneurs est un temps long, qui a besoin d'une grande stabilité sociale et fiscale. L'Allemagne bénéficie largement d'une politique de Merkel dans la continuité de celle de Schroeder. Mais, s'il est important de "laisser du temps au temps" comme disait Mitterrand, la nécessité d'engager des réformes, elle, ne peut plus attendre indéfiniment. La question n'est plus de savoir ce qu'il faut faire, mais bel et bien de le faire. Et le plus tôt possible, tant on a traîné depuis des décennies. Au lieu de ça, le gouvernement jette à la poubelle, une à une, toutes les réformes du précédent gouvernement (Heures supplémentaires défiscalisés, hausse de la TVA, hausse du périmètre de construction de 30%, réformes des retraites, prime Sarkozy...), illustrant une fois de plus la grande instabilité d'un pays qui règle ses comptes à chaque alternance.

Quant aux réformes, il faudra encore attendre. Une grande réforme fiscale est à prévoir, mais peine à sortir des cartons. Le candidat Hollande jurait ses grands dieux pendant la campagne électorale que la compétitivité n'était pas un problème pour la France. Désormais le président du même nom s'interroge. Le gouvernement a même commandé un rapport à Louis Gallois. Un de plus. On verra le résultat dans un an. Tous les rapports existent déjà. Ils ne demandent qu'à être mis en oeuvre. Ce gouvernement a une chance historique de réformer le pays et de passer à la postérité comme celui qui aura enfin osé. Mais il hésite. Trop explosif pour son électorat, alors que pourtant les enquêtes d'opinion semblent montrer que la France est désormais mature pour entendre des choses difficiles. L'erreur...

Alors que la cour des comptes répète inlassablement à longueur de rapports (Tiens, encore des rapports !) la nécessité absolue d'assainir les finances publiques, le gouvernement se refuse à toucher aux bataillons de la fonction publique. Il y aura bien quelques non remplacement de départ à la retraite, pour compenser l'embauches des 60 000 fonctionnaires, mais pas de réformes structurelles de grandes ampleurs dans l'appareil administratif. Ou supprimeront-ils les 60 000 postes ? A part, comme d'habitude, dans l'armée (qui ne doit plus avoir grand monde...), le gouvernement ne sait pas. Quant c'est flou, c'est qu'il y a un loup avait dit quelqu'un... Reste que la fonction publique se prépare malgré tout à une cure d'austérité salariale. Incapable de dégraisser ses effectifs, c'était inévitable. Il y a sans doute moyen de faire bien mieux . Les fonctionnaires risquent bientôt de regretter la présidence Sarkozy, plus généreuse sur les salaires dans la fonction publique. Qui l'aurait cru ? Néanmoins, rien à voir avec les coupes sombres de plusieurs dizaines de milliards que l'on voit en Italie, en Espagne, au Portugal ou en Grande-Bretagne. Autre bombe, le problème des dépenses sociales (santé, retraites...) qui explosent et deviennent hors contrôle avec le vieillissement de la population.

Mais le plus grave, c'est peut être la stratégie économique du gouvernement. Elle est peu lisible, et va à rebours des recommandations européennes et de la cour des comptes. La stratégie économique de Hollande et Ayrault semble en effet davantage guidé par un reste d'anti-sarkozysme, que sur une vision claire. Hou, hou, la campagne électorale est terminé, vous êtes aux responsabilités ça y est, Sarkozy est parti ! 10 ans d'opposition, et bien peu d'idée à proposer finalement. Du coup, on détricote tout ce qui a été fait avant. Les RGPP, on arrête. Les heures supplémentaires défiscalisées, on arrête. La hausse de la TVA, on arrête. La réforme des retraites, on arrête... La cour des comptes (ce n'est pas Sarkozy pour le coup) dit : "réduisez vos dépenses et augmentez la TVA ou la CSG". Le gouvernement ne réduit en rien ses dépenses, et ne s'attaque qu'à des symboles gadgets (Salaire des ministres en baisse de 30%). Il avoue lui-même que ça ne rapportera rien. La TVA, pas question d'y toucher. La CSG non plus. Pour l'instant en tout cas. Mais entre les deux, le coeur de Ayrault pencherait quand même pour la CSG. La ministre de la fonction publique, Marylise Lebranchu, souligne pourtant avec justesse que la CSG fait peser une fois de plus le matraquage fiscale sur le travail, et non sur le choix de consommation. Curieuse façon d'encourager le travail. Surtout quant on s'interroge (enfin) sur la compétitivité.

Quant aux tranches d'imposition nouvelles (à 45%, hausse de l'ISF) et le fameux impôt à 75%, est là un encouragement pour entreprendre en France ? Pas sûr. Et une incitation des capitaux étrangers à investir massivement ? Pas sûr non plus. La France est déjà largement imposée, et la seule arme fiscale risque de se révéler bien maigre au moment de faire les comptes. La hausse du SMIC ? De l'avis de beaucoup d'économistes, elle dessert plutôt la compétitivité des emplois peu qualifiés. Assez contre-productif là encore. Et ce que cette hausse du SMIC va coûter à l'Etat ? Ne demander pas à Jérôme Cahuzac. Il a séché sur cette question sur le plateau du grand journal de canal plus. Mais qui est donc ce Jérôme Cahuzac ? Le ministre du budget de ce gouvernement. Ça rassure. Pour le reste le commissaire à la production, Arnaud Montebourg, chapote tout, et nomme un expert sur chaque plan social. Il ne peut guère faire mieux,  l'Etat n'a plus d'argent. On pourrait cependant lui conseiller de relire Schumpeter, et son concept de "destruction créatrice". En temps de crise, nombre d'entreprises disparaissent, c'est irrémédiable. Mais d'autres aussi apparaissent, pour construire le futur de demain. Le drame, ce n'est pas tant que des entreprises disparaissent, mais plutôt qu'un nombre insuffisant apparaisse, et que la formation ne s'y adapte pas suffisamment rapidement. Pour faire vivre l'économie, juste au cas où, il y a éventuellement "l'entrepreneur" de ce fameux Schumpeter qui peut aider. Il peut créer de la croissance, si toutefois on ne lui change pas les lois sociales et fiscales tous les quatre matins.

Pour finir, je ne peux résister à l'envie de reproduire cette citation : "L’Ancien Régime professait que la sagesse seule est dans l’Etat, que les sujets sont des êtres infirmes et faibles qu’il faut toujours tenir par la main, de peur qu’ils ne tombent ou se blessent ; qu’il est bon de gêner, de contrarier, de comprimer sans cesse les libertés individuelles ; qu’il est nécessaire de réglementer l’industrie, d’assurer la bonté des produits, d’empêcher la libre concurrence. L’Ancien Régime pensait sur ce point, précisément comme les socialistes d’aujourd’hui. Et qu’est-ce qui a pensé autrement, je vous prie ?  La Révolution française.". Cette citation est on ne peut plus d'actualité ? Elle date pourtant de 1848. L'auteur en est le penseur politique français du XIXème, Alexis de Tocqueville...


jeudi 24 mai 2012

Croissance ! croissance ! croissance !...

"Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe ! l'Europe ! l'Europe !... mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien". Le général de Gaulle, alors en pleine campagne électorale d'entre deux tours lors de la présidentielle de 1965, prononça cette célébrissisme phrase lors d'un entretien télévisé avec Michel Droit. Remplaçons maintenant le mot "Europe" (quoique ?) par "Croissance", et la phrase prend tout son sens. Oui, on entend beaucoup ces jours-ci "Croissance ! Croissance ! Croissance !...", sans que cela ne fasse bouger d'un iota les problèmes européens de croissance. Dans le rôle du cabri, il y a bien sûr François Hollande, ainsi que Barack Obama, mais aussi d'autres dirigeants européens (Monti, Rajoy...), qui espèrent encore échapper aux lourdes et douloureuses réformes qui les attendent et qu'ils peinent à engager dans leurs pays.

Le nouveau président français, François Hollande, se targue d'avoir été le premier à parler de croissance, et semble vouloir prendre la tête des pays qui veulent de la croissance. Il s'est d'ailleurs félicité qu'au cours du G8, ses voeux de croissance aient reçu le soutien du président Obama, et de certains partenaires européens (Monti). "Oui à la croissance", telle est donc la conclusion de ce sommet. Mais de qui se moque-t-on ? Fallait-il donc organiser un aussi coûteux barnum pour affirmer une pareille évidence ? Y a t il donc des gens pour contester que la croissance est nécessaire pour assurer la prospérité de nos sociétés ? A part quelques militants écologistes de la décroissance, je ne crois pas. Ce sommet entre les grands dirigeants de ce monde avait en réalité plutôt des allures de réunion de politburo, comme au temps de l'URSS avec ses Staline et Molotov. Manquait néanmoins une information au sortir de ce G8. Quel taux de croissance le soviet suprême a-t-il officiellement fixé aux planificateurs de l'économie ?

Blague à part, ce G8, ainsi que la réunion "informelle" d'hier soir entre les 27 dirigeants européens, semblaient marquer l'offensive des pro-croissance contre les pro-austérité. Avec un objectif, isoler la chancelière allemande Angela Merkel, qui défend bec et ongle son pacte budgétaire européen, et se veut gardienne de la bonne gestion de l'économie allemande depuis 10 ans. Cette offensive du président français pour faire adopter un pacte de croissance rencontre d'ailleurs, il faut bien le dire, un certain engouement, notamment s'agissant de sa proposition d'émission d'eurobonds (ou euro-obligations). Ces euro-bonds, c'est en quelque sorte une mutualisation des dettes de tous les pays de la zone euro, qu'ils soient très endettés ou pas, qu'ils aient une gestion rigoureuse ou non. En somme, la solution miracle pour secourir les pays de la zone euro asphyxiés par des taux d'intérêt très élevés (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, Italie...). Pas étonnant donc que, lors de la réunion d'hier, le président Hollande ait précisément reçu le soutien de la Grèce, du Portugal, de l'Espagne, de l'Italie... Au delà des étiquettes politiques. La chancelière allemande, qui a opposé une fin de non recevoir à ce projet d'euro-bonds, a , quant à elle, été soutenue par les Pays Bas, la Finlande ou encore la Suède (qui n'est pas dans l'euro). Précisément les pays d'Europe les plus vertueux. On ne peut que regretter que, dans cette confrontation entre les bons et les mauvais élèves, la France ait pris la tête de la seconde catégorie.

Car dans l'esprit du nouveau président français, pas de doute. Plutôt que de l'austérité, il faut de la croissance par la relance. La règle d'or budgétaire attendra, les réformes de l'Etat attendront, les coupes douloureuses dans les budgets sociaux attendront. Car, pour créer de la croissance, rien de tel que de la relance keynésienne : hausses des dépenses publiques, programmes de grands travaux, hausse des prestations sociales. Cela a un coût, certes, mais avec la magie du "multiplicateur keynésien", l'économie se relance, et la dette est remboursée plus tard... ou jamais. Car le mécanisme fonctionne mal. La référence des keynésiens, c'est le New Deal de l'après crise de 1929, lancé par le président Roosevelt. On sait depuis, en observant les chiffres de l'économie américaine des années 1930 (Chômage, croissance...), que c'est la guerre de 39-45 et la demande massive en armement qui ont véritablement relancé la machine économique américaine, et assez peu les plans de Roosevelt. Mais l'illusion est restée. Les pays européens subissent d'ailleurs précisément l'échec et l'endettement des plans keynésiens de 2008-2009.

L'austérité, voilà donc l'ennemi. C'est elle qui tue la croissance. Arrêtons donc immédiatement ces terribles plans de rigueur qui font plonger l'Europe un peu plus dans la crise. Cependant, à y regarder de plus près, il n'en est rien. A écouter les médias, de terribles coupes budgétaires seraient en train d'asphyxier les populations italiennes, espagnoles, portugaises, et bien sûr grecques. En réalité, il n'y a pas de coupes budgétaires drastiques. Les salaires de la fonction publique sont gelés, certes, mais ne baissent pas. Les pensions de retraite sont gelées, mais ne baissent pas. Elles augmentent même légèrement en Espagne. La terrible hausse de la fiscalité se traduit en fait essentiellement par une légère augmentation de la TVA. Les gouvernements ne remplacent pas la majorité des fonctionnaires partant à la retraite, mais n'en licencient pas. Plus révélateur, il n'y a en réalité pas d'austérité à proprement parler, puisque les dépenses publiques des Etats sont, malgré tout, en hausse ! On a simplement freiné la hausse, en limitant, comme le propose en France François Hollande, l'augmentation des dépenses à 1% du PIB. C'est loin d'être la fête, mais ce n'est pas ça l'austérité.

La politique de rigueur, l'Allemagne l'a connu depuis 2002. Initiée par Gehrard Schroeder, chancelier social-démocrate, elle a été strictement poursuivie par sa successeur, Angela Merkel, démocrate-chrétienne. Une politique économique cohérente sur la durée, malgré l'alternance. Voilà déjà un élément clé. Conscient, dès l'entrée dans l'euro, des failles du modèle social allemand, ces deux chanceliers se sont donnés le temps d'adapter leur pays à la compétition mondiale. Pour en tirer aujourd'hui les bénéfices. Et, puisqu'on décrit l'austérité comme ennemie de la croissance, intéressons nous au cas allemand. En 2011, l'Allemagne est à 3% de croissance quand la France est à 1,7%. Et pour le 2ème trimestre 2012, voici les prévisions : Allemagne +0,7%, France +0%, Espagne en récession, Italie en récession, Portugal en récession, Grèce en récession. Tout est dit. Une bonne gestion budgétaire tuerait donc la croissance. Encore un mythe à combattre. A noter un fait historique hier. L'Allemagne émet avec succès des obligations d'Etat sur 2 ans à 0% de taux d’intérêt ! Les investisseurs préfèrent perdre un peu d'argent, à cause de l'inflation, plutôt que d'aller sur de la dette toxique. C'est un signal particulièrement alarmant.

Admettons en tout cas que la situation de l'Europe, et particulièrement de la zone euro, est dramatique du point de vue de la croissance. Pour 2012, les Etats Unis prévoit une croissance d'au moins 2%, La Chine pourrait avoisiner les 7,5%. La zone euro, elle, sera au mieux à croissance nulle, au pire en récession. Les Etats Unis, comme souvent, ont su rebondir après la crise financière, en faisant confiance à son secteur privé pour rester le moteur de l'innovation mondiale, et le paradis des entrepreneurs. La croissance est cependant timide, car plombée par une lourde dette, sorte de gigantesque bombe à retardement. La Chine, elle, n'innove pas encore, mais reste l'usine du monde. Avec ce modèle, parfois contestable au regard du droit social, le pays trouve toujours son compte. Innovation aux Etats Unis, travail en Asie. L'Europe peine à trouver sa place dans le schéma économique mondial. En pleine désindustrialisation, et avec une frénésie de consommation, elle peine cependant à concurrencer les innovateurs américains. Clairement, l'Europe est en panne et sa croissance aussi.

Reste donc les fameuses initiatives pour la croissance proposées par certains, François Hollande en tête. Au programme : Une taxe sur les transactions financières, que la Suède a déjà testé il y a plus 20 ans sans succès, au point d'y renoncer. Des projets keynésiens d'infrastructures, sous forme de "project bonds", qui peuvent avoir une utilité, à condition d'en avoir besoin, mais qui se révèlent surtout être de la dette supplémentaire, et un moyen de placer ses amis politiques au chaud au sein de technostructures ingérables. Le New Deal des années 30 l'a déjà fait. La palme du non sens économique enfin : les fameux "eurobonds". Certainement le meilleur exemple d'aléa moral qui soit. Suite à une mauvaise gestion vous devez emprunter à 6% ? Pas de problème, on mutualise avec un bon gestionnaire qui emprunte à 0%, et vous allez désormais emprunter à seulement 3%. Magique non ? Alors ruez vous à nouveau sur les emprunts, c'est pas cher. Il est tout de même frappant de constater que la principale réponse à la crise de la dette est, pour certain, d'émettre encore et toujours plus de dettes. Mais si on n'y réfléchit bien, pourquoi des Etats comme la Grèce, L'Espagne ou l'Italie ont pu s'endetter à ce point ? Tout simplement par le mécanisme implicite des euro-bonds qu'est la monnaie unique, l'Euro. Car pendant des années, la magie de l'Euro a fait que les Grecs empruntaient au même prix que les allemands. Jusqu'à ce que la réalité économique les rattrape.

Pour la croissance, il n'y aurait donc rien de mieux que de la dette et les fumeux euro-bonds ? Si. Le 22 février dernier, pendant la campagne présidentielle française, et avant même que François Hollande ne se fasse chantre de la croissance, plusieurs dirigeants européens (David Cameron, Mariano Rajoy, Mario Monti, Mark Rutte, Donald Tusk...) ont envoyé une lettre à Herman Von Rompuy et  José Manuel Barroso, proposant un certain nombre de pistes pour doper la croissance européenne. Et ici, pas de nouvelles dettes, pas de frénésie fiscale, pas de solutions gadgets coûteuses. Essentiellement des réformes de structures, et une convergence européenne accrue : achèvement du marché unique, élimination des obstacles à la concurrence dans certains secteurs protégés, ouverture du marché des services, marché unique de l'énergie, espace unique de transport européen, réduction des réglementations sur les entreprises, mesures en faveur d'un meilleur fonctionnement du marché du travail, responsabilisation et renforcement du secteur financier... Presque un retour au grand rêve du marché unique européen finalement. Mais surtout, la philosophie des initiatives proposées, c'est de faire confiance aux entreprises, aux entrepreneurs, aux hommes, à leurs idées, à leurs innovations... Ce qui reste la seule et unique façon de créer de la croissance. A l'heure de l'euro-bond triomphant, il n'est peut être pas trop tard pour exhumer ce texte...

mardi 22 mai 2012

Quand Milton Friedman parlait de la fin de l'Euro...

L'euro est voué à l'échec. D'ailleurs, les pays de l'Euroland vont connaitre une période de fortes turbulences, et la zone euro risque d'imploser d'ici 5 à 15 ans. En effet, le moindre problème économique d'un des pays de la zone se propagera et contaminera les autres. De plus, la structure économique de l'Europe ne plaide pas en faveur de l'adoption d'une monnaie unique : la force de travail en Europe est insuffisamment mobile, les blocages économiques difficiles à résoudre, et les barrières culturelles nombreuses. "Ennemi de la démocratie", l'euro ne fera qu’accroître les différences économiques des pays de la zone, au lieu d'apporter de la stabilité. "Illusion technocratique", elle ne parviendra pas à remplacer le dollar comme monnaie de référence. "Contre-nature", cette monnaie engendrera des crises que l'Europe paiera un jour au prix fort.

Cette analyse ne date pas de 2011 ou 2012 comme on pourrait s'y attendre, mais de 1992, l'année de ratification du traité de Maastricht, établissant une monnaie unique en Europe. Et les propos précis, cités en préambule, ne datent pas d'il y a quelques jours, mais de 2002, l'année d'entrée en vigueur de l'euro. Enfin, cette démonstration, qui nous frappe par sa justesse et son caractère prémonitoire, n'est pas l'oeuvre d'un souverainiste, mais d'un économiste éminent : Milton Friedman. En effet, le prix Nobel d'économie 1976, pape du libéralisme, et chef de file de l'école monétariste de Chicago, s'est opposé dès le départ au projet de monnaie unique en Europe. C'est ainsi que, dès 1992, il mettait en garde l'Europe contre un tel projet, pointant du doigt les différences profondes entre les économies et cultures des nations européennes. Avertissement qu'il renouvela plus précisément en 2002, par le biais d'une série d'interviews dont on a compilé ci-dessus les propos.

Au regard de l'actualité de ces derniers mois, et particulièrement de ces dernières jours, on ne peut qu'être frappé par l'exactitude du scénario décrit 10 ans auparavant par l'économiste américain. Oui, la zone euro risque d'imploser. Oui, les problèmes économiques d'un pays se propagent dans le reste de la zone. Oui, la structure économique de l'Europe s'est révélée trop hétérogène, et a pâti de l'absence de convergence. Oui, la monnaie unique voit se dresser contre elle de plus en plus de peuples européens. Oui, elle est perçue comme le fruit de la technocratie européenne. Oui, l'euro n'arrive pas supplanter le dollar comme monnaie de référence. Et oui, l’Europe va le payer le prix fort. Cependant, si en 1992 Milton Friedman a eu une certaine perspicacité, en 2002, il avait surtout sous les yeux un exemple de crise due à de mauvaises décisions de gestion monétaire : l'Argentine. Et quand on regarde de plus près l'exemple Argentin, on comprend mieux les déboires de l'euro, tant les similitudes sont frappantes.

Mais que s'est il passé en Argentine ? Petit retour en arrière. Dans les années 80, le peso argentin souffrait d'une instabilité chronique et le pays était touché par l'hyper-inflation. Pour stabiliser cela, l'Argentine du président Menem va adopter le système du "Currency board" ("Caisse d'émission monétaire"). Le principe est très simple : Le peso argentin devient lié au dollar américain par un système de change fixe. Sorte de "dollarisation" de l'économie argentine. Si cette politique porte ses fruits dans un premier temps et stabilise l'économie, le vent tourne à partir de 1998. Crise financière en Asie, crise des matières premières. Le pays rentre à son tour en crise, et les recettes fiscales chutent. Plus grave, le pays n'a pas fait de réformes structurelles et mène au contraire une politique budgétaire laxiste. Il n'est pas préparé pour amortir la crise. Normalement, dans cette situation, c'est la dévaluation assurée. Impossible avec le "Currency board". Le peso suit le cours du dollar, alors très haut à l'époque. Incapable de se réformer, le pays plonge dans une très grave crise. Déficit des balances extérieures qui creusent davantage encore le déficit face à des économies à plus faibles devises (Brésil...). Les problèmes s'accumulent alors : hausse du chômage, forte inflation, taux d'intérêt vertigineux, incapacité de rembourser la dette... Les remèdes d'austérité budgétaire préconisé par le FMI ne suffisent plus. Le peso-dollar devient clairement le problème de l'Argentine. Pour s'en sortir, les remèdes incontournables arrivent à la rescousse. D'abord une forte dévaluation du peso qui redevient flottant face au dollar. Ensuite une renégociation avec les créanciers pour le remboursement de la dette. Ces derniers doivent renoncer à une grande partie du remboursement (de 60% à 75%). Enfin pour tenter d'équilibrer les comptes, des réformes fiscales conduisent à une hausse importante des impôts. Ajouter à cela, des réformes structurelles, notamment sur le partage des pouvoirs entre gouvernement fédéral et les provinces. Avec notamment une sorte de "règle d'or" budgétaire pour revenir à l'équilibre. Moyennant quoi l'Argentine a pu repartir, et son économie se porte aujourd'hui nettement mieux, malgré des zones d'ombres persistantes sur ses déficits et la solidité de sa monnaie.

Revenons maintenant au cas de l'euro. L'adoption de cette monnaie unique a repris un principe similaire au "Currency board" argentin : le change fixe. En effet, exit le change flottant entre les devises européennes, dont certaines étaient en proie à des instabilités chroniques, et place au change fixe. Toutes les monnaies deviennent en gros indexé sur le Deutchmark, la monnaie la plus forte des pays de l'euro.

Sauf qu'avoir une monnaie forte peut être un désavantage compétitif majeur à l'exportation. Pour prévenir cela, des politiques de déflation compétitive, de modération salariale, d'équilibre budgétaire, et de réformes structurelles s'imposent. L'Allemagne, que Milton Friedman considérait en 2002 comme le maillon faible (!), a fait ses réformes structurelles. Et s'est accommodée de l'Euro. Les autres pays de la zone ne les ont pas poussées assez loin (pour les pays du nord de l'Europe), voire pas commencé du tout (La France et les pays du sud de l'Europe). Suivant en cela le modèle argentin. Arrivée la première grave crise financière de son histoire (subprimes), et l'Euro tangue. La Grèce, la plus fragile, se retrouve alors, de façon extrêmement frappante, dans la même situation que l'Argentine dans les années 1998-2002 : chômage, récession, dette abyssale, taux d'intérêt astronomique, situation de défaut partiel, et sous perfusion du FMI et de l'Union Européenne, qui ont déjà mis plus de 130 milliards d'euro sur la table. A fond perdu. Les timides mesures d'austérités arrivent bien trop tard. Et l'économie grecque ne fonctionne clairement plus avec l'euro.

Car enfin, soyons clair : la Grèce va évidemment sortir de l'Euro dans les mois qui viennent. A la lumière de l'exemple argentin, on comprend bien que le système de change fixe imposé à la Grèce l'empêche de redémarrer. Elle va donc devoir retourner aux drachmes, qui sera immédiatement, et très fortement, dévalué. Ensuite, il ne faudra pas se faire d'illusion. La Grèce va renégocier et rééchelonner le remboursement de sa dette, devenu impossible à rembourser. Clairement, certains épargnants et établissement bancaires n'en reverront pas une bonne partie de la couleur. Enfin, la Grèce va devoir se contraindre à des ajustements structurels, toujours repoussés, et à mettre en place une profonde réforme fiscale. A moins de descendre encore davantage en enfer. Les grecs anticipent déjà ce scénario. Des centaines de millions d'euro sortent chaque jour des banques grecques. Les investisseurs et les capitaux fuient.

L'éclatement de la zone euro devient donc clairement d'actualité. Après la Grèce, le Portugal et l'Espagne pourrait suivre le même chemin que l'Argentine. De même que l'Italie. Les réformes structurelles arrivent là aussi beaucoup trop tard, et ne sont pas à la mesure du drame qui se préparent. On se contente d'une limitation de la hausse des dépenses, plutôt que d'une vrai réforme de l'Etat. Et leurs dettes ne sont tout simplement plus soutenables. Un défaut partiel est inéluctable. La France va, quant à elle, passer la barre symbolique des 90% d'endettement. D'après les économistes, en dessous de cette barre, c'est 1% de croissance en moins par an. On se prépare donc à une décennie très difficile. Quant à l'Allemagne, même ce bon élève pourrait se lasser d'être une locomotive d'un train devenu trop lourd à tirer. Elle pourrait vouloir sortir d'une zone euro qui prend l'eau de toute part. Les défauts qui s'annoncent sont d'une ampleur incomparable avec la Grèce, qui représente seulement 2,5% du PIB de la zone euro. Ni le FMI, ni l'union européenne, prêteurs de dernier ressort, ne sont préparés à l'ampleur du défaut qui ce dessine, et qui sera un cataclysme à l'échelle européenne et mondial.  

Reste une dernière option sur la table, mais qui n'est que rarement évoquée : une forte dévaluation de l'euro. Ce serait pour les Allemands manger leurs chapeaux, après tous les ajustements et réformes entreprises depuis 2002. Mais, pour la plupart des pays de la zone euro, ce pourrait être un peu d'oxygène, notamment face au dollar et au yuan, tombés à des niveaux relativement bas. L'avantage, c'est que cela pourrait assurer la survie à court terme de la zone euro. Et favoriser les exportations, à condition toutefois d'avoir des produits à exporter. Le danger, c'est évidemment un appauvrissement de la zone, le retour d'une inflation monstre sur nos importations, et une hausse des taux d'intérêt, qui pesera à nouveau sur notre dette. Quoiqu'il en soit, le pire est clairement devant nous...

Quand Milton Friedman parlait de la fin de l'euro...

mardi 15 mai 2012

Sarkozy : Bilan d'un quinquennat de crise


En passant le relais à François Hollande, Nicolas Sarkozy tire donc aujourd'hui sa révérence, avec une discrétion qu'on ne lui connaissait pas. Si les projecteurs sont désormais braqués sur les premiers pas de son successeur à l'Elysée, chacun conviendra que le président sortant quitte sa fonction avec dignité. Nicolas Sarkozy avait raté son entrée en fonction. Il ne rate pas sa sortie. Et pour la postérité, ça comptera. Cette passation de pouvoir à la présidence de la république est aussi l'occasion de revenir sur le bilan de Nicolas Sarkozy pendant ces 5 ans à la tête de l'Etat.

Si l'on devait qualifier d'un mot le quinquennat du président sortant, c'est certainement le mot "crise" qui remporterait la majorité des suffrages. En effet, Nicolas Sarkozy et le gouvernement de François Fillon auront fait face, pendant plus de 4 ans, à de multiples crises. Crise financière, crise économique, crise de la dette. Et nous n'en sommes pas encore sortis, loin de là. Il est évident que ceci a structuré le quinquennat d'une façon très différente des ambitions réformatrices de 2007. Néanmoins, malgré le contexte économique troublé, le président Sarkozy fut un réformateur actif. Certaines réformes sont plutôt réussies. D'autres moins. Petit tour d'horizon.

Il y a d'abord les réformes plutôt réussies, et qui devraient rester, malgré l'alternance du pouvoir. Parmi les lois les plus emblématiques du quinquennat, nous pouvons citer la Loi Relative aux libertés et responsabilités des Universités (LRU). Autrement dit, la loi sur l'autonomie des universités. Votée en août 2007, et relativement bien accueillie, elle est un enjeu majeur pour développer l'excellence de l'université française à l'échelle internationale. Une autre loi, méconnue, marquera aussi le mandat de Sarkozy : la Loi de Modernisation de l'Economie (LME) d'août 2008, qui a notamment créé le très plébiscité statut d'auto-entrepreneur, ou encore permis de raccourcir des délais de paiements, mesure cruciale pour beaucoup de PME à l'activité précaire. Toujours en faveur des entreprises, la réforme du crédit impôt recherche de 2008 qui, bien que niche fiscale coûteuse, fait plutôt l'unanimité comme exemple de déduction fiscale intelligente. Et pour compléter cette batterie de mesures à destination des entreprises, le gouvernement a supprimé en 2010 la taxe professionnelle, bouleversant la fiscalité locale, mais donnant un peu d'oxygène aux entrepreneurs. Impôt idiot selon François Mitterrand, qui l'avait pourtant conservé, elle ne devrait pas être rétablie par le nouveau pouvoir socialiste.

Le quinquennat de Sarkozy, ce sont aussi des reformes sociales. Ayant suscité l'opposition des syndicats au moment de leurs adoptions, elles ne devraient cependant pas être supprimées par le nouveau président socialiste. A ce chapitre,  il y a tout d'abord la loi sur le service minimum dans les transports et les écoles, votée en août 2007, puis étendu au secteur aérien en mars 2012. Plus sensible, la réforme des retraites pour les régimes spéciaux, votée en novembre 2007, est néanmoins passée. Ainsi que celle de novembre 2010 pour le régime général. Insuffisantes pour assurer l'équilibre à long terme, ces réformes permettent néanmoins d'équilibrer les caisses de retraites à court terme. Plus consensuelle, la réforme du RMI, remplacée par le RSA, et qui offre un complément de revenu (RSA "Activité") aux travailleurs en dessous du seuil de pauvreté. Malgré des imperfections, le RSA tend à supprimer les trappes à pauvreté.

Nicolas Sarkozy s'est révélé beaucoup plus timoré pour engager des réformes structurelles, pourtant si cruciales pour rééquilibrer les comptes publics. Cependant, il a eu le mérite d'en avoir initié quelques unes. La fusion de l'ANPE avec l'Unédic depuis janvier 2009 ne se fait sans heurt. Néanmoins, la constitution d'un guichet unique, Pôle Emploi, va dans le bon sens. Il était incompréhensible que l’indemnisation (Unédic) et la recherche d'emploi (ANPE) fonctionne de façon aussi parfaitement cloisonnées. Autre réforme structurelle importante, la refonte de la carte judiciaire, avec le regroupement des tribunaux, pour une rationalisation de fonctionnement. Compliquée à mettre en oeuvre et impopulaire, elle va néanmoins dans le sens d'une meilleure gestion. Le gouvernement a aussi mis en oeuvre la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur 2 à la retraite. Si les gains sont moins importants que prévus, cette orientation suit les recommandations de la cour des comptes, et va dans le sens de réformes engagées récemment dans d'autres pays européens (Espagne, Royaume-Uni...). Enfin, on assiste à un début de simplification du millefeuille administratif, avec la création du conseiller territorial pour les élections de 2014, et la fusion déjà programmée des deux départements alsaciens, qui pourrait servir à terme de modèle.

Sur le plan extérieur maintenant, quelques succès. La présidence européenne de Nicolas Sarkozy, au deuxième semestre 2008, a été unanimement saluée dans une période critique (Crise en Géorgie, Faillite de la banque Lehmans Brothers). Le président français a aussi été moteur dans la signature du traité de Lisbonne de 2007. Si ce traité bafoue un peu le "Non" au référendum 2005, il aura eu le mérité de débloquer une situation de blocage. Il aura aussi pris la décision logique, mais néanmoins contestée, de faire revenir la France dans le commandement intégré de l'OTAN, renforçant ainsi les relations franco-américaines et franco-britanniques. Nicolas Sarkozy aura également plutôt bien géré la crise ivoirienne début 2011, et activement participé à la chute de Khadafi en Libye à l'été 2011.

Enfin, le mandat aura été marqué par la révision constitutionnelle de juillet 2008. Adoptée avec seulement une voix de majorité, elle redonne plus de pouvoir de contrôle au parlement, notamment sur les nominations. Le président de la république se voit limité à deux mandats. Enfin, et c'est peut être le plus marquant, elle introduit la question prioritaire de constitutionnalité. Désormais, tout citoyen peut, sous certaines conditions, contester une loi devant le conseil constitutionnel.

Evidemment, Nicolas Sarkozy n'a pas tout réussi pendant ce quinquennat. La loi phare de l'été 2007, Loi Travail Emploi Pouvoir d'Achat (TEPA), a petit à petit été détricotée, car peu adaptée à la crise. Les allègements d'impôts sur les successions seront modifiés, la déduction des intérêts d'emprunts supprimée, de même que le bouclier fiscal. Seul le dispositif des heures supplémentaires a subsisté, même s'il pourrait aussi être supprimé, mais cette fois-ci par le nouveau gouvernement. Toujours niveau fiscalité, le président n'aura pas échappé à l'imbroglio de la TVA, que ce soit la TVA réduite, finalement relevée de 5,5% à 7%, la TVA sociale, annoncée bien trop tard dans le quinquennat, ou encore la TVA réduite dans la restauration, très coûteuse et peu efficace. Sans parler de la taxe carbone, issue du grenelle de l'environnement, qui finira censurée par le conseil constitutionnel, pour rester lettre morte.

Le président sortant s'est aussi, trop souvent, pris les pieds dans le tapis, par un style brouillon, et trop souvent "je veux, je veux, je veux", avant d'être trop souvent obligé de reculer devant les levers de bouclier, et de devoir ainsi assumer ses faux pas. Son  choix de faire désigner par le président de la république les responsables des chaines de radios et de télévisons publiques a donné un arrière goût d'ORTF. Anachronique dans le monde actuel.

Sur le plan économique, le bilan n'est évidemment pas bon, crise oblige. De ce point de vue, tous ses homologues européens sont dans le même cas. Il ne peut pas en porter toute la responsabilité. Mais point de vue strictement comptable, le tableau n'est pas flatteur. Hausse du chômage de près d'un million de demandeurs d'emplois, hausse de la dette de 500 milliards d'euros, croissance faible (1,7% en 2011) et pouvoir d'achat stagnant. On est loin des promesses de 2007.

Si Nicolas Sarkozy fut souvent inspiré sur la politique étrangère, et leader européen responsable en temps de crise, il a connu quelques loupés. Des débuts difficiles avec Angela Merkel et un tropisme plutôt anglo-saxon en début de mandat. Avant de se rattraper, formant le respecté tandem "Merkozy". Et si Sarkozy est intervenu avec zèle en Libye contre Khadafi, c'est pour faire oublier une position ambiguë face aux mouvements du "Printemps Arabe" début 2011, notamment en Tunisie et en Egypte.

Il est toujours délicat de faire un bilan "à chaud" de nouvelles réformes, à peine entrées en vigueur, ou d'une action politique, dans un monde encore en pleine tourmente. Néanmoins, il est certain que le bilan de Nicolas Sarkozy, quoiqu'on en pense aujourd'hui, sera réexaminé avec recul dans les prochaines années, et même en partie réhabilité. Il suivra en cela la logique de tous les présidents sortants. Qui ne se souvient pas d'un Valéry Giscard D’Estaing hué à sa sortie de l'Elysée ? D'un François Mitterrand détesté dans les dernières années de son mandat ? Ou d'un Jacques Chirac carrément tombé dans l'indifférence ? Or, quand on écoute aujourd'hui, tout le monde salue l'intelligence de Giscard, le sens de l'Etat de Mitterrand, et la profonde humanité de Chirac. Aux yeux des français, ils auraient été, eux, de grands présidents, pas comme celui qu'on a actuellement. Curieux pays que la France, où l'on déteste ceux qu'on a élu, pour mieux adorer ensuite ceux-là même qu'on avait si violemment rejetés. Bonne nouvelle donc pour Nicolas Sarkozy, il va bientôt  retrouver le chemin de la popularité. Pour François Hollande en revanche, le chemin de croix commence...

jeudi 10 mai 2012

Sarkozy : Autopsie d'une défaite annoncée

Cela faisait plus d'un an que les sondages répétaient inlassablement que le président sortant ne pourrait pas conquérir un deuxième mandat. Sondages en bernes, rapport droite/gauche défavorable, cote de popularité en chute libre. Non, vraiment, Nicolas Sarkozy ne pouvait pas l'emporter face au candidat de gauche. Pourtant, c'est ce même candidat que la France portait triomphalement à l'Elysée le 6 mai 2007. A l'époque, tout paraissait possible à cet animal politique hors du commun. Au point qu'une réélection semblait presque une formalité pour lui. La gauche en prenait pour encore 10 ans d'opposition. Les rêves de maroquins ministériels s'envolaient encore un peu plus rue de Solférino. Que s'est-il donc passé ? Tentative d'autopsie d'une défaite largement annoncée.

En réalité, la défaite du 6 mai 2012 prend ses racines le 6 mai ... 2007, le jour de la victoire de ce même Nicolas Sarkozy. Porté par un peu plus de 53% des suffrages, la France croit alors tenir son réformateur courageux, son entrepreneur audacieux, ce modernisateur de la vie politique que l'on attend depuis si longtemps. Mais le souffle de modernité va aller trop loin, trop vite, et sera trop brouillon dans ce pays habitué à des monarques républicains. Et, l'homme décomplexé vis à vis l'argent et fasciné par la réussite va choquer. Il réunit quelques riches amis au désormais célébrissisme Fouquet's. Ce n'est pourtant pas l'endroit le plus chic qui soit. Mais le symbole choque, y compris parmi électeurs sarkozystes. Le nouveau président distribue déjà des munitions à ses adversaires politiques, qui sauront rappeler cet épisode malheureux matin, midi et soir pendant 5 ans sur toutes les ondes. D'autant que suit l'épisode du yacht de Bolloré. Goût du luxe, liens avec les milieux d'affaires et d'argent. Dans un pays où la réussite et l'argent sont parfois suspectes, cela dérange la pudeur catholique et l'égalitarisme républicain. Ajouté à cela la Rolex, les Ray Ban et le tee shirt NYPD, le style détonne. Qu'importe, à l'époque, la cote de popularité de Nicolas Sarkozy atteint des sommets (Jusqu'à 75% en août 2007). Elle ne cessera alors plus de chuter inexorablement. Le Fouquet's et le yacht reviendront dans les mémoires quant les jours se feront plus sombres.

Car, dès la constitution de son gouvernement, le nouveau président va désespérer certains de ses électeurs. Voulant pousser son avantage face à un Parti Socialiste moribond, Nicolas Sarkozy va, un peu par vanité, dépouiller le PS de certains de ces membres. C'est la grande époque de l'ouverture : Bernard Kouchner, Fadela Amara, Eric Besson, Jean-Marie Bockel, Jean-Pierre Jouyet... et même DSK au FMI. Dans les rangs de l'UMP ça grince. Déjà que les places ministérielles sont chères. Sarkozy se fabrique des ennemis en interne (Jean-François Copé, François Baroin...), et se fâchent avec ses électeurs qui n'avaient pas voté pour voir pareilles têtes d'affiche. Le bling-bling, l'ouverture à gauche, les premiers déçus s'en vont. Ils ne reviendront pas tous en 2012. Des voix qui manqueront.

Si le style détonne et açace (discussion houleuse avec le pêcheur du Guilvinec, Cass' toi pov' con, lune de miel voyante avec Carla Bruni à Disney et en Egypte...), le président est, malgré tout, réformateur et actif. Loi TEPA de l'été 2007, réformes des régimes spéciaux fin 2007. L'opposition trouve sa marotte : le bouclier fiscal à 50%. L'administration fiscale fait des chèques aux foyers fiscaux les plus riches pour rembourser le trop plein perçu. Sarkozy devient le président des riches. Même si d'autres volets de la loi TEPA s'adresse aux classes moyennes et populaires (Heures supplémentaires défiscalisés, déduction des intérêts d'emprunt pour un achat immobilier...), le président sera pour le reste de son mandat associé au bouclier fiscal et au président des riches. Message qui sera martelé, là encore, matin, midi et soir par la plupart des opposants. Une attaque facile et efficace, à défaut d'être totalement juste. C'est (trop) souvent ça la politique. D'autant qu'à l'été 2007, une tempête se prépare de l'autre côté de l'atlantique. Les crédits hypothécaires "subprimes" donnent des signes de faiblesse.

La crise, c'est ce qui touchera de plein fouet la présidence Sarkozy, et prendra le pas sur tout le reste de son action politique, qu'elle soit positive ou négative. L'ouragan de la finance s'abat définitivement fin 2008. Faillite de la banque Lehman Brothers qui se répand comme une tâche d'huile dans le monde de la finance puis, dans l'économie "réelle". Le président vole de sommet de crise en sommet de crise pendant 4 ans. Les français apprécient le dynamisme et le saluent souvent dans les enquêtes d'opinion. Oui mais voilà, les entreprises sont fragilisées, le chômage augmente, les déficits aussi. L'homme a beau être au prise avec une crise financière, économique et budgétaire sans précédent, il est in fine responsable. Et même doublement, puisque dans les faits, il joue aussi le rôle du premier ministre. Dès lors, sa cote de popularité ne cesse plus de chuter, malgré un leadership européen certain avec Angela Merkel, et une politique étrangère souvent inspirée (Georgie, Libye, Côte d'Ivoire...). Qu'importe, la diplomatie d'un pays n'intéresse personne, le chômage intéresse tout le monde. It's the economy, stupid.

Son élection en 2007 avait suscité les attentes les plus folles. Un peu comme celle de Barack Obama aux Etats Unis en 2008. Le pays devait renouer avec une croissance forte, réduire ses déficits, en finir avec le problème du chômage, et entreprendre des réformes structurelles profondes. La crise aura profondément bouleversé l'action du président, comme celle de tous ses homologues des autres pays européens. Mais, si l'on compare le bilan avec les attentes d'avant la crise, la déception est d'autant plus grande. La croissance ne dépasse guère 1% en moyenne, les déficits se sont creusés, et le chômage a fortement progressé. Certes, la situation est pire dans d'autres pays. Mais, les français votent en fonction de la situation de la France, pas celle de l'Espagne ou de la Grèce. Sur les réformes structurelles, Nicolas Sarkozy a été un réformateur timide, mais néanmoins plus actif que ces prédécesseurs : Non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, nouvelle carte judiciaire, réforme des retraites... Insuffisant disent les libéraux qui attendaient tant de ce président. Une attaque sans précédent des acquis sociaux et structures qui font l'ADN du pays disent les syndicats et la gauche. Au final, Nicolas Sarkozy mobilise durement contre lui l'opposition, sans rallier le soutien des exigeants réformateurs libéraux. Des voix qui, là encore, manqueront au décompte final.

Reste la campagne électorale du président sortant. Celui-ci l'aborde en une situation particulièrement délicate. Sondages en berne, cote de popularité qui ne frémit pas d'un poil. Nicolas Sarkozy part avec le désavantage quasi insurmontable d'être à la tête d'un pays en crise profonde. Pas un dirigeant politique européen, dans cette situation, n'a réussit à l'emporter. De plus, après 5 ans d'expérience gouvernementale (2002-2007), puis 5 autres à la présidence de la république, le président-candidat est, depuis 10 ans, sous le feu de l'actualité, à la une quasi-quotidiennement de tous les journaux, et le centre de toutes les discussions. Il y a clairement overdose. Pourtant, les sondages vont frémir, avec la fameuse "droitisation" inspiré par le conseiller officieux Patrick Buisson, présenté comme une sorte de prince des ténèbres, machiavélique et tirant les ficelles. Cette stratégie est critiquée. Elle permet néanmoins un score honnête au premier tour. Par la suite, beaucoup de commentateurs ont trouvé que François Hollande avait dominé le débat d'entre deux tours. Pourtant, suite à la confrontation télévisuelle entre les deux hommes, les écarts dans les sondages se resserrent, et le score est finalement beaucoup plus étriqué qu'attendu (51,6 % - 48,4%) le 6 mai. Comme quoi, il faut se méfier des commentateurs. Malgré tout, Nicolas Sarkozy perd un combat qui, depuis le départ, semblait définitivement impossible à gagner. Reste qu'au second tour, on a décompté plus de 2 millions de bulletins blancs ou nuls. Bulletins qui ont, sans doute, fait défaut au président sortant. Des exaspérés de la période bling-bling, des libéraux déçus, des désorientés de l'ouverture à gauche, et surtout des classes populaires séduites en 2007, mais que la crise et la désindustrialisation ont frappé de plein fouet. Autant de voix qui se sont perdus.

On l'a vu, c'est dans les victoires que se forgent les futurs succès, ou les échecs. Le 6 mai 2007, sans le savoir, Nicolas Sarkozy commençait déjà à creuser sa tombe. La crise qui secoua la planète fit le reste. Fort de cette expérience, le nouveau président Hollande évita donc soigneusement le restaurant des Champs Elysées pour fêter sa victoire et se contenta, dixit les journalistes, d'un pique-nique corrézien. Sauf que ce 6 mai 2012 au soir, le président "normal" rentre à Paris en jet privé, accompagné de sa batterie de conseillers et de courtisans. Il a même fallu commander un deuxième Falcon pour caser tout ce petit monde. Mais, il ne fallait pas faire attendre la Bastille. Pour la note, pas de problème, c'est le PS qui paye. Néanmoins, pour le candidat autoproclamé de l'anti bling-bling, un jet à 30 000 euros de l'heure, ça fait désordre. A côté, le Fouquet's semble une bien piètre cantine...

lundi 7 mai 2012

Moi, président... je suis dans la merde maintenant

L'information avait filtré assez tôt hier après midi sur le site de la RTBF et sur les comptes twitter. Comme l'annonçait avec insistance les sondages, c'est donc bien le candidat socialiste, François Hollande, qui l'emporte face à Nicolas Sarkozy. L'homme, à la longue tirade "Moi, président..." lors du débat télévisé accède donc aux plus hautes fonctions de l'Etat, et ce, malgré une expérience gouvernementale inexistante. Qu'importe, le pays a majoritairement souhaité tourner la page Sarkozy. Mais, après la fête, c'est un peu la gueule de bois qui se prépare. Car le plus dur commence pour Hollande.

Il y a d'abord le score de la victoire. Si les sondages annonçaient encore la semaine dernière une victoire large, voire même un raz de marée pour le candidat socialiste, celle-ci n'a pas du tout eu lieu. C'est au contraire une courte victoire, l'une des plus courte de l'histoire des présidentielles : 51,6 % contre 48,4% à son adversaire. On aura beau dire que seule la victoire compte et observer que c'est presque le score de François Mitterrand en 1981, il y a surement un peu de déception dans le camp socialiste. Car la traduction de ce score, c'est qu'il n'y a pas un vote d'adhésion pour François Hollande, et encore moins pour la gauche. Plutôt qu'un chèque en blanc au futur président socialiste, les français ont choisi, à une courte majorité, de faire payer la crise, mais aussi son comportement, au président sortant. Le premier tour avait démontré, dans les rapports de force, que la France n'était pas en majorité à gauche. Malgré le soutien de la quasi totalité des candidats du premier tour, le socialiste ne peut pas encore s'appuyer sur un soutien total pour mettre en oeuvre sa politique. Rendez-vous aux législatives pour confirmer donc.

Ensuite, après la fête, après la Bastille, après la nuit d'ivresse, les premiers déçus ne vont pas tarder à s'afficher. Car le Parti Socialiste n'a plus été au pouvoir depuis 10 ans. 10 ans, que les jeunes loups du parti rongent leurs freins, 10 ans que les vieux briscards espèrent un retour ministériel. François Hollande a su utiliser les troupes socialistes pour sa campagne électorale à l'aide d'un organigramme pléthorique, constitué de porte-paroles et conseillers en toutes choses. Mais gouverner c'est choisir, et choisir c'est renoncer. A la constitution du gouvernement, il y aura donc des déçus. D'autant plus que le candidat veut s'imposer la parité, et doit faire place nette pour ses turbulents alliés d'Europe Ecologie Les Verts et du Front de Gauche. Qui s'ajoute aux contraintes internes que s'impose le parti, à savoir les courants, les partisans de Aubry, ceux de Montebourg, et même les radicaux de gauche de Jean-Michel Baylet, l'homme au 0,62% lors des primaires socialistes...

Mais le plus difficile sera sans conteste l'orientation politique du futur gouvernement. Car François Hollande entend agir vite et gouverner par décrets dans les semaines qui viennent. En attendant une assemblée nationale qui, selon toute vraisemblance, devrait apporter une majorité à la gauche. Pour les décrets, le nouveau président de la république prévoit l'augmentation de 25% de l'allocation de rentrée scolaire, la retraite à 60 ans pour les carrières longues, ou encore le plafonnement des tarifs de l'eau et de l'électricité. De quoi rassurer les partenaires européens et les marchés financiers ? Pas vraiment non. La bourse de Paris a ouvert à la baisse ce matin, poursuivant une baisse déjà largement anticipé depuis plusieurs semaines. Les taux d'OAT à 10 ans ne sont pas encore attaqués, mais le spread avec l'Allemagne a, aujourd'hui, un peu augmenté.

Car déjà, le ciel rose de la victoire socialiste s'assombrit. Angela Merkel a, dès aujourd'hui, rappelé son opposition à la renégociation du pacte budgétaire européen, signé par 25 pays sur 27, dont la France. Elle réaffirme par ailleurs son opposition à la croissance par la relance et le déficit, et veut continuer de privilégier les réformes structurelles. Le candidat socialiste, qui s'est fait fort d'aller expliquer aux allemands la bonne marche à suivre, risque donc de se heurter très rapidement à un mur. D'autant qu'il ne pourra guère non plus compter sur le soutien de la Grande Bretagne, de l'Italie ou de l'Espagne, tous engagés dans de vigoureuses politiques d'assainissement des finances publiques. Le nouvel élan que croit voir François Hollande n’entraîne guère derrière lui que la Grèce, en plein chaos suite à ses élections législatives de dimanche. Pas de quoi bouleverser la donne. 

Dans ce contexte, le président Hollande risque dans les semaines et mois qui viennent de se retrouver isolé sur le plan européen dans sa volonté de creuser un peu plus encore le déficit pour une énième relance sans effet. Car pour Hollande, la croissance passe forcément par l'Etat et le déficit public, pas par l'activité des entreprises. C'est là, son erreur majeur, et elle risque de coûter très cher. Mais le plus probable, c'est que la France va petit à petit rentrer dans le rang et prendre à son tour de le chemin de la rigueur, scénario inévitable que connaissent tous les pays actuellement.

Et là, politiquement, le candidat de la relance de mai 2012 va se retrouver contredit par le président de la fin 2012, obligé de faire machine arrière, et d'assumer une politique contraire à celle pour laquelle il a été élu et, qui plus est, foncièrement contraire à tous les préceptes économiques de la gauche. Les soutiens du Front de Gauche et d'EELV prendront surement la poudre d'escampette, de même que l'aile gauche du PS, et nombre d'électeurs de gauche, qui risquent de se sentir floués dans cette histoire. En espérant que l'on échappera à un scénario à la grecque, avec un Papendréou subissant la défection de ces troupes face au plan de rigueur à voter. Pour les nostalgiques de 1981, on pourra leur rappeler qu'après 1981, il y a eu la rigueur de 1982. Sauf que cette fois-ci, le défaut de paiement n'est plus très loin...

Pour François Hollande, les emmerdements, c'est maintenant...

lundi 30 avril 2012

Le 7 mai 2012

La campagne électorale vit ces derniers jours. "Enfin !", aimerait-on dire. Il faut dire que le niveau, loin de s'élever, touche plutôt le fond. Les affaires refont surface. Entre les multiples coucheries de DSK et les soupçons de financement de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy, nous ne sommes pas vraiment au plus près des débats, pourtant cruciaux, qui doivent engager l'avenir de notre pays. A gauche, l'anti-sarkozysme fonctionne toujours à plein, et des points Godwin sont même atteints en accusant le président sortant de "néo-pétainisme" pour sa drague, certes lourdingue, des électeurs de premier tour de Marine Le Pen. Les courbes de sondages sont elles invariablement stables, en moyenne à 54 % - 46 %. Les jeux sont pliés, les votes se sont cristallisés depuis déjà bien longtemps, et François Hollande sera élu dimanche prochain président de la république. Le 6 mai 2012 n'a donc plus guère d'importance. Le 7 mai 2012 est en revanche beaucoup plus intéressant.

Le 7 mai 2012, et dans les jours qui suivront, nous sortirons de l'amnésie dans laquelle la campagne électorale nous avait plongée pour revenir à la dure réalité. Première conséquence, les cours de la bourse de Paris devraient plonger. La bourse avait déjà accueilli plutôt fraîchement les résultats du premier tour, perdant près de 3 %. Néanmoins, l'indice CAC 40 a déjà anticipé la victoire du candidat socialiste depuis la mi-mars avec une chute continue de plus de 300 points. 

Deuxième conséquence, le discours du Bourget de François Hollande en Janvier dernier. Dans son discours de candidature, le député de Corrèze affirmait n'avoir qu'un seul ennemi, le monde de la finance. A partir de lundi, le nouveau président élu risque de subir un sévère retour de bâton. Car ces marchés financiers, à qui il a déclaré la guerre en bon Don Quichotte, vont se rappeler à son bon souvenir et les taux d'intérêt de la France pour ses obligations à 10 ans seront très certainement attaqués. Tombés actuellement à moins de 3%, le taux risque de connaître une flambée significative dans les jours et semaines qui viennent. En cause, non pas seulement la déclaration bravache du socialiste, mais aussi, et c'est plus grave, son programme.

Le pacte budgétaire européen, adopté en fin d'année dernière par l'ensemble des pays européens (Hormis la Grande Bretagne), a fait son chemin et ses recettes commencent à s'appliquer un peu partout en Europe. En Italie, le président du conseil Mario Monti a axé son action réformatrice vers une plus grande rigueur budgétaire, avec notamment des hausses de TVA pour volet recette, et une reforme des retraites avec un allongement de cotisations pour réduire les dépenses. Pour relancer la croissance, Monti mise sur la libéralisation de secteurs protégés, en mettant en oeuvre les recommandations de la commission Attali dont il faisait parti à l'époque. Ironie du sort, l'Italie met donc en place, dans la douleur, les mesures les plus controversées de cette commission française, dont Nicolas Sarkozy n'a lui-même pas repris toutes les préconisations. L'Espagne souffre terriblement. Elle pointe à 8% de déficit en ce début d'année et rentre en récession. Le gouvernement de Mariano Rajoy a donc décidé de larges coupes dans les dépenses, et les puissants gouvernements régionaux sont invités à faire de même. Les fonctionnaires partant à la retraite ne sont pas remplacés dans la plupart des secteurs et les salaires de ceux qui restent sont gelés. La fameuse règle d'or a été adoptée. Côté recette, tout le monde met la main à la poche, avec une hausse des impôts sur le revenu et des impôts fonciers. En Grande Bretagne, le gouvernement de David Cameron a mis en place, depuis son arrivé, des coupes drastiques dans son budget, pour tenter d'enrayer un déficit vertigineux. L'Angleterre de la puissante finance souffre et s'est donc lancée donc dans une cure d'austérité particulièrement sévère : baisse des frais de fonctionnement de l'administration, gel des recrutements dans la fonction publique. Et pour le volet recette, des hausses des impôts ont été décidées, ainsi qu'une hausse de la TVA. C'est le triomphe de la rigueur partout en Europe, et du chantre de celle-ci, l'économiste David Ricardo. 

Certains économistes et politiques critiquent évidemment ces politiques d'austérité mis en place en Europe. Car l'austérité, on le sait depuis la crise des années 30, tue la croissance. D'ailleurs, la meilleure preuve de l'inefficacité de ces politiques n'est-elle pas que l'Espagne et La Grande Bretagne viennent d'entrer en récession ? Certes, mais la mise en place de reformes structurelles met du temps à porter ses fruits. A titre exemple, les politiques de rigueur initiées par Gehrard Schroeder aux débuts des années 2000 en Allemagne ont mis plus de 5 ans avant de commencer à porter ses fruits. Si la rigueur peut tuer la croissance à court terme, la dette tue la croissance tout court. Avons nous déjà oublié la Grèce ? Préférons nous aujourd'hui être l'Allemagne ou la Grèce ?

Hausse des impôt sur le revenu, hausse de la TVA, gel du remplacement des fonctionnaires, réformes des retraites, règle d'or budgétaire, coupes dans les budgets de fonctionnement, libéralisation de certains secteurs protégés... Ce sont les mesures mis en place partout en Europe par les nouveaux gouvernements en place. Et, quand on regarde le programme de François Hollande, rien de tout cela : Hausse d'impôt uniquement pour les plus fortunés, pas de hausse de la TVA, création de nouveaux postes dans la fonction publique, remise en cause de la reforme des retraites, refus de règle d'or, pas de coupes claires dans les budgets de l'Etat, pas de libéralisation... La France se prépare donc à aller à rebours de tous ces partenaires européens. Pas étonnant donc que tous les acteurs financiers s'y préparent eux aussi et nous le fassent payer cher à partir de la semaine prochaine.

Le candidat socialiste, lui, a préféré privilégier dans son programme le problème de la croissance plutôt que celui de la rigueur budgétaire. La croissance en Europe est clairement en panne. La question est donc plus que légitime, elle est cruciale. Le programme de François Hollande prévoit donc des soutiens à la consommation (embauche dans la fonction publique, subventions...) dont on se demande comment il pourra sérieusement les financer. On ressuscite faussement Keynes en lui faisant porter le chapeau d'un soutien de la demande par la consommation, alors que lui même prônait l'investissement et les grands travaux. Le candidat socialiste se croit pourtant soutenu lorsque le président de la BCE (Banque Centrale Européenne), Mario Draghi a prononcé le mot "croissance", et par la rumeur du lancement par la BCE et de la BEI (Banque Européenne d'Investissement) d'un plan Marshall pour la croissance. Il a tort. La BCE ne dévaluera pas, les Etats Européens ne reviendront pas sur le pacte budgétaire européen, et la BEI ne prêtera pas pour finir les fins de mois d'un Etat français qui ne se restructure pas.

L'initiative conjointe de la BCE et de la BEI, si elle devait se confirmer, pour un plan Marshall de 200 milliards de financement de grands travaux et d'investissements d'avenir (Energies renouvelables, Haute Technologie, Infrastructures...) s'inscrit largement dans une initiative de relance Keynésienne. Mais réelle celle-là, par les investissements et non par la consommation à la François Hollande. On peut néanmoins être très mesuré par le lancement de cette mesure. C'était d'ailleurs la réaction des bourses Européennes après l'annonce. Aucune euphorie. Car le financement reste encore à définir dans une zone euro rongée par la dette. Et le risque est fort de financer  en pure perte de grands consortiums bureaucratiques de recherches et ou de grosses entreprises déjà puissantes, plutôt que des petites PME innovantes. Comme souvent, les institutions pensent avoir l'initiative de définir ce que sera l'économie de demain, et néglige Schumpeter et son petit entrepreneur qui sont pourtant en train de sortir les Etats Unis du marasme économique. 

Dernier risque pour toute la zone euro dans les semaines et mois qui viennent : un défaut. Oui, un défaut global de toute la zone euro, voir même de certains pays européen hors zone euro. Ce serait un séisme pour l'économie mondiale, mais c'est un scénario que les observateurs n'excluent plus du tout. l'Espagne, l'Italie, le Portugal, La France et demain peut être les Pays Bas, l'Autriche... L'endettement atteint des niveaux de plus en plus vertigineux partout en Europe, et les bons élèves se font rares (Qui a part l'Allemagne ?). Dès lors, il n'est pas impossible que ces Etats fassent un défaut partiel sur leurs créances de l'ordre de 25 % à 30 % de leurs dettes. Prenons le cas de la France. Sa dette est détenue pour 1/3 par les ménages et établissements bancaires français et 2/3 par des fonds d'investissement étrangers (Asiatiques, Moyen Orientaux...). Cela signifie que ces ménages et fonds d'investissement vont devoir s'asseoir sur une partie de l'épargne qu'ils avaient investi pour leurs retraites ou futurs achats immobiliers. Des conséquences que l'on à peine à imaginer, mais basées sur des scénarios de plus en plus probables. 

Il va s'en passer des choses à partir du 7 mai 2012...

jeudi 26 avril 2012

Keynes, Ricardo, Schumpeter... face à la crise

Faut-il mieux réglementer les marchés financiers ? Et pourquoi pas les taxer ? Doit-on séparer les activités bancaires entre des banques de dépôts et des banques d'affaires ? Quel rôle doit jouer la banque centrale ? Son rôle doit-il devenir celui de prêteur de dernier ressort ? Et celle-ci doit elle être indépendante ? Doit elle émettre une monnaie forte ou faible ? Pourquoi les défaillances de la zone euro ? Faut-il sortir de cette zone monétaire ? Ou aller vers davantage de fédéralisme par une convergence budgétaire, sociale et fiscale ? Quels plans de relance pour quelle efficacité ?  Et quid des plans de rigueur et de leur pertinence en temps de crise ? Va-t-on irrémédiablement vers une augmentation des impôts ? ...

Depuis maintenant plus de 4 ans et le début de la crise, se posent d'innombrables questions sur les politiques économiques à mener pour en sortir. Loin d'avoir trancher tous ces débats, les gouvernements et institutions internationales ont néanmoins pris certaines décisions, en fonction d'analyses macroéconomiques, mais aussi souvent en fonction de considérations politiques, électoralistes et donc court-termiste. Ce qui a parfois conduit dans l'impasse. Pourtant, la théorie économique, bien que riche en controverses, nous apporte des réponses. Examinons donc ces questions en s'appuyant sur la pensée de quelques uns des grands penseurs de l"économie.

Retour à l'été 2007. Crise des subprimes, ces crédits hypothécaires américains sur les achats immobiliers, accordés avec trop de largesse par les banques à des ménages peu solvables, mais cautionnés par les institutions publiques de refinancement Fannie Mae et Freddie Mac. Par le mécanisme de "titrisation", ces crédits pourris se sont répandus dans la sphère financière mondiale. Une hausse maladroite des taux américains, suivi de la faillite de la banque Lehman Brothers en 2008, et c'est la catastrophe. A tort et à raison, les coupables sont trouvés : les banques irresponsables et les marchés financiers devenus fous. Dans ce contexte, ces institutions doivent être mises au pas. Pour cela, on fait appel à Keynes bien évidemment. Économiste le plus connu du XX ème siècle, l'anglais John Maynard Keynes s'est fait connaître par sa Théorie générale de la monnaie et les plans de relance qui portent son nom. Sur les marchés financiers, l'économiste de Cambridge avait émis un certain nombre de recommandations. Réglementation des marchés bien évidemment, mais aussi séparation stricte, au niveau des banques, entre les activités de détail et celles de marchés.

Un autre économiste, tombé aux oubliettes, fait également un retour remarqué dans les discours et les analyses : Marx. Le théoricien du communisme avait en effet prédit l'effondrement du capitalisme dans son oeuvre majeure Le Capital. Karl Marx y avait ainsi décrit le mécanisme de baisse tendancielle des profits. A l'origine, il aurait eu une sur-accumulation de capital, par euphorie et mimétisme des investisseurs. D'où une baisse tendancielle du fameux taux de profit. Pour maintenir leurs marges, les capitalistes vont agir en compressant les salaires. Ce qui engendre une sous-consommation, et donc la crise. Sauf que l'explication ne tient pas vraiment. Le choc de 2008 ne vient pas d'une sous consommation des ménages, mais clairement de produits financiers toxiques, basés plus ou moins sciemment sur des créances non solvables.

La crise des milieux financiers américains s'internationalise rapidement, et se répand comme une tâche d'huile dans l'économie dite "réelle" à partir de fin 2008. Le crédit se fait plus difficile pour les entreprises et les ménages. Les faillites d'entreprises augmentent, de même que le chômage. Comment faire pour éteindre l'incendie ? En appelant là encore Keynes à la rescousse. La relance keynésienne se base principalement sur une variable : le taux d’intérêt. Keynes l'a démontré, une hausse des taux d'intérêt rend l'argent plus cher à emprunter sur les marchés monétaires, alors qu'une baisse diminue le coût de l'argent auprès des institutions émettrices de monnaie. C'est le premier volet de la relance Keynésienne : la relance monétaire. Le deuxième volet consiste à accroître les dépenses publiques des États, de façon à stimuler les investissements et financer des grands travaux. A court terme, le déficit budgétaire se creuse, mais à long terme, l'économie est censé tirer bénéfice de ces investissements : c'est la relance budgétaire.

Début 2009, Barack Obama a ainsi largement recours aux recettes de l'ancien maître de Cambridge. Relance budgétaire d'abord, avec un plan de plusieurs centaines de milliards de dollars, creusant considérablement le déficit, déjà colossal, des États Unis. Relance monétaire ensuite, par le biais de la FED, la banque centrale américaine, qui fait marcher à plein régime la planche à billets avec la baisse des taux d'intérêts, alors proches de zéro. En Europe, les plans de relance Keynésien se multiplient dans tous les pays, creusant là encore sensiblement les niveaux d'endettement des États, bien au delà des limites autorisées par les critères de Maastricht. Incontestablement, l'année 2009 est celle de Keynes, célébré et encensé par les commentateurs politiques et économiques.

Pourtant, un bastion fait de la résistance : la BCE, Banque Centrale Européenne. Dirigée alors par Jean-Claude Trichet, elle rechigne à émettre massivement des euros en faisant baisser ces taux d'intérêts directeurs (les taux auxquels se refinancement les banques). Car la BCE, de part ses prérogatives, se doit avant tout de lutter contre l'inflation, et de maintenir une monnaie forte, chère aux allemands. Du point de vue de la théorie économique, on se trouve clairement dans un bastion "Monétariste", du nom de la doctrine de l'Ecole de Chicago, et de son chef de file, le libéral Milton Friedman. Celui-ci démontra en effet que l'origine de l'inflation est purement monétaire, et que seule une banque centrale et indépendante pouvait lutter contre ce phénomène en maîtrisant ses taux d'intérêt. C'est donc paradoxalement la Banque Centrale Européenne qui est la  bonne élève de l'économiste américain, pendant que la FED viole allègrement les fondements de la doctrine monétariste, pourtant en vigueur depuis les années 1980.

Cependant, si Keynes triomphe, c'est un peu malgré lui. Keynes était partisan de l’interventionnisme de l'Etat, notamment pour stimuler l'investissement et corriger les inégalités. Mais Keynes restait avant tout un libéral, faisant confiance au marché. Or certains gouvernement ont cru avoir le feu vert de l'économiste anglais pour faire marcher à fond la machine administrative et stimuler la consommation des ménages. La mise en oeuvre de ces plans s'est en réalité révélée coûteuse, et surtout peu efficace. D'un côté ou de l'autre de l'atlantique, les indicateurs (croissance, chômage...) sont toujours à la peine.

Mais au delà des manoeuvres étatiques, il existe en économie un personnage central, largement ignoré en ce début de crise : l'entrepreneur. C'est l'économiste classique français du XIX ème Jean Baptiste Say qui, le premier met en lumière son rôle moteur dans l'économie capitaliste. Mais c'est un économiste de l'école autrichienne du début du XIX ème siècle qui en sera le plus fervent avocat : Joseph Schumpeter. Celui-ci a une vision ouvertement libérale de l'économie. Celle-ci réagit, selon lui, par cycle, avec comme moteur l'innovation, et comme héros à la manœuvre, l'entrepreneur. Concernant le mythe du progrès destructeur d'emploi et engendrant des crises, Schumpeter répond par le concept de "destruction créatrice". La crise fait un tri dans les industries et les idées : certaines sont condamnées à disparaître, quand d'autres émergent. Des emplois sont détruits et d'autres sont créés, à plus forte valeur ajoutée. L'économiste autrichien ressuscite au passage les travaux de l'économiste russe Kondratiev, qui mettait en évidence l'existence de cycles successifs longs (environ 30 ans) dans le capitalisme. Le russe sera fusillé par Staline pour avoir émis l'idée très peu marxiste d'un capitalisme capable de se renouveler sans cesse. Mais Schumpeter mettra cette idée au coeur de sa réflexion. Inutile de dire que l'économiste autrichien a connu un engouement certain ces dernières années, notamment dans la Sillicon Valley américaine, où les géants Apple et Google répondent à la crise par une soif d'innovation, et la naissance de l'économie numérique.

Mais l'innovation repose sur des cycles longs, et les effets sur la reprise économique ne sont pas encore très visibles. En 2011, la croissance européenne et américaine est toujours proche de zéro, et les effets de la crise sont particulièrement violents sur le chômage. Ce qui met également en lumière l'échec des faux plans Keynésien mis en oeuvre en 2008-2009. Sauf que cette relance a laissé une dette colossale. Panne de croissance, endettement vertigineux, c'est la crise des dettes souveraines qui prend le relais. Les taux grimpent de façon inconsidérée, et c'est toute l’Europe du sud qui est dans le rouge, la Grèce en tête. C'est alors que le discours politique commence à changer. David Cameron est élu en Angleterre sur un programme de rigueur particulièrement sévère. Les gouvernements italiens et espagnoles changent, pour mettre en place, là encore, des politiques de baisse des dépenses publiques, hausse des impôts et objectif de retour à l'équilibre. En France aussi le ton change, même si c'est surtout dans le discours, notamment celui de François Fillon, le premier ministre. Ce revirement donne raison à la chancelière allemande, Angela Merkel, à la tête d'un pays en cure d'austérité depuis bientôt 10 ans. Et côté théorie économique, un économiste anglais est, là encore, appelé à la rescousse : David Ricardo. Économiste de l'école classique du début XIX ème, cet ancien agent de change se fera connaître pour ces théories sur les avantages comparatifs et la nécessité de promouvoir le libre échange pour une efficacité optimale de l'économie. Il met aussi en garde contre les politiques économiques basées sur le recours excessif à l'emprunt et à l'impôt. En effet, l'économiste met en évidence le risque d'une accumulation sans fin de la dette publique jusqu'à la faillite de l'état. Au coeur de sa démonstration, le principe des "équivalences ricardienne" : L'impôt et l'endettement sont un prélèvement sur les revenus privés et donc la demande privée. Mais bien souvent, la dépense publique qui s'y substitue est moins efficace. Dès lors, les ménages anticipent les inéluctables hausses d'impôts à venir pour rembourser les emprunts, et épargnent donc davantage, faisant encore baisser la demande privée.

La crise de la dette souveraine de 2011-2012, nous l'avons vu, c'est aussi une crise plus générale de la construction européenne, et notamment de la monnaie unique : l'euro. Se pose l'interrogation du rôle de la Banque Centrale Européenne (BCE), et de son rôle éventuel de prêteur de dernier ressort. Mais l'interrogation principale sur l'euro revient à s'interroger sur la définition de ce qu'est une zone monétaire optimale. C'est tout le sens des travaux récents de l'économiste canadien Robert Mundell. Celui-ci définit quatre critères : mobilité des travailleurs pour chercher du travail, liberté de mouvement du capital, économie diversifiée, système fiscal capable de transférer de l'argent. Au regard de ces critères, il parait évident que la plupart d'entre eux ne sont pas remplis, du moins pas complètement. L'euro s'est fait sans chercher une homogénéité de l'économie européenne. Dès lors, une des planches de salut si on veut sauver l'euro sera la convergence européenne en allant vers plus de fédéralisme. Difficile à mettre en oeuvre...

jeudi 5 avril 2012

Une campagne n'importe quoi !

Avec le franc parler qu'on lui connait, le député européen EELV Daniel Cohn Bendit a lâché le sentiment de beaucoup à l'égard de la campagne présidentielle en cours : "On s'emmerde" et "Cette campagne, c'est n'importe quoi". C'est dit ! Qu'on "s'emmerde" passe encore. Après tout, si les débats étaient d'un haut niveau, et peu accessibles, il peut au final en ressortir de bonnes choses. Mais ce n'est pas le cas. Car cette campagne, c'est effectivement "n'importe quoi".

Et ce ne sont pas les sujets qui manquent. Commençons par le favori des sondages, François Hollande. Parti très tôt en campagne, avec un programme de 60 propositions, le candidat socialiste laisse dubitatif. Il reste empêtré dans un accord avec EELV sur la fermeture des centrales nucléaires. L'accord prévoit la fermeture de 24 centrales. Le candidat affirme qu'une seule sera fermée, Fessenheim. Quid des 23 autres ? Des travaux d'abord puis un démantèlement progressif. Quand alors ? Lors d'un second mandat ? Mystère. Et pourquoi Fessenheim ? Parce qu'elle est en zone sismique. Pourtant, on ne peut pas dire que ceci est posé problème jusqu'à présent. L'Alsace n'est pas non plus la zone sismique la plus à risque du monde. Concernant son programme économique, on ne peut que s'étonner de sa légèreté. Sur le rétablissement des comptes publiques, presque aucune économie de fonctionnement de l'Etat, et même des dépenses supplémentaires. Et pour les recettes alors ? Il fera payer les riches et les grosses entreprises. Pas les classes moyennes ? Non promis juré. Qui peut croire de telles mensonges ? Le compte n'y est pas monsieur Hollande, et vous le savez très bien.

Son principal challenger, Nicolas Sarkozy ne fait pas forcément mieux. Sa grande trouvaille de la campagne, ce sont les référendums. On va en faire pour tout. Pour les droits des chômeurs, pour l'immigration et que sais je encore... Comme si les français avaient déjà répondu à la question réellement posée lors des précédents référendums. Et comme si les sujets du chômage et de l'immigration étaient de nature à être traités par référendum. Et surtout, comme si Nicolas Sarkozy allait réellement mettre en oeuvre ces référendums. Côté programme, contrairement à François Hollande qui a mis toutes les propositions sur la table dès le départ, le président sortant le fait au compte goutte. Soit pourquoi pas. Mais là où le candidat socialiste a (mal) chiffré son projet, le candidat de droite s'en est affranchi. Il semble vouloir se rattraper aujourd'hui lors de la grande présentation de son programme. Soit, mais à deux semaines du premier tour, ça fait vraiment léger.

Et puis il y a le candidat qui monte, Jean-Luc Mélenchon. Le leader du Front de Gauche est porté par une dynamique certaine. Son talent de tribun fait effet et les meetings sont pleins. Mais pour faire quoi ? Pour entendre quoi ? Pour jouer un dimanche de mars un piètre remake de la prise de la Bastille? Deux siècles après sa démolition. Quelle est la prochaine étape pour ce nouveau Saint Just ? Couper la tête d'un roi ? Car économiquement, il y a peu à commenter, si ce n'est la création de 14 tranches pour l'impôt sur le revenu, pour être certain de bien tout prendre jusqu'au dernier centime. Quant à la crise de la dette, c'est la faute des méchants banquiers et des méchants riches. Conséquence, au-dessus de 360 000 euros de revenus par an, on prend tout. Punition. Qui peut croire que si cette mesure était adoptée elle réglerait le problème ? En attendant on promet des lendemains qui chantent, des SMIC à 1700 euros et compagnie...

Autres candidats plutôt bien placés, Marine Le Pen et François Bayrou. Le candidat du Modem semble tenir un discours raisonnable et mesuré sur les grands enjeux du pays, à savoir notamment sur la situation de la dette et de l'emploi. Cependant, au delà du discours, on se rend compte très vite qu'il n'y a pas de stratégie économique ni de propositions concrètes pour rééquilibrer les comptes du pays. Et lors d'une interview télévisée récente, il a contesté défendre une mesure sur l'extension d'attribution des bourses d'étude. Mesure qui figurait pourtant noir sur blanc dans son programme sur son site web. Quand les candidats ne connaissent même pas leur programme...

Pour la candidate du Front National, le problème est un peu différent. Elle connait son programme, mais semble avoir ignorée les rouages basiques de l'économie pour le construire. Lors de l'émission Des paroles et des actes, le journaliste économique François Lenglet l'interroge sur la sortie de l'euro, mesure phare de son programme. Celle-ci se lance alors dans une fumeuse démonstration sur les gains, en terme de compétitivité, d'un retour au franc. Mais quand le journaliste l'interroge sur le risque d'une dévaluation pour l'épargne des ménages, elle rassure : un franc = un euro. Sauf que dans ces cas là, il n'y a plus de dévaluation donc aucun gain de compétitivité. Et la candidate Front National semble, au passage, s'affranchir du régime flottant des monnaies. Un franc = un euro, ça ne durerait pas bien longtemps. Embourbée, Marine Le Pen préfère s'en prendre à Lenglet, forcément un europhile et libéral du système. Tellement facile quand on ne comprend rien à son propre programme.

Mais les "petits" candidats ne sont pas en reste. Au premier rang d'entre eux, tout le monde pense évidemment à Eva Joly, l'ancienne juge d'instruction, et candidate d'Europe Ecologie Les Verts. On ne pourra pas passer à côté de sa chute, à la sortie d'un cinéma, dimanche dernier. On lui souhaite évidemment bon rétablissement, mais on se dit quand même que pareille mésaventure ne pouvait arriver qu'à elle. A l'image de sa campagne. Cela vient couronner une succession de bourdes sans fin, dont l'avant dernière était sa confession publique, en plein meeting, de faire une mauvaise campagne ! Tout le monde le sait, mais elle aurait pu attendre quelques semaines quand même. Et cela s'ajoute à une succession quasi ininterrompue de bévues depuis sa nomination : Suppression du 14 juillet, "Je ne crois plus que je puisse devenir présidente", "On va me donner le ministère des sports", "Corinne Lepage, je l'emmerde"... Nadine Morano aurait-elle trouvé son maître ?

Les deux candidats trotskistes (pourquoi en faut-il deux d'ailleurs ?) sont également bien placés pour obtenir la palme. Honneur au femme, parlons d'abord de Nathalie Arthaud. Elle a la lourde tâche de succéder à Arlette Laguiller, 5 fois candidate à l'élection présidentielle, pour représenter Lutte Ouvrière. Du classique dans son programme : interdiction des licenciements et compagnie. Sauf que de son état civil, la candidate LO est professeur d'économie et de gestion. Ça laisse songeur de voir celle-ci formuler pareilles mesures, qu'on ne trouve évidemment dans aucun livre d'économie. L'autre candidat trotskiste, c'est Philippe Poutou, du NPA, le Nouveau Parti Anticapitaliste. Comme il peine à se faire connaitre, une fois sur deux, c'est Olivier Besancenot qu'on envoie dans les médias. On se demande lequel des deux est candidat. Mais quand Poutou vient en personne dans les studios de RTL la semaine dernière, on reste sans voix. Jean-Michel Apathie lui même semblait tomber des nues. Sur la question de la dette, le candidat NPA a la solution :  "On ne rembourse pas". Apathie relance : "Vous voulez dire qu'on ne rembourse pas les intérêts des emprunts". Poutou répond : "Oui...et le reste non plus". Le journaliste tombe par terre : "On ne rembourse rien !?". Poutou : "Non, rien. On fait comme les grecs". Tout est dit.

Enfin, un candidat est venu d'une autre planète : Jacques Cheminade. Après une première candidature en 1995, le voici donc de retour pour une nouvelle tournée. Et dans son programme, figure très officiellement le projet de coloniser Mars. Sauf qu'aux dernières nouvelles, sur cette planète, il n'y a pas d'air. Lui n'en manque pas en tout cas.

La semaine dernière un journal britannique tout ce qu'il y a de plus sérieux dénonçait le niveau pitoyable de la campagne électorale. The Economist titrait en effet à propos de la présidentielle française : France in denial. Avec en image de fond Hollande et Sarkozy en personnage du tableau d'Edouard Manet, Le déjeuner sur l'herbe. Oui, la France est dans le dénie. Mais corrigerons. Les français ne le sont pas, pour beaucoup. Et dans leur fort intérieur, les principaux candidats ne le sont pas non plus. Mais visiblement, il n'est pas possible de faire une campagne sérieuse et de vérité. Chaque candidat se regarde donc, attendant que l'autre fasse la faute, et parle le langage de vérité, ce qui signerait son arrêt de mort électoral. Résultat, la campagne est dans l'impasse, puisque les vrais enjeux et controverses de campagnes sont délibérément cachés aux électeurs. On est dans une situation assez surréaliste où la France, dans l'oeil du cyclone pendant des mois sur le problème de la dette et du AAA, "trésor national", parle maintenant de tout dans cette campagne, sauf de cela. Comme si cette élection était une courte période d'accalmie et de rêverie au milieu d'une tempête bien réelle. On escamote ainsi le seul sujet qui sera sur la table au lendemain de l'élection : la crise de la dette et l'inévitable plan de rigueur qui sera mis en place, quelque soit le vainqueur.

Une campagne n'importe quoi !

lundi 16 janvier 2012

Après la perte du triple A

Cela devenait le feuilleton, un peu lassant, de ces derniers mois : la France va t-elle perdre son triple A ?

Cette fois ça y est, c'est officiel, la France a été dégradée d'un cran, avec perspective négative dans les 6 mois, par l'agence américaine de notation Standards & Poors. Elle ne pointera donc plus qu'avec le rating de AA+, c'est à dire finalement comme les Etats Unis (on ne sait trop dire si c'est bon signe d'être comparé à la première puissance mondiale, mais aussi une des plus endettées et en proie au doute...).

On pourrait longuement disserter sur ces agences de notations, si décriées depuis des mois et jugées coupables de tout ou presque. D'abord, elles feraient des erreurs et avaient noté AAA les produits toxiques subprimes. Oui, c'est vrai, mais elles ne les avaient tout de même pas inventées ces mauvais produits. Il y a plus coupable qu'elles dans cette histoire. Ensuite, leurs jugements seraient victimes d'un phénomène auto-réalisateur : les catastrophes ont lieu parce qu'elles l'ont publiquement diagnostiquées. Nous pouvons observer que c'est largement faux. L'Italie et l'Espagne ont dévissé sur leur spread bien avant que les agences ne donnent leurs sentencieux verdicts. Elles seraient aussi en décalage avec la réalité des marchés et des décisions politiques. C'est vrai et faux. Vrai parce que la dégradation de la France, de l'Espagne et de l'Italie vendredi dernier correspondait précisément à une période de détente sur les taux souverains. Et faux parce que l'annonce de plans d'austérités pour rassurer les marchés ne certifie pas pour autant une bonne appréciation. Le gouvernement doit aussi donner des gages que le plan sera effectivement mis en oeuvre. Et accessoirement il convient de vérifier que celui va dans la bonne direction. Mais finalement, elles sont aussi et surtout les boucs émissaires faciles de sociétés occidentales intoxiquées à l'endettement facile et colossale. Incapable de sortir de cette spirale infernale, elles se sont mis à la merci des marchés, oui c'est vrai, mais précisément parce qu'elles l'ont sollicité. A la vérité, les agences ne sont guère que des analystes parmi d'autres (cabinets spécialisés, journalistes financiers...), et leur verdict est un jugement, parmi d'autres, qui est pris en compte par le marché, pas forcément suivit.

A la vérité, les écarts de spread, depuis plusieurs mois déjà, de la France par rapport à l'Allemagne indiquait que la France n'empruntait déjà plus comme un pays AAA. Il ne faut pas inverser l'ordre des choses. On est noté AAA pour emprunter à moindre coût. Si ce n'est pas le cas, c'est que la note n'a aucune signification. Ce qui était le cas pour la France. Nous assistons juste à un tardif réajustement. Qui pourrait également être confirmé par les deux autres grandes agences (Fitch Ratings et Moody's). Mais comme je le signalais dans un précédent post, Dagung (une agence chinoise) a réajusté la note française il y a déjà plusieurs mois de cela. Il est donc à souhaiter que cette "officialisation" de la mauvaise nouvelle que tout le monde savait déjà soit un électrochoc dans les décisions politiques des prochains mois, à commencer par les programmes des candidats à l'élection présidentielle. 

En fait, deux questions se posent maintenant. Pourquoi cette dégradation ? Et comment récupérer cette précieuse  et symbolique note ?

Standards & Poors s'est expliqué sur les motifs de cette dégradation. 9 pays de la zone euro ont vendredi été dégradés, certains d'un cran (France, Autriche), d'autres de deux (Italie, Espagne, Portugal). Il y a donc un phénomène général qui touche une zone euro malade. L'agence indique que, selon elle, les mesures décidées au sommet européen du 9 décembre sont insuffisantes. L'accent avait été alors mis sur la réduction des déficits budgétaires, ce qui est nécessaire, mais pas insuffisant. L'austérité n'est pas le seul levier d'action pour rétablir les comptes. L'agence pointe en effet un déficit de compétitivité au sein même de la zone euro, principalement des pays du sud, mais aussi de la France, vis à vis des pays du nord, notamment de l'Allemagne. C'est sur ce volet de la compétitivité qu'il convient également d'agir. La clé est donc une cure d'austérité, complétée impérativement d'une amélioration de la compétitivité, sous peine de rester dans des croissances faibles ou nulles. Autre raison également évoquée par Standards & Poors : le rôle de la BCE (Banque Centrale Européenne) et du FESF (Fonds Européen de Stabilité Financière) est pour l'instant jugé illisible. C'est pas faux. 

Maintenant, pourquoi l'Allemagne, les Pays Bas ou la Finlande ont gardé leur précieuse note et pas la France ? La réponse semble être double. D'une part la France semble souffrir une politique économique relativement peu lisible, d'où un léger repli dans le volet de la note consacré à la confiance envers les institutions. En effet, comme je le signalais dans un précédent post, le plan de rigueur de novembre dernier était majoritairement basé sur un matraquage fiscal supplémentaire (Impôt sur le revenu, TVA...) et assez peu sur une baisse des dépenses publiques. L'austérité sans baisse des dépenses de l'Etat, voilà ce que S&P n'apprécie pas. D'autre part, l'agence note aussi notre balance des paiements, qui comprend la rentrée d'investissements venus de l'étranger. A l'équilibre, il y a encore quelques années, elle compensait le déficit commercial. Ce n'est désormais plus le cas. La balance des paiements elle aussi se creuse, marquant, là encore, la faiblesse de l'économie française.

Dans les années 1980-1990, des pays européens comme le Danemark, la Suède ou la Finlande avait perdu leur triple A. Et l'ont depuis récupéré. Au point d'être maintenant parmi les pays les plus solides de l'union européenne, voire de l'euro (Finlande). Pourtant, le tableau de ces pays était à l'époque peu reluisant : déficit budgétaire important, dépenses et dettes publiques trop élevées, croissance quasi nulle. Comment ces pays scandinaves, modèles de la social-démocratie ont-ils remonté la pente ? Réponse : par des mesures drastiques et pas forcément social-démocrate. Ils ont d'abord diminué leurs dépenses publiques, en réduisant leurs nombres de fonctionnaires, et en menant des politiques de privatisations. Ils ont donc pratiqué l'austérité budgétaire pour rétablir les comptes. C'est là premier volet de la solution. Ils ont, en parallèle, mené des reformes structurelles, notamment de flexi-sécurité, pour dynamiser leur marché du travail et améliorer la compétitivité. Le chômage a ainsi baissé et les exportations repris. La balance commerciale est alors redevenue excédentaire.  C'est le deuxième volet de la solution. En une dizaine d'année, la situation économique s'est renversée et ses pays ont récupéré leur AAA et surtout leur dynamisme économique, parvenant à maintenir le chômage à un faible niveau.

Une politique de relative austérité budgétaire, couplée d'une amélioration de la compétitivité semblent être la voie à suivre pour sortir de cette piteuse situation. C'est celle que suit l'Allemagne depuis quelques années déjà. Elle s'en porte plutôt mieux qu'une France qui s'interroge encore...