La campagne électorale vit ces derniers jours. "Enfin !", aimerait-on dire. Il faut dire que le niveau, loin de s'élever, touche plutôt le fond. Les affaires refont surface. Entre les multiples coucheries de DSK et les soupçons de financement de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy, nous ne sommes pas vraiment au plus près des débats, pourtant cruciaux, qui doivent engager l'avenir de notre pays. A gauche, l'anti-sarkozysme fonctionne toujours à plein, et des points Godwin sont même atteints en accusant le président sortant de "néo-pétainisme" pour sa drague, certes lourdingue, des électeurs de premier tour de Marine Le Pen. Les courbes de sondages sont elles invariablement stables, en moyenne à 54 % - 46 %. Les jeux sont pliés, les votes se sont cristallisés depuis déjà bien longtemps, et François Hollande sera élu dimanche prochain président de la république. Le 6 mai 2012 n'a donc plus guère d'importance. Le 7 mai 2012 est en revanche beaucoup plus intéressant.
Le 7 mai 2012, et dans les jours qui suivront, nous sortirons de l'amnésie dans laquelle la campagne électorale nous avait plongée pour revenir à la dure réalité. Première conséquence, les cours de la bourse de Paris devraient plonger. La bourse avait déjà accueilli plutôt fraîchement les résultats du premier tour, perdant près de 3 %. Néanmoins, l'indice CAC 40 a déjà anticipé la victoire du candidat socialiste depuis la mi-mars avec une chute continue de plus de 300 points.
Deuxième conséquence, le discours du Bourget de François Hollande en Janvier dernier. Dans son discours de candidature, le député de Corrèze affirmait n'avoir qu'un seul ennemi, le monde de la finance. A partir de lundi, le nouveau président élu risque de subir un sévère retour de bâton. Car ces marchés financiers, à qui il a déclaré la guerre en bon Don Quichotte, vont se rappeler à son bon souvenir et les taux d'intérêt de la France pour ses obligations à 10 ans seront très certainement attaqués. Tombés actuellement à moins de 3%, le taux risque de connaître une flambée significative dans les jours et semaines qui viennent. En cause, non pas seulement la déclaration bravache du socialiste, mais aussi, et c'est plus grave, son programme.
Le pacte budgétaire européen, adopté en fin d'année dernière par l'ensemble des pays européens (Hormis la Grande Bretagne), a fait son chemin et ses recettes commencent à s'appliquer un peu partout en Europe. En Italie, le président du conseil Mario Monti a axé son action réformatrice vers une plus grande rigueur budgétaire, avec notamment des hausses de TVA pour volet recette, et une reforme des retraites avec un allongement de cotisations pour réduire les dépenses. Pour relancer la croissance, Monti mise sur la libéralisation de secteurs protégés, en mettant en oeuvre les recommandations de la commission Attali dont il faisait parti à l'époque. Ironie du sort, l'Italie met donc en place, dans la douleur, les mesures les plus controversées de cette commission française, dont Nicolas Sarkozy n'a lui-même pas repris toutes les préconisations. L'Espagne souffre terriblement. Elle pointe à 8% de déficit en ce début d'année et rentre en récession. Le gouvernement de Mariano Rajoy a donc décidé de larges coupes dans les dépenses, et les puissants gouvernements régionaux sont invités à faire de même. Les fonctionnaires partant à la retraite ne sont pas remplacés dans la plupart des secteurs et les salaires de ceux qui restent sont gelés. La fameuse règle d'or a été adoptée. Côté recette, tout le monde met la main à la poche, avec une hausse des impôts sur le revenu et des impôts fonciers. En Grande Bretagne, le gouvernement de David Cameron a mis en place, depuis son arrivé, des coupes drastiques dans son budget, pour tenter d'enrayer un déficit vertigineux. L'Angleterre de la puissante finance souffre et s'est donc lancée donc dans une cure d'austérité particulièrement sévère : baisse des frais de fonctionnement de l'administration, gel des recrutements dans la fonction publique. Et pour le volet recette, des hausses des impôts ont été décidées, ainsi qu'une hausse de la TVA. C'est le triomphe de la rigueur partout en Europe, et du chantre de celle-ci, l'économiste David Ricardo.
Certains économistes et politiques critiquent évidemment ces politiques d'austérité mis en place en Europe. Car l'austérité, on le sait depuis la crise des années 30, tue la croissance. D'ailleurs, la meilleure preuve de l'inefficacité de ces politiques n'est-elle pas que l'Espagne et La Grande Bretagne viennent d'entrer en récession ? Certes, mais la mise en place de reformes structurelles met du temps à porter ses fruits. A titre exemple, les politiques de rigueur initiées par Gehrard Schroeder aux débuts des années 2000 en Allemagne ont mis plus de 5 ans avant de commencer à porter ses fruits. Si la rigueur peut tuer la croissance à court terme, la dette tue la croissance tout court. Avons nous déjà oublié la Grèce ? Préférons nous aujourd'hui être l'Allemagne ou la Grèce ?
Hausse des impôt sur le revenu, hausse de la TVA, gel du remplacement des fonctionnaires, réformes des retraites, règle d'or budgétaire, coupes dans les budgets de fonctionnement, libéralisation de certains secteurs protégés... Ce sont les mesures mis en place partout en Europe par les nouveaux gouvernements en place. Et, quand on regarde le programme de François Hollande, rien de tout cela : Hausse d'impôt uniquement pour les plus fortunés, pas de hausse de la TVA, création de nouveaux postes dans la fonction publique, remise en cause de la reforme des retraites, refus de règle d'or, pas de coupes claires dans les budgets de l'Etat, pas de libéralisation... La France se prépare donc à aller à rebours de tous ces partenaires européens. Pas étonnant donc que tous les acteurs financiers s'y préparent eux aussi et nous le fassent payer cher à partir de la semaine prochaine.
Le candidat socialiste, lui, a préféré privilégier dans son programme le problème de la croissance plutôt que celui de la rigueur budgétaire. La croissance en Europe est clairement en panne. La question est donc plus que légitime, elle est cruciale. Le programme de François Hollande prévoit donc des soutiens à la consommation (embauche dans la fonction publique, subventions...) dont on se demande comment il pourra sérieusement les financer. On ressuscite faussement Keynes en lui faisant porter le chapeau d'un soutien de la demande par la consommation, alors que lui même prônait l'investissement et les grands travaux. Le candidat socialiste se croit pourtant soutenu lorsque le président de la BCE (Banque Centrale Européenne), Mario Draghi a prononcé le mot "croissance", et par la rumeur du lancement par la BCE et de la BEI (Banque Européenne d'Investissement) d'un plan Marshall pour la croissance. Il a tort. La BCE ne dévaluera pas, les Etats Européens ne reviendront pas sur le pacte budgétaire européen, et la BEI ne prêtera pas pour finir les fins de mois d'un Etat français qui ne se restructure pas.
L'initiative conjointe de la BCE et de la BEI, si elle devait se confirmer, pour un plan Marshall de 200 milliards de financement de grands travaux et d'investissements d'avenir (Energies renouvelables, Haute Technologie, Infrastructures...) s'inscrit largement dans une initiative de relance Keynésienne. Mais réelle celle-là, par les investissements et non par la consommation à la François Hollande. On peut néanmoins être très mesuré par le lancement de cette mesure. C'était d'ailleurs la réaction des bourses Européennes après l'annonce. Aucune euphorie. Car le financement reste encore à définir dans une zone euro rongée par la dette. Et le risque est fort de financer en pure perte de grands consortiums bureaucratiques de recherches et ou de grosses entreprises déjà puissantes, plutôt que des petites PME innovantes. Comme souvent, les institutions pensent avoir l'initiative de définir ce que sera l'économie de demain, et néglige Schumpeter et son petit entrepreneur qui sont pourtant en train de sortir les Etats Unis du marasme économique.
Dernier risque pour toute la zone euro dans les semaines et mois qui viennent : un défaut. Oui, un défaut global de toute la zone euro, voir même de certains pays européen hors zone euro. Ce serait un séisme pour l'économie mondiale, mais c'est un scénario que les observateurs n'excluent plus du tout. l'Espagne, l'Italie, le Portugal, La France et demain peut être les Pays Bas, l'Autriche... L'endettement atteint des niveaux de plus en plus vertigineux partout en Europe, et les bons élèves se font rares (Qui a part l'Allemagne ?). Dès lors, il n'est pas impossible que ces Etats fassent un défaut partiel sur leurs créances de l'ordre de 25 % à 30 % de leurs dettes. Prenons le cas de la France. Sa dette est détenue pour 1/3 par les ménages et établissements bancaires français et 2/3 par des fonds d'investissement étrangers (Asiatiques, Moyen Orientaux...). Cela signifie que ces ménages et fonds d'investissement vont devoir s'asseoir sur une partie de l'épargne qu'ils avaient investi pour leurs retraites ou futurs achats immobiliers. Des conséquences que l'on à peine à imaginer, mais basées sur des scénarios de plus en plus probables.
Il va s'en passer des choses à partir du 7 mai 2012...
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