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lundi 28 mai 2012

Chronique d'une présidence normale (1)

Investiture en grande pompe, sommet franco-allemand, nouveau premier ministre, nouveau gouvernement, sommet de l'OTAN, sommet du G8, sommet européen. La présidence normale a commencé sur les chapeaux de roues, à un rythme finalement presque aussi tonitruant que sous le sarkozysme. Autant d’évènements, et autant d'occasions de satisfecit pour le nouveau pouvoir en place. Enfin, d'après sa propre version. Car pour la réalité, on nuancera quelque peu...

Depuis l'élection du candidat socialiste, les journalistes ne sont pas en reste. Le candidat Hollande les avait déjà particulièrement choyés pendant la campagne électorale. Imaginez, un bus mis à disposition pendant toute la tournée du candidat. Le "Hollande tour" ça s'appelait. Une campagne électorale tout confort avec le futur président. La presse étrangère s'est gaussée de ces liaisons dangereuses entre le candidat et la presse française. Qu'importe. Certains se délectaient alors déjà de la futur présidence Hollande. "On va nous emmener dans le Air Hollande One" disaient ils. Bientôt la grande vie, après tant de souffrance sous Sarkozy. Une fois élu, le nouveau président n'a pas oublié ses nouveaux amis. Il les a même remerciés pour leur participation au "Hollande tour". Et parle d’établir d'une nouvelle relation avec eux, faite de "respect". Comprenez par là de "services rendus".

Car derrière cette nouvelle idylle, se cachent des considérations un peu moins glamours. Une vieille revendication des journalistes : l'abattement de 30% pour leurs frais professionnels. Supprimé en 1996 par Alain Juppé, faisant alors la chasse aux niches fiscales inutiles, cet abattement est devenu le cheval de bataille des journalistes, dont à sa tête une certaine Valérie T. (cherchez...). En 2008, fin de non recevoir de Sarkozy sur le sujet, qui sonne aussi la fin de son idylle avec les journalistes. Grave erreur. C'est donc François Hollande, ce héros, qui rétablira le juste avantage fiscal qui leur est dû. Les journalistes vont donc à la soupe, et avec zèle. Sommet franco-allemand, un succès. Nouveau gouvernement, formidable. Sommet de l'OTAN, François Hollande tient magnifiquement son rang. Sommet du G8, François Hollande impose la croissance aux grands de ce monde, qui s'inclinent devant sa brillante vision. Sommet européen, François Hollande impose les eurobonds au reste de l'Europe, béate d'admiration. "La presse est unanime" pourrait on écrire sur l'affiche de ce nouveau spectacle. Seule ombre au tableau, le sort du magazine Marianne. Un business model orienté exclusivement sur la rejet de la personne de Sarkozy, ce "voyou" et "pétainiste". En retrait de la vie politique, il va falloir trouver autre chose à vendre aux gogos. Mais que François Hollande se souvienne de la grande règle des journalistes. Tous les politiques l'ont subi, de Mitterrand à Sarkozy, de Balladur à Jospin. C'est la règle des trois "L" : Lécher, Lâcher, Lyncher. La lune de miel ne durera pas éternellement. Car plus fort encore que les hochets, les journalistes suivent avant tout l'opinion de leurs lecteurs, et se retourneront avec celle-ci avec le même unanimisme...

Mais, qu'on ne parle pas de connivence entre les politiques et les journalistes. Ça n'existe plus ces femmes de ministres journalistes, telles que, par le passé, Anne Sinclair, Christine Ockrent ou Béatrice Schoenberg. Enfin presque plus. Il y a bien Audrey Pulvar, compagne d'Arnaud Montebourg, qui sévit sur France 2 et France Inter. Ah oui, et puis aussi Valérie de Senneville, du journal les échos, alias madame Michel Sapin, ministre du travail, qui s’interroge sur son avenir professionnel. Ah oui, j'oubliais, il y a enfin Nathalie Bensahel, du Nouvel Obs, qui est également la femme de Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. On ne cite évidemment plus notre nouvelle première dame, Valérie Trieweiller, représentante de Paris Match et Direct 8. Mais qu'importe, les journalistes sont totalement indépendants, et savent parfaitement faire la part des choses. La connivence entre le pouvoir et les médias, ça n'existe pas. Le "Hollande tour" est une invention de l'esprit ou des journalistes étrangers, qui n'y comprennent décidément rien à cette exception française. Pas de connivence ? Et les poils à gratter gauchisant de France Inter, Stéphane Guillon et Didier Porte, virés sous Sarkozy ? Le fait du prince. Et Eric Zemmour, poil à gratter de droite, bientôt viré de RTL ? Pour devancer les désirs du nouveau prince. Digne des plus belles heures de l'ORTF...

Enfin, qu'importe les médisants. Ce gouvernement est quand même formidable. Parité parfaite, réduction du salaire des ministres de 30%, charte de déontologie, exemplarité, pas de ministre condamné par la justice. Pas de ministre condamné par la justice ? Le candidat Hollande avait été très clair : "Je n'aurai pas autour de moi, à l'Elysée, de personnes jugées et condamnées". Bravache, il ajouta même : "Vous me rappellerez cette phrase, si jamais je venais à y manquer". Un gouvernement Ayrault irréprochable donc ? Et là, ça commence mal. Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, condamné en 1997 à 6 mois de prison avec sursis pour favoritisme. Merci les camarades du PS pour cette peau de banane avant la nomination à Matignon. Oui, mais il n'y a pas eu enrichissement personnel. Ah bon, alors ça va dans ce cas. Pourquoi une condamnation dans ce cas ? Et la ministre de la Justice, Christiane Taubira, condamnée pour licenciement abusif d'une collaboratrice en 2004 ? Oups, on y avait pas pensé. Et Arnaud Montebourg, ministre du savoureux ministère du "redressement productif", condamné la semaine dernière pour injure envers les dirigeants de SeaFrance ? Oui, mais ce n'est pas bien grave. En somme, à moins d'avoir été condamné pour braquage ou détournement de fonds conséquent, la règle semble souple. Heureusement que la nouvelle ministre déléguée à la justice, Delphine Batho, quitte enfin le logement social qu'elle occupait à Paris, contre l'avis même de la municipalité socialiste. On aurait pu penser qu'il y avait des casseroles dans ce gouvernement. Ouf, nous sommes rassurés !

Oui, mais prenez le bilan de Hollande tout de même. N'est y pas formidable ? Angela Merkel a enfin accepté de le recevoir, et l'a même reçu comme un chef d'Etat. C'est bien la preuve qu'il a l'étoffe, non ? Lui même n'a-t-il pas d'ailleurs bravé la foudre qui s'est abattue sur son jet présidentielle ? Et au sommet de l'OTAN, et au G8 ? Pareil. Reçu en président. Quelle stature ! Sauf qu'il est président. Recevoir un président élu, quoiqu'on en pense, c'est quand même la moindre des choses. Il n'y a pas de quoi en tresser des lauriers. Oui, mais regardez comme il impose ses idées. Au sommet de l'OTAN, il a défendu le retrait des troupes françaises d’Afghanistan dès 2012. Et il l'a obtenu ! Sauf pour les formateurs qui resteront en 2013, ce qui était le plan initialement prévu. Mais il faut bien enjoliver un peu, non ? Et le G8 alors ? François Hollande a défendu et imposé l'idée qu'il fallait de la croissance. La grande idée. Qui donc a bien pu être contre ? D'ailleurs, la croissance était largement au menu des précédents G8. Rien de nouveau à Chicago. Mais il faut bien enjoliver un peu, non ? Le président s'adresse d'ailleurs à lui-même un satisfecit, estimant qu'en plaidant pour la croissance au G8, son mandat est déjà "honoré". C'est si simple la politique finalement. Ne manque plus que la signature du décret instaurant la croissance.

Et le sommet européen de Bruxelles la semaine dernière alors ? Exemplarité et efficacité, là c'est incontestable. Voyage aller en train et voyage retour en voiture, pour faire des économies. Sauf que le jet présidentiel suivait, au cas où, et que le passage du train a nécessité une sécurité hallucinante sur le parcours franco-belge. Economique vraiment ? Quant au retour nocturne en voiture, avec toujours le jet qui suit, il faisait plus penser à la femme de Laurent Fabius allant chercher son mari en conseil des ministres en 2CV dans les années 80. Un mauvais sketch. Enfin, François Hollande aura au moins imposé sa grande idée des eurobonds au reste de l'Europe. Oui, sauf que la moitié de l'Europe rejette les eurobonds, et que c'est précisément cette moitié qui doit les payer. De plus, on ne dit pas beaucoup que l'introduction des eurobonds est contraire aux traités européens. Y recourir nécessiterait de faire ratifier de nouveaux traités dans tous les pays de la zone euro, voire d'Europe. Autrement dit, le jour où les eurobonds seront mis sur le marché, la zone euro aura éclaté depuis longtemps...

Maintenant, si l'on regarde du côté de l'opposition, rien de bien réjouissant. La "droite la plus bête du monde" est de retour. Elle promet même d'être une cuvée exceptionnelle. Alors que les élections législatives s'annoncent perdue, celle-ci n'hésite pas déclencher sa guerre des chefs. Le match Fillon-Copé a commencé. Car, ce n'est pas la défaite qui est recherché aux législatives, mais bien la Bérézina. A quoi bon sauver quelques sièges de députés, puisque la bataille est perdue. Autant laisser Hollande se dépatouiller dans la crise. Il n'y aura plus qu'à se baisser en 2017 pour ramasser les morceaux. C'est ce que pensaient certains en 1981. On sait ce qu'il en est advenu...

Reste la palme à François Bayrou, qui se sera attaché, avec méthode, à disparaître du paysage politique. A force de n'être ni de gauche, ni de droite, il a fini par être nulle part. A force de se brouiller avec la droite, puis avec la gauche, il ne sera probablement pas réélu dans la circonscription de son Béarn natale. Chapeau l'artiste. 

Une président normale quoi...

A suivre...

jeudi 24 mai 2012

Croissance ! croissance ! croissance !...

"Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe ! l'Europe ! l'Europe !... mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien". Le général de Gaulle, alors en pleine campagne électorale d'entre deux tours lors de la présidentielle de 1965, prononça cette célébrissisme phrase lors d'un entretien télévisé avec Michel Droit. Remplaçons maintenant le mot "Europe" (quoique ?) par "Croissance", et la phrase prend tout son sens. Oui, on entend beaucoup ces jours-ci "Croissance ! Croissance ! Croissance !...", sans que cela ne fasse bouger d'un iota les problèmes européens de croissance. Dans le rôle du cabri, il y a bien sûr François Hollande, ainsi que Barack Obama, mais aussi d'autres dirigeants européens (Monti, Rajoy...), qui espèrent encore échapper aux lourdes et douloureuses réformes qui les attendent et qu'ils peinent à engager dans leurs pays.

Le nouveau président français, François Hollande, se targue d'avoir été le premier à parler de croissance, et semble vouloir prendre la tête des pays qui veulent de la croissance. Il s'est d'ailleurs félicité qu'au cours du G8, ses voeux de croissance aient reçu le soutien du président Obama, et de certains partenaires européens (Monti). "Oui à la croissance", telle est donc la conclusion de ce sommet. Mais de qui se moque-t-on ? Fallait-il donc organiser un aussi coûteux barnum pour affirmer une pareille évidence ? Y a t il donc des gens pour contester que la croissance est nécessaire pour assurer la prospérité de nos sociétés ? A part quelques militants écologistes de la décroissance, je ne crois pas. Ce sommet entre les grands dirigeants de ce monde avait en réalité plutôt des allures de réunion de politburo, comme au temps de l'URSS avec ses Staline et Molotov. Manquait néanmoins une information au sortir de ce G8. Quel taux de croissance le soviet suprême a-t-il officiellement fixé aux planificateurs de l'économie ?

Blague à part, ce G8, ainsi que la réunion "informelle" d'hier soir entre les 27 dirigeants européens, semblaient marquer l'offensive des pro-croissance contre les pro-austérité. Avec un objectif, isoler la chancelière allemande Angela Merkel, qui défend bec et ongle son pacte budgétaire européen, et se veut gardienne de la bonne gestion de l'économie allemande depuis 10 ans. Cette offensive du président français pour faire adopter un pacte de croissance rencontre d'ailleurs, il faut bien le dire, un certain engouement, notamment s'agissant de sa proposition d'émission d'eurobonds (ou euro-obligations). Ces euro-bonds, c'est en quelque sorte une mutualisation des dettes de tous les pays de la zone euro, qu'ils soient très endettés ou pas, qu'ils aient une gestion rigoureuse ou non. En somme, la solution miracle pour secourir les pays de la zone euro asphyxiés par des taux d'intérêt très élevés (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, Italie...). Pas étonnant donc que, lors de la réunion d'hier, le président Hollande ait précisément reçu le soutien de la Grèce, du Portugal, de l'Espagne, de l'Italie... Au delà des étiquettes politiques. La chancelière allemande, qui a opposé une fin de non recevoir à ce projet d'euro-bonds, a , quant à elle, été soutenue par les Pays Bas, la Finlande ou encore la Suède (qui n'est pas dans l'euro). Précisément les pays d'Europe les plus vertueux. On ne peut que regretter que, dans cette confrontation entre les bons et les mauvais élèves, la France ait pris la tête de la seconde catégorie.

Car dans l'esprit du nouveau président français, pas de doute. Plutôt que de l'austérité, il faut de la croissance par la relance. La règle d'or budgétaire attendra, les réformes de l'Etat attendront, les coupes douloureuses dans les budgets sociaux attendront. Car, pour créer de la croissance, rien de tel que de la relance keynésienne : hausses des dépenses publiques, programmes de grands travaux, hausse des prestations sociales. Cela a un coût, certes, mais avec la magie du "multiplicateur keynésien", l'économie se relance, et la dette est remboursée plus tard... ou jamais. Car le mécanisme fonctionne mal. La référence des keynésiens, c'est le New Deal de l'après crise de 1929, lancé par le président Roosevelt. On sait depuis, en observant les chiffres de l'économie américaine des années 1930 (Chômage, croissance...), que c'est la guerre de 39-45 et la demande massive en armement qui ont véritablement relancé la machine économique américaine, et assez peu les plans de Roosevelt. Mais l'illusion est restée. Les pays européens subissent d'ailleurs précisément l'échec et l'endettement des plans keynésiens de 2008-2009.

L'austérité, voilà donc l'ennemi. C'est elle qui tue la croissance. Arrêtons donc immédiatement ces terribles plans de rigueur qui font plonger l'Europe un peu plus dans la crise. Cependant, à y regarder de plus près, il n'en est rien. A écouter les médias, de terribles coupes budgétaires seraient en train d'asphyxier les populations italiennes, espagnoles, portugaises, et bien sûr grecques. En réalité, il n'y a pas de coupes budgétaires drastiques. Les salaires de la fonction publique sont gelés, certes, mais ne baissent pas. Les pensions de retraite sont gelées, mais ne baissent pas. Elles augmentent même légèrement en Espagne. La terrible hausse de la fiscalité se traduit en fait essentiellement par une légère augmentation de la TVA. Les gouvernements ne remplacent pas la majorité des fonctionnaires partant à la retraite, mais n'en licencient pas. Plus révélateur, il n'y a en réalité pas d'austérité à proprement parler, puisque les dépenses publiques des Etats sont, malgré tout, en hausse ! On a simplement freiné la hausse, en limitant, comme le propose en France François Hollande, l'augmentation des dépenses à 1% du PIB. C'est loin d'être la fête, mais ce n'est pas ça l'austérité.

La politique de rigueur, l'Allemagne l'a connu depuis 2002. Initiée par Gehrard Schroeder, chancelier social-démocrate, elle a été strictement poursuivie par sa successeur, Angela Merkel, démocrate-chrétienne. Une politique économique cohérente sur la durée, malgré l'alternance. Voilà déjà un élément clé. Conscient, dès l'entrée dans l'euro, des failles du modèle social allemand, ces deux chanceliers se sont donnés le temps d'adapter leur pays à la compétition mondiale. Pour en tirer aujourd'hui les bénéfices. Et, puisqu'on décrit l'austérité comme ennemie de la croissance, intéressons nous au cas allemand. En 2011, l'Allemagne est à 3% de croissance quand la France est à 1,7%. Et pour le 2ème trimestre 2012, voici les prévisions : Allemagne +0,7%, France +0%, Espagne en récession, Italie en récession, Portugal en récession, Grèce en récession. Tout est dit. Une bonne gestion budgétaire tuerait donc la croissance. Encore un mythe à combattre. A noter un fait historique hier. L'Allemagne émet avec succès des obligations d'Etat sur 2 ans à 0% de taux d’intérêt ! Les investisseurs préfèrent perdre un peu d'argent, à cause de l'inflation, plutôt que d'aller sur de la dette toxique. C'est un signal particulièrement alarmant.

Admettons en tout cas que la situation de l'Europe, et particulièrement de la zone euro, est dramatique du point de vue de la croissance. Pour 2012, les Etats Unis prévoit une croissance d'au moins 2%, La Chine pourrait avoisiner les 7,5%. La zone euro, elle, sera au mieux à croissance nulle, au pire en récession. Les Etats Unis, comme souvent, ont su rebondir après la crise financière, en faisant confiance à son secteur privé pour rester le moteur de l'innovation mondiale, et le paradis des entrepreneurs. La croissance est cependant timide, car plombée par une lourde dette, sorte de gigantesque bombe à retardement. La Chine, elle, n'innove pas encore, mais reste l'usine du monde. Avec ce modèle, parfois contestable au regard du droit social, le pays trouve toujours son compte. Innovation aux Etats Unis, travail en Asie. L'Europe peine à trouver sa place dans le schéma économique mondial. En pleine désindustrialisation, et avec une frénésie de consommation, elle peine cependant à concurrencer les innovateurs américains. Clairement, l'Europe est en panne et sa croissance aussi.

Reste donc les fameuses initiatives pour la croissance proposées par certains, François Hollande en tête. Au programme : Une taxe sur les transactions financières, que la Suède a déjà testé il y a plus 20 ans sans succès, au point d'y renoncer. Des projets keynésiens d'infrastructures, sous forme de "project bonds", qui peuvent avoir une utilité, à condition d'en avoir besoin, mais qui se révèlent surtout être de la dette supplémentaire, et un moyen de placer ses amis politiques au chaud au sein de technostructures ingérables. Le New Deal des années 30 l'a déjà fait. La palme du non sens économique enfin : les fameux "eurobonds". Certainement le meilleur exemple d'aléa moral qui soit. Suite à une mauvaise gestion vous devez emprunter à 6% ? Pas de problème, on mutualise avec un bon gestionnaire qui emprunte à 0%, et vous allez désormais emprunter à seulement 3%. Magique non ? Alors ruez vous à nouveau sur les emprunts, c'est pas cher. Il est tout de même frappant de constater que la principale réponse à la crise de la dette est, pour certain, d'émettre encore et toujours plus de dettes. Mais si on n'y réfléchit bien, pourquoi des Etats comme la Grèce, L'Espagne ou l'Italie ont pu s'endetter à ce point ? Tout simplement par le mécanisme implicite des euro-bonds qu'est la monnaie unique, l'Euro. Car pendant des années, la magie de l'Euro a fait que les Grecs empruntaient au même prix que les allemands. Jusqu'à ce que la réalité économique les rattrape.

Pour la croissance, il n'y aurait donc rien de mieux que de la dette et les fumeux euro-bonds ? Si. Le 22 février dernier, pendant la campagne présidentielle française, et avant même que François Hollande ne se fasse chantre de la croissance, plusieurs dirigeants européens (David Cameron, Mariano Rajoy, Mario Monti, Mark Rutte, Donald Tusk...) ont envoyé une lettre à Herman Von Rompuy et  José Manuel Barroso, proposant un certain nombre de pistes pour doper la croissance européenne. Et ici, pas de nouvelles dettes, pas de frénésie fiscale, pas de solutions gadgets coûteuses. Essentiellement des réformes de structures, et une convergence européenne accrue : achèvement du marché unique, élimination des obstacles à la concurrence dans certains secteurs protégés, ouverture du marché des services, marché unique de l'énergie, espace unique de transport européen, réduction des réglementations sur les entreprises, mesures en faveur d'un meilleur fonctionnement du marché du travail, responsabilisation et renforcement du secteur financier... Presque un retour au grand rêve du marché unique européen finalement. Mais surtout, la philosophie des initiatives proposées, c'est de faire confiance aux entreprises, aux entrepreneurs, aux hommes, à leurs idées, à leurs innovations... Ce qui reste la seule et unique façon de créer de la croissance. A l'heure de l'euro-bond triomphant, il n'est peut être pas trop tard pour exhumer ce texte...

lundi 7 mai 2012

Moi, président... je suis dans la merde maintenant

L'information avait filtré assez tôt hier après midi sur le site de la RTBF et sur les comptes twitter. Comme l'annonçait avec insistance les sondages, c'est donc bien le candidat socialiste, François Hollande, qui l'emporte face à Nicolas Sarkozy. L'homme, à la longue tirade "Moi, président..." lors du débat télévisé accède donc aux plus hautes fonctions de l'Etat, et ce, malgré une expérience gouvernementale inexistante. Qu'importe, le pays a majoritairement souhaité tourner la page Sarkozy. Mais, après la fête, c'est un peu la gueule de bois qui se prépare. Car le plus dur commence pour Hollande.

Il y a d'abord le score de la victoire. Si les sondages annonçaient encore la semaine dernière une victoire large, voire même un raz de marée pour le candidat socialiste, celle-ci n'a pas du tout eu lieu. C'est au contraire une courte victoire, l'une des plus courte de l'histoire des présidentielles : 51,6 % contre 48,4% à son adversaire. On aura beau dire que seule la victoire compte et observer que c'est presque le score de François Mitterrand en 1981, il y a surement un peu de déception dans le camp socialiste. Car la traduction de ce score, c'est qu'il n'y a pas un vote d'adhésion pour François Hollande, et encore moins pour la gauche. Plutôt qu'un chèque en blanc au futur président socialiste, les français ont choisi, à une courte majorité, de faire payer la crise, mais aussi son comportement, au président sortant. Le premier tour avait démontré, dans les rapports de force, que la France n'était pas en majorité à gauche. Malgré le soutien de la quasi totalité des candidats du premier tour, le socialiste ne peut pas encore s'appuyer sur un soutien total pour mettre en oeuvre sa politique. Rendez-vous aux législatives pour confirmer donc.

Ensuite, après la fête, après la Bastille, après la nuit d'ivresse, les premiers déçus ne vont pas tarder à s'afficher. Car le Parti Socialiste n'a plus été au pouvoir depuis 10 ans. 10 ans, que les jeunes loups du parti rongent leurs freins, 10 ans que les vieux briscards espèrent un retour ministériel. François Hollande a su utiliser les troupes socialistes pour sa campagne électorale à l'aide d'un organigramme pléthorique, constitué de porte-paroles et conseillers en toutes choses. Mais gouverner c'est choisir, et choisir c'est renoncer. A la constitution du gouvernement, il y aura donc des déçus. D'autant plus que le candidat veut s'imposer la parité, et doit faire place nette pour ses turbulents alliés d'Europe Ecologie Les Verts et du Front de Gauche. Qui s'ajoute aux contraintes internes que s'impose le parti, à savoir les courants, les partisans de Aubry, ceux de Montebourg, et même les radicaux de gauche de Jean-Michel Baylet, l'homme au 0,62% lors des primaires socialistes...

Mais le plus difficile sera sans conteste l'orientation politique du futur gouvernement. Car François Hollande entend agir vite et gouverner par décrets dans les semaines qui viennent. En attendant une assemblée nationale qui, selon toute vraisemblance, devrait apporter une majorité à la gauche. Pour les décrets, le nouveau président de la république prévoit l'augmentation de 25% de l'allocation de rentrée scolaire, la retraite à 60 ans pour les carrières longues, ou encore le plafonnement des tarifs de l'eau et de l'électricité. De quoi rassurer les partenaires européens et les marchés financiers ? Pas vraiment non. La bourse de Paris a ouvert à la baisse ce matin, poursuivant une baisse déjà largement anticipé depuis plusieurs semaines. Les taux d'OAT à 10 ans ne sont pas encore attaqués, mais le spread avec l'Allemagne a, aujourd'hui, un peu augmenté.

Car déjà, le ciel rose de la victoire socialiste s'assombrit. Angela Merkel a, dès aujourd'hui, rappelé son opposition à la renégociation du pacte budgétaire européen, signé par 25 pays sur 27, dont la France. Elle réaffirme par ailleurs son opposition à la croissance par la relance et le déficit, et veut continuer de privilégier les réformes structurelles. Le candidat socialiste, qui s'est fait fort d'aller expliquer aux allemands la bonne marche à suivre, risque donc de se heurter très rapidement à un mur. D'autant qu'il ne pourra guère non plus compter sur le soutien de la Grande Bretagne, de l'Italie ou de l'Espagne, tous engagés dans de vigoureuses politiques d'assainissement des finances publiques. Le nouvel élan que croit voir François Hollande n’entraîne guère derrière lui que la Grèce, en plein chaos suite à ses élections législatives de dimanche. Pas de quoi bouleverser la donne. 

Dans ce contexte, le président Hollande risque dans les semaines et mois qui viennent de se retrouver isolé sur le plan européen dans sa volonté de creuser un peu plus encore le déficit pour une énième relance sans effet. Car pour Hollande, la croissance passe forcément par l'Etat et le déficit public, pas par l'activité des entreprises. C'est là, son erreur majeur, et elle risque de coûter très cher. Mais le plus probable, c'est que la France va petit à petit rentrer dans le rang et prendre à son tour de le chemin de la rigueur, scénario inévitable que connaissent tous les pays actuellement.

Et là, politiquement, le candidat de la relance de mai 2012 va se retrouver contredit par le président de la fin 2012, obligé de faire machine arrière, et d'assumer une politique contraire à celle pour laquelle il a été élu et, qui plus est, foncièrement contraire à tous les préceptes économiques de la gauche. Les soutiens du Front de Gauche et d'EELV prendront surement la poudre d'escampette, de même que l'aile gauche du PS, et nombre d'électeurs de gauche, qui risquent de se sentir floués dans cette histoire. En espérant que l'on échappera à un scénario à la grecque, avec un Papendréou subissant la défection de ces troupes face au plan de rigueur à voter. Pour les nostalgiques de 1981, on pourra leur rappeler qu'après 1981, il y a eu la rigueur de 1982. Sauf que cette fois-ci, le défaut de paiement n'est plus très loin...

Pour François Hollande, les emmerdements, c'est maintenant...