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mardi 22 mai 2012

Quand Milton Friedman parlait de la fin de l'Euro...

L'euro est voué à l'échec. D'ailleurs, les pays de l'Euroland vont connaitre une période de fortes turbulences, et la zone euro risque d'imploser d'ici 5 à 15 ans. En effet, le moindre problème économique d'un des pays de la zone se propagera et contaminera les autres. De plus, la structure économique de l'Europe ne plaide pas en faveur de l'adoption d'une monnaie unique : la force de travail en Europe est insuffisamment mobile, les blocages économiques difficiles à résoudre, et les barrières culturelles nombreuses. "Ennemi de la démocratie", l'euro ne fera qu’accroître les différences économiques des pays de la zone, au lieu d'apporter de la stabilité. "Illusion technocratique", elle ne parviendra pas à remplacer le dollar comme monnaie de référence. "Contre-nature", cette monnaie engendrera des crises que l'Europe paiera un jour au prix fort.

Cette analyse ne date pas de 2011 ou 2012 comme on pourrait s'y attendre, mais de 1992, l'année de ratification du traité de Maastricht, établissant une monnaie unique en Europe. Et les propos précis, cités en préambule, ne datent pas d'il y a quelques jours, mais de 2002, l'année d'entrée en vigueur de l'euro. Enfin, cette démonstration, qui nous frappe par sa justesse et son caractère prémonitoire, n'est pas l'oeuvre d'un souverainiste, mais d'un économiste éminent : Milton Friedman. En effet, le prix Nobel d'économie 1976, pape du libéralisme, et chef de file de l'école monétariste de Chicago, s'est opposé dès le départ au projet de monnaie unique en Europe. C'est ainsi que, dès 1992, il mettait en garde l'Europe contre un tel projet, pointant du doigt les différences profondes entre les économies et cultures des nations européennes. Avertissement qu'il renouvela plus précisément en 2002, par le biais d'une série d'interviews dont on a compilé ci-dessus les propos.

Au regard de l'actualité de ces derniers mois, et particulièrement de ces dernières jours, on ne peut qu'être frappé par l'exactitude du scénario décrit 10 ans auparavant par l'économiste américain. Oui, la zone euro risque d'imploser. Oui, les problèmes économiques d'un pays se propagent dans le reste de la zone. Oui, la structure économique de l'Europe s'est révélée trop hétérogène, et a pâti de l'absence de convergence. Oui, la monnaie unique voit se dresser contre elle de plus en plus de peuples européens. Oui, elle est perçue comme le fruit de la technocratie européenne. Oui, l'euro n'arrive pas supplanter le dollar comme monnaie de référence. Et oui, l’Europe va le payer le prix fort. Cependant, si en 1992 Milton Friedman a eu une certaine perspicacité, en 2002, il avait surtout sous les yeux un exemple de crise due à de mauvaises décisions de gestion monétaire : l'Argentine. Et quand on regarde de plus près l'exemple Argentin, on comprend mieux les déboires de l'euro, tant les similitudes sont frappantes.

Mais que s'est il passé en Argentine ? Petit retour en arrière. Dans les années 80, le peso argentin souffrait d'une instabilité chronique et le pays était touché par l'hyper-inflation. Pour stabiliser cela, l'Argentine du président Menem va adopter le système du "Currency board" ("Caisse d'émission monétaire"). Le principe est très simple : Le peso argentin devient lié au dollar américain par un système de change fixe. Sorte de "dollarisation" de l'économie argentine. Si cette politique porte ses fruits dans un premier temps et stabilise l'économie, le vent tourne à partir de 1998. Crise financière en Asie, crise des matières premières. Le pays rentre à son tour en crise, et les recettes fiscales chutent. Plus grave, le pays n'a pas fait de réformes structurelles et mène au contraire une politique budgétaire laxiste. Il n'est pas préparé pour amortir la crise. Normalement, dans cette situation, c'est la dévaluation assurée. Impossible avec le "Currency board". Le peso suit le cours du dollar, alors très haut à l'époque. Incapable de se réformer, le pays plonge dans une très grave crise. Déficit des balances extérieures qui creusent davantage encore le déficit face à des économies à plus faibles devises (Brésil...). Les problèmes s'accumulent alors : hausse du chômage, forte inflation, taux d'intérêt vertigineux, incapacité de rembourser la dette... Les remèdes d'austérité budgétaire préconisé par le FMI ne suffisent plus. Le peso-dollar devient clairement le problème de l'Argentine. Pour s'en sortir, les remèdes incontournables arrivent à la rescousse. D'abord une forte dévaluation du peso qui redevient flottant face au dollar. Ensuite une renégociation avec les créanciers pour le remboursement de la dette. Ces derniers doivent renoncer à une grande partie du remboursement (de 60% à 75%). Enfin pour tenter d'équilibrer les comptes, des réformes fiscales conduisent à une hausse importante des impôts. Ajouter à cela, des réformes structurelles, notamment sur le partage des pouvoirs entre gouvernement fédéral et les provinces. Avec notamment une sorte de "règle d'or" budgétaire pour revenir à l'équilibre. Moyennant quoi l'Argentine a pu repartir, et son économie se porte aujourd'hui nettement mieux, malgré des zones d'ombres persistantes sur ses déficits et la solidité de sa monnaie.

Revenons maintenant au cas de l'euro. L'adoption de cette monnaie unique a repris un principe similaire au "Currency board" argentin : le change fixe. En effet, exit le change flottant entre les devises européennes, dont certaines étaient en proie à des instabilités chroniques, et place au change fixe. Toutes les monnaies deviennent en gros indexé sur le Deutchmark, la monnaie la plus forte des pays de l'euro.

Sauf qu'avoir une monnaie forte peut être un désavantage compétitif majeur à l'exportation. Pour prévenir cela, des politiques de déflation compétitive, de modération salariale, d'équilibre budgétaire, et de réformes structurelles s'imposent. L'Allemagne, que Milton Friedman considérait en 2002 comme le maillon faible (!), a fait ses réformes structurelles. Et s'est accommodée de l'Euro. Les autres pays de la zone ne les ont pas poussées assez loin (pour les pays du nord de l'Europe), voire pas commencé du tout (La France et les pays du sud de l'Europe). Suivant en cela le modèle argentin. Arrivée la première grave crise financière de son histoire (subprimes), et l'Euro tangue. La Grèce, la plus fragile, se retrouve alors, de façon extrêmement frappante, dans la même situation que l'Argentine dans les années 1998-2002 : chômage, récession, dette abyssale, taux d'intérêt astronomique, situation de défaut partiel, et sous perfusion du FMI et de l'Union Européenne, qui ont déjà mis plus de 130 milliards d'euro sur la table. A fond perdu. Les timides mesures d'austérités arrivent bien trop tard. Et l'économie grecque ne fonctionne clairement plus avec l'euro.

Car enfin, soyons clair : la Grèce va évidemment sortir de l'Euro dans les mois qui viennent. A la lumière de l'exemple argentin, on comprend bien que le système de change fixe imposé à la Grèce l'empêche de redémarrer. Elle va donc devoir retourner aux drachmes, qui sera immédiatement, et très fortement, dévalué. Ensuite, il ne faudra pas se faire d'illusion. La Grèce va renégocier et rééchelonner le remboursement de sa dette, devenu impossible à rembourser. Clairement, certains épargnants et établissement bancaires n'en reverront pas une bonne partie de la couleur. Enfin, la Grèce va devoir se contraindre à des ajustements structurels, toujours repoussés, et à mettre en place une profonde réforme fiscale. A moins de descendre encore davantage en enfer. Les grecs anticipent déjà ce scénario. Des centaines de millions d'euro sortent chaque jour des banques grecques. Les investisseurs et les capitaux fuient.

L'éclatement de la zone euro devient donc clairement d'actualité. Après la Grèce, le Portugal et l'Espagne pourrait suivre le même chemin que l'Argentine. De même que l'Italie. Les réformes structurelles arrivent là aussi beaucoup trop tard, et ne sont pas à la mesure du drame qui se préparent. On se contente d'une limitation de la hausse des dépenses, plutôt que d'une vrai réforme de l'Etat. Et leurs dettes ne sont tout simplement plus soutenables. Un défaut partiel est inéluctable. La France va, quant à elle, passer la barre symbolique des 90% d'endettement. D'après les économistes, en dessous de cette barre, c'est 1% de croissance en moins par an. On se prépare donc à une décennie très difficile. Quant à l'Allemagne, même ce bon élève pourrait se lasser d'être une locomotive d'un train devenu trop lourd à tirer. Elle pourrait vouloir sortir d'une zone euro qui prend l'eau de toute part. Les défauts qui s'annoncent sont d'une ampleur incomparable avec la Grèce, qui représente seulement 2,5% du PIB de la zone euro. Ni le FMI, ni l'union européenne, prêteurs de dernier ressort, ne sont préparés à l'ampleur du défaut qui ce dessine, et qui sera un cataclysme à l'échelle européenne et mondial.  

Reste une dernière option sur la table, mais qui n'est que rarement évoquée : une forte dévaluation de l'euro. Ce serait pour les Allemands manger leurs chapeaux, après tous les ajustements et réformes entreprises depuis 2002. Mais, pour la plupart des pays de la zone euro, ce pourrait être un peu d'oxygène, notamment face au dollar et au yuan, tombés à des niveaux relativement bas. L'avantage, c'est que cela pourrait assurer la survie à court terme de la zone euro. Et favoriser les exportations, à condition toutefois d'avoir des produits à exporter. Le danger, c'est évidemment un appauvrissement de la zone, le retour d'une inflation monstre sur nos importations, et une hausse des taux d'intérêt, qui pesera à nouveau sur notre dette. Quoiqu'il en soit, le pire est clairement devant nous...

Quand Milton Friedman parlait de la fin de l'euro...

jeudi 26 avril 2012

Keynes, Ricardo, Schumpeter... face à la crise

Faut-il mieux réglementer les marchés financiers ? Et pourquoi pas les taxer ? Doit-on séparer les activités bancaires entre des banques de dépôts et des banques d'affaires ? Quel rôle doit jouer la banque centrale ? Son rôle doit-il devenir celui de prêteur de dernier ressort ? Et celle-ci doit elle être indépendante ? Doit elle émettre une monnaie forte ou faible ? Pourquoi les défaillances de la zone euro ? Faut-il sortir de cette zone monétaire ? Ou aller vers davantage de fédéralisme par une convergence budgétaire, sociale et fiscale ? Quels plans de relance pour quelle efficacité ?  Et quid des plans de rigueur et de leur pertinence en temps de crise ? Va-t-on irrémédiablement vers une augmentation des impôts ? ...

Depuis maintenant plus de 4 ans et le début de la crise, se posent d'innombrables questions sur les politiques économiques à mener pour en sortir. Loin d'avoir trancher tous ces débats, les gouvernements et institutions internationales ont néanmoins pris certaines décisions, en fonction d'analyses macroéconomiques, mais aussi souvent en fonction de considérations politiques, électoralistes et donc court-termiste. Ce qui a parfois conduit dans l'impasse. Pourtant, la théorie économique, bien que riche en controverses, nous apporte des réponses. Examinons donc ces questions en s'appuyant sur la pensée de quelques uns des grands penseurs de l"économie.

Retour à l'été 2007. Crise des subprimes, ces crédits hypothécaires américains sur les achats immobiliers, accordés avec trop de largesse par les banques à des ménages peu solvables, mais cautionnés par les institutions publiques de refinancement Fannie Mae et Freddie Mac. Par le mécanisme de "titrisation", ces crédits pourris se sont répandus dans la sphère financière mondiale. Une hausse maladroite des taux américains, suivi de la faillite de la banque Lehman Brothers en 2008, et c'est la catastrophe. A tort et à raison, les coupables sont trouvés : les banques irresponsables et les marchés financiers devenus fous. Dans ce contexte, ces institutions doivent être mises au pas. Pour cela, on fait appel à Keynes bien évidemment. Économiste le plus connu du XX ème siècle, l'anglais John Maynard Keynes s'est fait connaître par sa Théorie générale de la monnaie et les plans de relance qui portent son nom. Sur les marchés financiers, l'économiste de Cambridge avait émis un certain nombre de recommandations. Réglementation des marchés bien évidemment, mais aussi séparation stricte, au niveau des banques, entre les activités de détail et celles de marchés.

Un autre économiste, tombé aux oubliettes, fait également un retour remarqué dans les discours et les analyses : Marx. Le théoricien du communisme avait en effet prédit l'effondrement du capitalisme dans son oeuvre majeure Le Capital. Karl Marx y avait ainsi décrit le mécanisme de baisse tendancielle des profits. A l'origine, il aurait eu une sur-accumulation de capital, par euphorie et mimétisme des investisseurs. D'où une baisse tendancielle du fameux taux de profit. Pour maintenir leurs marges, les capitalistes vont agir en compressant les salaires. Ce qui engendre une sous-consommation, et donc la crise. Sauf que l'explication ne tient pas vraiment. Le choc de 2008 ne vient pas d'une sous consommation des ménages, mais clairement de produits financiers toxiques, basés plus ou moins sciemment sur des créances non solvables.

La crise des milieux financiers américains s'internationalise rapidement, et se répand comme une tâche d'huile dans l'économie dite "réelle" à partir de fin 2008. Le crédit se fait plus difficile pour les entreprises et les ménages. Les faillites d'entreprises augmentent, de même que le chômage. Comment faire pour éteindre l'incendie ? En appelant là encore Keynes à la rescousse. La relance keynésienne se base principalement sur une variable : le taux d’intérêt. Keynes l'a démontré, une hausse des taux d'intérêt rend l'argent plus cher à emprunter sur les marchés monétaires, alors qu'une baisse diminue le coût de l'argent auprès des institutions émettrices de monnaie. C'est le premier volet de la relance Keynésienne : la relance monétaire. Le deuxième volet consiste à accroître les dépenses publiques des États, de façon à stimuler les investissements et financer des grands travaux. A court terme, le déficit budgétaire se creuse, mais à long terme, l'économie est censé tirer bénéfice de ces investissements : c'est la relance budgétaire.

Début 2009, Barack Obama a ainsi largement recours aux recettes de l'ancien maître de Cambridge. Relance budgétaire d'abord, avec un plan de plusieurs centaines de milliards de dollars, creusant considérablement le déficit, déjà colossal, des États Unis. Relance monétaire ensuite, par le biais de la FED, la banque centrale américaine, qui fait marcher à plein régime la planche à billets avec la baisse des taux d'intérêts, alors proches de zéro. En Europe, les plans de relance Keynésien se multiplient dans tous les pays, creusant là encore sensiblement les niveaux d'endettement des États, bien au delà des limites autorisées par les critères de Maastricht. Incontestablement, l'année 2009 est celle de Keynes, célébré et encensé par les commentateurs politiques et économiques.

Pourtant, un bastion fait de la résistance : la BCE, Banque Centrale Européenne. Dirigée alors par Jean-Claude Trichet, elle rechigne à émettre massivement des euros en faisant baisser ces taux d'intérêts directeurs (les taux auxquels se refinancement les banques). Car la BCE, de part ses prérogatives, se doit avant tout de lutter contre l'inflation, et de maintenir une monnaie forte, chère aux allemands. Du point de vue de la théorie économique, on se trouve clairement dans un bastion "Monétariste", du nom de la doctrine de l'Ecole de Chicago, et de son chef de file, le libéral Milton Friedman. Celui-ci démontra en effet que l'origine de l'inflation est purement monétaire, et que seule une banque centrale et indépendante pouvait lutter contre ce phénomène en maîtrisant ses taux d'intérêt. C'est donc paradoxalement la Banque Centrale Européenne qui est la  bonne élève de l'économiste américain, pendant que la FED viole allègrement les fondements de la doctrine monétariste, pourtant en vigueur depuis les années 1980.

Cependant, si Keynes triomphe, c'est un peu malgré lui. Keynes était partisan de l’interventionnisme de l'Etat, notamment pour stimuler l'investissement et corriger les inégalités. Mais Keynes restait avant tout un libéral, faisant confiance au marché. Or certains gouvernement ont cru avoir le feu vert de l'économiste anglais pour faire marcher à fond la machine administrative et stimuler la consommation des ménages. La mise en oeuvre de ces plans s'est en réalité révélée coûteuse, et surtout peu efficace. D'un côté ou de l'autre de l'atlantique, les indicateurs (croissance, chômage...) sont toujours à la peine.

Mais au delà des manoeuvres étatiques, il existe en économie un personnage central, largement ignoré en ce début de crise : l'entrepreneur. C'est l'économiste classique français du XIX ème Jean Baptiste Say qui, le premier met en lumière son rôle moteur dans l'économie capitaliste. Mais c'est un économiste de l'école autrichienne du début du XIX ème siècle qui en sera le plus fervent avocat : Joseph Schumpeter. Celui-ci a une vision ouvertement libérale de l'économie. Celle-ci réagit, selon lui, par cycle, avec comme moteur l'innovation, et comme héros à la manœuvre, l'entrepreneur. Concernant le mythe du progrès destructeur d'emploi et engendrant des crises, Schumpeter répond par le concept de "destruction créatrice". La crise fait un tri dans les industries et les idées : certaines sont condamnées à disparaître, quand d'autres émergent. Des emplois sont détruits et d'autres sont créés, à plus forte valeur ajoutée. L'économiste autrichien ressuscite au passage les travaux de l'économiste russe Kondratiev, qui mettait en évidence l'existence de cycles successifs longs (environ 30 ans) dans le capitalisme. Le russe sera fusillé par Staline pour avoir émis l'idée très peu marxiste d'un capitalisme capable de se renouveler sans cesse. Mais Schumpeter mettra cette idée au coeur de sa réflexion. Inutile de dire que l'économiste autrichien a connu un engouement certain ces dernières années, notamment dans la Sillicon Valley américaine, où les géants Apple et Google répondent à la crise par une soif d'innovation, et la naissance de l'économie numérique.

Mais l'innovation repose sur des cycles longs, et les effets sur la reprise économique ne sont pas encore très visibles. En 2011, la croissance européenne et américaine est toujours proche de zéro, et les effets de la crise sont particulièrement violents sur le chômage. Ce qui met également en lumière l'échec des faux plans Keynésien mis en oeuvre en 2008-2009. Sauf que cette relance a laissé une dette colossale. Panne de croissance, endettement vertigineux, c'est la crise des dettes souveraines qui prend le relais. Les taux grimpent de façon inconsidérée, et c'est toute l’Europe du sud qui est dans le rouge, la Grèce en tête. C'est alors que le discours politique commence à changer. David Cameron est élu en Angleterre sur un programme de rigueur particulièrement sévère. Les gouvernements italiens et espagnoles changent, pour mettre en place, là encore, des politiques de baisse des dépenses publiques, hausse des impôts et objectif de retour à l'équilibre. En France aussi le ton change, même si c'est surtout dans le discours, notamment celui de François Fillon, le premier ministre. Ce revirement donne raison à la chancelière allemande, Angela Merkel, à la tête d'un pays en cure d'austérité depuis bientôt 10 ans. Et côté théorie économique, un économiste anglais est, là encore, appelé à la rescousse : David Ricardo. Économiste de l'école classique du début XIX ème, cet ancien agent de change se fera connaître pour ces théories sur les avantages comparatifs et la nécessité de promouvoir le libre échange pour une efficacité optimale de l'économie. Il met aussi en garde contre les politiques économiques basées sur le recours excessif à l'emprunt et à l'impôt. En effet, l'économiste met en évidence le risque d'une accumulation sans fin de la dette publique jusqu'à la faillite de l'état. Au coeur de sa démonstration, le principe des "équivalences ricardienne" : L'impôt et l'endettement sont un prélèvement sur les revenus privés et donc la demande privée. Mais bien souvent, la dépense publique qui s'y substitue est moins efficace. Dès lors, les ménages anticipent les inéluctables hausses d'impôts à venir pour rembourser les emprunts, et épargnent donc davantage, faisant encore baisser la demande privée.

La crise de la dette souveraine de 2011-2012, nous l'avons vu, c'est aussi une crise plus générale de la construction européenne, et notamment de la monnaie unique : l'euro. Se pose l'interrogation du rôle de la Banque Centrale Européenne (BCE), et de son rôle éventuel de prêteur de dernier ressort. Mais l'interrogation principale sur l'euro revient à s'interroger sur la définition de ce qu'est une zone monétaire optimale. C'est tout le sens des travaux récents de l'économiste canadien Robert Mundell. Celui-ci définit quatre critères : mobilité des travailleurs pour chercher du travail, liberté de mouvement du capital, économie diversifiée, système fiscal capable de transférer de l'argent. Au regard de ces critères, il parait évident que la plupart d'entre eux ne sont pas remplis, du moins pas complètement. L'euro s'est fait sans chercher une homogénéité de l'économie européenne. Dès lors, une des planches de salut si on veut sauver l'euro sera la convergence européenne en allant vers plus de fédéralisme. Difficile à mettre en oeuvre...