Dans cette drôle de campagne électorale, qui a commencé sans avoir commencé, une posture semble néanmoins se dégager chez tous les candidats : Ils combattent le "système". Et il y a beaucoup de combattants. Il y a les combattants de gauche, de droite, du centre, d'extrême gauche, d'extrême droite et même d'extrême centre.
Mais au fait, c'est quoi le système ? Eh bien ça dépend. Vous allez voir.
A la pointe du combat il y a bien entendu les deux corsaires Jean Luc Mélenchon du Front de Gauche et Marine Le Pen du Front National. Pour eux, tout est à combattre, tout est à jeter, tout est à vomir. S'ils ne sont pas d'accord sur les solutions (quoique ?) ils le sont sur les ennemis à combattre : l'UMPS (UMP + PS), les médias ("salaud de journalistes", "tous vendus"), les banques, les financiers, les spéculateurs, les patrons voyous, les élites politiques corrompus, la commission de Bruxelles, L'Europe libérale, le libre-échange, la banque centrale européenne et son euro fort... Bref le système c'est à peu près tout, et tout ça est à jeter d'un bloc. ça a le mérite d'être simple (même très simple) pour l'électeur de base peu regardant et parfois lassé des errements des hommes politiques disons "institutionnels".
Phénomène nouveau, nous assistons à l'apparition des anti-systèmes du centre. Et même, disons-le de l'extrême centre, puisque c'est ainsi qu'aime à se définir François Bayrou. Lui, il a été dans le système, il y a très longtemps, mais maintenant plus du tout. Dix ans qu'il est en rébellion contre la droite chiraquienne puis sarkozyste, coupable de lui barrer la route vers son rêve Elyséen. Alors il tente de rejouer sa partition de 2007. Le système à abattre pour lui, c'est cette droite UMP, qu'il n'a pas voulu rejoindre et qui occupe le pouvoir à sa place. C'est aussi cette élite "médiatico-parisienne", coupable de connivence avec le pouvoir (et l'opposition), et surtout coupable de rire à l'idée que lui, le béarnais puisse un jour accéder à la plus haute fonction de l'état. Toujours au centre, mais moins extrême, il y a les anti-systèmes de fraîche date, tel Hervé Morin, qui a basculé lui aussi suite suite à son éviction du poste de ministre de la défense à l'automne 2010. Mais bon là, ça ne prend pas. Etre hors système, ça prend du temps. Il faut une traversé du désert, dire tout le mal qu'on pense d'un tas de gens avec qui on gouvernait autrefois. Pas si simple. Conséquence, c'est le régime sec : 0%.
A gauche, François Hollande tente une délicate synthèse en se présentant en anti-système, mais raisonnable, celui qui sait que bon quand même il en fait un peu parti de ce système et aussi que bon il a des chances d'être élu et d'avoir à en hériter. Lors de son discours au Bourget, il a donc désigné son seul ennemi, celui qui incarne le système qu'il va combattre : ce sera la finance. Ni plus ni moins.
A droite, il y a là aussi des anti-systèmes. Et certains se donnent du mal. Nicolas Dupont Aignan, président de débout la république a fait des efforts méritoires qui mérite d'être souligner. Il a quitté l'UMP en 2007, coupé les ponts avec Nicolas Sarkozy, et critiqué pratiquement tout ce qu'il a fait. Le système à combattre, c'est donc cette droite et cette gauche fédéraliste, coupable d'avoir introduit l'euro et d'obéir à la commission européenne. Effort mal récompensé cependant, il pointe à 0,5% dans les sondages. Autre anti-système qui tente de prendre son envol, et avec vigueur : Christine Boutin. En admiration devant le président lorsqu'elle était ministre, elle se dresse désormais contre le pouvoir, coupable de plein de choses, mais surtout de l'avoir sorti sans ménagement du gouvernement lors du remaniement de 2009. Du coup elle tape sur ce pouvoir sarkozyen qui ne l'écoute plus. Et menace même de soutenir François Bayrou. Une extrémiste je vous dis. Reste le cas Dominique de Villepin. Ancien premier ministre, vous allez me dire que c'est un peu dur d'être anti-système. Eh bien pourtant si. Son système à lui, c'est Nicolas Sarkozy, ennemi juré qu'il a affronté jusque dans les prétoires pour l'affaire Clearstream. Il se pose désormais en persécuté du régime. Les médias l'invitent d'ailleurs partout pour s'en plaindre. Laxiste le régime.
Reste un cas. Celui de Nicolas Sarkozy, dont nul ne doute qu'il sera candidat à sa succession d'ici quelques semaines. Et là, il faut bien admettre qu'étant président sortant, il faudrait être sacrément gonflé pour se présenter en candidat anti-système, . Et pourtant, c'est aussi en partie la partition qu'il pourrait jouer. Et il n'a pas le choix. Les français sont dans l'ensemble plutôt mécontents du bilan du sortant. S'il apparaît trop comme le sortant, il est mort électoralement. Mais il a d'autres angles d'attaques qu'il pourra toujours jouer : le système à combattre pourrait alors être dans sa bouche le conservatisme de la fonction publique et le conservatisme syndicale, incapable de se réformer, les médias qui ne sont guère bienveillants avec lui depuis 5 ans, ou encore la finance, à qui il veut appliquer une taxe Tobin sur leurs transactions. Punition pour lui avoir gâché son mandat avec une crise (celle de 2008, pas celle de 2011). Vous allez voir, quand il s'agit de combattre le système, les hommes politiques savent être créatifs. Ce n'est pas forcément le cas lorsqu'il s'agit de bâtir un programme, mais nous nous égarons...
Finalement, tous ces anti-systèmes nous ramènent aux élections américaines. Il est en effet conseillé, et même recommandé aux candidats, républicains comme démocrates, de fustiger Washington et son pouvoir central, réputé éloigné des réalités quotidiennes et de la vie de l'américain moyen. Sauf que généralement, ces candidats ne sont autres que des sénateurs ou membres de la chambres des représentants, et donc eux mêmes parmi cette élite de Washington. Cela peut même devenir cocasse. En 2004, le président sortant Georges W. Bush fustigeait pendant sa campagne ce fameux "Washington" déconnecté des réalités... Et le candidat-président Obama fera certainement de même cette année. Succès toujours garanti dans le urnes que de s'afficher en opposant du système. Surtout lorsqu'on en fait parti.
Une question subsiste encore: face à tous ses combattants ou pseudo combattants, qui défend le système ? Apparemment personne. Pourtant, nous savons d'expérience, qu'une fois l'élection passée, le vainqueur s'accommodera fort bien du système. L'ennemi juré de la 5ème république et des "puissances de l'argent", François Mitterrand, s'en ai parfaitement accommodé, conservant l'un, et libéralisant l'autre...
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