Le 23 Juillet 2011, le train à grande vitesse reliant Shanghai et Pékin déraille à la gare de Wenhzou. Le bilan est dramatique : 40 morts et des centaines de blessés. Gêné, le gouvernement de Pékin tente de dissimuler l'accident auprès de l'opinion, ou du moins de le minimiser. Au pays de la pivoine, le régime communiste contrôle la diffusion des contenus sur internet et censure ainsi strictement toute référence au déraillement. Las, dans les heures qui suivent, l'information se propage à très grande vitesse auprès de centaines de millions de chinois. Qui a brisé la censure ? Le coupable s'appelle Weibo.
Qui est ce dangereux briseur de censure ? Weibo est tout simplement un site de micro-blogging disponible sur les smartphones de millions de Chinois. Il permet l'échange de contenus de type texte ou image. Les textes étant limité à 140 caractères. C'est en cela le cousin local de Twitter, interdit en Chine, au même titre que Facebook. Or Weibo, disponible sur Smartphone et s'appuyant sur la technologie de la diffusion de message instantanée, ne peut pas être censuré, à moins de couper tous les téléphones des chinois.
Ainsi, Weibo l’incontrôlable est utilisé quotidiennement par 300 millions de Chinois qui font de plus en plus confiance à ce média pour s'informer, plutôt qu'aux médias contrôlés par le pouvoir. Il faut dire que Weibo permet de diffuser les informations qui dérangent les dirigeants chinois : le déraillement du train à Wenhzou pour cause de matériels défectueux, l'effondrement de mines, la pollution des grandes villes du pays, la répression violente des manifestations et des opposants...
On se souvient qu'il y a un an, le monde Arabe s'enflammait, notamment au Mahgreb. Débouchant sur les révolutions dites du "Jasmin" en Tunisie, en Egypte ou plus difficilement en Libye. Le pouvoir a tremblé au Maroc. Il tremble encore en Syrie. On avait décrit ces révolutions comme les premières révolutions "Facebook". Le grand site communautaire de Mark Zuckerberg avait en effet permit de fédérer à la vitesse de l'éclair des opposants au départ isolés. Et permit la diffusion instantanée de points de rassemblement pour les manifestants. Ou encore, très important, la possibilité de poster photos et vidéos de la répression qu'ils ont subi. Ces images ont fait le tour du monde, et nombre de citoyens de tous les pays se sont rangés ainsi à leur cause, mettant la pression sur leurs propres pouvoirs publics pour intervenir.
Facebook étant interdit au pays de la pivoine, est ce que les chinois détiennent avec Weibo l'outil d'une future révolution ? Une réflexion tout d'abord. Nous avons vu, avec les évènements dans le monde arabe, que les méthodes à l'ancienne des dictatures (Censures, intimidations ou emprisonnements des opposants...) fonctionnaient de moins en moins. Tout simplement parce que la technologie bouleverse singulièrement la donne. Les opposants ne sont plus d'illustres dissidents que l'on peut contrôler ou emprisonner comme Soljenitsyne ou Sakharov du temps de l'URSS. Ce sont désormais des milliers voir millions d'anonymes, pianotant sur un clavier d'ordinateur ou de smartphone et diffusant des messages en instantanée, donc non censurable, et difficile à tracer.
De mon point de vue, il me semble que trois conditions sont nécessaires pour envisager un soulèvement actuellement dans le monde. Que ce soit en Chine, en Russie ou d'autres pays Arabes. Nous avons pu l'observer lors du "printemps Arabe". Tout d'abord, il faut une lassitude croissante, se transformant en colère, d'une partie de la population, souvent les jeunes, vis à vis d'un pouvoir autocratique et répressif. Il faut ensuite une dégradation de la situation économique. Enfin, il faut la technologie et le média pour pouvoir fédérer les opposants et agir.
Prenons le cas du printemps Arabe. Nous avons eu la conjonction de ces conditions : Des Ben Ali et Moubarak depuis trop longtemps au pouvoir de régimes autoritaires et répressifs, une dégradation des conditions de vie avec la crise économique actuelle, ne donnant aucun espoir à de jeunes diplômés condamnés au chômage. Et enfin, comme je l'expliquais précédemment, des médias comme Facebook ou Twitter capable de fédérer les opposants.
Revenons au cas de la Chine. Oui, il commence, timidement, à y avoir une colère de certains chinois vis à vis du pouvoir en place. Le pays s'ouvre sur le monde, les chinois voyagent, se déplacent et rêvent pour les plus jeunes d'une plus grande liberté d'expression et d'information. Le sort des dissidents et opposants politiques est désormais connu de tous. S'agissant de la situation économique, elle est solide pour l'instant mais commence à s'effriter. L'inflation est tout de même de 20%, l'immobilier baisse et mange l'épargne que les chinois mettent de côté pour leur futur retraite. La croissance ralentit (mais est encore à 8% tout de même), créant une pression pour intégrer l'importante main d'oeuvre venue de la campagne et se ruant vers les villes à la recherche d'une vie meilleure. Et enfin, le non censuré et très libre Weibo devient le premier média d'information en Chine. Des manifestations, durement réprimées, commencent d'ailleurs à être connues et rapportées. La situation économique continuant pour l'instant de s'améliorer, le pouvoir peut être tranquille. Mais le jour où ça ne sera plus le cas, on peut imaginer que la situation explosera, et on peine à imaginer les conséquences de cette révolution de la pivoine...
Attention toutefois, comme le montre l'exemple Tunisien et Egyptien, les révolutionnaires du web 2.0, sans organisation ni leader, peuvent faire trembler, voir chuter le pouvoir en place. Pas en reconstruire un. Les opposants institutionnels (Ennhada en Tunisie, Les Frères Musulmans en Egypte) reprennent le contrôle. Nous verrons si c'est pour le meilleur ou pour le pire...
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