Y aurait-il comme un doute dans la tête du président sortant ? Bien qu'il s'en défende, il faut bien se rendre à l'évidence que les choses se présentent mal pour lui.
Il y a d'abord cette crise économique et financière qui n'en finit plus depuis maintenant l'été 2008 et la faillite retentissante de Lehman Brothers. On en avait même aperçu les premiers soubresauts en août 2007. Les subprimes donnaient alors des signes de faiblesse sur le marché américain. Nicolas Sarkozy, tout juste installé à l'Elysée, ne se doutait pas qu'il ne sortirait plus la tête de l'eau. Car la crise s'est impitoyablement abattue sur la France comme sur le reste de l'Europe. Grossissant des dettes que les Etats avaient le plus souvent renoncé à contrôler et juguler, la crise financière a durement frappé l'économie réelle.
La France n'y échappe évidemment pas. Un chômage qui ne cesse d'augmenter et se porte maintenant à près de 10%, une dette qui creuse de 500 milliards d'euros pour atteindre 1700 milliards d'euros. L'horizon est sombre. Les opposants du président le tiennent évidemment pour responsable de cette situation. C'est de bonne guerre. Il y a parfois du vrai d'ailleurs. Certaines niches fiscales coûtent chers et n'ont que peu d'effets (TVA réduite pour la restauration, niche Copé...), d'autres ne coûtent pas si cher mais sont symboliquement dures à défendre en période de vaches maigres (Bouclier fiscal...). Maintenant, si nous examinons la situation d'autres pays, on s'aperçoit sans surprise que leur taux de chômage a fortement augmenté, souvent plus qu'en France (Espagne, Italie, Grande Bretagne...) , et que leur dette s'est aussi fortement accrue (Espagne, Etats Unis). Sa responsabilité n'est donc pas exclusive et est donc à nuancer.
Néanmoins, si l'on se réfère aux élections récentes, les peuples n'ont guère chercher de circonstances atténuantes à leurs dirigeants politiques, fusibles de premier choix en cas de pareil marasme économique. Socrates au Portugal, le parti socialiste de Zapatero en Espagne, Berlusconi en Italie ou Papendreaou en Grèce. Tous se sont vu signifier l'arrêt (momentanée) de leurs activités à la tête du gouvernement, quelque soit la justesse de leurs politiques pendant la crise. Il est d'ailleurs intéressant de constater que leurs remplaçants poursuivent les politiques de rigueur qu'ils avaient initiées. It is the economy, stupid. Le président Sarkozy a donc beaucoup de soucis à se faire.
Face à lui, le candidat socialiste François Hollande est au zénith dans les sondages et favori de toute la presse. Il n'a pas donné beaucoup de signes de faiblesse jusqu'à présent. Et il le sait, la crise économique joue pour lui, et il peut compter sur le renfort des anti-sarkozystes qui continuent 5 ans après de se rappeler du Fouquet's ou yacht de Bolloré. Ces erreurs initiales d'affichage du président, qui n'était d'ailleurs pas encore investi président, il les portera donc jusqu'au bout. Si la situation économique était meilleure, les gens auraient pu oublier. Mais là non, en ses temps de disette, c'est resté, même si c'est loin maintenant.
Malgré tout, François Hollande a bâti un programme. Le programme se veut rigoureux, mais ce n'est pas pour autant la rigueur, et encore moins l'austérité tant redoutée. A contre-temps par rapport aux mesures prises par nos voisins européens, le programme socialiste propose de nouvelles dépenses. Il est néanmoins jugé plutôt responsable par l'opinion. Sans doute à tort. De plus, le candidat socialiste s'est très bien préparé et semble avoir tiré les leçons de la campagne désorganisée de Ségolène Royal en 2007. Il sait faire campagne et est un débatteur hors pair. Il l'a encore démontré la semaine dernière contre Alain Juppé qui n'a pas véritablement trouvé l'angle d'attaque pour le déstabiliser. Bref ça plane pour Hollande. Mais peut être un peu trop.
En effet, voulant montrer un visage d'assurance, il est parfois passé pour trop sûr de lui, trop sûr de sa victoire. Comme s'il s'y voyait déjà, ignorant presque qu'il y a un président encore en exercice. Il est surprenant qu'un politique expérimenté comme Hollande soit tomber dans cet excès de confiance. Il doit pourtant savoir qu'une campagne électorale n'est jamais jouée à l'avance et que les électeurs détestent qu'on choisisse à leur place. Il l'a même expérimenté en conduisant comme premier secrétaire du PS la désastreuse campagne électorale de Lionel Jospin en 2002. Ce dernier était pourtant sûr de gagner.
On peut aussi se replonger dans les archives de 1995. Fin Janvier, le candidat Balladur pointait à 35% dans les sondages contre 13% pour Jacques Chirac. Arlette Chabot demandait même à ce dernier s'il comptait aller jusqu'au bout de sa candidature. Philippe Seguin, en campagne pour Chirac, provocateur, lance alors : "il parait qu'il y a une élection présidentielle, mais le vainqueur a déjà été désigné par les commentateurs, elle n'a plus lieu d'être". Les électeurs se révoltent contre ce scénario trop bien écrit à l'avance et on sait ce qu'il adviendra. De quoi rassurer un peu le candidat Sarkozy qui toutefois, contrairement à Chirac en 1995, est le sortant, avec une crise sur le dos et une opinion durablement hostile. Oui, il est mal barré...
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