Affichage des articles dont le libellé est Euro. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Euro. Afficher tous les articles

jeudi 24 mai 2012

Croissance ! croissance ! croissance !...

"Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe ! l'Europe ! l'Europe !... mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien". Le général de Gaulle, alors en pleine campagne électorale d'entre deux tours lors de la présidentielle de 1965, prononça cette célébrissisme phrase lors d'un entretien télévisé avec Michel Droit. Remplaçons maintenant le mot "Europe" (quoique ?) par "Croissance", et la phrase prend tout son sens. Oui, on entend beaucoup ces jours-ci "Croissance ! Croissance ! Croissance !...", sans que cela ne fasse bouger d'un iota les problèmes européens de croissance. Dans le rôle du cabri, il y a bien sûr François Hollande, ainsi que Barack Obama, mais aussi d'autres dirigeants européens (Monti, Rajoy...), qui espèrent encore échapper aux lourdes et douloureuses réformes qui les attendent et qu'ils peinent à engager dans leurs pays.

Le nouveau président français, François Hollande, se targue d'avoir été le premier à parler de croissance, et semble vouloir prendre la tête des pays qui veulent de la croissance. Il s'est d'ailleurs félicité qu'au cours du G8, ses voeux de croissance aient reçu le soutien du président Obama, et de certains partenaires européens (Monti). "Oui à la croissance", telle est donc la conclusion de ce sommet. Mais de qui se moque-t-on ? Fallait-il donc organiser un aussi coûteux barnum pour affirmer une pareille évidence ? Y a t il donc des gens pour contester que la croissance est nécessaire pour assurer la prospérité de nos sociétés ? A part quelques militants écologistes de la décroissance, je ne crois pas. Ce sommet entre les grands dirigeants de ce monde avait en réalité plutôt des allures de réunion de politburo, comme au temps de l'URSS avec ses Staline et Molotov. Manquait néanmoins une information au sortir de ce G8. Quel taux de croissance le soviet suprême a-t-il officiellement fixé aux planificateurs de l'économie ?

Blague à part, ce G8, ainsi que la réunion "informelle" d'hier soir entre les 27 dirigeants européens, semblaient marquer l'offensive des pro-croissance contre les pro-austérité. Avec un objectif, isoler la chancelière allemande Angela Merkel, qui défend bec et ongle son pacte budgétaire européen, et se veut gardienne de la bonne gestion de l'économie allemande depuis 10 ans. Cette offensive du président français pour faire adopter un pacte de croissance rencontre d'ailleurs, il faut bien le dire, un certain engouement, notamment s'agissant de sa proposition d'émission d'eurobonds (ou euro-obligations). Ces euro-bonds, c'est en quelque sorte une mutualisation des dettes de tous les pays de la zone euro, qu'ils soient très endettés ou pas, qu'ils aient une gestion rigoureuse ou non. En somme, la solution miracle pour secourir les pays de la zone euro asphyxiés par des taux d'intérêt très élevés (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, Italie...). Pas étonnant donc que, lors de la réunion d'hier, le président Hollande ait précisément reçu le soutien de la Grèce, du Portugal, de l'Espagne, de l'Italie... Au delà des étiquettes politiques. La chancelière allemande, qui a opposé une fin de non recevoir à ce projet d'euro-bonds, a , quant à elle, été soutenue par les Pays Bas, la Finlande ou encore la Suède (qui n'est pas dans l'euro). Précisément les pays d'Europe les plus vertueux. On ne peut que regretter que, dans cette confrontation entre les bons et les mauvais élèves, la France ait pris la tête de la seconde catégorie.

Car dans l'esprit du nouveau président français, pas de doute. Plutôt que de l'austérité, il faut de la croissance par la relance. La règle d'or budgétaire attendra, les réformes de l'Etat attendront, les coupes douloureuses dans les budgets sociaux attendront. Car, pour créer de la croissance, rien de tel que de la relance keynésienne : hausses des dépenses publiques, programmes de grands travaux, hausse des prestations sociales. Cela a un coût, certes, mais avec la magie du "multiplicateur keynésien", l'économie se relance, et la dette est remboursée plus tard... ou jamais. Car le mécanisme fonctionne mal. La référence des keynésiens, c'est le New Deal de l'après crise de 1929, lancé par le président Roosevelt. On sait depuis, en observant les chiffres de l'économie américaine des années 1930 (Chômage, croissance...), que c'est la guerre de 39-45 et la demande massive en armement qui ont véritablement relancé la machine économique américaine, et assez peu les plans de Roosevelt. Mais l'illusion est restée. Les pays européens subissent d'ailleurs précisément l'échec et l'endettement des plans keynésiens de 2008-2009.

L'austérité, voilà donc l'ennemi. C'est elle qui tue la croissance. Arrêtons donc immédiatement ces terribles plans de rigueur qui font plonger l'Europe un peu plus dans la crise. Cependant, à y regarder de plus près, il n'en est rien. A écouter les médias, de terribles coupes budgétaires seraient en train d'asphyxier les populations italiennes, espagnoles, portugaises, et bien sûr grecques. En réalité, il n'y a pas de coupes budgétaires drastiques. Les salaires de la fonction publique sont gelés, certes, mais ne baissent pas. Les pensions de retraite sont gelées, mais ne baissent pas. Elles augmentent même légèrement en Espagne. La terrible hausse de la fiscalité se traduit en fait essentiellement par une légère augmentation de la TVA. Les gouvernements ne remplacent pas la majorité des fonctionnaires partant à la retraite, mais n'en licencient pas. Plus révélateur, il n'y a en réalité pas d'austérité à proprement parler, puisque les dépenses publiques des Etats sont, malgré tout, en hausse ! On a simplement freiné la hausse, en limitant, comme le propose en France François Hollande, l'augmentation des dépenses à 1% du PIB. C'est loin d'être la fête, mais ce n'est pas ça l'austérité.

La politique de rigueur, l'Allemagne l'a connu depuis 2002. Initiée par Gehrard Schroeder, chancelier social-démocrate, elle a été strictement poursuivie par sa successeur, Angela Merkel, démocrate-chrétienne. Une politique économique cohérente sur la durée, malgré l'alternance. Voilà déjà un élément clé. Conscient, dès l'entrée dans l'euro, des failles du modèle social allemand, ces deux chanceliers se sont donnés le temps d'adapter leur pays à la compétition mondiale. Pour en tirer aujourd'hui les bénéfices. Et, puisqu'on décrit l'austérité comme ennemie de la croissance, intéressons nous au cas allemand. En 2011, l'Allemagne est à 3% de croissance quand la France est à 1,7%. Et pour le 2ème trimestre 2012, voici les prévisions : Allemagne +0,7%, France +0%, Espagne en récession, Italie en récession, Portugal en récession, Grèce en récession. Tout est dit. Une bonne gestion budgétaire tuerait donc la croissance. Encore un mythe à combattre. A noter un fait historique hier. L'Allemagne émet avec succès des obligations d'Etat sur 2 ans à 0% de taux d’intérêt ! Les investisseurs préfèrent perdre un peu d'argent, à cause de l'inflation, plutôt que d'aller sur de la dette toxique. C'est un signal particulièrement alarmant.

Admettons en tout cas que la situation de l'Europe, et particulièrement de la zone euro, est dramatique du point de vue de la croissance. Pour 2012, les Etats Unis prévoit une croissance d'au moins 2%, La Chine pourrait avoisiner les 7,5%. La zone euro, elle, sera au mieux à croissance nulle, au pire en récession. Les Etats Unis, comme souvent, ont su rebondir après la crise financière, en faisant confiance à son secteur privé pour rester le moteur de l'innovation mondiale, et le paradis des entrepreneurs. La croissance est cependant timide, car plombée par une lourde dette, sorte de gigantesque bombe à retardement. La Chine, elle, n'innove pas encore, mais reste l'usine du monde. Avec ce modèle, parfois contestable au regard du droit social, le pays trouve toujours son compte. Innovation aux Etats Unis, travail en Asie. L'Europe peine à trouver sa place dans le schéma économique mondial. En pleine désindustrialisation, et avec une frénésie de consommation, elle peine cependant à concurrencer les innovateurs américains. Clairement, l'Europe est en panne et sa croissance aussi.

Reste donc les fameuses initiatives pour la croissance proposées par certains, François Hollande en tête. Au programme : Une taxe sur les transactions financières, que la Suède a déjà testé il y a plus 20 ans sans succès, au point d'y renoncer. Des projets keynésiens d'infrastructures, sous forme de "project bonds", qui peuvent avoir une utilité, à condition d'en avoir besoin, mais qui se révèlent surtout être de la dette supplémentaire, et un moyen de placer ses amis politiques au chaud au sein de technostructures ingérables. Le New Deal des années 30 l'a déjà fait. La palme du non sens économique enfin : les fameux "eurobonds". Certainement le meilleur exemple d'aléa moral qui soit. Suite à une mauvaise gestion vous devez emprunter à 6% ? Pas de problème, on mutualise avec un bon gestionnaire qui emprunte à 0%, et vous allez désormais emprunter à seulement 3%. Magique non ? Alors ruez vous à nouveau sur les emprunts, c'est pas cher. Il est tout de même frappant de constater que la principale réponse à la crise de la dette est, pour certain, d'émettre encore et toujours plus de dettes. Mais si on n'y réfléchit bien, pourquoi des Etats comme la Grèce, L'Espagne ou l'Italie ont pu s'endetter à ce point ? Tout simplement par le mécanisme implicite des euro-bonds qu'est la monnaie unique, l'Euro. Car pendant des années, la magie de l'Euro a fait que les Grecs empruntaient au même prix que les allemands. Jusqu'à ce que la réalité économique les rattrape.

Pour la croissance, il n'y aurait donc rien de mieux que de la dette et les fumeux euro-bonds ? Si. Le 22 février dernier, pendant la campagne présidentielle française, et avant même que François Hollande ne se fasse chantre de la croissance, plusieurs dirigeants européens (David Cameron, Mariano Rajoy, Mario Monti, Mark Rutte, Donald Tusk...) ont envoyé une lettre à Herman Von Rompuy et  José Manuel Barroso, proposant un certain nombre de pistes pour doper la croissance européenne. Et ici, pas de nouvelles dettes, pas de frénésie fiscale, pas de solutions gadgets coûteuses. Essentiellement des réformes de structures, et une convergence européenne accrue : achèvement du marché unique, élimination des obstacles à la concurrence dans certains secteurs protégés, ouverture du marché des services, marché unique de l'énergie, espace unique de transport européen, réduction des réglementations sur les entreprises, mesures en faveur d'un meilleur fonctionnement du marché du travail, responsabilisation et renforcement du secteur financier... Presque un retour au grand rêve du marché unique européen finalement. Mais surtout, la philosophie des initiatives proposées, c'est de faire confiance aux entreprises, aux entrepreneurs, aux hommes, à leurs idées, à leurs innovations... Ce qui reste la seule et unique façon de créer de la croissance. A l'heure de l'euro-bond triomphant, il n'est peut être pas trop tard pour exhumer ce texte...

mardi 22 mai 2012

Quand Milton Friedman parlait de la fin de l'Euro...

L'euro est voué à l'échec. D'ailleurs, les pays de l'Euroland vont connaitre une période de fortes turbulences, et la zone euro risque d'imploser d'ici 5 à 15 ans. En effet, le moindre problème économique d'un des pays de la zone se propagera et contaminera les autres. De plus, la structure économique de l'Europe ne plaide pas en faveur de l'adoption d'une monnaie unique : la force de travail en Europe est insuffisamment mobile, les blocages économiques difficiles à résoudre, et les barrières culturelles nombreuses. "Ennemi de la démocratie", l'euro ne fera qu’accroître les différences économiques des pays de la zone, au lieu d'apporter de la stabilité. "Illusion technocratique", elle ne parviendra pas à remplacer le dollar comme monnaie de référence. "Contre-nature", cette monnaie engendrera des crises que l'Europe paiera un jour au prix fort.

Cette analyse ne date pas de 2011 ou 2012 comme on pourrait s'y attendre, mais de 1992, l'année de ratification du traité de Maastricht, établissant une monnaie unique en Europe. Et les propos précis, cités en préambule, ne datent pas d'il y a quelques jours, mais de 2002, l'année d'entrée en vigueur de l'euro. Enfin, cette démonstration, qui nous frappe par sa justesse et son caractère prémonitoire, n'est pas l'oeuvre d'un souverainiste, mais d'un économiste éminent : Milton Friedman. En effet, le prix Nobel d'économie 1976, pape du libéralisme, et chef de file de l'école monétariste de Chicago, s'est opposé dès le départ au projet de monnaie unique en Europe. C'est ainsi que, dès 1992, il mettait en garde l'Europe contre un tel projet, pointant du doigt les différences profondes entre les économies et cultures des nations européennes. Avertissement qu'il renouvela plus précisément en 2002, par le biais d'une série d'interviews dont on a compilé ci-dessus les propos.

Au regard de l'actualité de ces derniers mois, et particulièrement de ces dernières jours, on ne peut qu'être frappé par l'exactitude du scénario décrit 10 ans auparavant par l'économiste américain. Oui, la zone euro risque d'imploser. Oui, les problèmes économiques d'un pays se propagent dans le reste de la zone. Oui, la structure économique de l'Europe s'est révélée trop hétérogène, et a pâti de l'absence de convergence. Oui, la monnaie unique voit se dresser contre elle de plus en plus de peuples européens. Oui, elle est perçue comme le fruit de la technocratie européenne. Oui, l'euro n'arrive pas supplanter le dollar comme monnaie de référence. Et oui, l’Europe va le payer le prix fort. Cependant, si en 1992 Milton Friedman a eu une certaine perspicacité, en 2002, il avait surtout sous les yeux un exemple de crise due à de mauvaises décisions de gestion monétaire : l'Argentine. Et quand on regarde de plus près l'exemple Argentin, on comprend mieux les déboires de l'euro, tant les similitudes sont frappantes.

Mais que s'est il passé en Argentine ? Petit retour en arrière. Dans les années 80, le peso argentin souffrait d'une instabilité chronique et le pays était touché par l'hyper-inflation. Pour stabiliser cela, l'Argentine du président Menem va adopter le système du "Currency board" ("Caisse d'émission monétaire"). Le principe est très simple : Le peso argentin devient lié au dollar américain par un système de change fixe. Sorte de "dollarisation" de l'économie argentine. Si cette politique porte ses fruits dans un premier temps et stabilise l'économie, le vent tourne à partir de 1998. Crise financière en Asie, crise des matières premières. Le pays rentre à son tour en crise, et les recettes fiscales chutent. Plus grave, le pays n'a pas fait de réformes structurelles et mène au contraire une politique budgétaire laxiste. Il n'est pas préparé pour amortir la crise. Normalement, dans cette situation, c'est la dévaluation assurée. Impossible avec le "Currency board". Le peso suit le cours du dollar, alors très haut à l'époque. Incapable de se réformer, le pays plonge dans une très grave crise. Déficit des balances extérieures qui creusent davantage encore le déficit face à des économies à plus faibles devises (Brésil...). Les problèmes s'accumulent alors : hausse du chômage, forte inflation, taux d'intérêt vertigineux, incapacité de rembourser la dette... Les remèdes d'austérité budgétaire préconisé par le FMI ne suffisent plus. Le peso-dollar devient clairement le problème de l'Argentine. Pour s'en sortir, les remèdes incontournables arrivent à la rescousse. D'abord une forte dévaluation du peso qui redevient flottant face au dollar. Ensuite une renégociation avec les créanciers pour le remboursement de la dette. Ces derniers doivent renoncer à une grande partie du remboursement (de 60% à 75%). Enfin pour tenter d'équilibrer les comptes, des réformes fiscales conduisent à une hausse importante des impôts. Ajouter à cela, des réformes structurelles, notamment sur le partage des pouvoirs entre gouvernement fédéral et les provinces. Avec notamment une sorte de "règle d'or" budgétaire pour revenir à l'équilibre. Moyennant quoi l'Argentine a pu repartir, et son économie se porte aujourd'hui nettement mieux, malgré des zones d'ombres persistantes sur ses déficits et la solidité de sa monnaie.

Revenons maintenant au cas de l'euro. L'adoption de cette monnaie unique a repris un principe similaire au "Currency board" argentin : le change fixe. En effet, exit le change flottant entre les devises européennes, dont certaines étaient en proie à des instabilités chroniques, et place au change fixe. Toutes les monnaies deviennent en gros indexé sur le Deutchmark, la monnaie la plus forte des pays de l'euro.

Sauf qu'avoir une monnaie forte peut être un désavantage compétitif majeur à l'exportation. Pour prévenir cela, des politiques de déflation compétitive, de modération salariale, d'équilibre budgétaire, et de réformes structurelles s'imposent. L'Allemagne, que Milton Friedman considérait en 2002 comme le maillon faible (!), a fait ses réformes structurelles. Et s'est accommodée de l'Euro. Les autres pays de la zone ne les ont pas poussées assez loin (pour les pays du nord de l'Europe), voire pas commencé du tout (La France et les pays du sud de l'Europe). Suivant en cela le modèle argentin. Arrivée la première grave crise financière de son histoire (subprimes), et l'Euro tangue. La Grèce, la plus fragile, se retrouve alors, de façon extrêmement frappante, dans la même situation que l'Argentine dans les années 1998-2002 : chômage, récession, dette abyssale, taux d'intérêt astronomique, situation de défaut partiel, et sous perfusion du FMI et de l'Union Européenne, qui ont déjà mis plus de 130 milliards d'euro sur la table. A fond perdu. Les timides mesures d'austérités arrivent bien trop tard. Et l'économie grecque ne fonctionne clairement plus avec l'euro.

Car enfin, soyons clair : la Grèce va évidemment sortir de l'Euro dans les mois qui viennent. A la lumière de l'exemple argentin, on comprend bien que le système de change fixe imposé à la Grèce l'empêche de redémarrer. Elle va donc devoir retourner aux drachmes, qui sera immédiatement, et très fortement, dévalué. Ensuite, il ne faudra pas se faire d'illusion. La Grèce va renégocier et rééchelonner le remboursement de sa dette, devenu impossible à rembourser. Clairement, certains épargnants et établissement bancaires n'en reverront pas une bonne partie de la couleur. Enfin, la Grèce va devoir se contraindre à des ajustements structurels, toujours repoussés, et à mettre en place une profonde réforme fiscale. A moins de descendre encore davantage en enfer. Les grecs anticipent déjà ce scénario. Des centaines de millions d'euro sortent chaque jour des banques grecques. Les investisseurs et les capitaux fuient.

L'éclatement de la zone euro devient donc clairement d'actualité. Après la Grèce, le Portugal et l'Espagne pourrait suivre le même chemin que l'Argentine. De même que l'Italie. Les réformes structurelles arrivent là aussi beaucoup trop tard, et ne sont pas à la mesure du drame qui se préparent. On se contente d'une limitation de la hausse des dépenses, plutôt que d'une vrai réforme de l'Etat. Et leurs dettes ne sont tout simplement plus soutenables. Un défaut partiel est inéluctable. La France va, quant à elle, passer la barre symbolique des 90% d'endettement. D'après les économistes, en dessous de cette barre, c'est 1% de croissance en moins par an. On se prépare donc à une décennie très difficile. Quant à l'Allemagne, même ce bon élève pourrait se lasser d'être une locomotive d'un train devenu trop lourd à tirer. Elle pourrait vouloir sortir d'une zone euro qui prend l'eau de toute part. Les défauts qui s'annoncent sont d'une ampleur incomparable avec la Grèce, qui représente seulement 2,5% du PIB de la zone euro. Ni le FMI, ni l'union européenne, prêteurs de dernier ressort, ne sont préparés à l'ampleur du défaut qui ce dessine, et qui sera un cataclysme à l'échelle européenne et mondial.  

Reste une dernière option sur la table, mais qui n'est que rarement évoquée : une forte dévaluation de l'euro. Ce serait pour les Allemands manger leurs chapeaux, après tous les ajustements et réformes entreprises depuis 2002. Mais, pour la plupart des pays de la zone euro, ce pourrait être un peu d'oxygène, notamment face au dollar et au yuan, tombés à des niveaux relativement bas. L'avantage, c'est que cela pourrait assurer la survie à court terme de la zone euro. Et favoriser les exportations, à condition toutefois d'avoir des produits à exporter. Le danger, c'est évidemment un appauvrissement de la zone, le retour d'une inflation monstre sur nos importations, et une hausse des taux d'intérêt, qui pesera à nouveau sur notre dette. Quoiqu'il en soit, le pire est clairement devant nous...

Quand Milton Friedman parlait de la fin de l'euro...

mardi 6 décembre 2011

L'aléa moral de la zone euro

La zone euro vit depuis des mois dans un mythe, celui que les Etats rembourseront les dettes contractées. C'est faux, ils ne rembourseront évidemment pas, il n'y aura pas de retour à l'équilibre.

La croissance économique des pays de la zone euro est très faible alors que les taux d'intérêts pour financer leur dettes ne font que grimper. Et rien ne semble pouvoir enrayer cette montée. Tous les pays renégocient en permanence leurs dettes, on parle alors de restructuration. Mais, il devient de plus en plus probable que nombre des pays européens feront partiellement défauts. Si ce n'est pas même le défaut complet, comme c'est en réalité déjà le cas dans une Grèce en perfusion de l'Union européenne et du FMI.

Pourtant la Banque Centrale Européenne (BCE), sous l'égide de Jean-Claude Trichet d'abord et désormais de Mario Draghi, est intervenue sur les marchés pour racheter massivement de la dette, notamment italienne et espagnole. Mais rien n'y fait. Malgré cette intervention censée soutenir artificiellement les taux, ceux-ci ne redescendent pas.

Mais cette intervention de la banque centrale au fait, sert-elle vraiment la cause qu'elle entend soutenir ? Analysons cette intervention. 

Au début, plusieurs pays européens (Italie, Espagne pour ne citer qu'eux) se trouvent en difficulté sur le marché des obligations souveraines (emprunts d'Etat). Fortement endettée, avec des perspectives de croissance faible, ils attirent moins les investisseurs. Sans pour autant présenter de risques sérieux de défauts à court terme, leurs taux d'intérêts vont logiquement monter sur le marché des dettes souveraines. Conséquence, ils auront plus de mal à se financer sur le marché de court terme.

Pour aider ces pays en difficultés, la BCE décide d'intervenir et de faire baisser les taux des dettes à court terme de ses pays. Pour cela, le mécanisme est simple, il suffit de racheter via les banques centrales de ces pays de la dette détenue par les banques privés. Effet attendu, les taux doivent baisser et ces Etats peuvent à nouveau se refinancer sans être asphyxier, leurs obligations devant trouver plus facilement preneur. Effet constaté en réalité, les taux ne baissent pas et continuent même à monter. Pourquoi ? 

Parce que ces pays sont déjà très endettés, et ne respectent pas les réglementations européennes. Et plutôt que de se restructurer profondément et geler leurs dépenses, ils vont continuer à s'endetter sur les marchés pour financer leurs déficits courants. Et ce, alors que les perspectives de croissance sont mauvaises, n'offrant que peu d'espoir de rentrée de recettes et de retour à l'équilibre dans les mois ou années qui viennent. Cette entourloupe de la BCE n'échappe cependant pas aux investisseurs privés, qui ne vont pas ce précipiter vers ces obligations à l'évaluation falsifiée. Conséquence, l'intervention de la BCE fait davantage fuir encore les investisseurs. Les taux continuent de monter. Et l'argent de la BCE n'a été qu'un coup d'épée dans l'eau.

Nous sommes là dans un cas typique d'aléa moral qui affectent considérablement la zone euro. On explique souvent mieux l'aléa moral avec l'exemple de l'assurance. Un sociétaire va souscrire à une assurance qui l'engage à respecter un contrat en échange d'une couverture. Mais après signature, le sociétaire, se sentant protégé, va parfois dévier et avoir un comportement à risque. Cette déviation est l'appelé Aléa moral. La justice peut alors condamner cette déviation, ce qui incite chaque individu à respecter son contrat.

Dans le cas présent, les Etats de la zone euro qui n'ont pas respecté les engagements du pacte de stabilité européens (3% de déficit budgétaire, 60% du PIB d'endettement) et qui ne se sont pas restructurés sont in fine sauvés par une zone euro et une BCE qui refusent toute perspective de défaut de l'un de ces membres. D'où les plans successifs de sauvetage, et le rachat de dettes. Le tout en pur perte bien sûr. Plutôt que d'être sanctionné, et d’éventuellement faire défauts, ces Etats ne sont incités qu'à continuer leurs comportements déviants en s'endettant à peu de frais.

Il existe pourtant un organe européen qui doit, dans l'avenir, jouer un rôle majeur. C'est la Cour de Européenne de Justice, basée au Luxembourg. C'est ce pouvoir judiciaire, qui doit avoir pour mission de faire respecter les engagements de tout les contractants. Et les sanctionner si besoin.

Arrêtons de chercher des boucs émissaires, un des problèmes européens, c'est l'aléa moral.

lundi 5 décembre 2011

Maastricht, vingt ans après

1992 - 2012.
L'année prochaine nous fêterons le vingtième anniversaire du "Oui" au référendum de Maastricht, ratifiant la création de la monnaie unique en Europe. Nous avons connu l'Ecu quelques années. Puis ce fut l'Euro.

On se souvient encore de cette campagne électorale, de ce volumineux document du traité européen que tous les citoyens avaient reçu dans leur boite au lettre, sans rien y comprendre. L'enjeu disait les partisans du "Non", c'était l'abandon de la souveraineté de la France au profit du fédéralisme européen et de la commission de Bruxelles. Pour les partisans du "Oui", c'était l'aboutissement du vieux rêve européen et la réconciliation achevée de la France et de l'Allemagne, durement ravagés par les guerres du XXème siècle.

Le monde politique s'étripa sur pendant la campagne. Les trois mousquetaires de la droite souverainiste, Philippe Séguin, Charles Pasqua et Philippe de Villiers font campagne pour le "Non" contre l'avis des appareils RPR et UDF. Un quatrième (D'artagnan ?), Jean-Pierre Chevènement, le souverainiste de l'autre rive, se joint à eux. Ils vont faire trembler le pouvoir mitterandien, mais aussi les états majors de droite à mesure que les courbes du "Non" grimpent, jusqu'à dépasser pendant un moment le "Oui" dans les sondages.

Dans le camp du "Oui",  les européens de cœur tout d'abord. Une partie du PS emmené, Jacques Delors, président de commission de européenne, et la fédéraliste UDF de Valéry Giscard d'Estaing, Simone Veil et François Léotard. Il y a aussi les européens de raison. Le président Mitterrand, pas européen historique, mais qui aura un engagement incontestable dans la construction européenne et la réconciliation avec l'Allemagne d'Helmut Kohl. Tout le monde se souviens de leur photo main dans la main à Verdun. Il a aussi le peu fédéraliste RPR de Jacques Chirac. Le parti est divisé sur le référendum, mais le futur président sent qu'il ne sera pas présidentiable en 1995 s'il appelleà voter "Non". Les jeunes loups comme Alain Juppé et Nicolas Sarkozy le suivent dans sa démarche.

Malgré la puissance des appareils PS, RPR, UDF, les français ne suivent pas aussi facilement. Ce sera finalement un "Oui" du bout des lèvres. A 51%. La France souverainiste existe. Elle n'a perdu que de peu. La France adopte donc la monnaie unique. Celle-ci est pleine de promesse. Elle annonce une Europe monétaire intégrée, la fin de l'inflation et des dévaluations compétitives. Mais il y a des contraintes. Le déficit budgétaire ne doit pas excéder 3% et les dettes ne doivent pas aller au delà des 60% du PIB. La convergence des pays européens adoptant l'Euro est en route.

Mais c'est une victoire à la Pyrrhus. Les peuples ont accepté la monnaie unique. C'est vrai que c'est plus simple, et plus pratique pour voyager. Mais ils n'ont pas accepté la perte de souveraineté ni les contraintes drastiques de la commission et des argentiers de la banque centrale.

Or cette Europe se construit en l'absence d'un vrai pouvoir de contrainte en cas de non respect de ses engagements. Les dirigeants politiques, élus par leur pays et non par toute l'europe, vont dès lors prendre leur distance avec ces critères de convergence. Puisqu'on ne peut plus dévaluer en cas de problème comme au bon vieux temps, on pioche dans le déficit encore et encore. Créant des dettes de plus en plus abyssales. Pour rassurer les quelques esprits chagrins s'en inquiétant, on assène qu'un État ne peut pas faire faillite.

Aujourd'hui, avec la crise de l'Euro et des dettes souveraines, le débat du traité de Maastricht n'a jamais été aussi actuel. Dans son discours de Toulon cette semaine, Nicolas Sarkozy pointe les manquements du traité, le problème de la dette et le manque d'intégration européenne, notamment la convergence avec l'Allemagne. C'est en partie le bon diagnostique, mais c'est tard, et il a lui-même adhéré à cette Europe depuis vingt ans en soutenant la ratification de ce traité et sans réduire les déficits.

Vingt ans après, c'est le match retour entre les souverainistes et les fédéralistes. Ces derniers, poussent vers une intégration plus complète avec l'Allemagne sur les reformes sociales (retraites, temps de travail) et fiscales (Impôt, TVA), assortie de coupes sévères dans les dépenses publiques pour redresser les comptes. C'est en partie la voie proposée actuellement par les dirigeants européens, Nicolas Sarkozy compris. Le PS de François Hollande se positionnera probablement sur cette ligne. Il decevra sans doute les plus à gauche, mais il n'a pas vraiment le choix.

Dans le camp souverainistes, c'est plus flou. Seguin n'est plus de ce monde, De Villiers et Pasqua sont plus ou moins rangés des camions, et Chevenement fait peut être la campagne de trop, si toutefois il va au bout. Les héritiers émergent et porteront probablement le fers dans les mois qui viennent. Que ce soit à droite ou à l'extrême droite, les Nicolas Dupont Aignan et Marine Le Pen ou à gauche Arnaud Montebourg et Jean Luc Mélenchon. Attention toutefois, cet attelage avec gagné sur le "Non" du référendum de 2005.

Nous tenons peut être là le futur grand débat de la présidentielle. Vingt ans après.

jeudi 17 novembre 2011

La zone euro a éclaté

Doucement mais assez surement, la zone euro se fissure bel et bien. L’homogénéité monétaire qu'apportait l'euro est supplantée par la réalité des marchés financiers et la confiance des investisseurs qui font clairement des distinctions entre les pays.

Hier, la Grèce affichait des taux sur les emprunts à 10 ans atteignant le chiffre hallucinant de plus de 25%. Sous perfusion, virtuellement en faillite, sa sortie de l'euro est étudiée par les experts Allemands.

Se dessine ensuite un groupe qui voit ses taux s'envoler inexorablement. Ce sont les pays de l'Europe du Sud ou pays du "Club Med" comme le murmurent certains dirigeants des pays du Nord de l'Europe. Nous avons tout d'abord Le Portugal durement noté par les marchés à des taux de 10,5% et qui vient d'annoncer un plan de rigueur particulièrement sévère.

Ensuite l'Italie et l'Espagne qui passe maintenant la barre des 7%. Dans le cas de l'Italie, une crise de la dette s'est conjuguée avec une crise de confiance du pouvoir en place de Silvio Berlusconi. La nomination de Mario Monti n'a cependant pas encore inversé la tendance et il faudra surveiller attentivement les annonces de ce gouvernement de techniciens, chargé de faire le sale boulot et qui n'a pas d'élections à perdre. Plan de rigueur en perspective.

L'Espagne s'est enfoncée dans la crise depuis plus longtemps, avec sa crise immobilière qui a fait naître de nouvelles villes fantômes et quantité de programmes et de logement ne trouvant pas preneur. José Luis Zapatero est sur le départ et n'a plus les moyens d'agir. Il sera vraisemblablement remplacé par le candidat du Parti Populaire Mariano Rajoy qui promet déjà en cas de victoire un gouvernement de techniciens et d'ouverture. Avec inévitablement un plan de rigueur à la clé. Vers le modèle des nouveaux gouvernements grecques et Italiens donc. 

De l'autre côté, se dessine le groupe des pays qui voient ses taux relativement stables, voire même baisser.
Ce groupe des pays du nord, est emmené par l'Allemagne. Avec des taux d'emprunts sur 10 ans à 1,77%, l'Allemagne bénéficie d'un effet qualité qui voient affluer des investisseurs déboussolés. On note dans cette situation le mimétisme classique des marchés. L'écart se creusant entre les pays du nord et du sud étant amplifié par rapport à la réalité. Ce groupe comprend également l'Autriche, les Pays Bas, la Finlande et le Luxembourg. Pays jugés sûrs, avec des déficits modérés et une croissance relativement élevée. Et donc solidement accrochés à leur AAA.

Et la France dans tout ça ?
Avec des taux actuels avoisinant désormais 3,75%, celle-ci est poussée chaque jour un peu plus en Europe du sud, sans pour autant atteindre des niveau d'intérêts aussi catastrophiques. Pour la France, l'Histoire hésite donc encore. Mais un électrochoc des dirigeants français est désormais impératifs pour enrayer cette descente aux enfers. Avant les élections présidentielles et législatives approchant, c'est peu probable, sauf si la réalité l'impose avant.