C'est donc aujourd'hui que Nicolas Sarkozy met fin au faux suspens entretenu depuis plusieurs semaines sur son annonce de candidature. Il n'aura, de ce point de vue là, pas été en rupture avec ses prédécesseurs. Ce soir, il sera donc officiellement candidat à sa réélection après sa déclaration sur TF1.
Initialement plutôt prévue pour début mars, le chef d'état semble avoir sensiblement accéléré le tempo. C'est le bon moment pensent les stratèges de l'UMP et de l'Elysée, car l'opinion est en train de se décider et les votes vont se cristalliser dans les semaines qui viennent. Mais il est aussi possible qu'une certaine panique s'installe dans les rangs de la majorité sortante. Les sondages ne décollent pas vraiment et le président sortant est donné régulièrement battu avec un score tel (57% - 43%) qu'on ne voit pas du tout comment il pourrait inverser la tendance. A cela, Nicolas Sarkozy semble ces dernières semaines vouloir rejouer avec les recettes de sa campagne victorieuse de 2007.
Comment s'est articulé sa campagne de 2007 ? Principalement par une offensive idéologique basée sur quelques valeurs et controverses fortes, à destination d'électorats bien définis. Ainsi, on se souvient d'abord du congrès du 14 janvier 2007 à la Porte de Versailles. Le candidat Sarkozy donne dans la messe gaulliste comme les affectionnent les militants du jadis RPR. Il donne ainsi un premier signale de rassemblement à l'égard de la famille de la droite gaulliste, qui reste largement prédominante au sein de la droite en France. La première offensive idéologique du candidat UMP fut alors sur le travail et le mérite, des thèmes chers à la gauche. Émerge alors de ses discours de campagne le fameux "Travailler plus pour gagner plus". Sarkozy cite Jaurès et Blum dans les réunions de sympathisants UMP. ça fait un peu désordre, mais l'offensive à gauche marche. Sarkozy parvient à décrocher une frange importante de l'électorat populaire, notamment ouvrier, jusqu'ici chasse gardé de la gauche. Mais le danger guette alors au centre avec l'engouement pour la candidature Bayrou. Le candidat de la droite riposte. Il parvient à débaucher des transfuges de l'ex-UDF et par ses propositions européennes et libérales, il rassure l'électorat de la droite modérée tenté par Bayrou. Reste que Sarkozy pense qu'il doit être nettement en tête au premier tour pour gagner le second et qu'il aura besoin de bons reports de voix venant de sa droite. Il lance alors sa dernière offensive en proposant la création d'un ministère de l'immigration et de l'identité nationale. En faisant un lien entre immigration et identité nationale, le candidat UMP provoque un tollé auprès des observateurs politiques et de ses adversaires. Mais dans les sondages, le coup est gagnant. Les électeurs de Le Pen se reportent en partie sur Sarkozy dès le premier tour. Avec plus de 31% des voix, Sarkozy sait qu'il va gagner le second. Le secret : cette offensive idéologique délibérée sur sa gauche, sur sa droite et au centre.
Pour piloter sa campagne 2012, le noyau dur de ses conseillers de 2007 a repris du service et incarne cette offensive idéologique tout azimut. Ils sont trois à l'incarner très clairement. Il y a d'abord Henri Guaino, le gaulliste sociale et républicain lyrique, disciple de Philippe Séguin, noniste et partisan de l'intervention de l'Etat. Plume du président sortant, c'est lui qui incarne l'offensive sur les valeurs de gauche. A l'opposé, on trouve Patrick Buisson, le très droitier conseiller en opinion auprès du président et ancien directeur du journal d’extrême droite Minute. On lui prête à tort ou à raison beaucoup des initiatives polémiques du président. Quoiqu'il en soit, il sait parler à la droite de la droite. Et entre les deux, se situe Emmanuelle Mignon, la plus brillante des conseillers du président. Haut fonctionnaire au conseil d'état, ancienne major de l'ENA et ancienne chef de cabinet de Nicolas Sarkozy, elle incarne l'aile libérale des conseillers du président. Elle a un rôle clé dans la campagne puisqu'elle a la main sur le projet présidentiel du candidat Sarkozy.
En observant la campagne électorale ces dernières semaines, on peut constater que, par petite touche, le candidat de la droite met en place, de la même façon qu'en 2007, une offensive idéologique tout azimut. Il y a d'abord la taxe Tobin sur les transactions financières. Vieille revendication de la gauche, Sarkozy souhaite la mettre en place coûte que coûte avant l'élection. De la même façon, le président est, ces dernières semaines très actif sur le terrain de l'emploi et du social. Avec en point d'orgue les médiatiques dossiers Lejaby et Photowatt où le rôle du chef de l'état est mis en avant de façon assez habile. ça c'est pour l'offensive à gauche. Sur un tout autre registre, la semaine dernière, le président a proposé d'organiser référendums, assez irréalistes, sur le droit des chômeurs et le droits des étrangers. C'est un tollé chez les journalistes et les commentateurs, un tollé aussi chez les candidats de gauche et du centre (comme pour l'identité nationale en 2007). Au point qu'on peut se demander si ce n'est pas une opération de suicide politique. Pourtant, les sondages diffusés le week end dernier sur les chaines d'information en continue apportent un éclairage très différent. En effet, les deux mesures (Durcissement des droits des chômeurs et de ceux des étrangers) sont assez majoritairement plébiscités (Plus de 60%). Plus intéressant encore, et très révélateur, les mesures font le carton plein à droite, ce qui soude l'électorat derrière son candidat, mais trouvent aussi écho à gauche avec plus de 40% d’adhésion, ce qui au contraire trouble et divise l'électorat de François Hollande. Ce qui avait tout, en apparence, de l'opération catastrophe semble en réalité une stratégie beaucoup mieux pensée qu'elle n'en avait l'air, quoi qu'on en pense sur le fond. Dernière offensive, la TVA sociale. A priori impopulaire car signifiant essentiellement une hausse de TVA et une baisse du pouvoir d'achat, cette mesure peut trouver écho favorable chez les nombreux artisans, commerçants et petit patrons, c'est à dire tous les entrepreneurs libéraux que cherche aussi à séduire le candidat Sarkozy.
Il sera intéressant d'observer les initiatives ou controverses qui seront lancées par le président sortant et désormais candidat dans les semaines qui viennent à lueur de ces considérations. Mais il a certainement oublié deux points essentiels. D'abord qu'on ne gagne pas deux fois sur la même stratégie électorale. Ensuite qu'il est sortant, et donc aussi jugé sur un bilan...
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