Quand on a lu L'open space m'a tuer, on a rapidement envie de découvrir le deuxième opus du duo Alexandre des Isnards et Thomas Zuber, Facebook m'a tuer. C'est chose faite. Les auteurs utilisent avec bonheur les mêmes ingrédients que dans le premier ouvrage, au travers de saynètes inspirées de la vie réelle, s'attaquant une nouvelle fois avec justesse et ironie aux comportements de ces cadres branchés urbains. Toujours enfermés dans les open space, ils sont également accros des réseaux sociaux, et connectés non stop sur Facebook, Twitter... Sans être une analyse sociologique ou psychologique poussée, ces histoires sont néanmoins révélatrices des nouveaux modes de vie de la génération web 2.0.
Nous pouvons tous observer, autour de nous, les changements décrit sur la façon gérer les relations sociales, que ce soit sur le plan amical, familial, affectif ou professionnel. Peut être sommes nous déjà nous même touchés par l'addiction ? Il est encore temps de s'en assurer, et de se plonger dans la lecture du livre. Certaines saynètes particulièrement parlantes, et nous feront prendre un peu de recul sur nos addictions à ces réseaux sociaux.
Ce qui est ici raconté, c'est en réalité un peu l'histoire de la génération Y, né entre 1980 et 2000, et dont la vie est marquée par la culture informatique (Démocratisation des ordinateurs personnels), la mobilité (génération baladeurs, téléphones portables), et désormais les contacts virtuels via les réseaux sociaux, et notamment le premier d'entre eux : Facebook. Car désormais, tout ce passe sur Facebook. Ne pas y être, surtout quand on est de la génération Y, c'est se couper du monde. Et au delà de l'isolement, c'est presque devenu suspect. On ne demande plus un numéro de téléphone, on se "capte" sur Facebook. On ne se fait plus des soirées entre amis autour d'un verre, mais plutôt des soirées facebook : chacun chez soi, à surveiller le "mur" des autres. Prêt à commenter.
Et ici, ce ne sont pas les exemples qui manquent. Celui notamment de cette trentenaire, jeune active branchée, qui passe ses soirées sur facebook à tchatter, depuis son canapé, avec ses amies. L'occasion d'alimenter son "statut" de ses pensées les plus profondes, bien que souvent dépourvues d'intérêt ("Je suis en week end", "Il fait beau"...). Le tout bien évidemment sous l'approbation de ses copines, qui se déchaînent en cliquant "like" et en commentant abondamment tout ce qui bouge. Et la soirée passe vite, car il faut mettre à jour son statut, pour faire le buzz, tout en surveillant l'actualité des autres, pour être sûr de ne rien manquer de fondamental. Une proposition de conversation téléphonique d'une copine ? Méthode à l'ancienne ça. La trentenaire décline et maintient le chat facebook. Moyen de tenir l'interlocuteur suffisamment à distance pour multigérer ses contacts, et toujours préférable pour s'éclipser quand bon nous semble.
Autre exemple. Ce couple qui part en vacances à l'autre bout du monde, armé d'un appareil photo, et dont chaque visite et chaque excursion sont soigneusement pensées dans le seul but, non pas d'en profiter, mais de mettre en scène et immortaliser par un cliché leur bonheur. Car l'album photo finira inévitablement sur Facebook, et le public d'amis virtuels a intérêt à en avoir pour son argent. Pas question donc de louper la photo qui fera exploser le nombre de "like". C'est pourtant ce qui est arrivé à ce couple, qui s'est disputé pour avoir oublier l'appareil photo dans la chambre au moment du plus beau cliché. Impossible dans profiter. Et après le retour des vacances, nuit blanche pour que l'album soit prêt à temps. Le public met déjà la pression sur le "mur" de l'intéressé. D'ailleurs, le statut Facebook est bien utile pour alimenter ses fans en news sur ces vacances. Depuis le compte à rebours quotidien du style "Vacances : J - 7", jusqu'à "Passe de super Vacances" en plein milieu du séjour. La vie est d'ailleurs dure pendant les vacances pour ces jeunes urbains, connectés habituellement jour et nuit, mais éprouvant les pires difficultés à trouver du réseau dès que les contrées deviennent un peu plus exotiques.
Un autre must des réseaux sociaux, c'est bien sûr Twitter. Le site de micro-blogging instantané, limité à 140 caractères, permet de partager à tous ses "followers" tout ce qui passe par la tête à un moment précis de sa journée. Oui, tout ce qui nous passe par la tête, et c'est même un peu ça le problème. Absence de recul et de la moindre réflexion, course au sensationnel pour être le premier sur le buzz, propos de café du commerce, nombreux sont ceux qui se sont pris les pieds dans le tapis. Un épisode, amusant mais révélateur, suit ainsi cette mère de famille et parent d'élève genre plutôt bobo, et affiliée à la FCPE (Fédération des Conseils de Parents d'Elèves), qui s'acharne sur Twitter, en pleine réunion parents profs, pour faire partager à toutes ses amies "followers" son désarroi et sa colère de n'avoir peut être pas encore de prof d'anglais pour son fils scolarisé en...CM2. Des tweets sans aucun intérêt, mais qui reçoivent néanmoins l'écho d'autres mères de famille, également en ébullition. Qu'on se le dise, la prochaine révolution sera sur Twitter ! On y observe au passage la mentalité de ces nouveaux parents d'élèves. Exigeant envers l'école, peu respectueux des enseignants, prenant la défense systématique de leurs enfants, et reproduisant un comportement de client consommateur en imposant ses propres règles à l'institution scolaire. Description navrante, mais au combien réelle.
Et puis, il y l'allié devenu inséparable de Facebook pour la génération Y : l'Iphone. On ne dit d'ailleurs pas Smartphone, ça c'est pour les autres téléphones. On dit Iphone tout court. Tout une culture. La puissance du marketing. Merci Steeve Jobs. Sans cet inséparable petite merveille de la technologie, Facebook serait-il Facebook ? Car la puissance de l'Iphone, ce sont toutes ces applications que l'on télécharge depuis itunes. Parmi elle, l'application Facebook est un must. Car à chaque sortie dans le monde "réelle", ces urbains Y sont en reportage. L'exemple de ces amies qui se retrouvent le week end pour un brunch. Toutes dégainent évidemment l'iphone pour mettre à jour leur statut. Montrer que l'on fait des choses de son week end. Très important. Et puis comme celà ne suffit pas, on pend en photo les plats qu'on nous apporte, ainsi que ses amies. Et l'on poste instantanément ces photos pour alimenter son statut. Que d'autres s'empressent déjà de "liker" et de commenter. Et gare à ceux qui traînent. On remarque leur absence de réactivité. On est déçu, et vite agacer. Mais que font il donc ? Pourquoi ne commentent ils pas ? Ne suis je pas le centre du monde ? D'ailleurs, allons faire un petit tour sur les autres profils pour en savoir plus. Facebook, le plus formidable outil de surveillance et d’espionnage, que les Renseignements Généraux n'auraient jamais, même dans les rêves les plus fous, mettre en place. Imaginez, les gens qui déballent volontairement le contenu de leur vie, alors qu'ils auraient refusé catégoriquement si cela avait été exigé par ces mêmes autorités.
Pour aider à la mise en place de ce réseau d'espionnage volontaire, Google est également de la partie. D'ailleurs ses dirigeants n'affirment ils pas : "Seuls les criminels se soucient de protéger leurs données personnelles", ou encore "Si vous faites quelques chose et que vous voulez que personne ne le sache, peut être devriez vous déjà commencer par ne pas le faire". Google, c'est la culture de l'open source, du partage, et de la transparence. Avec Google Doc, partagez vos documents, qui seront visibles par vos amis et même disponibles en coédition. Avec Google Agenda, partagez votre emploi du temps et surveillez la vie des autres. Quelqu'un ne partage pas son Google Agenda ? C'est louche ça. Appelons la police. Le culte du secret, ou tout simplement la pudeur, n'ont pas leur place ici. Quand on a rien à se reprocher, on partage à la communauté. Les hippies californiens reconvertis dans l'informatique ont gagnés
Il ne faut pas non plus tomber dans la paranoïa, ni rejeter tous ces outils qui s'offrent désormais à nous. La technologie des systèmes d'information est en pleine mutation, et offre des perspectives considérables, presque infinies. Mais, si cette net économie est assurément la nouvelle ère de l'économie en train d'accoucher de la crise par destruction créatrice, gare au phénomène de bulle. Facebook est rentré en bourse vendredi pour une valorisation de 100 milliards de dollars, alors que son chiffre d'affaire n'est que de 3,5 milliards... Est ce que les boutons "like" et "comment" valent vraiment 100 milliards ?
un très joli article.ca mérite bien d'être publié
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