L'imagination au pouvoir ? C'est un des slogans que l'on pouvait entendre en mai 1968. En ce mois de mai 2012, avec l'annonce de la composition du gouvernement, on se dit que c'est chose faite. Merci à François Hollande, et au nouveau premier ministre, Jean-Marc Ayrault !
Mais, si l'imagination est au pouvoir, ce n'est malheureusement pas dans les idées du gouvernement, mais bien dans sa composition. Car, à défaut d'avoir des propositions audacieuses pour réformer le pays, c'est plutôt dans l'originalité des intitulés ministériels que se trouve l'imagination débordante de cette nouvelle équipe. Ce qui importe avant tout, c'est de faire de l'affichage. Alors on affiche, et on crée des ministères farfelus. Car créer un ministère, ce serait déjà un peu résoudre le problème. Petit aperçu donc des ministères baroques qui nous ont été inventés.
Le trublion du PS, Arnaud Montebourg, hérite ainsi du ministère du "Redressemment productif". Il est vrai qu'il était trop simple de garder l’appellation "ministère de l'Industrie". Avec "Redressement productif", on atteint un double objectif : sous entendre que précédemment rien n'a été fait, et surtout afficher que désormais la ré-industrialisation est en marche. L'audace politique, c'est une simple question de vocabulaire. Autre ministère savoureux, celui délégué à la "réussite éducative", et confié à la député de Paris Georges Pau-Langevin. Est-ce donc là l'aveu que l'éducation nationale ne conduit pas à la réussite, et qu'il faut ajouter une couche ministérielle "réussite éducative" pour y arriver ? Ou bien alors qu'il y aura le ministère de la réussite scolaire, et celui de l'échec ? Interrogée sur le périmètre de ces compétences, la nouvelle ministre a affirmer ce matin n'en rien savoir encore. Pas très rassurant, on pensait tout cela bien étudié. Elle aurait au moins pu jouer un petit couplet sur l'école, la méritocratie, la république. Cela ne mange pas de pain et ça met tout le monde d'accord.
La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, se voit quant à elle confier le ministère du "droit des femmes". Appellation qui exista sous François Mitterrand en 1981, mais fut depuis souvent remplacée par "Parité". Au delà de l'idée de lutter contre les discriminations, combat nécessaire, c'est plutôt l'intitulé qui interpelle. Ne pourrait on pas tout simplement conclure que, d'après la constitution, les femmes ont les mêmes droits que les hommes ? A la justice de statuer et de sanctionner si ceci n'est pas respecter. Autre trouvaille, le ministère confié à Cécile Duflot. Celle-ci prend ainsi la tête du ministère de "l'égalité des territoires". Auquel s'ajoute le volet logement. En d'autres termes, c'est le ministère de la Ville. Pourquoi "Egalité des territoires" alors ? Sans doute parce qu'il est bon d'afficher en gros "égalité". De l'affichage vous dis-je. Et puis après tout, le ministère de la Ville ça n'a jamais vraiment marché. Alors en changeant de nom, tous les espoirs sont permis.
En revanche, pour le ministère de Michèle Delaunay, on ne s'est pas embarrassé des termes. Elle est ainsi en charge des "Personnes âgés et de la Dépendance". Auparavant, on parlait plutôt du ministère des "Aînés" ou de la cohésion sociale. Ce qui ne voulait pas dire grand chose. Simple question maintenant, après un ministère pour la jeunesse, un autre pour les personnes âgés, pourquoi n'est il rien prévu pour ceux qui se situent entre ces deux âges. Pourquoi pas une sorte de ministère des adultes ? Le porte-parole du PS, Benoit Hamon, se voit lui confier un ministère délégué à "l'Economie sociale et solidaire". Au delà des clins d'oeil à son électorat, avait on vraiment besoin d'un ministère spécialement consacré à ce sujet (Les sociétés coopératives, mutuelles...) ? Est-ce à dire que ses collègues de Bercy sont en charge de l'autre volet de l'économie, celle qui n'est donc ni sociale, ni solidaire ? Curieux. Quant à la député-Maire de Rouen, Valérie Fourneyron, elle prend en charge le ministère des "Sports, de la Jeunesse, de l'Education populaire et de la Vie associative". "Education populaire" ? Oui, vous avez bien lu. Qu'est ce donc encore que ça ? Probablement les animateurs socio-culturels de MJC. Allez savoir...
Auprès du ministère des affaires étrangères, nous avons aussi un ministre délégué, en charge du développement : Pascal Canfin. "Développement" ? L'intitulé de ce ministère est bien vague, mais on devine qu'il sera en charge d'aller expliquer au monde entier la meilleure façon de se développer. Il est vrai qu'avec une dette abyssale et une croissance nulle, la France a surement beaucoup de bonnes recettes à exporter dans le monde. Enfin, dernière étrangeté, nous avons un ministère délégué au "Transports et à l'économie maritime". Il a été confié à un certain Frédéric Cuviller. Ministère des Transports, ça on connait. Mais pourquoi accoler "Economie maritime". Le bateau n'est il pas un moyen de transport comme un autre ? Y a t-il un traitement spécial réserver à cette "Economie maritime". Quid de "l'économie terrestre" ? Et de "l'économie aérienne" alors ?
Néanmoins, rendons justice à cette équipe gouvernementale. Ils ne sont pas les premiers (ni les derniers) à nous inventer des ministères farfelus. En 1981, le gouvernement de Pierre Mauroy inventait le resté célèbre ministère du "temps libre". Car c'est un vrai problème à gérer ça que le temps libre. Il fallait bien un ministre pour se charger de ça. Plus récemment, la présidence Sarkozy inaugura les tout aussi baroques ministères "de l'identité nationale" ou encore des "droits de l'homme". Ils ne terminèrent d'ailleurs pas le mandat. Pour le reste, que dire de plus ? C'est un gouvernement, comme il y en a eu beaucoup d'autres auparavant : pas terrible. Il convient toutefois de relever la relative inexpérience ministérielle de cette équipe. Certes, le Parti Socialiste est resté 10 ans dans l'opposition. Mais, sur 34 ministres, seuls 5 ont déjà une expérience ministérielle. Le premier ministre lui-même est novice en la matière. Cela ne préjuge en rien de la suite, mais en temps de houle exceptionnelle, est ce bien prudent ? Enfin, les têtes d'affiches importent peu, c'est plutôt ce qu'elles ont à proposer qui compte. Et c'est souvent là dessus qu'on est déçu...
Reste cependant une belle hypocrisie. La diminution de 30% du salaire du président de la république et des ministres. Pourquoi pas. L'exemple doit venir d'en haut. Et pour François Hollande, c'est normal, il n'aime pas l'argent. Mais, comme Nicolas Sarkozy avait augmenté le salaire de 170% en arrivant à l'Elysée, une diminution de 30% est en réalité un renoncement bien modeste. Quant aux ministres, si leurs salaires va diminuer de 30%, leur nombre, lui, est en augmentation de 30%. En effet, de 24 ministres et ministres délégués dans le dernier gouvernement de François Fillon, on passe à 34 ministres et ministres délégués. Le gouvernement Fillon était également composé de quelques secrétaires d'Etat, mais il y a une vrai différence entre ministres et secrétaires d'Etat. Nous avons donc un gouvernement pléthorique de 34 ministres, et pas un seul secrétaire d'Etat. Or, qui dit ministre, dit directeur de cabinet, chef de cabinet, conseiller diplomatique, conseiller parlementaire, attaché de presse, conseillers en toute chose, chauffeur, garde du corps... Il est fort probable que la diminution de 30% du salaire des ministres ne compensera pas cette inflation ministérielle. L'ensemble coûtera même certainement plus cher. Mais qu'importe, il faut faire de l'affichage...
Pour le reste, la feuille de route du gouvernement est toute tracée : les élections législatives du 10 et 17 juin prochain, où le gouvernement doit impérativement s'assurer d'une majorité pour pouvoir survivre. D'ici là, une pluie de décrets va tomber : Augmentation de 25% de l'allocation de rentrée, Retraite à 60 ans pour ceux qui ont déjà les 41,5 annuités de cotisations, blocage des loyers et du prix de l'essence, abrogation du décret sur l'évaluation des enseignants... De nouvelles dépenses et des clins d'oeil à son électorat. De quoi préparer sous les meilleurs auspices ces élections. Mais après la fête, la douche froide. La cour des comptes rendra alors le rapport qui lui a été demandé sur les comptes publics. Tout le monde sait déjà ce qu'il y a dedans, une situation financière grave et des réformes impopulaires à adopter, mais prière d'attendre fin juin pour ne pas gâcher la fête...
L'imagination au pouvoir : Merci Hollande !
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