La semaine dernière, trois soldats de l'armée française, tous trois parachutistes ayant servi en Afghanistan, et stationnant avec leur régiment à Montauban ont perdu la vie. Victime d'un lâche et monstrueux assassinat devant leur caserne par un assassin particulièrement déterminé et rempli de haine. Son mode opératoire est simple. Il arrive en moto, et sort son calibre 45 (11,43mm pour les connaisseurs que je ne suis pas). Il élimine alors de sang froid ces trois malheureux de façon méthodique et ciblée contre eux. Deux d'entre eux semblent d'origine maghrébine. L'autre est antillais.
Lundi matin 8h00, devant le collège-lycée Ozar Hatorah, établissement scolaire de confession juive, c'est trois enfants et un professeur, tous juifs qui sont, là encore, lâchement assassinés. Le mode opératoire est le même. La moto, le calibre, la détermination, la méthode. Les victimes sont supprimées à "bout touchant", signe d'une haine particulièrement féroce de l'individu. Comble de l'abject, il portait sur lui une caméra pour filmer son crime. Dans cette horreur, ce sont deux familles traumatisées à jamais, et plus largement toute un quartier, toute une ville, toute une communauté, tout un pays. Concernant l'assassin, il n'y a guère de doute, c'est le même que celui des militaires de Montauban.
C'est évidemment un traumatisme pour tout le pays, surtout quand celui-ci est en pleine période électorale. Nicolas Sarkozy suspend sa campagne électorale et reprend dignement ses habits présidentiels pour honorer la mémoire des victimes et ordonner des moyens exceptionnels pour faire aboutir l'enquête au plus vite. François Hollande suspend lui aussi sa campagne et met ses pas dans ceux du président. D'abord en se rendant également à Toulouse, dans l'école où a eu lieu ce crime odieux, puis le soir à la synagogue Notre-Dame de Nazareth à Paris, enfin aujourd'hui à Montauban pour les obsèques des trois parachutistes. Mis à part une petite rechute inélégante le mardi matin dans son interview sur RMC où il sous entendait que le pouvoir actuel avait peut être sa part de responsabilité, il a plutôt eu une conduite digne dans cet épisode tragique. On pourra toujours s'interroger sur ce comportement de "président-bis", qui n'était peut être pas indispensable. Mais que n'aurait on dit s'il n'y était pas allé. Dans ces circonstances, et même s'il n'a pas de mandat particulier, mieux vaut en faire trop que pas assez.
En revanche, passer les deux favoris, les autres acteurs de cette élection présidentielle n'ont pas spécialement brillé. Nathalie Artaud (Lutte Ouvrière) refuse de s'associer à l'union nationale. Jean-Luc Mélenchon (Front de Gauche) poursuit de plus belle sa campagne électorale, sans doute par peur de voir l'élan suscité par sa prise de la bastille de dimanche stoppée en plein vol. Et puis il y a François Bayrou, souvent opportuniste, qui voit l'occasion de se démarquer et va même, lors d'un meeting à Grenoble sous entendre que le pouvoir actuel n'y est peut être pas étranger. Dans cette droite lignée, l'ex candidate (ouf) Corine Lepage parle même "d'un climat de haine". Quant aux commentateurs extérieurs, ils se prennent largement les pieds dans le tapis, à l'image de Dominique Sopo, le président de SOS racisme, que l'on a connu plus inspiré, qui met en cause Marine Le Pen. Quant à nos "grands penseurs", ils se fourvoient aussi à l'image de Bernard Henri-Lévi, pour qui la cause de massacre n'est autre que le débat sur l'identité.
Car la cause semble entendue. Le crime est forcément raciste, et vient très probablement de l'ultra-droite. Le raisonnement est simple. Si l'assassin s'en prend à la fois à des soldats maghrébins ou Antillais, puis à des personnes de confession juives, c'est forcément la piste à suivre. Et si cet assassin a agit ainsi, c'est qu'il y a été incité. Comment ? Par le climat "de haine" qu'il y aurait en France. Et pourquoi pareil climat de haine ? Par la présence au pouvoir d'un président de la république et d'un gouvernement lançant des débats sur l'identité nationale et l'immigration. Ou encore par la présence d'une Marine Le Pen faisant un coup médiatique sur la viande Hallal en île de France. Dans ce contexte, des esprits faibles n'auraient donc aucun mal à passer à l'acte.
Sauf que ce matin, rebondissement dans ce drame tragique. L'assassin s'appellerait en réalité Mohammed Mérah. Il aurait 24 ans. Il serait français et de la mouvance Al-Qaïda. Il aurait à ce titre séjourné dans des camps d'entrainement en Afghanistan. Il aurait agit pour venger les enfants palestiniens et projetait de poursuivre son oeuvre sordide. Et finalement, ce profil colle évidemment plus avec les analyses que les criminologues avaient pu apporter ces derniers jours au regard des faits. On a ici affaire à un homme très entraîné, fanatisé, et en mode commando. Tuer à "bout touchant", c'est à dire à quelques centimètres de sa victime est le signe d'une haine fanatique que pouvait avoir les kamikazes du 11 septembre 2001. Les autorités policières et du renseignement ont rapidement convergé sur la piste Al-Qaïda et remonté la piste de cet individu, connu de la DCRI pour avoir séjourné en Afghanistan.
Le problème, c'est que c'est tout le schéma construit par ces hommes politiques en mal de suffrages et commentateurs en mal d'idées qui se trouve faussé. Bien que tout le monde s'en défendent, la plupart ont consciemment ou inconsciemment tenté de récupérer ce tragique évènement, l'un des plus tragiques de ces dernières décennies. Ils ont préféré interpréter des évènements qui leurs échappaient pour servir leur cause plutôt que de se ranger dans l'union nationale qu'imposent de telles circonstances. Et cela, oui, c'est condamnable. On peut ne pas aimer le président de la république, on peut ne pas être d'accord avec tel ou tel débat. Et parfois à raison d'ailleurs. Mais on ne mélange pas tout en de pareils circonstances. Non tout n'est pas possible.
Il est notable, qu'il y a des précédents à ce genre d’évènement tragiques et à son traitement. Octobre 1980, attentat devant la synagogue de la rue Copernic à Paris qui fait plusieurs mort. L'enquête va s'orienter vers la piste d'extrême droite. Le pouvoir socialiste, à partir de 1981, va lui même orienter l'enquête en ce sens. Les auteurs viendront en réalité d'une autre piste, le terrorisme libanais. Mais l'enquête aura perdu trop de temps. Les coupables, bien qu'en partie identifiés, ne seront jamais appréhendés. Plus récemment en 2004, en Espagne. Terrible attentat à Madrid quelques jours avant les élections. Le pouvoir en place, la droite de José Maria Aznar, l'attribue hâtivement à l'ETA. Sauf que c'est en réalité Al-Qaïda qui est en l'auteur. La droite perd dans la foulée les élections.
Il y avait une attitude simple et digne. Se recueillir en mémoire des victimes et attendre les conclusions des enquêteurs. Certains l'ont fait. D'autres opportunistes non. Ce qui n'empêche pas de condamner l'antisémitisme et l'islamophobie. Mais c'est au quotidien que ceci doit se faire.
Oui, ils auraient dû se taire...
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