samedi 24 décembre 2011

Inflation galopante... sur les lois mémorielles

Jeudi matin, à l'assemblée nationale, les parlementaires, ont adopté en séance une loi condamnant la négation de tous les génocides reconnus. Le génocide arménien ayant été reconnu par cette même assemblée en 2001, celui-ci est donc concerné. Par cette loi, il devient donc interdit en France de contester cet évènement sous peine d'un an d'emprisonnement et 45 000 euros d'amendes.

Certains dénoncent des visés électoralistes de Nicolas Sarkozy envers les français d'origine arménienne qui seraient près de 500 000 en France. François Hollande l'accuse ainsi de vouloir faire une "opération électorale". C'est un peu vrai, mais ce dernier n'a t il pas promis après sa victoire au primaire de légiférer de la même façon sur ce sujet. Le président de la république qui l'avait lui promis en 2006, n'a fait que le prendre de vitesse par ce vote en urgence à deux jours de Noël. D'ailleurs droite et gauche ont, à quelques exceptions près, voté le texte. Il est évident que candidats de tous bords vont à la pêche aux voix dans cette histoire. Petit retour en arrière : Reconnaissance du génocide arménien à l'assemblée en 2001, élection présidentielle en 2002. Promesse de Nicolas Sarkozy d'une loi contre la négation du génocide en 2006, élection présidentielle en 2007. Vote de la loi en 2011, élection présidentielle en 2012. Quant aux députés, ils étaient une cinquantaine seulement à voter, pour l'essentiel venant du département des bouches du Rhône où habitent beaucoup de français d'origines arméniennes. A la pêche aux voix donc...

Ce vote traduit aussi une inflation de lois mémorielles existant désormais dans le droit français, tantôt pour reconnaître, tantôt pour condamner. Tout ceci a commencé en 1990 avec la loi Gayssot qui considère comme un délit le négationnisme s'agissant de crime contre l'humanité tel que la Shoah. Puis en 2001, c'est la loi Taubira qui reconnait l'esclavage transatlantique comme un crime contre l'humanité. Toujours en 2001, reconnaissance du génocide arménien donc. Et en 2005, la loi du 23 Février sur la reconnaissance de la nation des français rapatriés des anciennes colonies. Une nouvelle loi vient donc de voir le jour aujourd'hui sur les génocides, visant particulièrement le génocide arménien. Ce qui peut surprendre? c'est qu'en France il n'y a, à ma connaissance, personne qui ne conteste ce génocide (comme cela est malheureusement le cas pour la Shoah). S'il y a des négationnistes, c'est plutôt en Turquie qu'on les trouvent. Mais cette loi ne s'appliquera pas à eux.

On peut imaginer les prochaines lois qui pourront voir le jour : Reconnaissance du génocide cambodgien, reconnaissance du génocide rwandais, et pourquoi pas les déportations dans les goulag de la russie soviétique... La liste d'exemple est malheureusement presque sans fin. Avec condamnation pour négation de ceux-ci. 

Mais ce qui pose aussi problème, c'est que cette loi tend à légiférer sur un sujet qui ne concerne pas directement la France. Celle-ci n'a pas été partie prenante en 1915 dans ce génocide. Elle ne l'a été qu'indirectement en accueillant les arméniens rescapés. Imagine-t-on dans ce cas la Turquie ou n'importe quel autre pays se penchant sur l'histoire de France pour y examiner les épisodes les plus sombres, et dans la foulée faire voter une loi par son parlement pour reconnaître à sa place les crimes commis. Dans ce cas, le massacre des vendéens par les armées de la république, en 1793, pourrait être candidat pour une loi de ce type. En effet, certains historiens (Reynald Sécher, Jean Tulard, Emmanuel Le Roy La Durie, Stéphane Courtois...) considèrent que la liquidation d'environ 200 000 chouans en 1793 sur ordre du pouvoir central révolutionnaire par les colonnes infernales est le premier exemple de génocide. On ne peut que conseiller de lire 1793 de Victor Hugo à ce sujet. D'autres exemples seraient dans ce cas susceptibles d'être reconnus : les massacres à Sétif du 8 mai 1945 de nationalistes algériens par l'armée française, ou en remontant plus loin les massacres des protestants à la Saint Barthélémy...

Finalement, cette nouvelle loi met tout le monde dans l'embarras, à commencer par les historiens, qui sont pourtant les mieux informés et les plus concernés par ces sujets. L'historien de renom Pierre Nora résume bien l'état d'esprit de nombre d'entre eux. Cette loi est "liberticide" et une atteinte à la "liberté démocratique". Ce n'est pas aux députés de faire l'Histoire et plus encore de condamner ceux qui en débattent. Ce n'est pas pour rien que depuis 2005, un collectif d'historien a lancé Liberté pour l'Histoire, association luttant contre les lois mémorielles et pour la liberté des chercheurs. Fondée par Pierre Vidal Naquet, opposant de toujours aux négationistes, elle est présidée par Pierre Nora. Nombre d'historiens de premier plan en sont membres : Alain Decaux, Marc Ferro, Jean Pierre Azéma, Pierre Milza, René Rémond, Michel Winock, Elisabeth Badinter, Françoise Chandernagor... Mais il parait malgré tout invraisemblable qu'au pays des Lumières, la connaissance et la recherche soit ainsi juridiquement entravée. Pourtant, tout le monde devrait le savoir, la meilleur façon de combattre le négationnisme reste l'érudition et la connaissance des faits, et non la loi. La loi clôt le débat sans l'avoir trancher, alors que la connaissance précisément permet de le gagner.

Côté politique, le président de l'assemblée nationale lui même, Bernard Accoyer, reconnait être contre cette loi et admet que de tout façon celle-ci ne sera surement pas adoptée définitivement par le parlement d'ici la fin de la mandature législative. Quand à Robert Badinter, ancien garde des sceaux et ancien président du conseil constitutionnel, il soutient qu'une telle loi est, de toute façon, non conforme à la constitution et qu'elle ne pourra donc être entérinée. La raison : il n'est tout simplement pas dans les prérogatives du parlement de voter de telles lois.

La Turquie doit reconnaître le génocide arménien. C'est une condition non négociable pour qu'elle intègre l'union européenne. Gageons qu'un jour elle le fera. La France n'a t elle pas elle-même mis son temps pour se pencher sur les tortures en Algérie. Et l'année  sanguinaire de 1793 ne reste il pas un grand tabou pour de nombreux livres d'Histoire. En tout cas, ce vote ne peut évidemment que desservir les historiens turques qui travaillent sur ce sujet depuis longtemps, et à qui le pouvoir politique en place accorde désormais beaucoup plus de libertés pour en débattre publiquement. La question n'est donc plus un tabou en Turquie. Celle-ci reconnaissant même des massacres à cette époque, mais pour des raisons différentes. Elle refuse malheureusement, pour l'instant, toute idée de reconnaissance du génocide ou de pardon. Dans un processus aussi douloureux et long, la provocation n'est pas la meilleure façon de faire avancer les choses.

Pour parler de l'effroyable génocide arménien de 1915, qui a généré tant de souffrance, de mouvement de population et surtout de victimes (on parle de 1,5 millions de morts), je m’orientais plutôt vers un de nos grands cinéastes, (décédé en 2002) Henri Verneuil. D'origine arménienne, et de son vrai nom Achod Malakian, le réalisateur et scénariste est à l'origine de quelques uns des plus grands succès du cinéma français. On peut citer notamment Un singe en Hiver (Avec Gabin et Belmondo), Mélodie en sous sol (Gabin et Delon) ou Le Clan des siciliens (Gabin, Ventura, Delon). A la fin de sa carrière, Verneuil se replonge dans son enfance en écrivant Mayrig (Maman en arménien) en 1985. Il y raconte son départ d'Arménie avec sa famille pour échapper aux massacres, puis son enfance d’immigré arménien à Marseille. Il y rend hommage à ses parents. De ce grand succès, Verneuil en tirera ces deux derniers films : Mayrig en 1991 et 588, rue Paradis en 1992, diptyque très poignant et magistralement distribuée avec à l'affiche Omar Sharif, Claudia Cardinale ou encore Richard Berry. Plus efficace que n'importe qu'elle loi.

Cette année 2011 a vu notre pays retomber dans la crise économique avec un chômage qui grimpe et la récession qui pointe. Nous ne sommes toujours pas sorti de la crise financière de 2008, avec des banques en manque de liquidité et se précipitant à la BCE. Désormais, nous connaissons aussi une crise sur notre dette souveraine, avec une signature discréditée sur les marchés. A cela s'ajoute une crise de confiance des français envers les politiques, qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition. La popularité des Marine Le Pen et François Bayrou, mais surtout du parti de l'abstention, le prouve. Et voilà qu'en prime, pour bien finir l'année, on se rajoute un boulet supplémentaire au pied par une crise diplomatique avec la Turquie. Qui dit pire ?

Les parlementaires, n'ayant pas résolu les problèmes du présent, préfèrent donc légiférer sur ceux du passé. S'imaginant, à tort, que c'est plus simple.

mercredi 21 décembre 2011

Historiquement incorrect de Jean Sévilla

Il y a quelques années, Jean Sévillia avait publié Historiquement Correct, livre qui connu à l'époque un grand succès, surtout pour un livre d'Histoire. Fort de ce bon accueil, l'auteur, qui est aussi journaliste et critique littéraire, revient avec un nouveau titre : Historiquement Incorrect.

Dans ce nouvel opus, Sévillia se concentre sur 10 thèmes ayant trait à l'Histoire du monde ou plus particulièrement à l'Histoire de France. Ces sujets sont souvent sujets à polémiques, et font l'objet de nombreux débats chez les historiens. Et parfois, le jugement politique et idéologique s'en mêle prenant le pas sur les faits, même les mieux établis.


On peut apprécier la rigueur et la prudence de Jean Sévillia dans son propos. Celui-ci cite beaucoup d'ouvrages et de travaux d'historiens et met souvent en lumière les dernières découvertes et recherches effectuées. Du coup, les avis exposés divergent forcément de la pensée dominante, parfois partiale et simpliste.

A titre d'exemple, l'auteur revient sur la seconde guerre mondiale, et plus précisément sur l'évolution au cours du temps du points de vue des historiens sur deux sujets essentiels de cette période: le rôle exacte du régime de Vichy pendant l'occupation, et la perception de la Shoah à la fin de la guerre. Et ce qui frappe, c'est que la vision que l'on en a aujourd'hui est très différente de celle que l'on avait après guerre. 

Ainsi, les historiens de référence qui ont travaillé sur le sujet après la guerre, Robert Aron ou Henri Amouroux notamment, ont sur le gouvernement de Vichy un jugement critique mais plus indulgent qu'aujourd'hui. A l'époque, la théorie du glaive (De Gaulle qui combat) et du bouclier (Pétain qui protège) est encore dans beaucoup d'esprits. Et il n'est pas rare de voir des résistants également partisans de Pétain sans que cela ne soit choquant. L'avis de ces historiens à l'époque, c'est surtout que c'est l'Allemagne occupante est maître du pays. Vichy est soumit à son diktat. Cette vision est largement soutenue par les gaullistes et les communistes, diffusant largement l'idée d'une France résistance et vainqueur de la guerre. C'est donc une bombe qui éclate dans les années 1970 quand l'historien américain Robert Paxton sort son Histoire de Vichy. Non toute la France n'a pas résisté, oui Vichy a collaboré, devançant parfois les désirs des Allemands. La charge est lourde contre la France et le régime du Maréchal Pétain. Trop peut être. Paxton semble parfois oublier ou sous estimer dans son analyse qu'il y avait une occupation du pays par les nazis. C'est ce que pointe les historiens actuels, tel Henri Rousso. La vérité se situe donc vraisemblablement entre Aron et Paxton.

De la même façon le traitement de la Shoah a beaucoup varié au fil du temps. Ce qui peut frapper, c'est qu'elle est à peine évoquée au sortir de la guerre, même avec la découverte en 1945 des camps de concentrations et d'exterminations. Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette question n'est presque pas abordée dans les procès d'épuration de 1945 (Pétain, Laval...). On juge avant tout des traîtres et des collaborateurs. La question de l'antisémitisme ou de la déportation spécifique des juifs n'est pas tellement évoquée. On parle alors plutôt des prisonniers et des déportés en général, qu'ils soient prisonniers de guerre, communistes, gaullistes, résistants, juifs ou tziganes. Ce n'est que progressivement, avec le devoir de mémoire et les recherches que l'on parlera plus spécifiquement de l'effroyable entreprise de la mort mis en place par les nazis. Des films, tels que Nuit et Brouillard d'Alain Resnais ou Shoah de Claude Lanzmann, marqueront durablement l'opinion sur ce sujet. La littérature aussi, tels que La mort est mon métier de Robert Merle ou Si c'est un homme de Primo Lévi. 

Autre exemple, la position du Vatican pendant la seconde guerre mondiale et plus précisément vis à vis du régime nazi. Si la perception actuelle est que le Vatican a été silencieux pendant la guerre, et a fermé les yeux sur les exactions nazis, on se rend compte que la réalité était assez différente.  Et on peut s'appuyer pour cela sur un certain nombre d'éléments, notamment des témoignages et documents de l'époque, attestant au contraire d'une condamnation sans réserve des papes successifs Pie XI et Pie XII contre les crimes commis. Mais il faut bien évidemment tenir compte des moyens d'information et de communication de l'époque qui n'avaient rien à voir avec ceux à disposition aujourd'hui, surtout dans un contexte de guerre. L'auteur nous décrit le courage du clergé allemand qui, parfois au péril de sa vie, s'est opposé à un ordre nazi martyrisant les juifs, les catholiques et plus généralement les chrétiens.

D'autres chapitres nous apprennent également beaucoup sur des points méconnus de l'Histoire. Les rapports de l'Eglise et de la science sont ainsi examinés à la lumière du cas de Galilée. Et l'on y apprend que l'Eglise romaine, loin d'être hostile aux scientifiques avait un véritable intérêt pour les nouvelles théories, y compris l'héliocentrisme. Et qui sait que l'un des plus fameux savant de l'héliocentrisme, Nicolas Copernic, était même prêtre. D'autres chapitres valent le détour. Un jugement très nuancé sur l'époque coloniale, certainement à confronter à d'autres points de vue. Et un retour sur la guerre 14-18, et sur l'esprit qui régnait à l'époque chez les combattants, loin des présentations qu'on en fait quelquefois. .

Ce qui frappe finalement à la lecture de ce livre, c'est la partialité de certains historiens dans leur traitement d'un sujet. Avec les nouvelles découvertes et l'accès aux archives récentes, il est normal que le jugement sur certains épisodes de l'Histoire change, l'histoire vit. Mais ce qui frappe, c'est la paresse intellectuelle d'une part, et l'idéologie du moment de l'autre, qui sont parfois plus forts que des faits établis, des recherches sérieuses, des témoignages précis. Ainsi selon l'époque, la période coloniale ou le régime de Vichy, par exemple, n'ont pas été appréhendés et jugés de la même façon. Avec à chaque fois une perception fausse et exagérée. Méfions nous donc des idées trop arrêtées.

Cet ouvrage est donc une contribution pour mieux comprendre certains épisodes de notre Histoire et sortir des présentations parfois simples et manichéennes. Il ne remet pas en cause des fondements historiques, mais permet de nuancer son jugement personnel sur certaines périodes plus complexe qu'on ne le pense. L'auteur nous apprend donc à nous méfier de la tentation du jugement lapidaire et anachronique. Ce qui était bien hier ne l'ai plus aujourd'hui. Qu'en sera-t-il demain ?

A noter que d'autres ouvrages existent pour bousculer de la même façon les idées reçues sur l'Histoire. Les avis peuvent d'ailleurs être fort différents et compléter ou contre balancer ce livre. Je pense par exemple aux ouvrages suivants : Les tabous de l'Histoire de L'historien Marc Ferro (que j'ai lu), ou Nos ancêtres les gaulois et autres fadaises du journaliste François Reynaert (que je n'ai pas lu).

Bonnes lectures. La vérité se trouve souvent dans la nuance, et toujours dans connaissance.









lundi 19 décembre 2011

NFC : Cette puce qui va révolutionner l'argent

Depuis quelques années déjà, au Japon, environ 10% de la population utilise la nouvelle technologie dite "sans contact mobile". Pour cela, les utilisateurs se sont équipés de smartphones supportant la technologie FeliCa, lancée par Sony, et se présentant sous forme d'une puce intégrée de type RFID (Radio Frequency Identification). Cette petite puce a changé le quotidien de millions de Japonais pour certaines de leurs tâches de la vie quotidienne par détection de l'appareil à très courte distance. Notamment en ce qui concerne les opérations de paiement. Cependant, FeliCa étant un format très propriétaire, cette technologie n'a pas franchi les portes du pays.

Depuis le 21 mai 2010, la ville de Nice expérimente un projet de mise en place des opérations de paiements de proximité aux moyens de terminaux mobiles (Smartphones). L'utilisation de la technologie sans contact mobile à courte distance était déjà connu depuis quelques années dans les transports en commun avec par exemple le pass navigo en Ile de France. Mais cette fois-ci, nous allons plus loin puisque ce sont un certain nombre d'opérations de la vie quotidienne qui sont bouleversées, telles que payer les commerçants où cumuler des points fidélité. Pour cette expérimentation, les 4 principaux opérateurs français de la téléphonie mobile se sont associés : Orange, SFR, Bouygues et NRJ mobile. Le nom du projet : Citysi. 

Mais quelle technologie se cache derrière tout ça ? Une petite puce appelé NFC, pour Near Field Communication, autrement dit communication en champ proche. Elle est très semblable à sa cousine japonaise, c'est à dire basée sur la RFID, mais respectant la norme ISO internationale. L'échange d'information devant se faire volontairement, la distance maximum entre les deux appareils dotés de cette technologie est de moins de 10 cm. La gamme de fréquence des échanges hautes (13,56 MHz). L'objectif à terme est d'intégrer la puce NFC dans la carte SIM.

En Janvier 2011, le ministre de l'industrie, Eric Besson, a annoncé une extension de l'expérimentation à 9 grandes villes françaises, candidates pour y prendre part : Bordeaux, Caen, Lille, Marseille, Nice, Paris, Rennes, Strasbourg et Toulouse. Le projet prend un peu de retard notamment par l'offre encore limitée des constructeurs (RIM, Samsung, HTC...) en Smartphones à puce ou carte SIM de type NFC intégré. Néanmoins, dans les prochaines semaines, Caen, Strasbourg et Marseille vont se lancer à leur tour dans l'expérimentation.

On se souvient, depuis quelques années, du relatif échec de la mise en place du portefeuille électronique lancé en France par Moneo. La nécessité de mise en place d'infrastructures de paiement physiques a largement freiné son développement, qui s'est surtout limité à certains parcmètres et aux campus des universités (Cantine, distributeurs...). Avec la puce NFC, on évite cet écueil, avec un réseau mobile déjà en place et accessible partout. Il est évident que le smartphone devient aussi le porte monnaie de chacun. On s'oriente donc vers un mobile multi-tâches à service unique .

La mise en place de cette nouvelle technologie pour gérer notre vie quotidienne va devoir passer par des partenariats entre les opérateurs mobiles et les acteurs du monde financiers et de la banque. Ce type d'association qui, il y a encore peu, aurait pu nous paraitre insolite est pourtant en train de voir le jour. Ainsi depuis quelques semaines, un partenariat s'est conclu entre la banque BNP Paribas et l'opérateur mobile Orange. D'ici peu, c'est à la banque que l'on pourra se voir proposer des offres de Smartphones.

En Septembre dernier, un acteur majeur du high tech est rentré dans le jeu. En effet, Google vient de lancer sa Google wallet. Cette plateforme est basée sur la mise en place de la technologie NFC sur tous les Smartphone d'OS (Operating System) Android de la prochaine génération (Fabriqués par les constructeurs Samsung, HTC...). Grâce à cette plateforme l'utilisateur aura la possibilité d’accéder aux services de la vie quotidienne. Le champ d'application est presque sans fin. Outre l'accès aux transports en commun ou les opérations de paiement, auparavant cités, on peut imaginer des applications dans les services de proximités et administratifs, les billetteries des spectacles, l'échange de contacts ou le transfert de photos d'un téléphone à l'autre quasi instantanément, ou encore l'accès aux services de Vélib ou AutoLib... Google wallet va devenir une des priorités de la firme de Mountain View dans les mois qui viennent. Avec, en ligne de mire, les Jeux Olympiques de Londres de l'été 2012, vitrine mondiale pour démontrer sa technologie. Pour cela, la firme californienne est prête à investir beaucoup pour aider les commerçants à s'équiper en système de réception de paiement avec technologie NFC.

La firme à la pomme, Apple, est pour l'instant en retard sur ce sujet, et n'a pas manifesté une implication forte pour le sujet. Mais, elle annonce tout de même que l'Iphone 5 sera compatible pour faire du paiement en ligne. Seul problème pour Apple, la stratégie orientée très propriétaire se voit contrariée par ces opérations de paiements demandant une importante ouverture sur l'extérieur. Mais nous pouvons raisonnablement penser que cet excellent suiveur saura imaginer en temps voulu la bonne parade ou la bonne application pour sa plateforme Itunes.

Un acteur historique sur ce marché tente aussi de faire de la résistance : Pay Pal, la filiale de Ebay. La firme spécialisée dans le paiement en ligne sécurisé et dématérialisé prépare sa propre plateforme pour concurrencer google wallet. Mais elle ne veut pas entendre parler, pour l'instant, de la technologie NFC.

Mais, on voit déjà poindre de l’inquiétude chez les pas encore mais futurs utilisateurs de cette technologie : Nos paiements seront désormais tracés par google. Gare au Big Brother Google qui, avec Google search sait ce que vous cherchez, avec google map où vous êtes, et saura aussi demain avec Google wallet ce que vous achetez. Gare aussi à la tentation de l'achat facile en un click, l'argent liquide étant jugé plus responsabilisant. Enfin, certains pointent les problèmes de sécurité pour ces paiements en ligne. Toutes ces critiques sont sans doute légitimes, mais on pouvait déjà faire les mêmes avec la carte bleue, en usage depuis 30 ans, où le paiement sur internet depuis 15 ans. La seule crainte que l'on peut imaginer est la hausse de vols des Smartphones, devenant de véritables petits trésors. Mais là encore, des mécanismes de sécurités  sont assez facile à mettre en place.

Une question subsiste. Comment se cachera l'argent sale électronique ? Des comptes électroniques offshores ?

vendredi 16 décembre 2011

Le retour du Made in France

La semaine dernière, François Bayrou a déclaré sa candidature à l'élection présidentielle. En fait, il s'était déjà déclaré plusieurs fois ces dernières semaines, mais il faut croire que ça ne s'était pas suffisamment vu. Passons. Cette fois-ci c'était la bonne pour le candidat centriste, qui l'annonce en grande pompe, mais pas trop, à la maison de la chimie. Un des axes de sa campagne électorale est lancé : ce sera le Made in France. Son slogan sera "Acheter français", ce qui n'a rien de nouveau. C'est même un grand classique des campagnes électorales. Le parti communiste l'utilisait déjà en 1946.

Toujours la semaine dernière, un autre François, Hollande celui-là, s'est également invité dans le monde de l'industrie. Au côté d'Arnaud Montebourg, le chantre de la dé-mondialisation, le candidat socialiste était au Creusot à la rencontre des ouvriers d'Alstom. Bien que les ouvriers ne soient pas répertoriés par Terra Nova (le Think Tank socialiste) comme le coeur de cible à conquérir par le parti socialiste, François Hollande déclare lui aussi sa flamme et son soutien à l'industrie française et en appelle au "patriotisme industriel". Il faut donc produire français martèlent ses lieutenants Michel Sapin et Pierre Moscovici. Et non pas seulement "Acheter français" comme le souhaite Bayrou. Dommage que le candidat Hollande se soit mis à dos l'industrie nucléaire suite à l'accord Verts-PS.

Depuis 2006, et ses désormais fameux déplacements à Charleville Mézière et à Gandrange, le président Sarkozy se pose en défenseur de l'industrie en France. Les usines c'est son truc répète-t-il souvent, bien plus que les financiers qu'ils fustigent régulièrement dans ces discours. Et pour cela, il faut une industrie française forte en France. Il continuera à la soutenir. Mais derrière le discours, l'industrie a continué à décliner ces dernières années. Charleville-Mézière n'a plus guère d'illusions et Gandrange a fermé. Les rares relocalisations comme Rossignol en Savoie n'inversent pas la tendance.

Depuis près de trois décennies, il a été fait le choix de miser la croissance économique de la France sur les services plutôt que l'industrie. La part de l'industrie est passée en 30 ans de près de 30% du PIB à seulement 15%. Les services devaient être l'avenir de notre économie.  L'agriculture, c'était finie. L'industrie, c'était finie. Au nom de la division internationale du travail cher à l'économiste classique anglais David Ricardo, chaque pays devait se spécialiser. A l’Afrique et l’Amérique du sud la mission de nourrir la planète. A l'Asie celui de devenir l'usine du monde. L'occident se concentrant sur les services.

Sauf que certains pays comme l'Angleterre se sont jeter à corps perdu dans les services financiers. La crise des subprimes de 2007-2008 a plongé le pays dans une grave crise, n'ayant plus une assise industrielle solide pour l'amortir. Et on a simplement oublié que pour un emploi existant dans l'industrie, c'est parfois plusieurs emplois de services que l'on crée autour localement, que ce soit dans l'informatique, dans l'ingénierie ou encore dans la logistique. Faute de projets industriels, certaines régions restent condamnées à l'abandon et au chômage massif.

Cette campagne de Made in France qui se développe n'est pas inutile, malgré les tendances rampantes de protectionnistes que peuvent porter des Arnaud Montebourg ou Marine Le Pen. Cependant, si cela se bouscule pour défendre l'industrie dans le verbe, dans les faits, les ambitions sont nettement revues à la baisse, et les solutions sont souvent obsolètes et inefficaces, entre les tentations protectionnistes et l'investissement public, souvent en pur perte pour un Etat de toute façon très mal au point du point de vue de ses finances publiques.

Pourtant, les consommateurs sont d'après les sondages prêt à acheter français, même un peu plus cher. Mais il semble qu'on oublie quelque chose : les caractéristiques des produits conçus et fabriqués. Nos entreprises, outre un problème de compétitivité lié au coût du travail ne sortent pas systématiquement les produits qui répondent le mieux aux attentes du client. Par exemple, Apple et Amazon vendent plus d'Ipad et de Kindle en France que ses concurrents français (Archos, Danew...) sur le marché de la tablette tactile. Est ce la faute au consommateur ? 

Les politiques publiques et d'incitations fiscales (comme le crédit impôt recherche), utiles en dernier ressort, trouvent rapidement leurs limites. Pour renouer avec la croissance et l'emploi industriel, c'est plutôt en soutenant les entrepreneurs et en redonnant le goût de l'innovation et de l'entreprise. Les PME françaises ne se développent pas suffisamment par rapport à ses concurrentes Allemandes ou Italiennes. Pourtant, des pistes existent, souvent peu coûteuses. Des politiques de simplifications administratives (guichet unique), de déréglementations et de flexibilité sur le marché de l'emploi pourraient soutenir ces entreprises. Car c'est là où se trouvent les potentielles créations emplois.

jeudi 15 décembre 2011

Une page se tourne pour la presse

Une page se tourne ce jeudi 15 octobre dans l'histoire de la presse française. Le grand quotidien d'après guerre, France-Soir, ne paraîtra plus dans les kiosques. Le propriétaire russe du journal, Alexandre Pougatchev, a décidé d'arrêter l'édition papier au profit d'une publication uniquement sur le site web. 

Cette fin peut laisser un goût amer. Les locaux ont été démolis et sont toujours occupés par les syndicalistes CGT de l'impression et de la distribution, habitués de telles violences. L'accès au journal est interdit aux journalistes eux-mêmes, qui ont pourtant toujours une version numérique à faire paraître. Il n'y aura donc pas de dernier numéro papier pour conclure cette grande aventure journalistique.

Elle ponctue un lent déclin pour celui qui fut le quotidien emblématique de la presse française d'après guerre. France-Soir est issu en 1944 du journal de la résistance Défense de la France, qui fut imprimé clandestinement pendant la guerre dans les sous sols de la Sorbonne. Ces fondateurs sont Robert Salmon et Philippe Viannay, auquel se joindra Pierre Lazareff qui en prendra la direction. Ancien directeur de rédaction de Paris-Soir dans les années 1930, il développera France-Soir pour en faire le quotidien de référence des années 1950-1960. C'est l'époque des grandes figures du journalisme et des grands reporters. Collaboreront entre autres à France-Soir, l'aventurier et académicien Joseph Kessel, le reporter pour l’Indochine Lucien Bodard, le journaliste et écrivain Philippe Labro ou encore l'historien Henri Amouroux. De 1953 à 1969, France-Soir se targuera d'être le journal à plus de 1 million de lecteurs, fort de plus de 400 journalistes et de sept éditions par jours. Pierre Lazareff décède en 1972. S'ensuit un long déclin du titre qui verra passer de multiples repreneurs : Robert Hersant, Philippe Bouvard, Olivier Rey. France-Soir vivra de multiples tentatives de relances, tantôt centrées sur les sports, ou les médias, ou format tabloïd. Rien n'y fera et France-Soir doit se contenter de 60 000 lecteurs, loin du million des années fastes.

Néanmoins, si le contexte est particulier dans le cas de France-Soir, il préfigure la mutation qui va inexorablement s'opérer pour la presse papier. Nous voyons bien que depuis plusieurs années déjà, les principaux journaux voient la vente de leurs éditions papiers ne pas progresser, voir décliner. Pendant ce temps là, la fréquentation des sites web de ces mêmes journaux se portent bien, voire explose. Avec l'énorme avantage d'être, au moins partiellement, gratuit.

Les importantes mutations des technologies de l'information ont et vont changer la diffusion du contenu des médias. On ne vend plus de l'information comme il y a 50 ans. La plateforme internet a profondément changé la donne il y a quelques années. Si les générations nés avec les éditions papiers continuent et continueront encore à acheter sur papier, les plus jeunes générations sont déjà familiers de cette diffusion interactive et dématérialisée des médias. La mobilité a également bouleversé la donne. Jusqu'à présent, s'il était possible de lire une version numérique de son journal via internet sur son ordinateur, il fallait être devant son ordinateur. Désormais, l'accès en ligne aux journaux sur les nouveaux téléphones, les "smartphones" rend beaucoup moins nécessaire l'achat de ceux-ci en support papier. Le lancement ces dernières années de tablettes tactiles, connectées en Wifi et 3G, est en train de porter le coup de grâce. Le coût encore élevé de celles-ci et la force de l'habitude permettront aux éditions papiers de survivre encore quelques années. Mais la mutation est en marche.

France-Soir n'est donc pas mort. Il entame simplement sa mutation vers le tout numérique, pour peut être retrouver une seconde vie. D'autres titres suivront lentement c'est inexorable. Tout simplement parce que les lecteurs se détournent progressivement du papier pour adopter ces nouveaux moyens technologiques de diffusion de l'information. Mais pas de panique, ce n'est pas la presse qui meurt, mais un changement du support de diffusion de celle-ci. Nous vivons donc une période de transition ou coexiste papier et numérique. Rappelons nous qu'avec l'invention de l'imprimerie par Gutenberg au XVeme siècle, celui-ci a causé beaucoup de tort aux moines copistes qui protestèrent. Fallait-il pour autant refuser ce progrès qui avait à l'époque bouleversé le monde ? Les syndicalistes CGT sont simplement nos nouveaux moines copistes.

En espérant que ces titres une fois exclusivement sur la toile n'utiliseront pas abusivement la commande magique du "copier-coller". Espérons aussi, dans un environnement qui s'annonce compétitif et privilégiant l'instantané, qu'ils auront encore les moyens de dépêcher des journalistes sur le terrain pour vérifier la véracité de l'information, plutôt que de se copier les uns les autres.

L'ère de la presse numérique prend en tout cas aujourd'hui un tournant décisif.

mercredi 14 décembre 2011

Un candidat pas concerné

Martine Aubry nous l'avait bien martelé il y a quelques mois pendant la campagne des primaires socialistes. Le projet socialiste, et notamment ses 20 propositions phares, c'était le socle commun de tous les candidats socialistes de la primaire. Projet qui a été le fruit du travail des cadres du parti et ensuite validé par les militants. Ainsi, que ce soit François Hollande, Arnaud Montebourg, Ségolène Royal, Manuel Valls ou bien elle-même, tous s'engageaient, en cas de victoire, à piocher largement voire intégralement dans le projet du parti pour bâtir leur futur programme. Seul Jean-Michel Baylet, qui n'est pas socialiste mais président du Parti Radical de Gauche (PRG), déclarait s'en affranchir car jugé irréaliste. Sympa pour les copains.
Les primaires sont à peine achevées que le grand vainqueur, François Hollande est déjà sous le feu des critiques de ses adversaires de droite à propos de son futur programme. En effet, à charge désormais pour François Hollande d'assumer et d'incarner les 300 000 emplois d'avenirs, sorte de nouveaux emplois jeunes de jadis Martine Aubry, ou encore un retour programmé de la retraite à 60 ans, peu opportun en période de disette dans les finances publiques. Le projet socialiste devient très vite un boulet pour le candidat Hollande qui s'empresse peu à peu de s'en défaire par la voix de ses principaux lieutenants, Michel Sapin ou Pierre Moscovici. Ainsi nous expliquent-t-ils que le futur programme sera très différent du projet, qu'entre temps il y a la crise économique, et que donc il faut revoir sa copie. Ce sont les militants et les électeurs des primaires qui peuvent être content. Le socle programmatique de la primaire est déjà caduque. 

Le projet socialiste ? Le candidat Hollande n'est pas concerné.

Quelques jours plus tard, le parti socialiste négocie avec ses partenaires d'Europe Ecologie Les Verts (EELV) un accord en vue des élections législatives de 2012 qui vont suivre la présidentielle. Avec surtout à l'esprit les tractations sur le partage des circonscriptions. François Hollande, candidat qui doit prendre de la hauteur, se désintéresse de cet accord pour se concentrer sur sa campagne. Et, c'est à tort qu'il laisse Martine Aubry et ses amis négocier avec les écolos. Bilan, la plupart des proches du député de Corrèze sont évincés au profit de ceux de la première secrétaire. Mais pire, celle-ci négocie la fermeture de centrales nucléaires et l'arrêt de la filière MOX. Vif inquiétude dans le monde l'industrie, notamment EDF et AREVA. François Hollande est de nouveau dans l'embarras et se fait rappeler à l'ordre par ces groupes industriels.
En contradiction avec son parti, il déclare simplement ne part se sentir engagé par l'accord Verts-PS. Eva Joly, la candidate écologiste, non plus d'ailleurs.

L'accord législatif Verts-PS ? Le candidat Hollande n'est pas concerné.

Il y a 10 jours, éclate l'affaire de la fédération PS du Pas de Calais. Le chevalier blanc du parti, Arnaud Montebourg, après avoir batailler dans le sud contre le baron PS des bouches du Rhône, Jean Noël Guérini, part cette fois ci donner l'assaut dans le nord. Visé, le député-maire de Liévin et proche de François Hollande, Jean-Pierre Kucheida. Les faits reprochés : enquête en cours sur un système de financement occulte du parti socialiste du Pas de Calais et des emplois fictifs. A cela s'ajoute le rapport très critique de la chambre régionale des comptes sur la gestion de l'Epinorpa, organisme de gestion de logements. Enfin des soupçons de corruption et de versement de rétro-commissions planent sur l'élu PS suite aux accusations de Gérard Dalongeville, ex-maire PS d'Hénin Beaumont, et lui même incarcéré pour des détournements de fonds publics. 
Le candidat socialiste laisse la première secrétaire s'occuper de l'affaire. C'est une histoire interne explique-t-on du côté des proches de François Hollande. Et, bien qu'ayant été premier secrétaire du parti pendant 11 ans, il ne se sent pas concerné par cette affaire. Otez moi d'un doute, François Hollande n'est-il pas le candidat représentant ce même parti ? N'a t-il donc aucun intérêt pour ce qui s'y passe, notamment dans les fédérations ?

Le fonctionnement des fédérations du parti socialiste ? Le candidat Hollande n'est pas concerné.

Enfin, lundi dernier, le candidat socialiste est interrogé par Jean-Michel Apathie sur RTL à propos de l'accord Européen signé la semaine dernière à Bruxelles par 26 pays. Celui-ci déclare qu'il ne peut accepter cet accord en l'état, notamment parce que selon lui la discipline budgétaire n'est pas la bonne réponse. Il soutient donc qu'une fois élu président, il le renégociera pour y ajouter ce qui manque, notamment le soutien à la croissance. 
Il va sans dire que même s'il a parfaitement le droit de le faire, on peut fortement douter de la capacité de François Hollande à aller tout seul renégocier cet accord dans 6 mois face à tous les pays européens, l'Allemagne en tête. Mais le candidat commet sans doute là une faute majeure. L'Europe est un héritage commun de la gauche et de la droite, et en ces périodes de crises et d'incertitudes, l'unité doit primer. Une telle parole venant d'un possible futur président ne peut que jeter un peu plus le trouble sur l'économie et les marchés financiers alors qu'il y a urgence à sauver la zone euro.

L'accord européen ? Le candidat Hollande n'est pas concerné.

Mais ne lui dite pas qu'il y a une élection présidentielle l'année prochaine, il pourrait se sentir concerné.

lundi 12 décembre 2011

Le point Godwin

En 1990, l'avocat américain Mike Godwin énonce une loi qui portera son nom, la loi de Godwin. Celle-ci stipule que lors d'une discussion en ligne, plus celle-ci se prolonge, plus la probabilité pour que l'un des intervenants fasse une comparaison en rapport à la seconde guerre mondiale (Les nazis, Hitler, les camps de concentrations...) se rapproche de 1. Vérifier la loi de Godwin revient donc, à franchir un point, dit le point Godwin. A l'origine énoncé à propos des discussions en ligne observées sur internet, cette loi peut se généraliser pour l'ensemble des discussions, notamment du débat public et politique.

Les commentateurs peuvent ainsi chercher, à chaque fois que le point de Godwin est franchi dans le débat public, à attribuer un point à l'interlocuteur qui la vérifie. Un point négatif. Il est en effet considéré qu'invoquer ces références particulièrement odieuses de la seconde guerre mondiale revient à brandir l'ultime repoussoir possible pour discréditer son interlocuteur. Et c'est plutôt la preuve que celui qui l'a lancée est à court d'arguments, et qu'il préfère donc invoquer ces références totalement extrêmes. Mais atteindre ce point Godwin a aussi généralement comme caractéristique de tout simplement clore le débat.

Avant la seconde guerre mondiale, d'autres points Godwin existaient, sans être énoncés sous cette forme bien évidemment. Ils matérialisaient les détestations de l'époque,  avec la même utilisation dans le débat, ou plutôt le non-débat. Dans le monde chrétien par exemple, les figures de Judas ou de Ponce-Pilate tenaient bonne place. Des figures sanguinaires tels Gengis Khan ou Ivan le Terrible ont également figuré dans l'imaginaire collectif comme incarnation de la monstruosité. Aux Etats Unis, dans le sud ségrégationniste, c'est la figure du président républicain abolitionniste Abraham Lincoln qui fut l'objet de toutes les détestations.

Mais revenons au point Godwin tel qu'il est utilisé de nos jours, c'est à dire en référence aux monstruosité de la seconde guerre mondiale. On se rend compte qu'en France, les hommes politiques le dépassent allègrement. Et ce ne sont pas les exemples qui manquent, tant cette période a marqué notre mémoire collective. Avec également des références, spécifiques à notre pays, sur le régime collaborateur de Vichy.

Le président Nicolas Sarkozy et ministre Brice Hortefeux expulsent les Roms à l'été 2010. Le député Jean-Pierre Grand évoque les "rafles pendant la guerre". Pour l'ex-premier ministre Michel Rocard, c'est le retour de "Vichy et des Nazis". Le ministre Eric Besson lance le débat sur l'identité nationale. Encore "Vichy" pour ces adversaires PS, le traitant même de "Marcel Déat" (chef de file des collaborateurs de gauche en rupture avec la SFIO). A l'opposé pour le député Christian Estrosi, le débat sur l'identité nationale aurait évité l'arrivée au pouvoir d'Hitler dans les années 30 s'il avait eu lieu. Rien que ça. Chahutée par ses adversaires à l'assemblée nationale, la ministre Christine Albanel défend HADOPI en déclarant que ce n'est pas la "Gestapo" que l'on restaure. Ou encore Bernard Kouchner qui compara le génocide du Rwanda aux génocides perpétrés par les nazis. La liste est sans fin, tant l'imagination des politiques limitée. Ainsi, à gauche comme à droite, les points Godwin s'accumulent.

Tout récemment encore, la crise de l'euro et la vague montante d'anti-germanisme ont généré quelques points supplémentaires de Godwin. Entre Arnaud Montebourg et sa comparaison d'Angela Merkel à Bismarck (nous sommes avant la seconde guerre mondiale, mais le mécanisme est bien le même), ou bien Julien Dray, rappelant, à l'occasion du discours du président à Toulon, que le contrôle des politiques budgétaires au niveau européen ressemblait à l'abdication de la marine française dans la rade de cette ville en 1940, ou encore Jean-Marie Le Guen comparant Nicolas Sarkozy à Edouard Daladier à Munich en 1938.

On ne peut que regretter cette inflation sans fin de références à cette triste période dans les débats entre les politiques. Celles-ci sont généralement sorties par des historiens très amateurs, et n'ont aucune pertinence. Loin de nourrir le débat, elles ne servent qu'à le clore à base d'insultes et d'énormités.

Mais c'est aussi et surtout le symptôme que notre société n'est toujours pas sortie de cette période d'après guerre, puisque nous nous referons aux horreurs de celles ci constamment. Loin d'être le devoir de mémoire qu'il convient d'entretenir, c'est plutôt une utilisation abusive de la mémoire de ceux qui ont souffert et ceux qui en sont mort. Et n'oublions pas qu'à force de crier au loup, nous ne le verrons peut être pas arriver.

La critique est souhaitable et indispensable. Mais la caricature et l'insulte sur ce qui fut l'un des plus grands drames de notre temps, ne nous élève pas. Au contraire.

jeudi 8 décembre 2011

Et à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne

Mondial de football de 1990. Une des demi-finales oppose la séduisante équipe d'Angleterre à une équipe allemande sans génie, mais réaliste. Au terme des prolongations, le score est de 1-1. Tirs aux buts, et c’est l’Allemagne qui s'impose finalement par 4 à 3. Suite à ce match, l'avant centre de l'équipe anglaise, Gary Lineker, donnera avec humour sa définition du football : "Le football est un sport simple : 22 hommes poursuivent un ballon pendant 90 minutes, et à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne". On peut au passage lui donner raison, en se souvenant du réalisme allemand venant à bout en 1954 de l'imbattable Hongrie de Ferenc Puskas, des Pays Bas de Johann Cruijff en 1974, ou de l'Argentine de Diego Maradona cette même année 1990.

"Et à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne". Ce sont les mots qui me sont venus à l'esprit en lisant l'accord conclu en ce début de semaine par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy pour tenter à nouveau de sauver l'euro.

Il faut dire qu’il y a vraiment le feu à la maison euro, après l’annonce par Standard & Poors de sa surveillance de tous les AAA de la zone. Fini les grandes idées de rachats sans fin d’obligations pourries, fini la charité poussant à prêter à tout le monde de l’argent que l’on n’a pas et qu’on ne nous remboursera pas. Fini encore la fausse bonne idée des eurobonds, poussée notamment par les socialistes français.  Censée mutualiser la dette et illustrer la solidarité européenne, elle n’aurait fait qu’accentuer davantage la ruée vers la dette. Encore un cas, extrême, d’aléa moral

Les idées allemandes ont eu raison des dernières résistances de Nicolas Sarkozy sur la plupart des points clés de l’accord.  Michel Audiard disait de l’argent qu’ « à partir d’un certain montant tout le monde écoute ». Dommage que ce soit un montant de dettes.

La vraie révolution que l’on perçoit dans cet accord, c’est évidemment la procédure automatique de sanctions contre les Etats ne respectant pas les sacro-saints critères de Maastricht (3% du PIB pour le déficit, et 60% pour l’endettement). Jusqu’à présent, les simples promesses suffisaient à éviter la sanction. Désormais il n’y aura pas de cadeau. Cette sanction ne peut en effet être levée qu’à la majorité qualifiée.

La règle d’or prévu par l’accord est aussi un pas très important. Chaque Etat doit la voter et, de préférence, la graver dans le marbre constitutionnel. Elle va surtout plus loin que celle lancée tactiquement par le président français pour gêner et diviser ses adversaires socialistes avant l’élection présidentielle.  Ce n’est pas seulement un vœu pieu que personne ne respecte (On a déjà donné avec les critères de Maastricht). Il y a désormais un objectif de retour à l’équilibre, qui se traduira par une date. Et la Cour Européenne de Justice aura l’œil dessus.

Le fond de secours européens (FESF) est brandi à toute occasion comme la solution à la fin de la crise. Mais sans considération pour ce que ça coûte ni où trouver l’argent. Il ne sera finalement accessible qu’à une majorité super qualifiée, voire à l’unanimité. De quoi dissuader les Etats peu responsables qui comptent trop sur cette manne providentielle.

Le reste de l’accord va vers une plus grande convergence européenne en matière fiscale et sociale.  La France, incorrigible,  n’a pas pu s’empêcher d’y glisser la « régulation financière » ou le « soutien à la croissance ». On ne change pas comme ça du jour au lendemain.

Seul point où l’Allemagne a peut être fait fausse route, le problème de la participation du secteur privée à la restructuration de la dette.  Les allemands poussaient depuis des mois à ce que les investisseurs privés abandonnent jusqu’à 50% de leurs dettes. Question de justice. C’était sans doute normal et moral. Oui mais voilà, ça a fait fuir les investisseurs privés, et mit davantage encore l’euro en difficulté. Le pragmatisme allemand a fait défaut sur ce sujet par rapport aux français. C’est peut être pour cela que l’Allemagne n’a pas gagné toutes les coupes du monde, et que les français en ont  accroché une.

Ce n’est pas la première fois que la France se met dans les pas de l’Allemagne. En 1982, après avoir dépensé sans compter pour mettre en œuvre le programme commun, le gouvernement Mauroy, sous la houlette du ministre des finances, Jacques Delors, se met à la rigueur allemande. Quelques années plus tard, c’est Pierre Bérégovoy, ministre des finances, qui soutient un franc fort, calqué sur le modèle du Deutschemark fort. Phase de désinflation compétitive à double tranchant, mais la France ne s’en est pas si mal portée. En revanche, les divergences de vues franco-allemande se sont accentuées sous les ères Chirac-Sarkozy par rapport à la rigueur Schroeder-Merkel. On le constate, quand chacun suit sa propre route, l’Europe va moins bien.

Aux antipodes d’un Arnaud Montebourg (Montebourde ?) dénonçant une Bismarkisation de la chancelière allemande, il convient donc plutôt de se féliciter de ne pas avoir à commenter le énième plan de relance par le déficit budgétaire. Autant de coups d’épées dans l’eau qui ne font qu’un peu plus plonger dans le rouge des pays déjà en difficulté.

Et à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne.

mercredi 7 décembre 2011

Minuit de Dan Franck

Avec Minuit, Dan Franck nous plonge dans la période sombre de l'occupation de la France, entre 1940 et 1944, par l'armée Nazie. Et plus particulièrement, il retrace le parcours d'écrivains, d'intellectuels et d'artistes pendant ces années noires. Malgré quelques défauts (On est parfois un peu trop dans la liste d’anecdotes et il y a un parti pris pour ou contre certains personnages sans trop savoir pourquoi), ce livre est passionnant pour tous les amateurs de l'histoire littéraire et artistique de la France, notamment pendant ces années sombres. En voici les principaux faits. Je m'en suis librement inspirés pour bâtir ce récit.




Ça commence par une défaite en juin 1940. Le maréchal Pétain signe l'armistice. C'est la "Divine surprise" pour le royaliste et doctrinaire de l'Action Française Charles Maurras. Emmanuel Berl, pacifiste de gauche, écrit les si fameux discours de Pétain appelant les français à faire pénitence de leurs jouissances passées, responsables de la défaite. Avant de s'éloigner des autorités de la collaboration, se rendant compte de son erreur. Paul Morand, grande figure du monde littéraire et auteur de L'homme pressé, servira le régime de Vichy comme ambassadeur pendant la guerre.

Certains écrivains français et étrangers cherchent à fuir le pays pour se réfugier aux Etats Unis ou en Angleterre, comme par example André Breton ou Arthur Koestler. Le petit monde littéraire s'est, pour beaucoup réfugié dans le sud-est, du côté de Nice et Cannes, tel André Gide, Roger Martin du Gard ou encore André Malraux. Ce dernier, héros de la guerre civile espagnole, se fait discret pendant ce début d'occupation allemande

Débarque ensuite d'Allemagne de jeunes officiers nazis cultivés et Francophiles tel Otto Abetz, ambassadeur d'Allemagne en France, ou Gerhard Heller. C'est une opération séduction dans les milieux culturels et littéraires français qui est lancée. Sans collaborer ouvertement Jean Cocteau (Un cocktail, des Cocteau) fréquente l'ennemi sans trop rechigner. De même que les caricaturistes dépeignent volontiers un Sacha Guitry participant souvent à des banquets avec l'occupant. 

Une des cibles des autorités Allemande, c'est la NRF (Nouvelle Revue Française). André Gide et Roger Martin du Gard, parti dans le sud de la France, la direction est confiée au très antisémite et pro-nazi Pierre Drieu La Rochelle, auteur de Gilles avant guerre. Avec lui, la NRF se met à l'heure allemande. Le secrétaire de la NRF, Jean Paulhan, tente d'en atténuer les conséquences. Homme très en vue du milieu culturel parisien, il rend de nombreux services aux milieux de la résistance.

A Paris, la presse de la collaboration s'en donne à coeur joie, de droite comme de gauche, pour prôner la collaboration et dénoncer juifs, résistants, communistes, franc maçons, gaullistes. Le régime de Vichy est même jugé par eux trop mou. Ainsi fleurissent les titres tels que Au Pilori, où écrivait Louis Ferdinand Céline, L'Oeuvre de l'ex-socialiste Marcel Déat, Je suis Partout (Je chie partout diront beaucoup) de Robert Brasillach et Lucien Rebatet ou encore La Gerbe (le bien nommé) de l'écrivain Alphonse de Chateaubriand.

L'occupant organise aussi des voyages pour les écrivains séduits par le Reich. Ainsi à l'automne 1941, sept écrivains français de renoms partent à un congrès d'écrivains sympathisants nazis à Weimar : Robert Brasillach, Pierre Drieu La Rochelle, Marcel Jouhandeau, Jacques Chardonne, Abel Bonnard, Ramon Fernandez et André Fraigneau. Avec cet épisode, leur sort sera scellé au moment de rendre des comptes à la libération.

Le monde du spectacle s'accommode de l'occupation. Le couple Jean Louis Barrault et Madeleine Renaud (Dit la régie Renaud) sont souvent à l'affiche devant un parterre d'officiers Allemands. Reproche qui sera fait également, au moment de l'épuration, à Charles Trenet ou  Maurice Chevalier, coupables de peu de résistance face à l'occupant, malgré une prise de distance progressive avec les autorités de Vichy.  Coupable d'avoir couché avec l'ennemi, Arletty déclara avec sa gouaille légendaire "Si mon coeur est français, mon cul lui, est international".

Le cinéma est soumis la censure, et victime aussi de l'interdiction des juifs d'exercer le métier. Marcel Pagnol renonce à réaliser des films dans ses studios du midi. Le duo Jacques Prévert et Marcel Carné, aidé par la musique de Joseph Kosma et les décors d'Alexandre Trauner va néanmoins réaliser pendant cette période deux chefs d'oeuvre : Les visiteurs du soir et Les enfants du paradis, parvenant à contourner la censure. Henri-Georges Clouzot marquera également l'époque en mettant en scène Pierre Fresnay dans l'Assassin habite au 21 ou Le corbeau. Ce dernier film lui voudra les foudres des autorités résistantes à la libération, coupable de montrer une France peu réluisante. Mais nombre de têtes d'affiches d'avant guerre ont disparu des écrans tel Jean Gabin ou Michèle Morgan, réfugiés aux Etats Unis. A l'inverse le talentueux comédien de composition Robert Le Vigan excelle dans un premier rôle, celui de collaborateur et de rédacteur de lettres de dénonciation de juifs et de résistants auprès des autorités.

A Paris, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir (le castor) travaille à leur oeuvre plutôt qu'à une quelque conque postérité dans la résistance, malgré quelques contacts avec le CNE (Comité national des écrivains). Le CNE, fondé par Georges Politzer, Jacques Decour et Jacques Salomon, est aussi le lieu de rencontre d'écrivains proches de la résistance aussi diverse que Louis Aragon ou François Mauriac notamment.

Parmi ceux qui résistent, il y a, dès les premiers jours, René Char qui s'oppose au régime de Vichy. Il dirigera un maquis dans le sud-ouest. Dans le milieu littéraire, Vercors publie Le silence de la mer, ode à la résistance passive du peuple français face à l'occupant. C'est aussi la naissance des clandestines Editions de minuits. L'écrivain Jean Guéhenno refusera tous les avances faites par l'occupant Allemand. Un jeune homme venu d'Algérie prendra la rédaction en chef du journal de résistance clandestin Combat : Albert Camus. Marc Bloch, auteur de L'étrange défaite sur 1940 sera fusillé. Max Jacob, sera déporté à Drancy où il mourra.

A Londres, se retrouve dans le giron de la France Libre les écrivains Romain Gary et Joseph Kessel, ainsi que le futur grand intellectuel Raymond Aron. Kessel et son neveu Maurice Druon composeront là bas le chant des partisans l'hymne des résistants sur le sol français. Ami entends-tu le vol noir du corbeau sur nos têtes...

Mars 1944, André Malraux s'engage enfin. Autoproclamé Colonel et en mission pour Londres, il prend la tête du maquis dans le Périgord. A la tête de ses 2000 hommes, sa Brigade Alsace Lorraine participera à la libération de Strasbourg. Le héros très discret pendant l'occupation a su se mouvoir en chef charismatique pour jouer les premiers rôles à la libération.

La libération de la France sonne le triomphe de l'armée des ombres mais aussi l'heure de l'épuration pour tous ceux qui se sont compromis. Drieu La Rochelle se suicide, Robert Brasillach est condamné à mort et fusillé, Lucien Rebatet la prison à vie. Louis Ferdinand Céline et Robert le Vigan sont en fuites dans la république française fantoche de Sigmaringen avec les derniers ultras de la collaboration. Sacha Guitry ou Arletty sont emprisonnés quelques temps. 

Tel est le destin de ces écrivains, intellectuels et artistes pendant cette sinistre période de l'occupation ou la faim et le froid étaient souvent la principale difficulté au quotidien. Il y a des héros, il y a des salauds, il y a des hésitants, il y a des jouisseurs. Il convient de ne pas les juger. Nous n'étions pas là. Et si nous étions là qu'aurions nous fait ? La même chose probablement. 

mardi 6 décembre 2011

L'aléa moral de la zone euro

La zone euro vit depuis des mois dans un mythe, celui que les Etats rembourseront les dettes contractées. C'est faux, ils ne rembourseront évidemment pas, il n'y aura pas de retour à l'équilibre.

La croissance économique des pays de la zone euro est très faible alors que les taux d'intérêts pour financer leur dettes ne font que grimper. Et rien ne semble pouvoir enrayer cette montée. Tous les pays renégocient en permanence leurs dettes, on parle alors de restructuration. Mais, il devient de plus en plus probable que nombre des pays européens feront partiellement défauts. Si ce n'est pas même le défaut complet, comme c'est en réalité déjà le cas dans une Grèce en perfusion de l'Union européenne et du FMI.

Pourtant la Banque Centrale Européenne (BCE), sous l'égide de Jean-Claude Trichet d'abord et désormais de Mario Draghi, est intervenue sur les marchés pour racheter massivement de la dette, notamment italienne et espagnole. Mais rien n'y fait. Malgré cette intervention censée soutenir artificiellement les taux, ceux-ci ne redescendent pas.

Mais cette intervention de la banque centrale au fait, sert-elle vraiment la cause qu'elle entend soutenir ? Analysons cette intervention. 

Au début, plusieurs pays européens (Italie, Espagne pour ne citer qu'eux) se trouvent en difficulté sur le marché des obligations souveraines (emprunts d'Etat). Fortement endettée, avec des perspectives de croissance faible, ils attirent moins les investisseurs. Sans pour autant présenter de risques sérieux de défauts à court terme, leurs taux d'intérêts vont logiquement monter sur le marché des dettes souveraines. Conséquence, ils auront plus de mal à se financer sur le marché de court terme.

Pour aider ces pays en difficultés, la BCE décide d'intervenir et de faire baisser les taux des dettes à court terme de ses pays. Pour cela, le mécanisme est simple, il suffit de racheter via les banques centrales de ces pays de la dette détenue par les banques privés. Effet attendu, les taux doivent baisser et ces Etats peuvent à nouveau se refinancer sans être asphyxier, leurs obligations devant trouver plus facilement preneur. Effet constaté en réalité, les taux ne baissent pas et continuent même à monter. Pourquoi ? 

Parce que ces pays sont déjà très endettés, et ne respectent pas les réglementations européennes. Et plutôt que de se restructurer profondément et geler leurs dépenses, ils vont continuer à s'endetter sur les marchés pour financer leurs déficits courants. Et ce, alors que les perspectives de croissance sont mauvaises, n'offrant que peu d'espoir de rentrée de recettes et de retour à l'équilibre dans les mois ou années qui viennent. Cette entourloupe de la BCE n'échappe cependant pas aux investisseurs privés, qui ne vont pas ce précipiter vers ces obligations à l'évaluation falsifiée. Conséquence, l'intervention de la BCE fait davantage fuir encore les investisseurs. Les taux continuent de monter. Et l'argent de la BCE n'a été qu'un coup d'épée dans l'eau.

Nous sommes là dans un cas typique d'aléa moral qui affectent considérablement la zone euro. On explique souvent mieux l'aléa moral avec l'exemple de l'assurance. Un sociétaire va souscrire à une assurance qui l'engage à respecter un contrat en échange d'une couverture. Mais après signature, le sociétaire, se sentant protégé, va parfois dévier et avoir un comportement à risque. Cette déviation est l'appelé Aléa moral. La justice peut alors condamner cette déviation, ce qui incite chaque individu à respecter son contrat.

Dans le cas présent, les Etats de la zone euro qui n'ont pas respecté les engagements du pacte de stabilité européens (3% de déficit budgétaire, 60% du PIB d'endettement) et qui ne se sont pas restructurés sont in fine sauvés par une zone euro et une BCE qui refusent toute perspective de défaut de l'un de ces membres. D'où les plans successifs de sauvetage, et le rachat de dettes. Le tout en pur perte bien sûr. Plutôt que d'être sanctionné, et d’éventuellement faire défauts, ces Etats ne sont incités qu'à continuer leurs comportements déviants en s'endettant à peu de frais.

Il existe pourtant un organe européen qui doit, dans l'avenir, jouer un rôle majeur. C'est la Cour de Européenne de Justice, basée au Luxembourg. C'est ce pouvoir judiciaire, qui doit avoir pour mission de faire respecter les engagements de tout les contractants. Et les sanctionner si besoin.

Arrêtons de chercher des boucs émissaires, un des problèmes européens, c'est l'aléa moral.

lundi 5 décembre 2011

Maastricht, vingt ans après

1992 - 2012.
L'année prochaine nous fêterons le vingtième anniversaire du "Oui" au référendum de Maastricht, ratifiant la création de la monnaie unique en Europe. Nous avons connu l'Ecu quelques années. Puis ce fut l'Euro.

On se souvient encore de cette campagne électorale, de ce volumineux document du traité européen que tous les citoyens avaient reçu dans leur boite au lettre, sans rien y comprendre. L'enjeu disait les partisans du "Non", c'était l'abandon de la souveraineté de la France au profit du fédéralisme européen et de la commission de Bruxelles. Pour les partisans du "Oui", c'était l'aboutissement du vieux rêve européen et la réconciliation achevée de la France et de l'Allemagne, durement ravagés par les guerres du XXème siècle.

Le monde politique s'étripa sur pendant la campagne. Les trois mousquetaires de la droite souverainiste, Philippe Séguin, Charles Pasqua et Philippe de Villiers font campagne pour le "Non" contre l'avis des appareils RPR et UDF. Un quatrième (D'artagnan ?), Jean-Pierre Chevènement, le souverainiste de l'autre rive, se joint à eux. Ils vont faire trembler le pouvoir mitterandien, mais aussi les états majors de droite à mesure que les courbes du "Non" grimpent, jusqu'à dépasser pendant un moment le "Oui" dans les sondages.

Dans le camp du "Oui",  les européens de cœur tout d'abord. Une partie du PS emmené, Jacques Delors, président de commission de européenne, et la fédéraliste UDF de Valéry Giscard d'Estaing, Simone Veil et François Léotard. Il y a aussi les européens de raison. Le président Mitterrand, pas européen historique, mais qui aura un engagement incontestable dans la construction européenne et la réconciliation avec l'Allemagne d'Helmut Kohl. Tout le monde se souviens de leur photo main dans la main à Verdun. Il a aussi le peu fédéraliste RPR de Jacques Chirac. Le parti est divisé sur le référendum, mais le futur président sent qu'il ne sera pas présidentiable en 1995 s'il appelleà voter "Non". Les jeunes loups comme Alain Juppé et Nicolas Sarkozy le suivent dans sa démarche.

Malgré la puissance des appareils PS, RPR, UDF, les français ne suivent pas aussi facilement. Ce sera finalement un "Oui" du bout des lèvres. A 51%. La France souverainiste existe. Elle n'a perdu que de peu. La France adopte donc la monnaie unique. Celle-ci est pleine de promesse. Elle annonce une Europe monétaire intégrée, la fin de l'inflation et des dévaluations compétitives. Mais il y a des contraintes. Le déficit budgétaire ne doit pas excéder 3% et les dettes ne doivent pas aller au delà des 60% du PIB. La convergence des pays européens adoptant l'Euro est en route.

Mais c'est une victoire à la Pyrrhus. Les peuples ont accepté la monnaie unique. C'est vrai que c'est plus simple, et plus pratique pour voyager. Mais ils n'ont pas accepté la perte de souveraineté ni les contraintes drastiques de la commission et des argentiers de la banque centrale.

Or cette Europe se construit en l'absence d'un vrai pouvoir de contrainte en cas de non respect de ses engagements. Les dirigeants politiques, élus par leur pays et non par toute l'europe, vont dès lors prendre leur distance avec ces critères de convergence. Puisqu'on ne peut plus dévaluer en cas de problème comme au bon vieux temps, on pioche dans le déficit encore et encore. Créant des dettes de plus en plus abyssales. Pour rassurer les quelques esprits chagrins s'en inquiétant, on assène qu'un État ne peut pas faire faillite.

Aujourd'hui, avec la crise de l'Euro et des dettes souveraines, le débat du traité de Maastricht n'a jamais été aussi actuel. Dans son discours de Toulon cette semaine, Nicolas Sarkozy pointe les manquements du traité, le problème de la dette et le manque d'intégration européenne, notamment la convergence avec l'Allemagne. C'est en partie le bon diagnostique, mais c'est tard, et il a lui-même adhéré à cette Europe depuis vingt ans en soutenant la ratification de ce traité et sans réduire les déficits.

Vingt ans après, c'est le match retour entre les souverainistes et les fédéralistes. Ces derniers, poussent vers une intégration plus complète avec l'Allemagne sur les reformes sociales (retraites, temps de travail) et fiscales (Impôt, TVA), assortie de coupes sévères dans les dépenses publiques pour redresser les comptes. C'est en partie la voie proposée actuellement par les dirigeants européens, Nicolas Sarkozy compris. Le PS de François Hollande se positionnera probablement sur cette ligne. Il decevra sans doute les plus à gauche, mais il n'a pas vraiment le choix.

Dans le camp souverainistes, c'est plus flou. Seguin n'est plus de ce monde, De Villiers et Pasqua sont plus ou moins rangés des camions, et Chevenement fait peut être la campagne de trop, si toutefois il va au bout. Les héritiers émergent et porteront probablement le fers dans les mois qui viennent. Que ce soit à droite ou à l'extrême droite, les Nicolas Dupont Aignan et Marine Le Pen ou à gauche Arnaud Montebourg et Jean Luc Mélenchon. Attention toutefois, cet attelage avec gagné sur le "Non" du référendum de 2005.

Nous tenons peut être là le futur grand débat de la présidentielle. Vingt ans après.

vendredi 2 décembre 2011

Les geeks et le marketing

Il y a quelques semaines, le 5 octobre, disparaissait Steve Jobs, mythique co-fondateur de la firme à la pomme, Apple. Patron charismatique et médiatique, son nom est associé à tout jamais aux pionniers de la Silicon Valley et à l'introduction de l'ordinateur personnel dans les foyers. Il était aussi l'épine dans le pied du géant et mal aimé Microsoft. Nombre des produits Apple ont conquit les consommateurs de la planète. Le Macintosh dans les années 1980, l'IMac à la fin des années 1990, l'IPod au début des années 2000, puis le best seller Iphone en 2007, et enfin l'Ipad depuis un an. Tout le monde doit avoir sa tablette désormais !

Le décès de l'entrepreneur californien a provoqué un vis émoi dans le monde entier. Du président des Etats Unis aux dirigeants de tous les pays, jusqu'aux ministres les plus anonymes des gouvernements, tous ou presque y sont allés de leur petit message, ou de leur tweet. Puisque maintenant il faut tweeter, et ce, en 140 caractères maximum s'il vous plait. Nombre de chefs d'entreprises ont témoigné à quel point Jobs était leur modèle, et avait contribué à forger leur convictions managériales.

Les fans les plus anonymes y sont allés de leur commémoration devant les boutiques Apple Stores du monde entier. Parfois bougie à la main et affichant des mots de sympathie aux vitres, ils observent un recueillement quasi-religieux. Le monde pleure la disparition du génial inventeur. Chacune de ses présentations en Keynote des nouveautés Apple était bien plus attendu que n'importe quel discours de dirigeant politique. Cet ancien hippie, qui abusa un temps des acides et de la Marijuna, côtoyait dans sa jeunesse des gourous qui l’entraîneront vers une retraite spirituelle en Inde. Parfaitement reconverti dans le business et les affaires, il va créer sa propre religion, Apple, et deviendra le gourou de fidèles geeks et non-geeks du monde entier. Ceux-ci déclarent d'ailleurs lors de sa disparition qu'il a profondément changé le monde. Rien que ça.

Pourtant à y regarder de plus près, Jobs n'a pas vraiment changé le monde. Il n'était pas seul sur le marché de l'ordinateur personnel dans les années 1980. Et c'est le PC/Windows qui est devenu le standard des entreprises et foyers partout dans le monde. Et le reste, à l'heure actuelle. Les offres d'Apple dans ce domaine, Macintosh et IMac offrant des alternatives particulièrement bien pensées en terme d'ergonomie et de design, mais pas franchement économique. De même, Apple n'a pas inventé le baladeur Mp3. Il existait bien avant l'Ipod. Jobs a plutôt repensé son design pour conquérir un plus large marché d'utilisateurs, et surtout repensé la distribution de la musique par plateforme Itunes. Au détriment de l'ouverture des produits. De même, la firme de Cupertino n'a évidemment pas inventé le Smartphone avec l'Iphone. Ses concurrents Samsung, Backberry et autres avaient déjà leurs propres produits en vente sur le marché. De même la sortie de l'Ipad ne correspond pas à l'apparition de la tablette tactile, déjà lancée sur le marché par Microsoft, Amazon Kindle et autres.

Plutôt que révolutionner le monde, la firme de Steve Jobs a donc été plutôt un très bon suiveur. Elle a été capable d'améliorer le packaging et le design d'un produit technologique déjà sur présent sur le marché, pour le rendre plus attractif et accessible qu'au seul petit monde des geeks, et s'adresser à un plus large public. C'est en cela que Steve Jobs a plutôt été un excellent homme de marketing. Et aussi génie de la communication marketing pour susciter tant d'engouement lors des présentations de produits sans réels nouveautés technologiques.

Quelques jours après la disparition de Jobs, un autre geek américain nous quitte, le 12 octobre, dans le plus complet anonymat. Quelques confidentielles communautés de geeks et développeurs ont heureusement diffusé l'information. Ce personnage a pourtant certainement beaucoup plus révolutionner l'informatique que Jobs. Il s'agit de Dennis Ritchie. Originaire de l'Etat de New York, Ritchie intègre les laboratoires Bell, aujourd'hui dans le giron d'Alcatel-Lucent. Là, Dennis Ritchie va mettre au point le langage de programmation C. Le langage C, lui même a l'origine du langage orienté objet C++, va être la base du développement de nombreux logiciels et est toujours le standard d'utilisation de la plupart des entreprises. Sans la création de ce langage, le paysage informatique n'en serait probablement pas là où il en est. Dennis Ritchie, est aussi à l'origine du système d'exploitation UNIX, utilisé pendant longtemps par beaucoup d'entreprises et qui a jeté les bases de l'informatique moderne. 

Rendons hommage à ce geek anonyme, qui a reçu de nombreux prix de ses pairs, mais reste un anonyme du grand public, malgré ses apports considérables. 

Le marketing a gagné. Allez d'accord n'en parlons plus.

jeudi 1 décembre 2011

It's the economy, stupid

En 1992, Georges H. Bush est en campagne pour sa réélection à la présidence des Etats Unis. En politique étrangère, tout semble lui sourire: Éclatement de l'URSS en Août 1991, campagne victorieuse contre Saddam Hussein en Irak cette même année, approuvée et soutenue par une large coalition internationale. L'action du président américain pour libérer le Koweït est largement saluée, et le président est très populaire dans son pays. Pourtant, quelques mois plus tard, Georges H. Bush est battu.

En 2004, Georges W. Bush, le fils donc, est lui aussi en campagne pour sa réélection. Sa politique étrangère est jugée calamiteuse. Les troupes américaines sont embourbées en Irak et l’Afghanistan est hors de contrôle. A cela s'ajoute de fortes critiques sur sa vision simpliste du monde, notamment son concept d' "Axe du Mal". En Irak, on ne trouve pas les armes de destruction massive dénoncées. Les boys meurent alors que l'administration américaine a sciemment menti au monde entier sur ses intentions. On peut imaginer un destin à la Lyndon Johnson, totalement déconsidéré par la guerre du Vietnam, et qui ne voudra même pas se représenter. Et Georges W. Bush est réélu. Il est même mieux réélu qu'élu. Que s'est-il passé ?

Retour en 1992. Pendant la campagne électorale, Bill Clinton, jeune gouverneur de l'Arkansas représente le parti démocrate face au sortant républicain, jugé imbattable après ses succès sur la scène internationale. Peu expérimenté, Clinton va pourtant gagner face à un Georges H. Bush trop sûr de sa victoire et affaibli par la candidature indépendante de Ross Perot, en rupture sur sa politique fiscale. Mais ce qui va surtout faire basculer la campagne, c'est la situation économique du pays. La conjoncture est mauvaise, le chômage remonte à un niveau record de 7,8% et les plans de lutte contre la récession du président sont combattus par un congrès à majorité démocrate. James Carville, conseiller de Bill Clinton va matérialiser cette situation par une phrase: "It's the economy, stupid". Le candidat va alors marteler ce message aux quatre coins du pays. Et les courbes vont s'inverser. Georges H. Bush, vainqueur de l'Union Soviétique et de Saddam Hussein, populaire et favori des sondages, est battu par un jeune démocrate sans grande expérience. En 2004, Georges W. Bush est honni par le monde entier. Même aux Etats Unis, sa cote de popularité est médiocre. Mais l'économie est en plein redémarrage, après la crise des nouvelles technologies des années 2000. La croissance est au rendez vous et le chômage baisse à 5,5%. Bush Junior sera réélu pour un second mandat face au démocrate John Kerry.

Au regard de ces faits, l'annonce des mauvais chiffres du chômage en octobre (+1,2%), confirmant une tendance de fond depuis le début de l'année, est une catastrophe pour le candidat Sarkozy. La campagne  commence en réalité à se jouer maintenant avec ces chiffres alarmant. En effet, la situation devrait vraisemblablement encore de se dégrader en 2012, et le chômage pourrait alors atteindre les 10% au moment de la campagne présidentielle. Mettant le président sortant dans une situation désespérée dans l'optique de sa réélection, celui-ci cumulant la (très) mauvaise situation économique qu'à connu Bush père, et la faible cote de popularité de Bush fils. Beaucoup pour un seul homme.

Les socialistes ont toutes les chances de gagner. Même si ce sera probablement par défaut. L'exemple récent des élections espagnoles l'atteste. Candidat peu charismatique, avec comme seul programme la poursuite de la rigueur déjà initiée par ses adversaires sortants, Mariano Rajoy a malgré tout largement gagné. De quoi donner de l'espoir à François Hollande qui malgré les cafouillages de son début de campagne a de bonnes chances de l'emporter. A moins de se saborder tout seul sur un programme trop irréaliste. Nous verrons dans quelques semaines les arbitrages qu'il aura choisi.

Dans notre histoire récente, la défaite cinglante de Lionel Jospin en 2002 l'atteste. Le chômage a globalement baissé pendant son mandat, mais la conjoncture a connu un net ralentissement économique en 2001-2002. Cette brusque remontée du chômage avant les élections présidentielles a eu raison de ses ambitions, minées de plus par les divisions à gauche.

L'économie prime donc sur le vote des électeurs quoi qu'il arrive, consciemment ou inconsciemment. Les succès Libyen de Sarkozy, où l'élimination de Ben Laden par Barack Obama ne leur seront d'aucune aide pour une éventuelle réélection (pour la postérité si peut être). Ce qui compte, c'est si le fils, la petite fille, le frère ou la femme a un emploi. Si ce n'est pas le cas, le pouvoir en place perd. C'est la règle.

It's the economy, stupid.

mercredi 30 novembre 2011

Le management français en question

Il y a quelques jours, je parcourais un article intéressant sur le site WK-RH pointant du doigt certains des défauts du management à la française, avec à l'appuie une étude TNS SOFRES.

Cette étude date d'il y a quelques années (2007) mais reste pleinement d'actualité (si cela n'a pas même empiré). Sa conclusion est sans appel : les dirigeants et manageurs français n'ont pas la côte auprès de leurs collaborateurs. A titre d'exemple, seulement 40% des salariés français trouvent leur direction à l'écoute, en dessous de la moyenne européenne situé à 49% et surtout des 73% affichés aux Etats Unis.

Quelquesoit le domaine considéré par l'étude (Organisation, reconnaissance des efforts et de la performance, capacité d'écoute, concertation, partage de l'information, soutien aux équipes, clarté et suivi des objectifs) les manageurs français obtiennent des appréciations nettement inférieures à la moyenne européenne ou américaine.

Les dirigeants français balayent généralement ces critiques en affirmant maladroitement qu'ils dirigent des entreprises dans un pays de râleurs jamais contents et qu'il n'est donc pas très significatif de faire des comparaisons sur ce sujet. Malheureusement pour eux, l'enquête s'est intéressée aux salariés étrangers travaillant dans des entreprises françaises, et donc avec un management à la sauce française. Et là, les Anglo-saxons et Allemands, réputés peu râleur, le deviennent nettement plus. Quant aux français travaillant pour des entreprises étrangères, leur satisfaction augmente de façon spectaculaire.

Dans les enquêtes internationales, la description du dirigeant français est, là encore, implacable. Il est généralement décrit comme autoritaire, agissant sans concertation, mauvais communicant, coupé du reste de l'entreprise et sans réel intérêt pour le travail de ses salariés et collaborateurs. L'enquête de BPI-BVA (2007) montre que si les manageurs américains sont largement plébiscités et arrivent en tête, les dirigeants français arrivent eux bon derniers dans tous les domaines. La différence avec les américains est souvent de plus de 20 points.

Il y a donc un problème français chez les cadres-dirigeants d'entreprises. Nous pouvons y voir plusieurs raisons, notamment au travers de leur formation. Le système des grandes écoles fait émerger une élite qui sort de l'X, d'HEC ou de l'ENA et à qui l'on répète depuis les classes préparatoires qu'ils sont les meilleurs parmi les meilleurs. Le culte du chef se développe dans ces esprits brillants qui deviennent autoritaires et peu à l'écoute. L'inverse des qualités requises par un manageur. Avec cet état d'esprit, la bonne idée ne peut ainsi venir que du top management, pas du bas de l'échelle. Trop de talents et d'idées sont ainsi étouffés. L'exacte opposé de la philosophie Google qui laisse ses employés faire émerger des concepts, pour ensuite les soutenir s'ils sont jugés prometteurs.

La formation française est ensuite essentiellement technique, basée sur le culte de l'ingénieur expert et sur l'excellence universitaire. A l'opposé des formations Anglo-saxonnes, davantage orientés vers les fonctions managériales. Les classes préparatoires et l'examen écrit construit plutôt de l'individualisme, même si elle assure un bon niveau de connaissances, qu'il convient de garder. Les formations Anglo-saxonnes, elles, apprennent visiblement davantage à interagir et travailler ensemble. Essentiel pour le travail d'un manageur. 

Enfin, l'esprit grande école développe surtout l'esprit de caste. Il est remarquable de noter que l'essentiel des entreprises du CAC 40 est dirigé par d'anciens élèves des trois écoles précédemment citées. Rarement issus du sérail de l'entreprise, ces manageurs sont souvent parachutés pour leur diplôme par les réseaux d'anciens ou des liaisons, dangereuses, avec le monde politique. Ils ne restent pas très longtemps généralement et peinent à imprimer leur marque. Coupés des équipes, ils choquent surtout par leurs rémunérations. Ils s'entourent eux mêmes souvent de proches collaborateurs issus des mêmes réseaux ou alors de dociles courtisans. Le copinage fonctionne très bien, n'engendrant que davantage de frustration et ressentiment dans l'entreprise.  On est loin du dirigeant américain qui a souvent monté son entreprise, semble davantage proche de ses équipes et sait mieux faire émerger et recompenser des collaborateurs de talent. 

A l'heure où la crise frappe notre pays, où la croissance est molle et les dettes abyssales, nous avons là, me semble t-il, un levier de croissance considérable et insoupçonné, sans qu'aucun investissement ne soit nécessaire. Mais en apprenant ou réapprenant ce que veut dire gérer une entreprise à des élites déboussolées, qui ne savent plus guère gérer que leur carrière. Et en soutenant avant tout les vrais entrepreneurs.

mardi 29 novembre 2011

Hollande patine et joue déjà le second tour

La victoire de François Hollande à la primaire socialiste du 16 octobre dernier semble déjà très loin. Elle parait vieille la photo de famille ou celui-ci apparaissait triomphant en réconciliateur de la famille socialiste, entouré de tous ses ex-concurrents désormais à ses côtés. Aujourd'hui, le candidat socialiste patine et quelques doutes commencent à apparaître dans son propre camp.

Il est tout d'abord victime du calendrier des primaires. Initialement, Hollande souhaitait que le calendrier soit avancé au printemps, principalement pour empêcher DSK d'être candidat. Ce dernier préconisait plutôt une course au primaire pour la fin de l'année, après le G20 auquel il aurait dû participer. Dans une synthèse dont Hollande aurait pu être l'instigateur, Martine Aubry a tranché pour octobre. Ce qui laisse finalement François Hollande trois mois seul, sous le feu des médias et des critiques de la droite pendant que Sarkozy se fait discret médiatiquement. Le président et futur candidat de l'UMP attend son heure à l'Elysée et tentera d’apparaître en homme neuf en Janvier ou Février. Le pari est osé et risqué mais c'est une de ces dernières cartes de toute façon. A droite on table ainsi sur une saturation de l'opinion envers François Hollande, trop seul et trop exposé. L'année prochaine, il aura perdu de son capital nouveauté.

Il est ensuite victime de lui-même et de quelques faux pas. Le candidat socialiste avait promis après sa victoire une diète médiatique. Mais finalement, il continue d’apparaître dans les médias et ne fait que nourrir le feu des critiques de ses adversaires au lieu de se faire oublier. Il devait voyager, pour prendre de la hauteur, et rencontrer de grands dirigeants politiques. Mais son seul voyage notable est sa rencontre avec Zapatero, le premier ministre espagnol qui quitte le pouvoir et dont la cote de popularité est calamiteuse. Pour gérer cette période, aurait dû voyager beaucoup et parler peu. En disciple de Mitterrand, il devrait connaitre la recette de Jacques Pilhan. Ajouter à cela quelques faux pas comme ces visites à contretemps par rapport à l'actualité (Salon du livre de Tulle pendant le G20) ou ses visites sans objectifs précis. Gare à la ségolènisation.

Il est aussi victime de Martine Aubry et de la direction du PS. Les plaies de la primaire ne sont pas refermées, et il y a clairement deux camps qui subsistent. La réconciliation tarde et se serait faite beaucoup plus rapidement si la primaire avait été plus rapprochée de l'élection au lieu de laisser place aux états d'âmes. Le candidat socialiste a également fait une grosse erreur en laissant Martine Aubry et son équipe négocier l'accord législatif avec les Verts. Il s'est retrouvé avec un accord empoisonné, sur lequel il était durement attaqué par ses adversaires, alors qu'il ne l'avait même pas signé ni approuvé. Pour couronner le tout, l'accord fait la part belle aux Aubrystes aux détriments des soutiens du candidat pour les investitures dans les circonscriptions. Cette situation alimente les interrogations sur son absence de leadership. 

Enfin, François Hollande donne l'impression de jouer le second tour, voire même d'avoir déjà gagné l'élection. Et ça, ça peut avoir un impact catastrophique sur les nombreux électeurs indécis qui n'aiment pas que l'on décide à leur place ou connaitre à l'avance le nom du vainqueur. Le député de Corrèze doit impérativement rassembler sur son nom un électorat de premier tour sur quelques axes de campagne forts et clairs (emploi, éducation...). Or pour l'instant Hollande se balladurise prenant le moins de risque possible pour ne froisser personne avec ses propositions. Sauf que le moment venu, les électeurs voteront sur quelques idées fortes. C'est ce qui a fait le succès en 2007 de Nicolas Sarkozy qui autour de deux axes de campagne principalement (Travailler plus pour gagner plus et l'identité nationale) a su capter à lui une majorité des votes des catégories populaires, de gauche et de droite, lui donnant un socle de plus de 30%, assurant sa victoire au deuxième tour. Or, on voit ces derniers jours un François Hollande se dépêtrer sur ses alliances avec les Verts ou encore tendre la main à François Bayrou pour rentrer dans le futur gouvernement. Au lieu de négocier dans l'entre deux tours, en position de force avec un bon résultat de premier tour, il donne l'impression de négocier 6 mois avant une victoire loin d'être acquise, qui plus est avec des partenaires peu fiables. "Mon projet n'est pas socialiste" disait Lionel Jospin en 2002 qui avait également renoncé à disputer le premier tour. On sait ce qu'il en est advenu...