mercredi 7 décembre 2011

Minuit de Dan Franck

Avec Minuit, Dan Franck nous plonge dans la période sombre de l'occupation de la France, entre 1940 et 1944, par l'armée Nazie. Et plus particulièrement, il retrace le parcours d'écrivains, d'intellectuels et d'artistes pendant ces années noires. Malgré quelques défauts (On est parfois un peu trop dans la liste d’anecdotes et il y a un parti pris pour ou contre certains personnages sans trop savoir pourquoi), ce livre est passionnant pour tous les amateurs de l'histoire littéraire et artistique de la France, notamment pendant ces années sombres. En voici les principaux faits. Je m'en suis librement inspirés pour bâtir ce récit.




Ça commence par une défaite en juin 1940. Le maréchal Pétain signe l'armistice. C'est la "Divine surprise" pour le royaliste et doctrinaire de l'Action Française Charles Maurras. Emmanuel Berl, pacifiste de gauche, écrit les si fameux discours de Pétain appelant les français à faire pénitence de leurs jouissances passées, responsables de la défaite. Avant de s'éloigner des autorités de la collaboration, se rendant compte de son erreur. Paul Morand, grande figure du monde littéraire et auteur de L'homme pressé, servira le régime de Vichy comme ambassadeur pendant la guerre.

Certains écrivains français et étrangers cherchent à fuir le pays pour se réfugier aux Etats Unis ou en Angleterre, comme par example André Breton ou Arthur Koestler. Le petit monde littéraire s'est, pour beaucoup réfugié dans le sud-est, du côté de Nice et Cannes, tel André Gide, Roger Martin du Gard ou encore André Malraux. Ce dernier, héros de la guerre civile espagnole, se fait discret pendant ce début d'occupation allemande

Débarque ensuite d'Allemagne de jeunes officiers nazis cultivés et Francophiles tel Otto Abetz, ambassadeur d'Allemagne en France, ou Gerhard Heller. C'est une opération séduction dans les milieux culturels et littéraires français qui est lancée. Sans collaborer ouvertement Jean Cocteau (Un cocktail, des Cocteau) fréquente l'ennemi sans trop rechigner. De même que les caricaturistes dépeignent volontiers un Sacha Guitry participant souvent à des banquets avec l'occupant. 

Une des cibles des autorités Allemande, c'est la NRF (Nouvelle Revue Française). André Gide et Roger Martin du Gard, parti dans le sud de la France, la direction est confiée au très antisémite et pro-nazi Pierre Drieu La Rochelle, auteur de Gilles avant guerre. Avec lui, la NRF se met à l'heure allemande. Le secrétaire de la NRF, Jean Paulhan, tente d'en atténuer les conséquences. Homme très en vue du milieu culturel parisien, il rend de nombreux services aux milieux de la résistance.

A Paris, la presse de la collaboration s'en donne à coeur joie, de droite comme de gauche, pour prôner la collaboration et dénoncer juifs, résistants, communistes, franc maçons, gaullistes. Le régime de Vichy est même jugé par eux trop mou. Ainsi fleurissent les titres tels que Au Pilori, où écrivait Louis Ferdinand Céline, L'Oeuvre de l'ex-socialiste Marcel Déat, Je suis Partout (Je chie partout diront beaucoup) de Robert Brasillach et Lucien Rebatet ou encore La Gerbe (le bien nommé) de l'écrivain Alphonse de Chateaubriand.

L'occupant organise aussi des voyages pour les écrivains séduits par le Reich. Ainsi à l'automne 1941, sept écrivains français de renoms partent à un congrès d'écrivains sympathisants nazis à Weimar : Robert Brasillach, Pierre Drieu La Rochelle, Marcel Jouhandeau, Jacques Chardonne, Abel Bonnard, Ramon Fernandez et André Fraigneau. Avec cet épisode, leur sort sera scellé au moment de rendre des comptes à la libération.

Le monde du spectacle s'accommode de l'occupation. Le couple Jean Louis Barrault et Madeleine Renaud (Dit la régie Renaud) sont souvent à l'affiche devant un parterre d'officiers Allemands. Reproche qui sera fait également, au moment de l'épuration, à Charles Trenet ou  Maurice Chevalier, coupables de peu de résistance face à l'occupant, malgré une prise de distance progressive avec les autorités de Vichy.  Coupable d'avoir couché avec l'ennemi, Arletty déclara avec sa gouaille légendaire "Si mon coeur est français, mon cul lui, est international".

Le cinéma est soumis la censure, et victime aussi de l'interdiction des juifs d'exercer le métier. Marcel Pagnol renonce à réaliser des films dans ses studios du midi. Le duo Jacques Prévert et Marcel Carné, aidé par la musique de Joseph Kosma et les décors d'Alexandre Trauner va néanmoins réaliser pendant cette période deux chefs d'oeuvre : Les visiteurs du soir et Les enfants du paradis, parvenant à contourner la censure. Henri-Georges Clouzot marquera également l'époque en mettant en scène Pierre Fresnay dans l'Assassin habite au 21 ou Le corbeau. Ce dernier film lui voudra les foudres des autorités résistantes à la libération, coupable de montrer une France peu réluisante. Mais nombre de têtes d'affiches d'avant guerre ont disparu des écrans tel Jean Gabin ou Michèle Morgan, réfugiés aux Etats Unis. A l'inverse le talentueux comédien de composition Robert Le Vigan excelle dans un premier rôle, celui de collaborateur et de rédacteur de lettres de dénonciation de juifs et de résistants auprès des autorités.

A Paris, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir (le castor) travaille à leur oeuvre plutôt qu'à une quelque conque postérité dans la résistance, malgré quelques contacts avec le CNE (Comité national des écrivains). Le CNE, fondé par Georges Politzer, Jacques Decour et Jacques Salomon, est aussi le lieu de rencontre d'écrivains proches de la résistance aussi diverse que Louis Aragon ou François Mauriac notamment.

Parmi ceux qui résistent, il y a, dès les premiers jours, René Char qui s'oppose au régime de Vichy. Il dirigera un maquis dans le sud-ouest. Dans le milieu littéraire, Vercors publie Le silence de la mer, ode à la résistance passive du peuple français face à l'occupant. C'est aussi la naissance des clandestines Editions de minuits. L'écrivain Jean Guéhenno refusera tous les avances faites par l'occupant Allemand. Un jeune homme venu d'Algérie prendra la rédaction en chef du journal de résistance clandestin Combat : Albert Camus. Marc Bloch, auteur de L'étrange défaite sur 1940 sera fusillé. Max Jacob, sera déporté à Drancy où il mourra.

A Londres, se retrouve dans le giron de la France Libre les écrivains Romain Gary et Joseph Kessel, ainsi que le futur grand intellectuel Raymond Aron. Kessel et son neveu Maurice Druon composeront là bas le chant des partisans l'hymne des résistants sur le sol français. Ami entends-tu le vol noir du corbeau sur nos têtes...

Mars 1944, André Malraux s'engage enfin. Autoproclamé Colonel et en mission pour Londres, il prend la tête du maquis dans le Périgord. A la tête de ses 2000 hommes, sa Brigade Alsace Lorraine participera à la libération de Strasbourg. Le héros très discret pendant l'occupation a su se mouvoir en chef charismatique pour jouer les premiers rôles à la libération.

La libération de la France sonne le triomphe de l'armée des ombres mais aussi l'heure de l'épuration pour tous ceux qui se sont compromis. Drieu La Rochelle se suicide, Robert Brasillach est condamné à mort et fusillé, Lucien Rebatet la prison à vie. Louis Ferdinand Céline et Robert le Vigan sont en fuites dans la république française fantoche de Sigmaringen avec les derniers ultras de la collaboration. Sacha Guitry ou Arletty sont emprisonnés quelques temps. 

Tel est le destin de ces écrivains, intellectuels et artistes pendant cette sinistre période de l'occupation ou la faim et le froid étaient souvent la principale difficulté au quotidien. Il y a des héros, il y a des salauds, il y a des hésitants, il y a des jouisseurs. Il convient de ne pas les juger. Nous n'étions pas là. Et si nous étions là qu'aurions nous fait ? La même chose probablement. 

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