jeudi 8 décembre 2011

Et à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne

Mondial de football de 1990. Une des demi-finales oppose la séduisante équipe d'Angleterre à une équipe allemande sans génie, mais réaliste. Au terme des prolongations, le score est de 1-1. Tirs aux buts, et c’est l’Allemagne qui s'impose finalement par 4 à 3. Suite à ce match, l'avant centre de l'équipe anglaise, Gary Lineker, donnera avec humour sa définition du football : "Le football est un sport simple : 22 hommes poursuivent un ballon pendant 90 minutes, et à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne". On peut au passage lui donner raison, en se souvenant du réalisme allemand venant à bout en 1954 de l'imbattable Hongrie de Ferenc Puskas, des Pays Bas de Johann Cruijff en 1974, ou de l'Argentine de Diego Maradona cette même année 1990.

"Et à la fin, c'est l'Allemagne qui gagne". Ce sont les mots qui me sont venus à l'esprit en lisant l'accord conclu en ce début de semaine par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy pour tenter à nouveau de sauver l'euro.

Il faut dire qu’il y a vraiment le feu à la maison euro, après l’annonce par Standard & Poors de sa surveillance de tous les AAA de la zone. Fini les grandes idées de rachats sans fin d’obligations pourries, fini la charité poussant à prêter à tout le monde de l’argent que l’on n’a pas et qu’on ne nous remboursera pas. Fini encore la fausse bonne idée des eurobonds, poussée notamment par les socialistes français.  Censée mutualiser la dette et illustrer la solidarité européenne, elle n’aurait fait qu’accentuer davantage la ruée vers la dette. Encore un cas, extrême, d’aléa moral

Les idées allemandes ont eu raison des dernières résistances de Nicolas Sarkozy sur la plupart des points clés de l’accord.  Michel Audiard disait de l’argent qu’ « à partir d’un certain montant tout le monde écoute ». Dommage que ce soit un montant de dettes.

La vraie révolution que l’on perçoit dans cet accord, c’est évidemment la procédure automatique de sanctions contre les Etats ne respectant pas les sacro-saints critères de Maastricht (3% du PIB pour le déficit, et 60% pour l’endettement). Jusqu’à présent, les simples promesses suffisaient à éviter la sanction. Désormais il n’y aura pas de cadeau. Cette sanction ne peut en effet être levée qu’à la majorité qualifiée.

La règle d’or prévu par l’accord est aussi un pas très important. Chaque Etat doit la voter et, de préférence, la graver dans le marbre constitutionnel. Elle va surtout plus loin que celle lancée tactiquement par le président français pour gêner et diviser ses adversaires socialistes avant l’élection présidentielle.  Ce n’est pas seulement un vœu pieu que personne ne respecte (On a déjà donné avec les critères de Maastricht). Il y a désormais un objectif de retour à l’équilibre, qui se traduira par une date. Et la Cour Européenne de Justice aura l’œil dessus.

Le fond de secours européens (FESF) est brandi à toute occasion comme la solution à la fin de la crise. Mais sans considération pour ce que ça coûte ni où trouver l’argent. Il ne sera finalement accessible qu’à une majorité super qualifiée, voire à l’unanimité. De quoi dissuader les Etats peu responsables qui comptent trop sur cette manne providentielle.

Le reste de l’accord va vers une plus grande convergence européenne en matière fiscale et sociale.  La France, incorrigible,  n’a pas pu s’empêcher d’y glisser la « régulation financière » ou le « soutien à la croissance ». On ne change pas comme ça du jour au lendemain.

Seul point où l’Allemagne a peut être fait fausse route, le problème de la participation du secteur privée à la restructuration de la dette.  Les allemands poussaient depuis des mois à ce que les investisseurs privés abandonnent jusqu’à 50% de leurs dettes. Question de justice. C’était sans doute normal et moral. Oui mais voilà, ça a fait fuir les investisseurs privés, et mit davantage encore l’euro en difficulté. Le pragmatisme allemand a fait défaut sur ce sujet par rapport aux français. C’est peut être pour cela que l’Allemagne n’a pas gagné toutes les coupes du monde, et que les français en ont  accroché une.

Ce n’est pas la première fois que la France se met dans les pas de l’Allemagne. En 1982, après avoir dépensé sans compter pour mettre en œuvre le programme commun, le gouvernement Mauroy, sous la houlette du ministre des finances, Jacques Delors, se met à la rigueur allemande. Quelques années plus tard, c’est Pierre Bérégovoy, ministre des finances, qui soutient un franc fort, calqué sur le modèle du Deutschemark fort. Phase de désinflation compétitive à double tranchant, mais la France ne s’en est pas si mal portée. En revanche, les divergences de vues franco-allemande se sont accentuées sous les ères Chirac-Sarkozy par rapport à la rigueur Schroeder-Merkel. On le constate, quand chacun suit sa propre route, l’Europe va moins bien.

Aux antipodes d’un Arnaud Montebourg (Montebourde ?) dénonçant une Bismarkisation de la chancelière allemande, il convient donc plutôt de se féliciter de ne pas avoir à commenter le énième plan de relance par le déficit budgétaire. Autant de coups d’épées dans l’eau qui ne font qu’un peu plus plonger dans le rouge des pays déjà en difficulté.

Et à la fin, c’est l’Allemagne qui gagne.

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