mercredi 18 juillet 2012

TVA ou CSG ?


Dans son récent rapport, la cour des comptes a fait deux préconisations : une réduction importante du niveau de dépenses publiques (comme à chaque rapport...) et une réforme de la fiscalité. Sur le premier point, le gouvernement a fait la sourde oreille. Sans surprise. Quant au second point, il a pris la forme d'un débat entre CSG et TVA, la cour préconisant en effet l'augmentation de l'une ou l'autre de ces taxes, pour atteindre l'objectif, pourtant peu réaliste, des 3% de déficit budgétaire en 2013.

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a prudemment et courageusement choisit de ne pas choisir. En 2012, ce ne sera donc ni hausse de la TVA, ni hausse de la CSG. Et pour 2013 ? On verra. Suggérons de mandater une énième commission pour y réfléchir. Néanmoins, l'opinion du premier ministre et de sa troupe semble clair. La TVA "sociale", votée hâtivement par la majorité de droite sortante, est en train d'être détricotée, ou plutôt décapité, avant même d'être entrée en vigueur. Comme, en ce moment, de nombreuses lois de l'ère Sarkozy. On ne sait donc pas trop si c'est un parti pris idéologique (surement un peu) ou du pur anti-sarkozysme (surement beaucoup), qui cherche à défaire ce qui a été fait précédemment, en bien ou en mal. En revanche, si rien n'est arrêté, les ministres de l'économie, Pierre Moscovici, et du budget, Jérôme Cahuzac, testent l'opinion en avançant l'idée d'une hausse de la CSG pour 2013. Mais, on avance avec prudence sur le sujet au gouvernement. Le cafouillage de cette semaine sur la rétroactivité ou non des taxes sur les heures supplémentaires a servi d'avertissement.

Sur le fond, qu'en est-il ? TVA ou CSG ? Pour le pouvoir socialiste, la TVA est un impôt injuste qu'il se refuse à augmenter. Injuste, car la TVA est payée par tout le monde au même montant, quelque-soit ses revenus. Injuste, car elle touche directement les ménages, par la consommation. C'est en parti exact. Il faut cependant nuancer. D'abord, les produits et services de première nécessité sont aux taux réduits de 2,1% (Médicaments...), 5,5% (Eau, alimentation...) ou 7% (Transports...). La hausse de la TVA, notamment la TVA dite "sociale", peut ne viser que le taux normal à 19,6% (Vêtements, biens ménagers...). Une hausse de 2% ramènerait globalement le taux français dans la moyenne européenne, actuellement à 21%. De plus, si la TVA n'est pas progressive pour un même produit, elle l'est en réalité dans les faits. En effet, plus son revenu est élevé, plus le consommateur ira vers une consommation haute gamme. Un revenu modeste achètera une voiture 10 000 euros, et payera dessus 19,6%. Un revenu élevé ira vers un véhicule à 30 000 euros, et payera aussi dessus 19,6%, ce qui rapportera donc beaucoup plus (trois fois plus). Enfin, faut-il le rappeler, la TVA est basée sur la consommation, qui est et reste un choix, pas une obligation. Pour éviter de la payer, il est toujours possible de freiner sur sa consommation en biens et services que l'on juge superflus. La vérité, c'est que le gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault croit encore aux vieilles lunes du keynésianisme, et imagine ici créer de la croissance par le volet consommation uniquement. C'est presque faire injure à Keynes lui-même que de simplifier ainsi sa pensée. Celui soutenait en effet l'utilisation de la dépense publique pour soutenir la croissance (ça se discute), mais pas la gabegie budgétaire. Et il parlait avant tout de grands travaux et d'investissement, pas de coups de pouces inappropriés et mal ciblés.

Qu'en est-il alors de la CSG ? La Contribution Sociale Généralisée est un impôt instauré par Michel Rocard, lorsqu'il était premier ministre, pour participer au financement de la protection sociale. Avouons le, c'est un impôt extrêmement efficace, qui rapporte de plus en plus, car son taux ne cesse de grimper. Il est d'autant plus efficace qu'il est prélevé à la source. Mais est-il juste ? Son assiette est basée sur tous les revenus, que ce soit les revenus du travail, des retraites, des indemnités chômages ou des revenus financiers. Revenus financiers ! Voilà qui a du faire "tilt" dans l'esprit du président dont le seul ennemi déclaré est "le monde de la  finance". Oui mais voilà, du coup, on touche là encore fiscalement tous les ménages, et non pas dans un choix de consommation, mais pour le simple fait de travailler. L'imposition sur le travail étant déjà élevée en France, est il vraiment nécessaire d'un peu plus taxer le fait de gagner sa vie par le travail ? D'autant plus que si la CSG est effectivement progressive avec le revenu, elle touche bel et bien tout le monde, y compris les très petits salaires. Pour le parti de "l'effort juste", on a connu mieux. Il est d'ailleurs assez baroque de vouloir augmenter la CSG, juste après avoir revaloriser le SMIC. Ou comment donner des signaux contraires. Niveau lisibilité de la politique gouvernementale, on a aussi connu mieux. Reste les revenus financiers. Là, on s'attaque à la rente, notamment financière, cible privilégiée des socialistes. Reste cependant que les revenus financiers ne sont pas uniquement ceux de nantis fortunés, pour qui ces tergiversations fiscales n'ont d'ailleurs que peu d'incidence. En revanche beaucoup de petits retraités complètes leurs maigres pensions par ces modestes placements mobiliers et immobiliers...

Reste l'argument choc contre la TVA : le risque d'une répercussion de la taxe sur les prix par les distributeurs  et les entreprises. Cette remarque est parfois valide, c'est exact. Mais pas non plus toujours. Un exemple ? La téléphonie mobile est passée en 2011 d'une TVA de 5,5% à 19,6%. On craignait des hausses généralisées. Finalement, les prix sont restés relativement stables. Peut être grâce à la forte concurrence dans le secteur, accentuée récemment encore par l'arrivée de Free sur ce marché. Eh oui, la concurrence comme réponse à l'impact de  la hausse TVA. Mais n'aller pas parler de "concurrence" ou "d'entrepreneur" au gouvernement. Il vous conduirait illico-presto dans un camp de redressement avec le programme de l'ENA, promotion Voltaire...

vendredi 13 juillet 2012

L'erreur économique



"La maison brûle et nous regardons ailleurs" disait Jacques Chirac lors d'un discours prononcé en 2002 en Afrique du Sud. A l'époque, c'était le réchauffement climatique qui retenait l'attention du monde entier. Aujourd'hui, dans le marasme économique et financier de la zone euro, regarder ailleurs, c'est un peu l'impression que donne le tandem Hollande - Ayrault.

Alors que l’Europe, et tout particulièrement le club des 17 de la zone euro, s'enfonce dans une crise de la dette à l'évidence insoluble, le nouveau pouvoir en place a estimé qu'il était urgent de ne rien décider. Quant aux quelques annonces qui ont pu être faites jusqu'à présent, elles ne tiennent pas compte de l'ampleur de la crise qui s'est abattue sur les pays surendettés du vieux contient. Pire, elles vont souvent à l'encontre du bon sens économique. Oui, Hollande et Ayrault commencent ce quinquennat, pourtant crucial, sur une erreur économique.

Le discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault à l'assemblée nationale avait donné le ton. François Hollande l'a confirmé cette semaine devant le Conseil Economique et Social. S'il y a une urgence, c'est bien celle de ne pas agir. Le gouvernement déclare vouloir prendre son temps, et laisser le temps à la concertation  entre les "partenaires sociaux" comme on dit. La méthode est louable. Mais elle a rarement fonctionné, tant le dialogue entre patronat et syndicat est impossible dans le pays. Le premier ministre veut aller à rebours de la méthode Sarkozy, en évitant de réformer dans la précipitation. Certes, le temps est une notion très importante. Le cycle économique des entrepreneurs est un temps long, qui a besoin d'une grande stabilité sociale et fiscale. L'Allemagne bénéficie largement d'une politique de Merkel dans la continuité de celle de Schroeder. Mais, s'il est important de "laisser du temps au temps" comme disait Mitterrand, la nécessité d'engager des réformes, elle, ne peut plus attendre indéfiniment. La question n'est plus de savoir ce qu'il faut faire, mais bel et bien de le faire. Et le plus tôt possible, tant on a traîné depuis des décennies. Au lieu de ça, le gouvernement jette à la poubelle, une à une, toutes les réformes du précédent gouvernement (Heures supplémentaires défiscalisés, hausse de la TVA, hausse du périmètre de construction de 30%, réformes des retraites, prime Sarkozy...), illustrant une fois de plus la grande instabilité d'un pays qui règle ses comptes à chaque alternance.

Quant aux réformes, il faudra encore attendre. Une grande réforme fiscale est à prévoir, mais peine à sortir des cartons. Le candidat Hollande jurait ses grands dieux pendant la campagne électorale que la compétitivité n'était pas un problème pour la France. Désormais le président du même nom s'interroge. Le gouvernement a même commandé un rapport à Louis Gallois. Un de plus. On verra le résultat dans un an. Tous les rapports existent déjà. Ils ne demandent qu'à être mis en oeuvre. Ce gouvernement a une chance historique de réformer le pays et de passer à la postérité comme celui qui aura enfin osé. Mais il hésite. Trop explosif pour son électorat, alors que pourtant les enquêtes d'opinion semblent montrer que la France est désormais mature pour entendre des choses difficiles. L'erreur...

Alors que la cour des comptes répète inlassablement à longueur de rapports (Tiens, encore des rapports !) la nécessité absolue d'assainir les finances publiques, le gouvernement se refuse à toucher aux bataillons de la fonction publique. Il y aura bien quelques non remplacement de départ à la retraite, pour compenser l'embauches des 60 000 fonctionnaires, mais pas de réformes structurelles de grandes ampleurs dans l'appareil administratif. Ou supprimeront-ils les 60 000 postes ? A part, comme d'habitude, dans l'armée (qui ne doit plus avoir grand monde...), le gouvernement ne sait pas. Quant c'est flou, c'est qu'il y a un loup avait dit quelqu'un... Reste que la fonction publique se prépare malgré tout à une cure d'austérité salariale. Incapable de dégraisser ses effectifs, c'était inévitable. Il y a sans doute moyen de faire bien mieux . Les fonctionnaires risquent bientôt de regretter la présidence Sarkozy, plus généreuse sur les salaires dans la fonction publique. Qui l'aurait cru ? Néanmoins, rien à voir avec les coupes sombres de plusieurs dizaines de milliards que l'on voit en Italie, en Espagne, au Portugal ou en Grande-Bretagne. Autre bombe, le problème des dépenses sociales (santé, retraites...) qui explosent et deviennent hors contrôle avec le vieillissement de la population.

Mais le plus grave, c'est peut être la stratégie économique du gouvernement. Elle est peu lisible, et va à rebours des recommandations européennes et de la cour des comptes. La stratégie économique de Hollande et Ayrault semble en effet davantage guidé par un reste d'anti-sarkozysme, que sur une vision claire. Hou, hou, la campagne électorale est terminé, vous êtes aux responsabilités ça y est, Sarkozy est parti ! 10 ans d'opposition, et bien peu d'idée à proposer finalement. Du coup, on détricote tout ce qui a été fait avant. Les RGPP, on arrête. Les heures supplémentaires défiscalisées, on arrête. La hausse de la TVA, on arrête. La réforme des retraites, on arrête... La cour des comptes (ce n'est pas Sarkozy pour le coup) dit : "réduisez vos dépenses et augmentez la TVA ou la CSG". Le gouvernement ne réduit en rien ses dépenses, et ne s'attaque qu'à des symboles gadgets (Salaire des ministres en baisse de 30%). Il avoue lui-même que ça ne rapportera rien. La TVA, pas question d'y toucher. La CSG non plus. Pour l'instant en tout cas. Mais entre les deux, le coeur de Ayrault pencherait quand même pour la CSG. La ministre de la fonction publique, Marylise Lebranchu, souligne pourtant avec justesse que la CSG fait peser une fois de plus le matraquage fiscale sur le travail, et non sur le choix de consommation. Curieuse façon d'encourager le travail. Surtout quant on s'interroge (enfin) sur la compétitivité.

Quant aux tranches d'imposition nouvelles (à 45%, hausse de l'ISF) et le fameux impôt à 75%, est là un encouragement pour entreprendre en France ? Pas sûr. Et une incitation des capitaux étrangers à investir massivement ? Pas sûr non plus. La France est déjà largement imposée, et la seule arme fiscale risque de se révéler bien maigre au moment de faire les comptes. La hausse du SMIC ? De l'avis de beaucoup d'économistes, elle dessert plutôt la compétitivité des emplois peu qualifiés. Assez contre-productif là encore. Et ce que cette hausse du SMIC va coûter à l'Etat ? Ne demander pas à Jérôme Cahuzac. Il a séché sur cette question sur le plateau du grand journal de canal plus. Mais qui est donc ce Jérôme Cahuzac ? Le ministre du budget de ce gouvernement. Ça rassure. Pour le reste le commissaire à la production, Arnaud Montebourg, chapote tout, et nomme un expert sur chaque plan social. Il ne peut guère faire mieux,  l'Etat n'a plus d'argent. On pourrait cependant lui conseiller de relire Schumpeter, et son concept de "destruction créatrice". En temps de crise, nombre d'entreprises disparaissent, c'est irrémédiable. Mais d'autres aussi apparaissent, pour construire le futur de demain. Le drame, ce n'est pas tant que des entreprises disparaissent, mais plutôt qu'un nombre insuffisant apparaisse, et que la formation ne s'y adapte pas suffisamment rapidement. Pour faire vivre l'économie, juste au cas où, il y a éventuellement "l'entrepreneur" de ce fameux Schumpeter qui peut aider. Il peut créer de la croissance, si toutefois on ne lui change pas les lois sociales et fiscales tous les quatre matins.

Pour finir, je ne peux résister à l'envie de reproduire cette citation : "L’Ancien Régime professait que la sagesse seule est dans l’Etat, que les sujets sont des êtres infirmes et faibles qu’il faut toujours tenir par la main, de peur qu’ils ne tombent ou se blessent ; qu’il est bon de gêner, de contrarier, de comprimer sans cesse les libertés individuelles ; qu’il est nécessaire de réglementer l’industrie, d’assurer la bonté des produits, d’empêcher la libre concurrence. L’Ancien Régime pensait sur ce point, précisément comme les socialistes d’aujourd’hui. Et qu’est-ce qui a pensé autrement, je vous prie ?  La Révolution française.". Cette citation est on ne peut plus d'actualité ? Elle date pourtant de 1848. L'auteur en est le penseur politique français du XIXème, Alexis de Tocqueville...


jeudi 14 juin 2012

Bal tragique à La Rochelle

22 mots. 140 caractères. Cela aura suffit à provoquer un cataclysme au plus haut sommet de l'Etat dans cet entre-deux tours des élections législatives. Le tweet de Valérie Trieweiler n'aura pas seulement enflammé la toile et ses réseaux sociaux. Il a considérablement affaibli le parti socialiste, pourtant en position de force pour gagner l'élection de dimanche prochain. Mais aussi fait douter sur les capacités réelles du président Hollande. Peut on gérer les grandes affaires du monde quand ne sait guère gérer ses affaires privés ?

Oui, cette fois, c'est Valérie "Tweetweiler" qui a frappé sur le merveilleux outil de micro-blogging. On se souvenait des contributions toujours d'une grande finesse de Nadine Morano. Personne n'a oublié non plus les tweets d'un grand intérêt d'Eric Besson. Ni la tweeteuse "Lucky luke" Cécile Duflot, je dis des bêtises plus vite que mon ombre. Oui mais voilà, une nouvelle concurrente de choix va sans douter reléguer tout ce petit monde au rang d'amateur dans l'art d'exercer sa bêtise sur tweeter. Le soutien appuyé de la première dame, pardon "first girlfriend", n'est pas passé inaperçu. Alors que l'ex du président Hollande est engagé dans une confrontation périlleuse à La Rochelle, contre un socialiste dissident, la nouvelle du président Hollande règle donc ses comptes avec la première en soutenant son adversaire. Georges Feydeau n'aurait sans doute pas été aussi inspiré pour écrire pareil vaudeville. François Hollande, le beau gosse, au coeur d'une scène de jalousie, qui l'eu cru ? Y aurait-il donc du JR chez FH ?

Dans cette histoire, le parti socialiste aura été à côté de la plaque sur tout. Oui vraiment tout. Un parachutage de Dame Ségolène sans primaire. Merci pour la démocratie participative. Une candidate qui affiche d’emblée la couleur : cette élection n'est qu'un tremplin pour l'accès au perchoir, présidence de l'assemblée nationale. Un socialiste dissident du cru, proche parmi les proches de Hollande, qui se présente quand même. Une candidate qui affiche son mépris : Elle sera élue au premier tour, lui ne fera même pas 5%. Des résultats qui n'accorde pas un triomphe à Dame Ségolène : 32% seulement d'électeurs intelligents qui ont compris, et 29% d'idiots pour le félon. Les électeurs ont mal voté. Un personnage de Bertolt Brecht ne disait-il pas : "le peuple a mal voté, changeons le peuple". Sage précepte.

Qu'importe. Elle n'est pas rancunière madame Royal. La preuve, elle n'en veut pas au félon, Olivier Falorni, de l'obliger à s'abaisser à participer à un second tour. Allez Olivier, désiste toi pour moi et on n'en parle plus. Je serai la seule candidate en lice pour second tour. Comme ça, cette redoutable élection de moi-même soutenue par toute la gauche contre aucun candidat sera un peu plus simple. Et à moi le perchoir. D'ailleurs, je rappelle à la France toute entière que je suis bien candidate à ce poste. Merci François pour le cadeau de consolation. Mes 7% aux primaires socialistes valaient bien ça.

Mais lundi dernier, stupeur ! Le félon Falorni ne se désiste pas. Il ne déroule pas le tapis rouge pour Dame Ségolène. La machine socialiste se met en branle comme un seul homme (Et aussi comme un seul cerveau). Bruno Le Roux, Jean-Marc Ayrault, Martine Aubry... Tout le monde se succède sur les plateaux télés pour demander, que dis je "exiger", à l'ex-camarade Falorni de se désister pour l'ex. Il y a des règles à gauche. Le premier arrivé en tête reçoit le soutien de tous les autres candidats de gauche. Même face à personne ? Oui, les élections style soviet suprême à candidature unique, on semble aimer ça au PS. Et puis Ségolène c'est Ségolène. Elle a un statut. Ex candidate à la présidentielle. Et ex tout court d'ailleurs. Le cas est suivi en haut lieu à l'Elysée. L'auteur du "Moi, président de la république, je ne serai pas le chef de la majorité", contredit ses promesses de campagne et se fend d'un soutien dans la profession de foi de la candidate. Lui qui ne devait pas intervenir dans les élections législatives dixit lui-même. Tous les ministres sont sommés de donner la charge. The place to be cette semaine, c'est La Rochelle. Mardi, c'est Martine et Cécile qui viennent soutenir Ségolène. Mercredi, c'est monsieur 0,62% au primaire, Jean-Michel Baylet. Avec des soutiens pareils, elle est sortie d'affaire Ségolène, c'est sûr. Bizarre toutefois, tous ces soutiens d'états major parisiens, qui accréditent encore davantage la thèse du parachutage.

Et puis, et puis, et puis... Il y a le tweet. La bombe. Valérie, elle n'aime pas Ségolène. Dès que cette dernière est dans la même salle que François, elle exerce une surveillance rapprochée. Malade de jalousie la Valérie. Ce François Hollande, quel tombeur vraiment ! Alors pensez. Là, l'occasion était trop belle. Ségolène en difficulté, et François qui lui apporte son soutien. Qu'il est bien ce Falorni. Il faut chanter ses louanges sur tweeter. Qu'importe que je sois la "first girlfriend". Je suis une femme libre et indépendance. Je garde ma liberté de ton et peut dire les sottises que je veux. D'ailleurs je garde mon boulot de journaliste et subvient moi-même à mes besoins et à ceux de ma famille. Bon oui, je bénéficie quand même des commodités de la république. Bon oui, j'ai un cabinet de 7 collaborateurs charger exclusivement gérer mes bêtises. Mais c'est vraiment tout. D'ailleurs, je ne serai pas une potiche à la Carla Bruni-Sarkozy. J'ai du caractère moi. Oui, sauf que Carla Bruni n'a jamais mis en difficulté son mari en s'exprimant à tort et à travers, et avait l'énorme avantage de ne pas tweeter. Au secours Carla, reviens !

D'ailleurs ce tweet, c'est celui de qui précisément ? D'une journaliste ? D'une militante socialiste ? De la "first girlfriend" ? On ne sait pas trop. Mais pour les dégâts, le succès est assuré. L'opération Il faut sauver le soldat Royal, avec à l'affiche le lieutenant Martine Aubry et l'adjudant Cécile Duflot est éclipsée par l'affaire du tweet. Les nervis du pouvoir n'osent quand même pas s'attaquer à la copine du chef, et se trouvent un peu désemparés. Reste un angle d'attaque. Il est apporté sur un plateau par un sondage de l'IFOP donnant Dame Ségolène largement perdante face au valeureux petit candidat du cru, mais avec l'appuie massif des voix de l'UMP et du FN. Falorni = Candidat de l'UMP et du FN. Les nervis du parti socialiste retrouvent des couleurs. Feu à volonté sur Falorni. Ségolène = gauche. Falorni = droite. Ségolène = honneur. Falorni = Déshonneur. Ah ça, on ne peut pas dire que la pensée soit très subtile. A côté, Nadine Morano passerait presque pour une femme politique d'une rare finesse intellectuelle. Quand on pense que ce monsieur Falorni s'est mouillé pour le PS pendant des années, et fut parmi les premiers à soutenir Hollande, c'est beau la reconnaissance du militantisme dévoué et désintéressé. Surtout pour se faire tirer dessus par les ralliés de la 25ème heure....

L'appareil socialiste a en tout cas mobilisé ses forces pour sauver l'ex du chef. Car il y tient beaucoup. Par contre, sur les duels FN-PS, et les risques d'élections de députés FN dans le Pas-de-Calais, le Gard, les Bouches du Rhône, rien. Pas un mot. Martine n'ira pas. On ne sauvera pas tout le monde, mais on sauvera Ségolène. Question de priorité. Reste qu'à La Rochelle, dimanche soir, il faudra bien surveiller le dépouillement des bureaux. Des enveloppes peuvent si vite apparaître comme par magie. Mais non, elle ne ferait jamais ça Martine. Allons. Pourtant au congrès de Reims 2008, elle a gagné comme ça Martine parait-il. Dixit Ségolène elle-même. Et à l'époque, c'était contre...Ségolène, sa nouvelle grande copine.

Bal tragique à La Rochelle...

lundi 11 juin 2012

Des législatives à grand spectacle

Une campagne législative sans intérêt, mais une soirée de premier tour plutôt réjouissante. Tel est le constat que l'on peut faire en ce lendemain de dimanche électoral. 

Une campagne électorale sans intérêt. Ça c'est tellement évident qu'on s'est même demandé jusqu'au dernier moment si on votait vraiment dimanche. Il faut dire que pour les différents partis, il y avait tout intérêt à rester discret sur cet évènement. Dans le camp socialiste, on a perdu le moteur de la campagne présidentielle : Nicolas Sarkozy. Ce dernier, retiré des affaires, ne pouvait plus servir de sujet de référendum. Et comme parler de sujets de fond, c'est trop gênant pour le moment, autant carrément en dire le moins possible. Seul argument pour motiver l'électeur : il faut une majorité au président. C'est pas faux. Un peu court, mais ça suffira. C'est un classique. Pour la droite, l'objectif c'est de limiter les dégâts, et pour cela d’apparaître comme le moins possible responsable du bilan sortant, actuellement épluché par la cour des comptes et l'Inspection Générale des Finances. Mieux vaut donc la mettre en veilleuse. Qui plus est, le risque de triangulaire au second tour, avec un Front National haut, incite à la plus grande discrétion. Ce n'était donc pas la foule dimanche dans les bureaux de vote. L'arrêt du match à Roland Garros, pour cause de pluie, aura toutefois fait frémir quelque peu une participation très morne en fin d'après midi.

Soirée de premier tout plutôt réjouissante ? Oui. Pas sur le résultat lui-même évidemment. Il n'y avait guère de surprises. Le nouvelle majorité socialiste a dominé, sans toutefois écraser l'UMP, et devrait remporter la majorité absolue au second tour. Ouf le gouvernement Ayrault est sauvé ! Petit suspens insoutenable quand même pour le sort du Front de Gauche et d'Europe Ecologie Les Verts. Auront-ils leurs groupes à l'assemblée nationale ? Dire qu'il va falloir attendre jusqu'à dimanche pour le savoir, c'est vraiment un supplice... Le Modem a officiellement disparu des écrans radars, même dans le Bearn. Quant au Front National, il est devenu "Rassemblement Bleu Marine". Un groupe politique qui prend comme nom le prénom de sa "chère" leader. On aura tout vu dans la mégalomanie. Oui, vraiment, tout fout le camp...

Réjouissant ? Non le résultat ne l'était pas vraiment. Il confirme un gouvernement qui n'a pas pris la mesure de l'effort qui va être demandé dans les mois et années qui viennent. Il confirme un gouvernement qui pour inaugurer son mandat aura délibérément  fait des cadeaux à ses électeurs (SMIC, retraite à 60 ans, blocage des loyers, Augmentation des allocations) au détriment de toute clairvoyance économique, et surtout à contre-sens de ce mettent en oeuvre nos voisins européens. Il confirme un gouvernement qui fonctionne sur un logiciel complètement obsolète, ne connaissant guère que les concepts de dépenses publiques, de dettes et d'impôts. Ou comment continuer les même politiques qui n'ont pas marché. Il confirme un gouvernement qui ignore ostensiblement les concepts d'entreprise, d'innovation, d'entreprenariat. Il confirme enfin un gouvernement qui avance masqué, n'annonce que des bonnes nouvelles jusqu'à l'élection, mais qui devra très rapidement faire face à la vérité.

Qu'est ce qui est réjouissant alors ? Le diable se cache souvent dans le détail. Les réjouissances aussi. C'est en examinant le résultat de quelques circonscriptions que l'on se dit que, quand même, on vit dans un beau pays, et que tout ceci nous manquerait trop si l'on partait comme exilé fiscal de François Hollande. Détour par le nord de la France tout d'abord. Plus précisément dans le Pas-de-Calais, à Hénin-Beaumont. Le match Marine Le Pen vs Jean-Luc Mélenchon promettait d'être épique. Il fut surtout d'une stupidité sans nom, avec son lot de faux tracts et d'insultes. Mais le plus beau dans tout ça, c'est Mélenchon, le Robespierre de toutes les places de France et de Navarre, qui s'est fait finalement devancer par un candidat PS du cru, inconnu au bataillon : Philippe Kemel. La com' et le mauvais spectacle, ça a ses limites. Du coup, c'est un Jean-Luc Mélenchon tout penaud hier soir qui s'adressait aux rares militants venus l'écouter. On l'a connu plus sûr de lui pendant la présidentielle, haranguant les foules de la Bastille ou du Capitole. La queue entre les jambes, il est rentré à Paris aussi vite qu'il était venu. L'exemple type du parachutage loupé. Il laisse Marine Le Pen seule achever la fin de ce mauvais show.

Après le nord, l'est. Un éléphant du PS tente de s'implanter dans les Vosges : Jack Lang. Après du tourisme électorale l'amenant de Blois à Paris, puis de Paris au Pas-de-Calais, l'ancien ministre a donc atterri dans les Vosges. Retour au source pour ce natif de la région. Mais Martine Aubry ne l'a pas gâté, en l'envoyant dans une circonscription solidement à droite. Bien qu'arrivé légèrement en tête, le second tour s'annonce difficile pour lui face au député sortant UMP. Restons dans l'est. Direction pas très loin. La Meurthe-et-Moselle. Cette fois-ci c'est la folle dingue de twitter, Nadine Morano, qui est en ballottage serré. Pour gagner, plus le choix. Tous les moyens son bons. Elle en appelle aux valeurs communes avec le FN. On saura se consoler de son éventuelle défaite.

Partons à présent au sud, tout au sud. Et à l'ouest, tout à l'ouest. Dans le Bearn. C'est ici que François Bayrou joue son avenir électorale. Pris au second tour dans une triangulaire infernale entre le PS et l'UMP, il a quasiment perdu son siège de député. Entraînant avec lui le Modem, qui n'aura vraisemblablement plus de député. Hostile au programme socialiste, le PS a logiquement envoyé une candidate contre lui. Mais, ayant voté pour François Hollande à la présidentielle, l'UMP a également envoyé un représentant contre lui. Au final, à force de ne vouloir être nulle part politiquement, il finit par être nulle part électoralement. Le PS et l'UMP s'en frottent déjà les mains. François Bayrou avait bien fait quelques remarques clairvoyantes sur l'endettement excessif de la France. Mais il aura été victime de son cynisme électorale. Le centre est orphelin.

Dans le sud, mais à l'est cette fois, changement d'ambiance. Il n'est plus question de centristes. Loin de là. C'est plutôt la course à l’échalote entre l'UMP et le FN. Le Gard, le Vaucluse, les Bouches du Rhône. Le paradis des triangulaires PS-UMP-FN. Avec les éternels atermoiements des états majors parisiens du PS et de l'UMP. Front républicain et désistement réciproque, comme d'habitude ? Eh bien non, pas cette année. L'UMP version Jean-François Copé, c'est le "ni-ni". Ni Front Républicain, ni alliance avec le Front National. Et attention à ceux enfreignent la consigne. Pourtant, il y a du rififi localement. Des candidats UMP sont prêts à passer des accords. Et certains se lancent, comme dans la circonscription d'Arles. Copé condamne. Les électeurs UMP approuvent majoritairement d'après les sondages. Ça n'a pas fini d'être la zizanie à l'UMP. Des vilains petits canards aussi côté PS. Une candidate PS refuse de retirer sa candidature pour intégrer le front républicain. Pas simple d'être premier secrétaire du parti socialiste.

Enfin, on garde le meilleur pour la fin. Direction la Charente Maritime, à La Rochelle. Une parachutée de luxe, Ségolène Royal, pensait que son élection serait une promenade de santé, dans une circonscription marquée à gauche. Toutes les conditions étaient pourtant réunies. D'abord un député sortant, également maire de la ville, qui lui fait place nette et, en prime, assure la visite guidée de la ville. Ensuite, une dispense de s'abaisser à se présenter à l'élection primaire socialiste de la circonscription. Pourquoi ? On ne sait toujours pas. Certains ont murmuré "statut particulier d'ancienne candidate à l'élection présidentielle". Ah bon ? On ne savait pas que c'était un statut ça. Elle est loin en tout cas la démocratie participative dont elle se disait pourtant l'inventrice. Enfin passons. Tout semblait se passer comme sur des roulettes. Car, dans cette histoire, les électeurs de La Rochelle ne sont que les faire valoir de la candidate. Elle vise bien plus haut évidemment qu'une simple circonscription. Le deal avec François Hollande et Martine Aubry, c'est le perchoir, la présidence de l'assemblée nationale. Elle l'a d'ailleurs clamé haut et fort. 

Sauf que rien ne s'est passé comme prévu. Un inconnu sur le plan national, mais très implanté localement, Olivier Falorni, n'a pas digéré cette candidature imposée d'en haut. Et ce, sans même l'organisation de primaire. Il se présente donc contre elle comme candidat divers gauche, s'étant fait exclure du PS. C'est beau la reconnaissance de son parti pour des années de militantismes de terrain. Et le pire, c'est qu'au soir de ce premier tour, Royal et Falorni sont au coude à coude : 32% - 29%. Le second tour sera un duel entre ces deux candidats de gauche, la candidate UMP n'ayant pas dépassé les 12,5% d'inscrits requis pour ce maintenir. Et là, c'est le scénario catastrophe. Horreur, les électeurs de droite vont voter Falorni et faire battre Dame Ségolène. Quel manque d'éducation ! Dans le camp socialiste, c'est la panique. Jean-Marc Ayrault, Martine Aubry, François Hollande. Peut être même Barack Obama. Tous ont sommé le dissident Falorni de retirer sa candidature. Il y a des lois de gauche comme quoi il devrait se retirer. Ah bon ? Quelles lois ? En vain en tout cas. Le dissident se maintient. Il est vrai que s'il ne s'était pas maintenu, Ségolène Royal aurait concouru toute seule au second tour. C'est plus facile dans ces conditions. On n'élit plus les députés, non, on les nomme. C'est ça la république exemplaire. Il est tout de même consternant que le président de la république en personne intervienne dans cette histoire, en contradiction avec toutes ses promesses de campagne. N'y a t il pas en Europe une crise autrement plus importante à gérer que le sort de cette circonscription ? Sauf que c'est l'ex du président. Alors il lui faut un beau cadeau de consolation. 

C'est donc su à Falorni. Ce candidat qui sera entaché jusqu'à la fin de ses jours par son forfait, ce candidat soutenu en sous main par les sarkozystes, ce candidat surement sarkozyste lui-même. Tout le monde va débarquer à La Rochelle dans les jours qui viennent. Martine Aubry et Cécile Duflot arrivent demain à la rescousse rependre la bonne parole à l'électeur idiot. Ridicule. Jean-Marc Ayrault y était la semaine dernière. Avec le résultat que l'on sait. François Hollande n'a t il pas un déplacement, présidentielle s'entend, à faire dans la région dans les jours qui viennent ? Un conseil en tout cas. N'allez pas à La Rochelle dans les jours qui viennent, ce sera mal fréquenté. Et un conseil à Olivier Falorni. Qu'il fasse attention en traversant les passages cloutés. Un accident est si vite arrivé.

Oui, vraiment, c'est une législative réjouissante...

mercredi 6 juin 2012

Chronique d'une présidence normale (2)

En Hollandie, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Dormez braves gens. Loin des tumultes anxiogènes sur l'avenir de la zone euro, la présidence normale s'écoule paisiblement. Le mandat a d'ailleurs déjà été "honoré", dixit le nouveau président lui même. La croissance, invoquée au G8, sera bientôt établie par décret. Les engagements européens sur la réduction des déficits seront tenus. Comment ? Le secret reste bien gardé, du moins jusqu'au second tour des législatives. "Exemplarité" et "efficacité", telle est d'ailleurs la ligne de conduite du gouvernement Ayrault a déclaré Najat Vallaud Belkacem, porte parole du gouvernement. Ah oui ? Vraiment ?

Pour François Hollande, la république exemplaire, c'est la fin du copinage. Fini donc la proximité, affichée sous l'ère Sarkozy, avec les grands patrons du CAC 40 (Vincent Bolloré, Bernard Arnaud...), fini les parachutages d'amis à la tête d'entreprises publiques (Henri Proglio chez EDF) ou d'établissement bancaires (François Pérol à la BPCE), fini la confiscation du pouvoir par un clan. Enfin ça, c'est dans les discours. Dans les faits, un clan en a plutôt remplacé un autre. Si le précédent pouvait s'appeler CAC40, le nouveau n'a plus que 3 lettres : ENA. Et même tout particulièrement une promotion, celle de 1980, connu sous le nom de "promo Voltaire", avec en vedette François Hollande. Ce dernier, reconnaissons le, n'a pas été ingrat avec ces anciens camarades de classe.

Pierre-René Lemas, secrétaire générale de l'Elysée, ENA, promotion Voltaire. Sylvie Hubac, directrice de cabinet du président à l'Elysée, ENA, promotion Voltaire. Jean-Maurice Ripert, diplomate, conseiller du président, ENA, promotion Voltaire. Jean-Jacques Augier, président de l'association de financement de la campagne du candidat Hollande, ENA, promotion Voltaire. Bernard Cottin, vice-président de l'association de financement de la campagne du candidat Hollande, ENA, promotion Voltaire. Jean-Marie Cambacérès, animateur de Démocratie 2012, comité de soutien de François Hollande, ENA, promotion Voltaire. Pierre-Yves Duwoye, directeur de cabinet du ministre de l'éducation nationale, Vincent Peillon, ENA, Promotion Voltaire. Jean-Pierre Jouyet, président de l'AMF et conseiller de longue date du président, ENA, Promotion Voltaire. Michel Sapin, ministre du travail dans le gouvernement Ayrault, ENA, promotion Voltaire. Ségolène Royal, future présidente de l'assemblée nationale après des élections législatives, ENA, promotion Voltaire. Dominique de Villepin, groupie de luxe du nouveau président et du nouveau gouvernement, ENA, Promotion Voltaire. La parité et la diversité c'est pour l'affichage gouvernemental, pour tout le reste il y a l'ENA, promotion Voltaire. Le grand philosophe des lumières n'avait pourtant pas mérité ça. Enfin, comme aurait dit Gavroche : Hollande est aux affaires c'est la faute à Voltaire, il se plantera bientôt c'est la faute à Rousseau (ou à Sarko...).

Mais si on passe rapidement sur ce népotisme au plus haut sommet de l'état, reconnaissons en tout cas que les ministres font des merveilles. Et c'est rien de le dire. Pour les transports, certains, voulant imiter le chef de l'Etat, font même du zèle. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, voyage ainsi en low cost entre Berlin et Rome (Air Berlin pour info), écourtant en cela une conférence de presse, où il n'aura répondu qu'à une seule question. Un déplacement qui valait vraiment le coup en somme. D'autant qu'il était arrivé dans la capitale Allemande par Air France, donc pas low cost (pas bien). En déplacement à Aubervilliers, suite à un braquage, Manuel Valls, ministre de l'intérieur, rentre en métro (bien). Mais il était arrivé en voiture sur les lieux (pas bien). Cherchez la cohérence. Le président, lui même, ne se rend t-il pas aujourd'hui à Caen en voiture ? Bon certes, avec un cortège de 7 voitures blindés, mais quand même, quel progrès. C'est curieux en tout cas tous ces nouveaux ministres qui utilisaient allègrement lignes régulières, jets privés et voitures pendant la campagne électorale, et qui se croit obliger de faire de la surenchère à qui dépensera le moins. Pour faire encore des économies, pourquoi ne pas frauder dans le métro ? Ou faire du stop ?

Sur le front de l'emploi, les choses vont s'arranger. N'a-t-on pas désormais un ministère du "redressement productif", autrement dit de gestion des plans sociaux ? De son côté, Michel Sapin, ministre du travail, a carrément dévoiler le fond de sa pensée : dans les mois qui viennent, l'augmentation du chômage, il mettra ça sur le dos de Sarko. On s'en doutait, mais l'avouer aussi franchement, fallait oser. Quoiqu'il en soit, un emploi a d'ors et déjà été sauvé : Valérie Trierweiller reste à Paris-Match. Arnaud Montebourg aura été moins efficace. Audrey Pulvar va quitter l'émission de Laurent Ruquier "On n'est pas couché". Au grand soulagement des derniers téléspectateurs de l'émission. Par contre pour les vrais emplois (ou le "vrai travail" comme dirait Sarkozy), on verra plus tard. Pour Florange, on a commandé un énième rapport. Y a pas urgence. Pour Doux, en redressement judiciaire. 

Une autre question parait bien gérée : Le logement. Cécile Duflot, avec son portefeuille de "l'égalité des territoires" (!), est aussi en charge de cette question. Et déjà, plusieurs décisions chocs annoncées. D'abord la confirmation, et même si possible l'accélération de la fin du dispositif Scellier de défiscalisation pour l'achat d'un logement neuf privé à usage locatif. Sans dispositif pour l'instant prévu pour le remplacer. Pourtant, le secteur du bâtiment est à la peine depuis la suppression annoncée de ce dispositif par le gouvernement Fillon. Ce manque d'incitation fiscale pour financer de nouveaux programmes de construction de  logements privés ne va faire que dégrader le déséquilibre offre-demande déjà particulièrement criant pour pouvoir se loger. A cela, le gouvernement répond par une augmentation du plafond du livret A. Cependant, seulement 9% des livrets A ont atteint le plafond. La majorité des français n'ayant que quelques centaines d'euros tout au plus. Qui plus est, le taux d'intérêt de 2,25% devrait resté inchangé. Pas de quoi pousser les foules vers les guichets de la poste. Enfin, l'argent du livret A sert au financement du logement social. Or, une partie de l'argent actuellement collecté et détenu par la caisse des dépôts n'est déjà pas utilisé. Il n'y a aucun problème de collecte au niveau du livret A. On risque donc, par cette stratégie, de freiner l'investissement vers la construction de logements privés, sans pour autant booster le logement social. Double erreur. 

Reste enfin l'annonce de blocage des loyers à la renouvellement d'un bail ou lors d'un changement de locataire. Dans toute l'Histoire, s'il y a une constante, c'est que le blocage des prix, ça n'a jamais marché. Cela ne fait au contraire que perdurer les dysfonctionnements, et empêche de prendre les bonnes mesures de réajustement, c'est à dire de favoriser l'utilisation de l'épargne vers la construction de logements privés, et ainsi rééquilibrer l'offre avec la demande. Avec de pareilles mesures de blocage des loyers, les propriétaires seront moins incités à louer et à faire des travaux, ce qui contractera d'autant plus l'offre, aggravant la pénurie. Quand à ceux qu'on entend régulièrement pleurer sur le fait qu'il est trop cher de se loger à Paris. Oui, c'est vrai, mais personne n'a jamais interdit de traverser le périph, vers ce qu'on appelle "la banlieue". Question de snobisme...

Un autre ministre fait des prouesses. A défaut d'être efficace, il excelle en tout cas dans l'incantation. Mais qui donc ? Eh bien, notre ministre de l'économie, Pierre Moscovici. Lors d'une rencontre, lundi, avec Olli Rehn, commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, il n'a pas hésité à affirmer que Paris tiendra ses engagements de réduction du déficit budgétaire, ramenant celui-ci à 3% en 2013. Et il a ajouté "sans mesure d'austérité, oui, nous le ferons". Et face aux sceptiques, celui-ci a met surenchéri : "Nous sommes prêt à être jugés sur nos résultats, mais nous avons aussi nos propres voies et moyens". Pour Moscovici, pas de problème, le retour à 3% en 2013, "ce sera réalisé". Mais qui peut donc y croire sérieusement ? Il y a un double mensonge ici. Tout d'abord, non, le déficit ne sera pas ramené à 3% en 2013. Il était de 5,2% pour 2011. Les prévisions sont de 4,4% pour 2012. Qui peut imaginer une réduction de 1,4% en une seule année, ce qui équivaudrait à 15% de coupes budgétaires ? Qui plus est avec une croissance quasi-nulle en France et dans la zone euro.

Le deuxième mensonge, c'est qu'il y aura évidemment des mesures d'austérité, malgré les dires du ministre, mais que malgré tout, elles ne suffiront pas pour tenir les engagements. Par "nos propres voies et moyens". Le gouvernement est ici dans le déni le plus complet. Ce qu'il va se passer en réalité, c'est une augmentation de la fiscalité pour les ménages les plus aisés. Comme cela ne rapportera pas grand chose, il faudra tailler dans les multiples niches fiscales. Mais comme beaucoup sont explosives politiquement, car fruit de longs clientélismes et conservatismes, elles rapporteront, là encore, moins que prévu. Restera les classes moyennes, les vrais vaches à lait dans ce genre de situation. Et comme les classes moyennes sont déjà beaucoup prélevées, cela ne suffira toujours pas pour faire les comptes. Et il faudra dans ce cas commencer, enfin, à réduire les dépenses publiques. Et ça, ça s'appelle comment ? Oui,  de la rigueur, et même de l'austérité. Il n'y aura pas de "propres voies et moyens". La France appliquera les mêmes recettes que partout ailleurs.  Moscovici se déclare prêt à être jugé sur les résultats l'année prochaine. Chiche ? Et si la promesse n'est pas tenue ? Il démissionne ?

Car la vie est dure pour le gouvernement. Surtout qu'en ce moment, les cassandres semblent s'être donnés le mot pour contrarier ses incantations de "positive attitude". Le président de la BCE, Mario Draghi, a dégainé le premier. Pas content le Mario. Son message : réduisez les dépenses, faites des réformes structurelles, n'attendez pas tout de l'Europe et de la banque centrale. Puis, c'est la commission européenne, par la voix de José Manuel Barosso, qui a délivré en substance le même message : "Il faut maintenir le cap de la rigueur", "rigueur ou faillite", il faut choisir. Comme si cela ne suffisait pas, c'est la cour des comptes qui a tiré la sonnette d'alarme. Pas très sympa le camarade du PS, Didier Migaud, qui est actuellement à sa tête. Et que dit-il à ses amis ? Réduisez encore et toujours les dépenses publiques. Conserver les RGPP initiés par le précédent gouvernement. Ne comptez pas sur l'impôt pour rééquilibrer les comptes, c'est insuffisant et inefficace. Enfin, c'est l'Inspection Générale des Finances (IGF) qui passe cette semaine à l'offensive. Faites des reformes structurelles, ne remplacez pas 2/3 des fonctionnaires partant à la retraite, modération salariale dans la fonction publique. Bref, le même son de cloche partout : réduisez les dépenses publiques. Mais, le gouvernement n'en dira pas un mot avant le 17 juin. D'ailleurs pas de problème, les taux d'intérêt de la France sont très bas, et permette de se shooter un peu plus à la dette. Oui, le cyclone est actuellement sur l'Italie et l'Espagne. Mais il est en train de remonter, et il sera dévastateur.

En attendant, tout va très bien madame la marquise. Reste à assurer la victoire aux législatives. Et pour cela, rien de tel que d'acheter ses clientèles électorales : 25% d'augmentation sur l'allocation rentrée scolaire. Décret sur le retour à la retraite à 60 ans. Initialement réservé pour quelques carrières longues, le cadeau s'est, au fur à mesure, étendu à toujours plus de monde (Périodes de chômage incluses, congés maternités...). Blocage des loyers à la re-location. Revalorisation du SMIC, ce qui a pourtant pénalisé, tout le monde le sait, l'emploi peu qualifié depuis deux décennies. Et surtout, cela ne touche que 10% des salariés. Fin des RGPP et du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux. Coût des cadeaux du mois de juin : 20 milliards sur 5 ans dit l'UMP. Invérifiable, mais ça va coûter, ça c'est sûr. La France est en fait à contre sens complet du reste du monde. En plein déni des réalités. C'était le cas en 1981. Ça ne l'était déjà plus en 1982, l'année de la rigueur. Car n'oublions pas qu'électoralement, les gogos du mois de juin sont toujours les cocus de Septembre...

Une présidence normale quoi...

A suivre...

samedi 2 juin 2012

Concerto à la mémoire d'un ange d'Eric-Emmanuel Schmitt

Après le théâtre (Le visiteur, Variations énigmatiques, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran...), le Roman (L'évangile selon Pilate, La Part de l'autre...), Eric-Emmanuel Schmitt a ouvert, ces dernières années, un nouveau champ à son écriture déjà prolifique : la nouvelle. On a pu notamment le lire avec Odette Toulemonde et autres histoires, ou encore La rêveuse d'Ostende. L'auteur revient ici avec une autre nouvelle : Concerto à la mémoire d'un ange. Il a même empoché le prix Goncourt de la nouvelle 2010 pour cet ouvrage.

Ici donc, il n'y a pas une, mais 4 histoires, sous formes de courtes nouvelles. La principale, mais aussi surement la meilleure, étant probablement Concerto à la mémoire d'un ange, en référence au sublime Concerto à la mémoire d'un ange d'Alban Berg. 4 histoires qui n'ont, en apparence, rien à voir. Car quel point commun en effet entre une vieille dame, empoisonneuse en série de ces maris successifs, un marin, père de famille, à qui l'on annonce le décès d'une de ses filles, sans lui préciser laquelle, deux jeunes musiciens virtuoses, qu'une insignifiante compétition va séparer, du moins le croit-on, à tout jamais, et une épouse de président de la république, prête à clamer son désamour pour ce mari devenu si distant ?

Ce point commun, c'est sainte Rita, également la patronne des causes désespérées. Elle apparaît ainsi dans chacune des nouvelles, comme un espoir, un recours pour ces personnages en quête de rédemption. Car dans ces histoires, c'est de rédemption dont il s'agit. L'empoisonneuse de maris successif trouve son salut, bien qu'également intéressé, dans le secret d'une confession accordée au nouveau jeune prêtre de sa paroisse. Le marin, apprenant au cours d'un de ses longs voyages en mer la disparition d'une de ses filles, sans savoir laquelle, se prend à jouer au jeu sordide de savoir laquelle ou lesquelles il préfère. Avant de se reprendre, prenant ainsi conscience de l'amour d'un père pour ses filles, et jurant qu'on ne le reprendrait plus à ce jeu là. C'est quand on a perdu un être cher qu'on l'apprécie. Le marin n'en sera désormais qu'un meilleur père. La rédemption, c'est aussi celle de ce jeune pianiste français qui, par jalousie pour un violoniste virtuose australien, ira jusqu'à lui refuser son secours, dans une situation tragique, pour gagner une compétition pourtant sans enjeu. Le croyant mort, il stoppera net sa carrière, pour se consacrer entièrement au bonheur des autres. Avant que son passé ne le rattrape, et qu'il ne se trouve confronté, tel un jeu de miroir, à cet autre monstrueux qu'il était avant. La rédemption, elle s'incarne dans ce locataire de l'Elysée qui, sur le tard, pleure sa femme, trop tôt emportée par la maladie, et qu'il avait pourtant allègrement trompée et délaissée. Celle-ci lui laissera pourtant, à travers une publication, la plus belle des preuves d'amour. Il consacrera la fin de sa vie à son souvenir. 

Eric-Emmanuel Schmitt voue un culte à sainte Rita, cette sainte des causes désespérées, celle qu'invoquent toutes les âmes en quête de rédemption, et d'une nouvelle vie. Si l'écriture est simple, le message de l'auteur n'en est pas pour autant simpliste. A travers ces récits, c'est aussi et surtout une réflexion sur la liberté de chaque individu face à son passé, mais aussi face à son destin. Les âmes, même les plus noires, peuvent se repentir et changer. De même que les plus belles âmes peuvent un jour sombrer. Il n'y a rien d'inéluctable. La rédemption et la quête du bien, ou tout simplement du meilleur est toujours possible. Par son écriture, particulièrement épuré, l'auteur laisse place à notre imaginaire, qui peut s'incarner dans ces différents personnages en quête d'idéal, ou tout simplement d'un équilibre perdu, et qu'ils vont retrouver.

La lecture du journal d'écriture, à la fin de l'ouvrage, nous en apprend plus sur la construction de l'ouvrage. De l'idée de départ, sainte Rita, à la construction des différents récits. Des considérations philosophiques sur la liberté ou le déterministe, à la technique d'écriture. Le journal d'un auteur en pleine maturation de son oeuvre. Aussi digne d'intérêt que les nouvelles.

A la lecture de ces nouvelles, les âmes cyniques et pessimistes crieront au simplisme su'est cette quête de la rédemption. Les hommes en sont incapables. Les snobs estimeront pour leur part l'écriture insuffisamment travaillé. Mais la complexité n'est elle pas justement de faire simple. N'est il pas plus facile de bâtir des pavés  compliqués où tout est dit, mais surtout ce qui est sans intérêt. Au lecteur de débrouiller pour faire le tri. Ici, Eric-Emmanuel Schmitt a fait ce travail pour nous, ne gardant que ce qu'il convient. Quant à ne pas croire en la rédemption de l'homme, ce serait ne plus croire en l'homme. Vaste débat...

lundi 28 mai 2012

Chronique d'une présidence normale (1)

Investiture en grande pompe, sommet franco-allemand, nouveau premier ministre, nouveau gouvernement, sommet de l'OTAN, sommet du G8, sommet européen. La présidence normale a commencé sur les chapeaux de roues, à un rythme finalement presque aussi tonitruant que sous le sarkozysme. Autant d’évènements, et autant d'occasions de satisfecit pour le nouveau pouvoir en place. Enfin, d'après sa propre version. Car pour la réalité, on nuancera quelque peu...

Depuis l'élection du candidat socialiste, les journalistes ne sont pas en reste. Le candidat Hollande les avait déjà particulièrement choyés pendant la campagne électorale. Imaginez, un bus mis à disposition pendant toute la tournée du candidat. Le "Hollande tour" ça s'appelait. Une campagne électorale tout confort avec le futur président. La presse étrangère s'est gaussée de ces liaisons dangereuses entre le candidat et la presse française. Qu'importe. Certains se délectaient alors déjà de la futur présidence Hollande. "On va nous emmener dans le Air Hollande One" disaient ils. Bientôt la grande vie, après tant de souffrance sous Sarkozy. Une fois élu, le nouveau président n'a pas oublié ses nouveaux amis. Il les a même remerciés pour leur participation au "Hollande tour". Et parle d’établir d'une nouvelle relation avec eux, faite de "respect". Comprenez par là de "services rendus".

Car derrière cette nouvelle idylle, se cachent des considérations un peu moins glamours. Une vieille revendication des journalistes : l'abattement de 30% pour leurs frais professionnels. Supprimé en 1996 par Alain Juppé, faisant alors la chasse aux niches fiscales inutiles, cet abattement est devenu le cheval de bataille des journalistes, dont à sa tête une certaine Valérie T. (cherchez...). En 2008, fin de non recevoir de Sarkozy sur le sujet, qui sonne aussi la fin de son idylle avec les journalistes. Grave erreur. C'est donc François Hollande, ce héros, qui rétablira le juste avantage fiscal qui leur est dû. Les journalistes vont donc à la soupe, et avec zèle. Sommet franco-allemand, un succès. Nouveau gouvernement, formidable. Sommet de l'OTAN, François Hollande tient magnifiquement son rang. Sommet du G8, François Hollande impose la croissance aux grands de ce monde, qui s'inclinent devant sa brillante vision. Sommet européen, François Hollande impose les eurobonds au reste de l'Europe, béate d'admiration. "La presse est unanime" pourrait on écrire sur l'affiche de ce nouveau spectacle. Seule ombre au tableau, le sort du magazine Marianne. Un business model orienté exclusivement sur la rejet de la personne de Sarkozy, ce "voyou" et "pétainiste". En retrait de la vie politique, il va falloir trouver autre chose à vendre aux gogos. Mais que François Hollande se souvienne de la grande règle des journalistes. Tous les politiques l'ont subi, de Mitterrand à Sarkozy, de Balladur à Jospin. C'est la règle des trois "L" : Lécher, Lâcher, Lyncher. La lune de miel ne durera pas éternellement. Car plus fort encore que les hochets, les journalistes suivent avant tout l'opinion de leurs lecteurs, et se retourneront avec celle-ci avec le même unanimisme...

Mais, qu'on ne parle pas de connivence entre les politiques et les journalistes. Ça n'existe plus ces femmes de ministres journalistes, telles que, par le passé, Anne Sinclair, Christine Ockrent ou Béatrice Schoenberg. Enfin presque plus. Il y a bien Audrey Pulvar, compagne d'Arnaud Montebourg, qui sévit sur France 2 et France Inter. Ah oui, et puis aussi Valérie de Senneville, du journal les échos, alias madame Michel Sapin, ministre du travail, qui s’interroge sur son avenir professionnel. Ah oui, j'oubliais, il y a enfin Nathalie Bensahel, du Nouvel Obs, qui est également la femme de Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. On ne cite évidemment plus notre nouvelle première dame, Valérie Trieweiller, représentante de Paris Match et Direct 8. Mais qu'importe, les journalistes sont totalement indépendants, et savent parfaitement faire la part des choses. La connivence entre le pouvoir et les médias, ça n'existe pas. Le "Hollande tour" est une invention de l'esprit ou des journalistes étrangers, qui n'y comprennent décidément rien à cette exception française. Pas de connivence ? Et les poils à gratter gauchisant de France Inter, Stéphane Guillon et Didier Porte, virés sous Sarkozy ? Le fait du prince. Et Eric Zemmour, poil à gratter de droite, bientôt viré de RTL ? Pour devancer les désirs du nouveau prince. Digne des plus belles heures de l'ORTF...

Enfin, qu'importe les médisants. Ce gouvernement est quand même formidable. Parité parfaite, réduction du salaire des ministres de 30%, charte de déontologie, exemplarité, pas de ministre condamné par la justice. Pas de ministre condamné par la justice ? Le candidat Hollande avait été très clair : "Je n'aurai pas autour de moi, à l'Elysée, de personnes jugées et condamnées". Bravache, il ajouta même : "Vous me rappellerez cette phrase, si jamais je venais à y manquer". Un gouvernement Ayrault irréprochable donc ? Et là, ça commence mal. Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, condamné en 1997 à 6 mois de prison avec sursis pour favoritisme. Merci les camarades du PS pour cette peau de banane avant la nomination à Matignon. Oui, mais il n'y a pas eu enrichissement personnel. Ah bon, alors ça va dans ce cas. Pourquoi une condamnation dans ce cas ? Et la ministre de la Justice, Christiane Taubira, condamnée pour licenciement abusif d'une collaboratrice en 2004 ? Oups, on y avait pas pensé. Et Arnaud Montebourg, ministre du savoureux ministère du "redressement productif", condamné la semaine dernière pour injure envers les dirigeants de SeaFrance ? Oui, mais ce n'est pas bien grave. En somme, à moins d'avoir été condamné pour braquage ou détournement de fonds conséquent, la règle semble souple. Heureusement que la nouvelle ministre déléguée à la justice, Delphine Batho, quitte enfin le logement social qu'elle occupait à Paris, contre l'avis même de la municipalité socialiste. On aurait pu penser qu'il y avait des casseroles dans ce gouvernement. Ouf, nous sommes rassurés !

Oui, mais prenez le bilan de Hollande tout de même. N'est y pas formidable ? Angela Merkel a enfin accepté de le recevoir, et l'a même reçu comme un chef d'Etat. C'est bien la preuve qu'il a l'étoffe, non ? Lui même n'a-t-il pas d'ailleurs bravé la foudre qui s'est abattue sur son jet présidentielle ? Et au sommet de l'OTAN, et au G8 ? Pareil. Reçu en président. Quelle stature ! Sauf qu'il est président. Recevoir un président élu, quoiqu'on en pense, c'est quand même la moindre des choses. Il n'y a pas de quoi en tresser des lauriers. Oui, mais regardez comme il impose ses idées. Au sommet de l'OTAN, il a défendu le retrait des troupes françaises d’Afghanistan dès 2012. Et il l'a obtenu ! Sauf pour les formateurs qui resteront en 2013, ce qui était le plan initialement prévu. Mais il faut bien enjoliver un peu, non ? Et le G8 alors ? François Hollande a défendu et imposé l'idée qu'il fallait de la croissance. La grande idée. Qui donc a bien pu être contre ? D'ailleurs, la croissance était largement au menu des précédents G8. Rien de nouveau à Chicago. Mais il faut bien enjoliver un peu, non ? Le président s'adresse d'ailleurs à lui-même un satisfecit, estimant qu'en plaidant pour la croissance au G8, son mandat est déjà "honoré". C'est si simple la politique finalement. Ne manque plus que la signature du décret instaurant la croissance.

Et le sommet européen de Bruxelles la semaine dernière alors ? Exemplarité et efficacité, là c'est incontestable. Voyage aller en train et voyage retour en voiture, pour faire des économies. Sauf que le jet présidentiel suivait, au cas où, et que le passage du train a nécessité une sécurité hallucinante sur le parcours franco-belge. Economique vraiment ? Quant au retour nocturne en voiture, avec toujours le jet qui suit, il faisait plus penser à la femme de Laurent Fabius allant chercher son mari en conseil des ministres en 2CV dans les années 80. Un mauvais sketch. Enfin, François Hollande aura au moins imposé sa grande idée des eurobonds au reste de l'Europe. Oui, sauf que la moitié de l'Europe rejette les eurobonds, et que c'est précisément cette moitié qui doit les payer. De plus, on ne dit pas beaucoup que l'introduction des eurobonds est contraire aux traités européens. Y recourir nécessiterait de faire ratifier de nouveaux traités dans tous les pays de la zone euro, voire d'Europe. Autrement dit, le jour où les eurobonds seront mis sur le marché, la zone euro aura éclaté depuis longtemps...

Maintenant, si l'on regarde du côté de l'opposition, rien de bien réjouissant. La "droite la plus bête du monde" est de retour. Elle promet même d'être une cuvée exceptionnelle. Alors que les élections législatives s'annoncent perdue, celle-ci n'hésite pas déclencher sa guerre des chefs. Le match Fillon-Copé a commencé. Car, ce n'est pas la défaite qui est recherché aux législatives, mais bien la Bérézina. A quoi bon sauver quelques sièges de députés, puisque la bataille est perdue. Autant laisser Hollande se dépatouiller dans la crise. Il n'y aura plus qu'à se baisser en 2017 pour ramasser les morceaux. C'est ce que pensaient certains en 1981. On sait ce qu'il en est advenu...

Reste la palme à François Bayrou, qui se sera attaché, avec méthode, à disparaître du paysage politique. A force de n'être ni de gauche, ni de droite, il a fini par être nulle part. A force de se brouiller avec la droite, puis avec la gauche, il ne sera probablement pas réélu dans la circonscription de son Béarn natale. Chapeau l'artiste. 

Une président normale quoi...

A suivre...

jeudi 24 mai 2012

Croissance ! croissance ! croissance !...

"Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe ! l'Europe ! l'Europe !... mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien". Le général de Gaulle, alors en pleine campagne électorale d'entre deux tours lors de la présidentielle de 1965, prononça cette célébrissisme phrase lors d'un entretien télévisé avec Michel Droit. Remplaçons maintenant le mot "Europe" (quoique ?) par "Croissance", et la phrase prend tout son sens. Oui, on entend beaucoup ces jours-ci "Croissance ! Croissance ! Croissance !...", sans que cela ne fasse bouger d'un iota les problèmes européens de croissance. Dans le rôle du cabri, il y a bien sûr François Hollande, ainsi que Barack Obama, mais aussi d'autres dirigeants européens (Monti, Rajoy...), qui espèrent encore échapper aux lourdes et douloureuses réformes qui les attendent et qu'ils peinent à engager dans leurs pays.

Le nouveau président français, François Hollande, se targue d'avoir été le premier à parler de croissance, et semble vouloir prendre la tête des pays qui veulent de la croissance. Il s'est d'ailleurs félicité qu'au cours du G8, ses voeux de croissance aient reçu le soutien du président Obama, et de certains partenaires européens (Monti). "Oui à la croissance", telle est donc la conclusion de ce sommet. Mais de qui se moque-t-on ? Fallait-il donc organiser un aussi coûteux barnum pour affirmer une pareille évidence ? Y a t il donc des gens pour contester que la croissance est nécessaire pour assurer la prospérité de nos sociétés ? A part quelques militants écologistes de la décroissance, je ne crois pas. Ce sommet entre les grands dirigeants de ce monde avait en réalité plutôt des allures de réunion de politburo, comme au temps de l'URSS avec ses Staline et Molotov. Manquait néanmoins une information au sortir de ce G8. Quel taux de croissance le soviet suprême a-t-il officiellement fixé aux planificateurs de l'économie ?

Blague à part, ce G8, ainsi que la réunion "informelle" d'hier soir entre les 27 dirigeants européens, semblaient marquer l'offensive des pro-croissance contre les pro-austérité. Avec un objectif, isoler la chancelière allemande Angela Merkel, qui défend bec et ongle son pacte budgétaire européen, et se veut gardienne de la bonne gestion de l'économie allemande depuis 10 ans. Cette offensive du président français pour faire adopter un pacte de croissance rencontre d'ailleurs, il faut bien le dire, un certain engouement, notamment s'agissant de sa proposition d'émission d'eurobonds (ou euro-obligations). Ces euro-bonds, c'est en quelque sorte une mutualisation des dettes de tous les pays de la zone euro, qu'ils soient très endettés ou pas, qu'ils aient une gestion rigoureuse ou non. En somme, la solution miracle pour secourir les pays de la zone euro asphyxiés par des taux d'intérêt très élevés (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, Italie...). Pas étonnant donc que, lors de la réunion d'hier, le président Hollande ait précisément reçu le soutien de la Grèce, du Portugal, de l'Espagne, de l'Italie... Au delà des étiquettes politiques. La chancelière allemande, qui a opposé une fin de non recevoir à ce projet d'euro-bonds, a , quant à elle, été soutenue par les Pays Bas, la Finlande ou encore la Suède (qui n'est pas dans l'euro). Précisément les pays d'Europe les plus vertueux. On ne peut que regretter que, dans cette confrontation entre les bons et les mauvais élèves, la France ait pris la tête de la seconde catégorie.

Car dans l'esprit du nouveau président français, pas de doute. Plutôt que de l'austérité, il faut de la croissance par la relance. La règle d'or budgétaire attendra, les réformes de l'Etat attendront, les coupes douloureuses dans les budgets sociaux attendront. Car, pour créer de la croissance, rien de tel que de la relance keynésienne : hausses des dépenses publiques, programmes de grands travaux, hausse des prestations sociales. Cela a un coût, certes, mais avec la magie du "multiplicateur keynésien", l'économie se relance, et la dette est remboursée plus tard... ou jamais. Car le mécanisme fonctionne mal. La référence des keynésiens, c'est le New Deal de l'après crise de 1929, lancé par le président Roosevelt. On sait depuis, en observant les chiffres de l'économie américaine des années 1930 (Chômage, croissance...), que c'est la guerre de 39-45 et la demande massive en armement qui ont véritablement relancé la machine économique américaine, et assez peu les plans de Roosevelt. Mais l'illusion est restée. Les pays européens subissent d'ailleurs précisément l'échec et l'endettement des plans keynésiens de 2008-2009.

L'austérité, voilà donc l'ennemi. C'est elle qui tue la croissance. Arrêtons donc immédiatement ces terribles plans de rigueur qui font plonger l'Europe un peu plus dans la crise. Cependant, à y regarder de plus près, il n'en est rien. A écouter les médias, de terribles coupes budgétaires seraient en train d'asphyxier les populations italiennes, espagnoles, portugaises, et bien sûr grecques. En réalité, il n'y a pas de coupes budgétaires drastiques. Les salaires de la fonction publique sont gelés, certes, mais ne baissent pas. Les pensions de retraite sont gelées, mais ne baissent pas. Elles augmentent même légèrement en Espagne. La terrible hausse de la fiscalité se traduit en fait essentiellement par une légère augmentation de la TVA. Les gouvernements ne remplacent pas la majorité des fonctionnaires partant à la retraite, mais n'en licencient pas. Plus révélateur, il n'y a en réalité pas d'austérité à proprement parler, puisque les dépenses publiques des Etats sont, malgré tout, en hausse ! On a simplement freiné la hausse, en limitant, comme le propose en France François Hollande, l'augmentation des dépenses à 1% du PIB. C'est loin d'être la fête, mais ce n'est pas ça l'austérité.

La politique de rigueur, l'Allemagne l'a connu depuis 2002. Initiée par Gehrard Schroeder, chancelier social-démocrate, elle a été strictement poursuivie par sa successeur, Angela Merkel, démocrate-chrétienne. Une politique économique cohérente sur la durée, malgré l'alternance. Voilà déjà un élément clé. Conscient, dès l'entrée dans l'euro, des failles du modèle social allemand, ces deux chanceliers se sont donnés le temps d'adapter leur pays à la compétition mondiale. Pour en tirer aujourd'hui les bénéfices. Et, puisqu'on décrit l'austérité comme ennemie de la croissance, intéressons nous au cas allemand. En 2011, l'Allemagne est à 3% de croissance quand la France est à 1,7%. Et pour le 2ème trimestre 2012, voici les prévisions : Allemagne +0,7%, France +0%, Espagne en récession, Italie en récession, Portugal en récession, Grèce en récession. Tout est dit. Une bonne gestion budgétaire tuerait donc la croissance. Encore un mythe à combattre. A noter un fait historique hier. L'Allemagne émet avec succès des obligations d'Etat sur 2 ans à 0% de taux d’intérêt ! Les investisseurs préfèrent perdre un peu d'argent, à cause de l'inflation, plutôt que d'aller sur de la dette toxique. C'est un signal particulièrement alarmant.

Admettons en tout cas que la situation de l'Europe, et particulièrement de la zone euro, est dramatique du point de vue de la croissance. Pour 2012, les Etats Unis prévoit une croissance d'au moins 2%, La Chine pourrait avoisiner les 7,5%. La zone euro, elle, sera au mieux à croissance nulle, au pire en récession. Les Etats Unis, comme souvent, ont su rebondir après la crise financière, en faisant confiance à son secteur privé pour rester le moteur de l'innovation mondiale, et le paradis des entrepreneurs. La croissance est cependant timide, car plombée par une lourde dette, sorte de gigantesque bombe à retardement. La Chine, elle, n'innove pas encore, mais reste l'usine du monde. Avec ce modèle, parfois contestable au regard du droit social, le pays trouve toujours son compte. Innovation aux Etats Unis, travail en Asie. L'Europe peine à trouver sa place dans le schéma économique mondial. En pleine désindustrialisation, et avec une frénésie de consommation, elle peine cependant à concurrencer les innovateurs américains. Clairement, l'Europe est en panne et sa croissance aussi.

Reste donc les fameuses initiatives pour la croissance proposées par certains, François Hollande en tête. Au programme : Une taxe sur les transactions financières, que la Suède a déjà testé il y a plus 20 ans sans succès, au point d'y renoncer. Des projets keynésiens d'infrastructures, sous forme de "project bonds", qui peuvent avoir une utilité, à condition d'en avoir besoin, mais qui se révèlent surtout être de la dette supplémentaire, et un moyen de placer ses amis politiques au chaud au sein de technostructures ingérables. Le New Deal des années 30 l'a déjà fait. La palme du non sens économique enfin : les fameux "eurobonds". Certainement le meilleur exemple d'aléa moral qui soit. Suite à une mauvaise gestion vous devez emprunter à 6% ? Pas de problème, on mutualise avec un bon gestionnaire qui emprunte à 0%, et vous allez désormais emprunter à seulement 3%. Magique non ? Alors ruez vous à nouveau sur les emprunts, c'est pas cher. Il est tout de même frappant de constater que la principale réponse à la crise de la dette est, pour certain, d'émettre encore et toujours plus de dettes. Mais si on n'y réfléchit bien, pourquoi des Etats comme la Grèce, L'Espagne ou l'Italie ont pu s'endetter à ce point ? Tout simplement par le mécanisme implicite des euro-bonds qu'est la monnaie unique, l'Euro. Car pendant des années, la magie de l'Euro a fait que les Grecs empruntaient au même prix que les allemands. Jusqu'à ce que la réalité économique les rattrape.

Pour la croissance, il n'y aurait donc rien de mieux que de la dette et les fumeux euro-bonds ? Si. Le 22 février dernier, pendant la campagne présidentielle française, et avant même que François Hollande ne se fasse chantre de la croissance, plusieurs dirigeants européens (David Cameron, Mariano Rajoy, Mario Monti, Mark Rutte, Donald Tusk...) ont envoyé une lettre à Herman Von Rompuy et  José Manuel Barroso, proposant un certain nombre de pistes pour doper la croissance européenne. Et ici, pas de nouvelles dettes, pas de frénésie fiscale, pas de solutions gadgets coûteuses. Essentiellement des réformes de structures, et une convergence européenne accrue : achèvement du marché unique, élimination des obstacles à la concurrence dans certains secteurs protégés, ouverture du marché des services, marché unique de l'énergie, espace unique de transport européen, réduction des réglementations sur les entreprises, mesures en faveur d'un meilleur fonctionnement du marché du travail, responsabilisation et renforcement du secteur financier... Presque un retour au grand rêve du marché unique européen finalement. Mais surtout, la philosophie des initiatives proposées, c'est de faire confiance aux entreprises, aux entrepreneurs, aux hommes, à leurs idées, à leurs innovations... Ce qui reste la seule et unique façon de créer de la croissance. A l'heure de l'euro-bond triomphant, il n'est peut être pas trop tard pour exhumer ce texte...

mardi 22 mai 2012

Quand Milton Friedman parlait de la fin de l'Euro...

L'euro est voué à l'échec. D'ailleurs, les pays de l'Euroland vont connaitre une période de fortes turbulences, et la zone euro risque d'imploser d'ici 5 à 15 ans. En effet, le moindre problème économique d'un des pays de la zone se propagera et contaminera les autres. De plus, la structure économique de l'Europe ne plaide pas en faveur de l'adoption d'une monnaie unique : la force de travail en Europe est insuffisamment mobile, les blocages économiques difficiles à résoudre, et les barrières culturelles nombreuses. "Ennemi de la démocratie", l'euro ne fera qu’accroître les différences économiques des pays de la zone, au lieu d'apporter de la stabilité. "Illusion technocratique", elle ne parviendra pas à remplacer le dollar comme monnaie de référence. "Contre-nature", cette monnaie engendrera des crises que l'Europe paiera un jour au prix fort.

Cette analyse ne date pas de 2011 ou 2012 comme on pourrait s'y attendre, mais de 1992, l'année de ratification du traité de Maastricht, établissant une monnaie unique en Europe. Et les propos précis, cités en préambule, ne datent pas d'il y a quelques jours, mais de 2002, l'année d'entrée en vigueur de l'euro. Enfin, cette démonstration, qui nous frappe par sa justesse et son caractère prémonitoire, n'est pas l'oeuvre d'un souverainiste, mais d'un économiste éminent : Milton Friedman. En effet, le prix Nobel d'économie 1976, pape du libéralisme, et chef de file de l'école monétariste de Chicago, s'est opposé dès le départ au projet de monnaie unique en Europe. C'est ainsi que, dès 1992, il mettait en garde l'Europe contre un tel projet, pointant du doigt les différences profondes entre les économies et cultures des nations européennes. Avertissement qu'il renouvela plus précisément en 2002, par le biais d'une série d'interviews dont on a compilé ci-dessus les propos.

Au regard de l'actualité de ces derniers mois, et particulièrement de ces dernières jours, on ne peut qu'être frappé par l'exactitude du scénario décrit 10 ans auparavant par l'économiste américain. Oui, la zone euro risque d'imploser. Oui, les problèmes économiques d'un pays se propagent dans le reste de la zone. Oui, la structure économique de l'Europe s'est révélée trop hétérogène, et a pâti de l'absence de convergence. Oui, la monnaie unique voit se dresser contre elle de plus en plus de peuples européens. Oui, elle est perçue comme le fruit de la technocratie européenne. Oui, l'euro n'arrive pas supplanter le dollar comme monnaie de référence. Et oui, l’Europe va le payer le prix fort. Cependant, si en 1992 Milton Friedman a eu une certaine perspicacité, en 2002, il avait surtout sous les yeux un exemple de crise due à de mauvaises décisions de gestion monétaire : l'Argentine. Et quand on regarde de plus près l'exemple Argentin, on comprend mieux les déboires de l'euro, tant les similitudes sont frappantes.

Mais que s'est il passé en Argentine ? Petit retour en arrière. Dans les années 80, le peso argentin souffrait d'une instabilité chronique et le pays était touché par l'hyper-inflation. Pour stabiliser cela, l'Argentine du président Menem va adopter le système du "Currency board" ("Caisse d'émission monétaire"). Le principe est très simple : Le peso argentin devient lié au dollar américain par un système de change fixe. Sorte de "dollarisation" de l'économie argentine. Si cette politique porte ses fruits dans un premier temps et stabilise l'économie, le vent tourne à partir de 1998. Crise financière en Asie, crise des matières premières. Le pays rentre à son tour en crise, et les recettes fiscales chutent. Plus grave, le pays n'a pas fait de réformes structurelles et mène au contraire une politique budgétaire laxiste. Il n'est pas préparé pour amortir la crise. Normalement, dans cette situation, c'est la dévaluation assurée. Impossible avec le "Currency board". Le peso suit le cours du dollar, alors très haut à l'époque. Incapable de se réformer, le pays plonge dans une très grave crise. Déficit des balances extérieures qui creusent davantage encore le déficit face à des économies à plus faibles devises (Brésil...). Les problèmes s'accumulent alors : hausse du chômage, forte inflation, taux d'intérêt vertigineux, incapacité de rembourser la dette... Les remèdes d'austérité budgétaire préconisé par le FMI ne suffisent plus. Le peso-dollar devient clairement le problème de l'Argentine. Pour s'en sortir, les remèdes incontournables arrivent à la rescousse. D'abord une forte dévaluation du peso qui redevient flottant face au dollar. Ensuite une renégociation avec les créanciers pour le remboursement de la dette. Ces derniers doivent renoncer à une grande partie du remboursement (de 60% à 75%). Enfin pour tenter d'équilibrer les comptes, des réformes fiscales conduisent à une hausse importante des impôts. Ajouter à cela, des réformes structurelles, notamment sur le partage des pouvoirs entre gouvernement fédéral et les provinces. Avec notamment une sorte de "règle d'or" budgétaire pour revenir à l'équilibre. Moyennant quoi l'Argentine a pu repartir, et son économie se porte aujourd'hui nettement mieux, malgré des zones d'ombres persistantes sur ses déficits et la solidité de sa monnaie.

Revenons maintenant au cas de l'euro. L'adoption de cette monnaie unique a repris un principe similaire au "Currency board" argentin : le change fixe. En effet, exit le change flottant entre les devises européennes, dont certaines étaient en proie à des instabilités chroniques, et place au change fixe. Toutes les monnaies deviennent en gros indexé sur le Deutchmark, la monnaie la plus forte des pays de l'euro.

Sauf qu'avoir une monnaie forte peut être un désavantage compétitif majeur à l'exportation. Pour prévenir cela, des politiques de déflation compétitive, de modération salariale, d'équilibre budgétaire, et de réformes structurelles s'imposent. L'Allemagne, que Milton Friedman considérait en 2002 comme le maillon faible (!), a fait ses réformes structurelles. Et s'est accommodée de l'Euro. Les autres pays de la zone ne les ont pas poussées assez loin (pour les pays du nord de l'Europe), voire pas commencé du tout (La France et les pays du sud de l'Europe). Suivant en cela le modèle argentin. Arrivée la première grave crise financière de son histoire (subprimes), et l'Euro tangue. La Grèce, la plus fragile, se retrouve alors, de façon extrêmement frappante, dans la même situation que l'Argentine dans les années 1998-2002 : chômage, récession, dette abyssale, taux d'intérêt astronomique, situation de défaut partiel, et sous perfusion du FMI et de l'Union Européenne, qui ont déjà mis plus de 130 milliards d'euro sur la table. A fond perdu. Les timides mesures d'austérités arrivent bien trop tard. Et l'économie grecque ne fonctionne clairement plus avec l'euro.

Car enfin, soyons clair : la Grèce va évidemment sortir de l'Euro dans les mois qui viennent. A la lumière de l'exemple argentin, on comprend bien que le système de change fixe imposé à la Grèce l'empêche de redémarrer. Elle va donc devoir retourner aux drachmes, qui sera immédiatement, et très fortement, dévalué. Ensuite, il ne faudra pas se faire d'illusion. La Grèce va renégocier et rééchelonner le remboursement de sa dette, devenu impossible à rembourser. Clairement, certains épargnants et établissement bancaires n'en reverront pas une bonne partie de la couleur. Enfin, la Grèce va devoir se contraindre à des ajustements structurels, toujours repoussés, et à mettre en place une profonde réforme fiscale. A moins de descendre encore davantage en enfer. Les grecs anticipent déjà ce scénario. Des centaines de millions d'euro sortent chaque jour des banques grecques. Les investisseurs et les capitaux fuient.

L'éclatement de la zone euro devient donc clairement d'actualité. Après la Grèce, le Portugal et l'Espagne pourrait suivre le même chemin que l'Argentine. De même que l'Italie. Les réformes structurelles arrivent là aussi beaucoup trop tard, et ne sont pas à la mesure du drame qui se préparent. On se contente d'une limitation de la hausse des dépenses, plutôt que d'une vrai réforme de l'Etat. Et leurs dettes ne sont tout simplement plus soutenables. Un défaut partiel est inéluctable. La France va, quant à elle, passer la barre symbolique des 90% d'endettement. D'après les économistes, en dessous de cette barre, c'est 1% de croissance en moins par an. On se prépare donc à une décennie très difficile. Quant à l'Allemagne, même ce bon élève pourrait se lasser d'être une locomotive d'un train devenu trop lourd à tirer. Elle pourrait vouloir sortir d'une zone euro qui prend l'eau de toute part. Les défauts qui s'annoncent sont d'une ampleur incomparable avec la Grèce, qui représente seulement 2,5% du PIB de la zone euro. Ni le FMI, ni l'union européenne, prêteurs de dernier ressort, ne sont préparés à l'ampleur du défaut qui ce dessine, et qui sera un cataclysme à l'échelle européenne et mondial.  

Reste une dernière option sur la table, mais qui n'est que rarement évoquée : une forte dévaluation de l'euro. Ce serait pour les Allemands manger leurs chapeaux, après tous les ajustements et réformes entreprises depuis 2002. Mais, pour la plupart des pays de la zone euro, ce pourrait être un peu d'oxygène, notamment face au dollar et au yuan, tombés à des niveaux relativement bas. L'avantage, c'est que cela pourrait assurer la survie à court terme de la zone euro. Et favoriser les exportations, à condition toutefois d'avoir des produits à exporter. Le danger, c'est évidemment un appauvrissement de la zone, le retour d'une inflation monstre sur nos importations, et une hausse des taux d'intérêt, qui pesera à nouveau sur notre dette. Quoiqu'il en soit, le pire est clairement devant nous...

Quand Milton Friedman parlait de la fin de l'euro...

dimanche 20 mai 2012

Facebook m'a tuer de A. des Isnards et T. Zuber

Quand on a lu L'open space m'a tuer, on a rapidement envie de découvrir le deuxième opus du duo Alexandre des Isnards et Thomas Zuber, Facebook m'a tuer. C'est chose faite. Les auteurs utilisent avec bonheur les mêmes ingrédients que dans le premier ouvrage, au travers de saynètes inspirées de la vie réelle, s'attaquant une nouvelle fois avec justesse et ironie aux comportements de ces cadres branchés urbains. Toujours enfermés dans les open space, ils sont également accros des réseaux sociaux, et connectés non stop sur Facebook, Twitter... Sans être une analyse sociologique ou psychologique poussée, ces histoires sont néanmoins révélatrices des nouveaux modes de vie de la génération web 2.0.

Nous pouvons tous observer, autour de nous, les changements décrit sur la façon gérer les relations sociales, que ce soit sur le plan amical, familial, affectif ou professionnel. Peut être sommes nous déjà nous même touchés par l'addiction ? Il est encore temps de s'en assurer, et de se plonger dans la lecture du livre. Certaines saynètes particulièrement parlantes, et  nous feront prendre un peu de recul sur nos addictions à ces réseaux sociaux.

Ce qui est ici raconté, c'est en réalité un peu l'histoire de la génération Y, né entre 1980 et 2000, et dont la vie est marquée par la culture informatique (Démocratisation des ordinateurs personnels), la mobilité (génération baladeurs, téléphones portables), et désormais les contacts virtuels via les réseaux sociaux, et notamment le premier d'entre eux : Facebook. Car désormais, tout ce passe sur Facebook. Ne pas y être, surtout quand on est de la génération Y, c'est se couper du monde. Et au delà de l'isolement, c'est presque devenu suspect. On ne demande plus un numéro de téléphone, on se "capte" sur Facebook. On ne se fait plus des soirées entre amis autour d'un verre, mais plutôt des soirées facebook : chacun chez soi, à surveiller le "mur" des autres. Prêt à commenter.

Et ici, ce ne sont pas les exemples qui manquent. Celui notamment de cette trentenaire, jeune active branchée, qui passe ses soirées sur facebook à tchatter, depuis son canapé, avec ses amies. L'occasion d'alimenter son "statut" de ses pensées les plus profondes, bien que souvent dépourvues d'intérêt ("Je suis en week end", "Il fait beau"...). Le tout bien évidemment sous l'approbation de ses copines, qui se déchaînent en cliquant "like" et en commentant abondamment tout ce qui  bouge. Et la soirée passe vite, car il faut mettre à jour son statut, pour faire le buzz, tout en surveillant l'actualité des autres, pour être sûr de ne rien manquer de fondamental. Une proposition de conversation téléphonique d'une copine ? Méthode à l'ancienne ça. La trentenaire décline et maintient le chat facebook. Moyen de tenir l'interlocuteur suffisamment à distance pour multigérer ses contacts, et toujours préférable pour s'éclipser quand bon nous semble.

Autre exemple. Ce couple qui part en vacances à l'autre bout du monde, armé d'un appareil photo, et dont chaque visite et chaque excursion sont soigneusement pensées dans le seul but, non pas d'en profiter, mais de mettre en scène et immortaliser par un cliché leur bonheur. Car l'album photo finira inévitablement sur Facebook, et le public d'amis virtuels a intérêt à en avoir pour son argent. Pas question donc de louper la photo qui fera exploser le nombre de "like". C'est pourtant ce qui est arrivé à ce couple, qui s'est disputé pour avoir oublier l'appareil photo dans la chambre au moment du plus beau cliché. Impossible dans profiter. Et après le retour des vacances, nuit blanche pour que l'album soit prêt à temps. Le public met déjà la pression sur le "mur" de l'intéressé. D'ailleurs, le statut Facebook est bien utile pour alimenter ses fans en news sur ces vacances. Depuis le compte à rebours quotidien du style "Vacances : J - 7", jusqu'à "Passe de super Vacances" en plein milieu du séjour. La vie est d'ailleurs dure pendant les vacances pour ces jeunes urbains, connectés habituellement jour et nuit, mais éprouvant les pires difficultés à trouver du réseau dès que les contrées deviennent un peu plus exotiques.  

Un autre must des réseaux sociaux, c'est bien sûr Twitter. Le site de micro-blogging instantané, limité à 140 caractères, permet de partager à tous ses "followers" tout ce qui passe par la tête à un moment précis de sa journée. Oui, tout ce qui nous passe par la tête, et c'est même un peu ça le problème. Absence de recul et de la moindre réflexion, course au sensationnel pour être le premier sur le buzz, propos de café du commerce, nombreux sont ceux qui se sont pris les pieds dans le tapis. Un épisode, amusant mais révélateur, suit ainsi cette mère de famille et parent d'élève genre plutôt bobo, et affiliée à la FCPE (Fédération des Conseils de Parents d'Elèves), qui s'acharne sur Twitter, en pleine réunion parents profs, pour faire partager à toutes ses amies "followers" son désarroi et sa colère de n'avoir peut être pas encore de prof d'anglais pour son fils scolarisé en...CM2. Des tweets sans aucun intérêt, mais qui reçoivent néanmoins l'écho d'autres mères de famille, également en ébullition. Qu'on se le dise, la prochaine révolution sera sur Twitter ! On y observe au passage la mentalité de ces nouveaux parents d'élèves. Exigeant envers l'école, peu respectueux des enseignants, prenant la défense systématique de leurs enfants, et reproduisant un comportement de client consommateur en imposant ses propres règles à l'institution scolaire. Description navrante, mais au combien réelle.

Et puis, il y l'allié devenu inséparable de Facebook pour la génération Y : l'Iphone. On ne dit d'ailleurs pas Smartphone, ça c'est pour les autres téléphones. On dit Iphone tout court. Tout une culture. La puissance du marketing. Merci Steeve Jobs. Sans cet inséparable petite merveille de la technologie, Facebook serait-il Facebook ? Car la puissance de l'Iphone, ce sont toutes ces applications que l'on télécharge depuis itunes. Parmi elle, l'application Facebook est un must. Car à chaque sortie dans le monde "réelle", ces urbains Y sont en reportage. L'exemple de ces amies qui se retrouvent le week end pour un brunch. Toutes dégainent évidemment l'iphone pour mettre à jour leur statut. Montrer que l'on fait des choses de son week end. Très important. Et puis comme celà ne suffit pas, on pend en photo les plats qu'on nous apporte, ainsi que ses amies. Et l'on poste instantanément ces photos pour alimenter son statut. Que d'autres s'empressent déjà de "liker" et de commenter. Et gare à ceux qui traînent. On remarque leur absence de réactivité. On est déçu, et vite agacer. Mais que font il donc ? Pourquoi ne commentent ils pas ? Ne suis je pas le centre du monde ? D'ailleurs, allons faire un petit tour sur les autres profils pour en savoir plus. Facebook, le plus formidable outil de surveillance et d’espionnage, que les Renseignements Généraux n'auraient jamais, même dans les rêves les plus fous, mettre en place. Imaginez,  les gens qui déballent volontairement le contenu de leur vie, alors qu'ils auraient refusé catégoriquement si cela avait été exigé par ces mêmes autorités. 

Pour aider à la mise en place de ce réseau d'espionnage volontaire, Google est également de la partie. D'ailleurs ses dirigeants n'affirment ils pas : "Seuls les criminels se soucient de protéger leurs données personnelles", ou encore "Si vous faites quelques chose et que vous voulez que personne ne le sache, peut être devriez vous déjà commencer par ne pas le faire". Google, c'est la culture de l'open source, du partage, et de la transparence. Avec Google Doc, partagez vos documents, qui seront visibles par vos amis et même disponibles en coédition. Avec Google Agenda, partagez votre emploi du temps et surveillez la vie des autres. Quelqu'un ne partage pas son Google Agenda ? C'est louche ça. Appelons la police. Le culte du secret, ou tout simplement la pudeur, n'ont pas leur place ici. Quand on a rien à se reprocher, on partage à la communauté. Les hippies californiens reconvertis dans l'informatique ont gagnés

Il ne faut pas non plus tomber dans la paranoïa, ni rejeter tous ces outils qui s'offrent désormais à nous. La technologie des systèmes d'information est en pleine mutation, et offre des perspectives considérables, presque infinies. Mais, si cette net économie est assurément la nouvelle ère de l'économie en train d'accoucher de la crise par destruction créatrice, gare au phénomène de bulle. Facebook est rentré en bourse vendredi pour une valorisation de 100 milliards de dollars, alors que son chiffre d'affaire n'est que de 3,5 milliards... Est ce que les boutons "like" et "comment" valent vraiment 100 milliards ?

jeudi 17 mai 2012

L'imagination au pouvoir : Merci Hollande !

L'imagination au pouvoir ? C'est un des slogans que l'on pouvait entendre en mai 1968. En ce mois de mai 2012, avec l'annonce de la composition du gouvernement, on se dit que c'est chose faite. Merci à François Hollande, et au nouveau premier ministre, Jean-Marc Ayrault !

Mais, si l'imagination est au pouvoir, ce n'est malheureusement pas dans les idées du gouvernement, mais bien dans sa composition. Car, à défaut d'avoir des propositions audacieuses pour réformer le pays, c'est plutôt dans l'originalité des intitulés ministériels que se trouve l'imagination débordante de cette nouvelle équipe. Ce qui importe avant tout, c'est de faire de l'affichage. Alors on affiche, et on crée des ministères farfelus. Car créer un ministère, ce serait déjà un peu résoudre le problème. Petit aperçu donc des ministères baroques qui nous ont été inventés.

Le trublion du PS, Arnaud Montebourg, hérite ainsi du ministère du "Redressemment productif". Il est vrai qu'il était trop simple de garder l’appellation "ministère de l'Industrie". Avec "Redressement productif", on atteint un double objectif : sous entendre que précédemment rien n'a été fait, et surtout afficher que désormais la ré-industrialisation est en marche. L'audace politique, c'est une simple question de vocabulaire. Autre ministère savoureux, celui délégué à la "réussite éducative", et confié à la député de Paris Georges Pau-Langevin. Est-ce donc là l'aveu que l'éducation nationale ne conduit pas à la réussite, et qu'il faut ajouter une couche ministérielle "réussite éducative" pour y arriver ? Ou bien alors qu'il y aura le ministère de la réussite scolaire, et celui de l'échec ? Interrogée sur le périmètre de ces compétences, la nouvelle ministre a affirmer ce matin n'en rien savoir encore. Pas très rassurant, on pensait tout cela bien étudié. Elle aurait au moins pu jouer un petit couplet sur l'école, la méritocratie, la république. Cela ne mange pas de pain et ça met tout le monde d'accord. 

La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, se voit quant à elle confier le ministère du "droit des femmes". Appellation qui exista sous François Mitterrand en 1981, mais fut depuis souvent remplacée par "Parité". Au delà de l'idée de lutter contre les discriminations, combat nécessaire, c'est plutôt l'intitulé qui interpelle. Ne pourrait on pas tout simplement conclure que, d'après la constitution, les femmes ont les mêmes droits que les hommes ? A la justice de statuer et de sanctionner si ceci n'est pas respecter. Autre trouvaille, le ministère confié à Cécile Duflot. Celle-ci prend ainsi la tête du ministère de "l'égalité des territoires". Auquel s'ajoute le volet logement. En d'autres termes, c'est le ministère de la Ville. Pourquoi "Egalité des territoires" alors ? Sans doute parce qu'il est bon d'afficher en gros "égalité". De l'affichage vous dis-je. Et puis après tout, le ministère de la Ville ça n'a jamais vraiment marché. Alors en changeant de nom, tous les espoirs sont permis.

En revanche, pour le ministère de Michèle Delaunay, on ne s'est pas embarrassé des termes. Elle est ainsi en charge des "Personnes âgés et de la Dépendance". Auparavant, on parlait plutôt du ministère des "Aînés" ou de la cohésion sociale. Ce qui ne voulait pas dire grand chose. Simple question maintenant, après un ministère pour la jeunesse, un autre pour les personnes âgés, pourquoi n'est il rien prévu pour ceux qui se situent entre ces deux âges. Pourquoi pas une sorte de ministère des adultes ? Le porte-parole du PS, Benoit Hamon, se voit lui confier un ministère délégué à "l'Economie sociale et solidaire". Au delà des  clins d'oeil à son électorat, avait on vraiment besoin d'un ministère spécialement consacré à ce sujet (Les sociétés coopératives, mutuelles...) ? Est-ce à dire que ses collègues de Bercy sont en charge de l'autre volet de l'économie, celle qui n'est donc ni sociale, ni solidaire ? Curieux. Quant à la député-Maire de Rouen, Valérie Fourneyron, elle prend en charge le ministère des "Sports, de la Jeunesse, de l'Education populaire et de la Vie associative". "Education populaire" ? Oui, vous avez bien lu. Qu'est ce donc encore que ça ? Probablement les animateurs socio-culturels de MJC. Allez savoir...

Auprès du ministère des affaires étrangères, nous avons aussi un ministre délégué, en charge du développement : Pascal Canfin. "Développement" ? L'intitulé de ce ministère est bien vague, mais on devine qu'il sera en charge d'aller expliquer au monde entier la meilleure façon de se développer. Il est vrai qu'avec une dette abyssale et une croissance nulle, la France a surement beaucoup de bonnes recettes à exporter dans le monde. Enfin, dernière étrangeté, nous avons un ministère délégué au "Transports et à l'économie maritime". Il a été confié à un certain Frédéric Cuviller. Ministère des Transports, ça on connait. Mais pourquoi accoler "Economie maritime". Le bateau n'est il pas un moyen de transport comme un autre ? Y a t-il un traitement spécial réserver à cette "Economie maritime". Quid de "l'économie terrestre" ? Et de "l'économie aérienne" alors ? 

Néanmoins, rendons justice à cette équipe gouvernementale. Ils ne sont pas les premiers (ni les derniers) à nous inventer des ministères farfelus. En 1981, le gouvernement de Pierre Mauroy inventait le resté célèbre ministère du "temps libre". Car c'est un vrai problème à gérer ça que le temps libre. Il fallait bien un ministre pour se charger de ça. Plus récemment, la présidence Sarkozy inaugura les tout aussi baroques ministères "de l'identité nationale" ou encore des "droits de l'homme". Ils ne terminèrent d'ailleurs pas le mandat. Pour le reste, que dire de plus ? C'est un gouvernement, comme il y en a eu beaucoup d'autres auparavant : pas terrible. Il convient toutefois de relever la relative inexpérience ministérielle de cette équipe. Certes, le Parti Socialiste est resté 10 ans dans l'opposition. Mais, sur 34 ministres, seuls 5 ont déjà une expérience ministérielle. Le premier ministre lui-même est novice en la matière. Cela ne préjuge en rien de la suite, mais en temps de houle exceptionnelle, est ce bien prudent ? Enfin, les têtes d'affiches importent peu, c'est plutôt ce qu'elles ont à proposer qui compte. Et c'est souvent là dessus qu'on est déçu...

Reste cependant une belle hypocrisie. La diminution de 30% du salaire du président de la république et des ministres. Pourquoi pas. L'exemple doit venir d'en haut.  Et pour François Hollande, c'est normal, il n'aime pas l'argent. Mais, comme Nicolas Sarkozy avait augmenté le salaire de 170% en arrivant à l'Elysée, une diminution de 30% est en réalité un renoncement bien modeste. Quant aux ministres, si leurs salaires va diminuer de 30%, leur nombre, lui, est en augmentation de 30%. En effet, de 24 ministres et ministres délégués dans le dernier gouvernement de François Fillon, on passe à 34 ministres et ministres délégués. Le gouvernement Fillon était également composé de quelques secrétaires d'Etat, mais il y a une vrai différence entre ministres et secrétaires d'Etat. Nous avons donc un gouvernement pléthorique de 34 ministres, et pas un seul secrétaire d'Etat. Or, qui dit ministre, dit directeur de cabinet, chef de cabinet, conseiller diplomatique, conseiller parlementaire, attaché de presse, conseillers en toute chose, chauffeur, garde du corps... Il est fort probable que la diminution de 30% du salaire des ministres ne compensera pas cette inflation ministérielle. L'ensemble coûtera même certainement plus cher. Mais qu'importe, il faut faire de l'affichage...

Pour le reste, la feuille de route du gouvernement est toute tracée : les élections législatives du 10 et 17 juin prochain, où le gouvernement doit impérativement s'assurer d'une majorité pour pouvoir survivre. D'ici là, une pluie de décrets va tomber : Augmentation de 25% de l'allocation de rentrée, Retraite à 60 ans pour ceux qui ont déjà les 41,5 annuités de cotisations, blocage des loyers et du prix de l'essence, abrogation du décret sur l'évaluation des enseignants... De nouvelles dépenses et des clins d'oeil à son électorat. De quoi préparer sous les meilleurs auspices ces élections. Mais après la fête, la douche froide. La cour des comptes rendra alors le rapport qui lui a été demandé sur les comptes publics. Tout le monde sait déjà ce qu'il y a dedans, une situation financière grave et des réformes impopulaires à adopter, mais prière d'attendre fin juin pour ne pas gâcher la fête...

L'imagination au pouvoir : Merci Hollande !