vendredi 13 juillet 2012

L'erreur économique



"La maison brûle et nous regardons ailleurs" disait Jacques Chirac lors d'un discours prononcé en 2002 en Afrique du Sud. A l'époque, c'était le réchauffement climatique qui retenait l'attention du monde entier. Aujourd'hui, dans le marasme économique et financier de la zone euro, regarder ailleurs, c'est un peu l'impression que donne le tandem Hollande - Ayrault.

Alors que l’Europe, et tout particulièrement le club des 17 de la zone euro, s'enfonce dans une crise de la dette à l'évidence insoluble, le nouveau pouvoir en place a estimé qu'il était urgent de ne rien décider. Quant aux quelques annonces qui ont pu être faites jusqu'à présent, elles ne tiennent pas compte de l'ampleur de la crise qui s'est abattue sur les pays surendettés du vieux contient. Pire, elles vont souvent à l'encontre du bon sens économique. Oui, Hollande et Ayrault commencent ce quinquennat, pourtant crucial, sur une erreur économique.

Le discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault à l'assemblée nationale avait donné le ton. François Hollande l'a confirmé cette semaine devant le Conseil Economique et Social. S'il y a une urgence, c'est bien celle de ne pas agir. Le gouvernement déclare vouloir prendre son temps, et laisser le temps à la concertation  entre les "partenaires sociaux" comme on dit. La méthode est louable. Mais elle a rarement fonctionné, tant le dialogue entre patronat et syndicat est impossible dans le pays. Le premier ministre veut aller à rebours de la méthode Sarkozy, en évitant de réformer dans la précipitation. Certes, le temps est une notion très importante. Le cycle économique des entrepreneurs est un temps long, qui a besoin d'une grande stabilité sociale et fiscale. L'Allemagne bénéficie largement d'une politique de Merkel dans la continuité de celle de Schroeder. Mais, s'il est important de "laisser du temps au temps" comme disait Mitterrand, la nécessité d'engager des réformes, elle, ne peut plus attendre indéfiniment. La question n'est plus de savoir ce qu'il faut faire, mais bel et bien de le faire. Et le plus tôt possible, tant on a traîné depuis des décennies. Au lieu de ça, le gouvernement jette à la poubelle, une à une, toutes les réformes du précédent gouvernement (Heures supplémentaires défiscalisés, hausse de la TVA, hausse du périmètre de construction de 30%, réformes des retraites, prime Sarkozy...), illustrant une fois de plus la grande instabilité d'un pays qui règle ses comptes à chaque alternance.

Quant aux réformes, il faudra encore attendre. Une grande réforme fiscale est à prévoir, mais peine à sortir des cartons. Le candidat Hollande jurait ses grands dieux pendant la campagne électorale que la compétitivité n'était pas un problème pour la France. Désormais le président du même nom s'interroge. Le gouvernement a même commandé un rapport à Louis Gallois. Un de plus. On verra le résultat dans un an. Tous les rapports existent déjà. Ils ne demandent qu'à être mis en oeuvre. Ce gouvernement a une chance historique de réformer le pays et de passer à la postérité comme celui qui aura enfin osé. Mais il hésite. Trop explosif pour son électorat, alors que pourtant les enquêtes d'opinion semblent montrer que la France est désormais mature pour entendre des choses difficiles. L'erreur...

Alors que la cour des comptes répète inlassablement à longueur de rapports (Tiens, encore des rapports !) la nécessité absolue d'assainir les finances publiques, le gouvernement se refuse à toucher aux bataillons de la fonction publique. Il y aura bien quelques non remplacement de départ à la retraite, pour compenser l'embauches des 60 000 fonctionnaires, mais pas de réformes structurelles de grandes ampleurs dans l'appareil administratif. Ou supprimeront-ils les 60 000 postes ? A part, comme d'habitude, dans l'armée (qui ne doit plus avoir grand monde...), le gouvernement ne sait pas. Quant c'est flou, c'est qu'il y a un loup avait dit quelqu'un... Reste que la fonction publique se prépare malgré tout à une cure d'austérité salariale. Incapable de dégraisser ses effectifs, c'était inévitable. Il y a sans doute moyen de faire bien mieux . Les fonctionnaires risquent bientôt de regretter la présidence Sarkozy, plus généreuse sur les salaires dans la fonction publique. Qui l'aurait cru ? Néanmoins, rien à voir avec les coupes sombres de plusieurs dizaines de milliards que l'on voit en Italie, en Espagne, au Portugal ou en Grande-Bretagne. Autre bombe, le problème des dépenses sociales (santé, retraites...) qui explosent et deviennent hors contrôle avec le vieillissement de la population.

Mais le plus grave, c'est peut être la stratégie économique du gouvernement. Elle est peu lisible, et va à rebours des recommandations européennes et de la cour des comptes. La stratégie économique de Hollande et Ayrault semble en effet davantage guidé par un reste d'anti-sarkozysme, que sur une vision claire. Hou, hou, la campagne électorale est terminé, vous êtes aux responsabilités ça y est, Sarkozy est parti ! 10 ans d'opposition, et bien peu d'idée à proposer finalement. Du coup, on détricote tout ce qui a été fait avant. Les RGPP, on arrête. Les heures supplémentaires défiscalisées, on arrête. La hausse de la TVA, on arrête. La réforme des retraites, on arrête... La cour des comptes (ce n'est pas Sarkozy pour le coup) dit : "réduisez vos dépenses et augmentez la TVA ou la CSG". Le gouvernement ne réduit en rien ses dépenses, et ne s'attaque qu'à des symboles gadgets (Salaire des ministres en baisse de 30%). Il avoue lui-même que ça ne rapportera rien. La TVA, pas question d'y toucher. La CSG non plus. Pour l'instant en tout cas. Mais entre les deux, le coeur de Ayrault pencherait quand même pour la CSG. La ministre de la fonction publique, Marylise Lebranchu, souligne pourtant avec justesse que la CSG fait peser une fois de plus le matraquage fiscale sur le travail, et non sur le choix de consommation. Curieuse façon d'encourager le travail. Surtout quant on s'interroge (enfin) sur la compétitivité.

Quant aux tranches d'imposition nouvelles (à 45%, hausse de l'ISF) et le fameux impôt à 75%, est là un encouragement pour entreprendre en France ? Pas sûr. Et une incitation des capitaux étrangers à investir massivement ? Pas sûr non plus. La France est déjà largement imposée, et la seule arme fiscale risque de se révéler bien maigre au moment de faire les comptes. La hausse du SMIC ? De l'avis de beaucoup d'économistes, elle dessert plutôt la compétitivité des emplois peu qualifiés. Assez contre-productif là encore. Et ce que cette hausse du SMIC va coûter à l'Etat ? Ne demander pas à Jérôme Cahuzac. Il a séché sur cette question sur le plateau du grand journal de canal plus. Mais qui est donc ce Jérôme Cahuzac ? Le ministre du budget de ce gouvernement. Ça rassure. Pour le reste le commissaire à la production, Arnaud Montebourg, chapote tout, et nomme un expert sur chaque plan social. Il ne peut guère faire mieux,  l'Etat n'a plus d'argent. On pourrait cependant lui conseiller de relire Schumpeter, et son concept de "destruction créatrice". En temps de crise, nombre d'entreprises disparaissent, c'est irrémédiable. Mais d'autres aussi apparaissent, pour construire le futur de demain. Le drame, ce n'est pas tant que des entreprises disparaissent, mais plutôt qu'un nombre insuffisant apparaisse, et que la formation ne s'y adapte pas suffisamment rapidement. Pour faire vivre l'économie, juste au cas où, il y a éventuellement "l'entrepreneur" de ce fameux Schumpeter qui peut aider. Il peut créer de la croissance, si toutefois on ne lui change pas les lois sociales et fiscales tous les quatre matins.

Pour finir, je ne peux résister à l'envie de reproduire cette citation : "L’Ancien Régime professait que la sagesse seule est dans l’Etat, que les sujets sont des êtres infirmes et faibles qu’il faut toujours tenir par la main, de peur qu’ils ne tombent ou se blessent ; qu’il est bon de gêner, de contrarier, de comprimer sans cesse les libertés individuelles ; qu’il est nécessaire de réglementer l’industrie, d’assurer la bonté des produits, d’empêcher la libre concurrence. L’Ancien Régime pensait sur ce point, précisément comme les socialistes d’aujourd’hui. Et qu’est-ce qui a pensé autrement, je vous prie ?  La Révolution française.". Cette citation est on ne peut plus d'actualité ? Elle date pourtant de 1848. L'auteur en est le penseur politique français du XIXème, Alexis de Tocqueville...


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