samedi 2 juin 2012

Concerto à la mémoire d'un ange d'Eric-Emmanuel Schmitt

Après le théâtre (Le visiteur, Variations énigmatiques, Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran...), le Roman (L'évangile selon Pilate, La Part de l'autre...), Eric-Emmanuel Schmitt a ouvert, ces dernières années, un nouveau champ à son écriture déjà prolifique : la nouvelle. On a pu notamment le lire avec Odette Toulemonde et autres histoires, ou encore La rêveuse d'Ostende. L'auteur revient ici avec une autre nouvelle : Concerto à la mémoire d'un ange. Il a même empoché le prix Goncourt de la nouvelle 2010 pour cet ouvrage.

Ici donc, il n'y a pas une, mais 4 histoires, sous formes de courtes nouvelles. La principale, mais aussi surement la meilleure, étant probablement Concerto à la mémoire d'un ange, en référence au sublime Concerto à la mémoire d'un ange d'Alban Berg. 4 histoires qui n'ont, en apparence, rien à voir. Car quel point commun en effet entre une vieille dame, empoisonneuse en série de ces maris successifs, un marin, père de famille, à qui l'on annonce le décès d'une de ses filles, sans lui préciser laquelle, deux jeunes musiciens virtuoses, qu'une insignifiante compétition va séparer, du moins le croit-on, à tout jamais, et une épouse de président de la république, prête à clamer son désamour pour ce mari devenu si distant ?

Ce point commun, c'est sainte Rita, également la patronne des causes désespérées. Elle apparaît ainsi dans chacune des nouvelles, comme un espoir, un recours pour ces personnages en quête de rédemption. Car dans ces histoires, c'est de rédemption dont il s'agit. L'empoisonneuse de maris successif trouve son salut, bien qu'également intéressé, dans le secret d'une confession accordée au nouveau jeune prêtre de sa paroisse. Le marin, apprenant au cours d'un de ses longs voyages en mer la disparition d'une de ses filles, sans savoir laquelle, se prend à jouer au jeu sordide de savoir laquelle ou lesquelles il préfère. Avant de se reprendre, prenant ainsi conscience de l'amour d'un père pour ses filles, et jurant qu'on ne le reprendrait plus à ce jeu là. C'est quand on a perdu un être cher qu'on l'apprécie. Le marin n'en sera désormais qu'un meilleur père. La rédemption, c'est aussi celle de ce jeune pianiste français qui, par jalousie pour un violoniste virtuose australien, ira jusqu'à lui refuser son secours, dans une situation tragique, pour gagner une compétition pourtant sans enjeu. Le croyant mort, il stoppera net sa carrière, pour se consacrer entièrement au bonheur des autres. Avant que son passé ne le rattrape, et qu'il ne se trouve confronté, tel un jeu de miroir, à cet autre monstrueux qu'il était avant. La rédemption, elle s'incarne dans ce locataire de l'Elysée qui, sur le tard, pleure sa femme, trop tôt emportée par la maladie, et qu'il avait pourtant allègrement trompée et délaissée. Celle-ci lui laissera pourtant, à travers une publication, la plus belle des preuves d'amour. Il consacrera la fin de sa vie à son souvenir. 

Eric-Emmanuel Schmitt voue un culte à sainte Rita, cette sainte des causes désespérées, celle qu'invoquent toutes les âmes en quête de rédemption, et d'une nouvelle vie. Si l'écriture est simple, le message de l'auteur n'en est pas pour autant simpliste. A travers ces récits, c'est aussi et surtout une réflexion sur la liberté de chaque individu face à son passé, mais aussi face à son destin. Les âmes, même les plus noires, peuvent se repentir et changer. De même que les plus belles âmes peuvent un jour sombrer. Il n'y a rien d'inéluctable. La rédemption et la quête du bien, ou tout simplement du meilleur est toujours possible. Par son écriture, particulièrement épuré, l'auteur laisse place à notre imaginaire, qui peut s'incarner dans ces différents personnages en quête d'idéal, ou tout simplement d'un équilibre perdu, et qu'ils vont retrouver.

La lecture du journal d'écriture, à la fin de l'ouvrage, nous en apprend plus sur la construction de l'ouvrage. De l'idée de départ, sainte Rita, à la construction des différents récits. Des considérations philosophiques sur la liberté ou le déterministe, à la technique d'écriture. Le journal d'un auteur en pleine maturation de son oeuvre. Aussi digne d'intérêt que les nouvelles.

A la lecture de ces nouvelles, les âmes cyniques et pessimistes crieront au simplisme su'est cette quête de la rédemption. Les hommes en sont incapables. Les snobs estimeront pour leur part l'écriture insuffisamment travaillé. Mais la complexité n'est elle pas justement de faire simple. N'est il pas plus facile de bâtir des pavés  compliqués où tout est dit, mais surtout ce qui est sans intérêt. Au lecteur de débrouiller pour faire le tri. Ici, Eric-Emmanuel Schmitt a fait ce travail pour nous, ne gardant que ce qu'il convient. Quant à ne pas croire en la rédemption de l'homme, ce serait ne plus croire en l'homme. Vaste débat...

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