lundi 11 juin 2012

Des législatives à grand spectacle

Une campagne législative sans intérêt, mais une soirée de premier tour plutôt réjouissante. Tel est le constat que l'on peut faire en ce lendemain de dimanche électoral. 

Une campagne électorale sans intérêt. Ça c'est tellement évident qu'on s'est même demandé jusqu'au dernier moment si on votait vraiment dimanche. Il faut dire que pour les différents partis, il y avait tout intérêt à rester discret sur cet évènement. Dans le camp socialiste, on a perdu le moteur de la campagne présidentielle : Nicolas Sarkozy. Ce dernier, retiré des affaires, ne pouvait plus servir de sujet de référendum. Et comme parler de sujets de fond, c'est trop gênant pour le moment, autant carrément en dire le moins possible. Seul argument pour motiver l'électeur : il faut une majorité au président. C'est pas faux. Un peu court, mais ça suffira. C'est un classique. Pour la droite, l'objectif c'est de limiter les dégâts, et pour cela d’apparaître comme le moins possible responsable du bilan sortant, actuellement épluché par la cour des comptes et l'Inspection Générale des Finances. Mieux vaut donc la mettre en veilleuse. Qui plus est, le risque de triangulaire au second tour, avec un Front National haut, incite à la plus grande discrétion. Ce n'était donc pas la foule dimanche dans les bureaux de vote. L'arrêt du match à Roland Garros, pour cause de pluie, aura toutefois fait frémir quelque peu une participation très morne en fin d'après midi.

Soirée de premier tout plutôt réjouissante ? Oui. Pas sur le résultat lui-même évidemment. Il n'y avait guère de surprises. Le nouvelle majorité socialiste a dominé, sans toutefois écraser l'UMP, et devrait remporter la majorité absolue au second tour. Ouf le gouvernement Ayrault est sauvé ! Petit suspens insoutenable quand même pour le sort du Front de Gauche et d'Europe Ecologie Les Verts. Auront-ils leurs groupes à l'assemblée nationale ? Dire qu'il va falloir attendre jusqu'à dimanche pour le savoir, c'est vraiment un supplice... Le Modem a officiellement disparu des écrans radars, même dans le Bearn. Quant au Front National, il est devenu "Rassemblement Bleu Marine". Un groupe politique qui prend comme nom le prénom de sa "chère" leader. On aura tout vu dans la mégalomanie. Oui, vraiment, tout fout le camp...

Réjouissant ? Non le résultat ne l'était pas vraiment. Il confirme un gouvernement qui n'a pas pris la mesure de l'effort qui va être demandé dans les mois et années qui viennent. Il confirme un gouvernement qui pour inaugurer son mandat aura délibérément  fait des cadeaux à ses électeurs (SMIC, retraite à 60 ans, blocage des loyers, Augmentation des allocations) au détriment de toute clairvoyance économique, et surtout à contre-sens de ce mettent en oeuvre nos voisins européens. Il confirme un gouvernement qui fonctionne sur un logiciel complètement obsolète, ne connaissant guère que les concepts de dépenses publiques, de dettes et d'impôts. Ou comment continuer les même politiques qui n'ont pas marché. Il confirme un gouvernement qui ignore ostensiblement les concepts d'entreprise, d'innovation, d'entreprenariat. Il confirme enfin un gouvernement qui avance masqué, n'annonce que des bonnes nouvelles jusqu'à l'élection, mais qui devra très rapidement faire face à la vérité.

Qu'est ce qui est réjouissant alors ? Le diable se cache souvent dans le détail. Les réjouissances aussi. C'est en examinant le résultat de quelques circonscriptions que l'on se dit que, quand même, on vit dans un beau pays, et que tout ceci nous manquerait trop si l'on partait comme exilé fiscal de François Hollande. Détour par le nord de la France tout d'abord. Plus précisément dans le Pas-de-Calais, à Hénin-Beaumont. Le match Marine Le Pen vs Jean-Luc Mélenchon promettait d'être épique. Il fut surtout d'une stupidité sans nom, avec son lot de faux tracts et d'insultes. Mais le plus beau dans tout ça, c'est Mélenchon, le Robespierre de toutes les places de France et de Navarre, qui s'est fait finalement devancer par un candidat PS du cru, inconnu au bataillon : Philippe Kemel. La com' et le mauvais spectacle, ça a ses limites. Du coup, c'est un Jean-Luc Mélenchon tout penaud hier soir qui s'adressait aux rares militants venus l'écouter. On l'a connu plus sûr de lui pendant la présidentielle, haranguant les foules de la Bastille ou du Capitole. La queue entre les jambes, il est rentré à Paris aussi vite qu'il était venu. L'exemple type du parachutage loupé. Il laisse Marine Le Pen seule achever la fin de ce mauvais show.

Après le nord, l'est. Un éléphant du PS tente de s'implanter dans les Vosges : Jack Lang. Après du tourisme électorale l'amenant de Blois à Paris, puis de Paris au Pas-de-Calais, l'ancien ministre a donc atterri dans les Vosges. Retour au source pour ce natif de la région. Mais Martine Aubry ne l'a pas gâté, en l'envoyant dans une circonscription solidement à droite. Bien qu'arrivé légèrement en tête, le second tour s'annonce difficile pour lui face au député sortant UMP. Restons dans l'est. Direction pas très loin. La Meurthe-et-Moselle. Cette fois-ci c'est la folle dingue de twitter, Nadine Morano, qui est en ballottage serré. Pour gagner, plus le choix. Tous les moyens son bons. Elle en appelle aux valeurs communes avec le FN. On saura se consoler de son éventuelle défaite.

Partons à présent au sud, tout au sud. Et à l'ouest, tout à l'ouest. Dans le Bearn. C'est ici que François Bayrou joue son avenir électorale. Pris au second tour dans une triangulaire infernale entre le PS et l'UMP, il a quasiment perdu son siège de député. Entraînant avec lui le Modem, qui n'aura vraisemblablement plus de député. Hostile au programme socialiste, le PS a logiquement envoyé une candidate contre lui. Mais, ayant voté pour François Hollande à la présidentielle, l'UMP a également envoyé un représentant contre lui. Au final, à force de ne vouloir être nulle part politiquement, il finit par être nulle part électoralement. Le PS et l'UMP s'en frottent déjà les mains. François Bayrou avait bien fait quelques remarques clairvoyantes sur l'endettement excessif de la France. Mais il aura été victime de son cynisme électorale. Le centre est orphelin.

Dans le sud, mais à l'est cette fois, changement d'ambiance. Il n'est plus question de centristes. Loin de là. C'est plutôt la course à l’échalote entre l'UMP et le FN. Le Gard, le Vaucluse, les Bouches du Rhône. Le paradis des triangulaires PS-UMP-FN. Avec les éternels atermoiements des états majors parisiens du PS et de l'UMP. Front républicain et désistement réciproque, comme d'habitude ? Eh bien non, pas cette année. L'UMP version Jean-François Copé, c'est le "ni-ni". Ni Front Républicain, ni alliance avec le Front National. Et attention à ceux enfreignent la consigne. Pourtant, il y a du rififi localement. Des candidats UMP sont prêts à passer des accords. Et certains se lancent, comme dans la circonscription d'Arles. Copé condamne. Les électeurs UMP approuvent majoritairement d'après les sondages. Ça n'a pas fini d'être la zizanie à l'UMP. Des vilains petits canards aussi côté PS. Une candidate PS refuse de retirer sa candidature pour intégrer le front républicain. Pas simple d'être premier secrétaire du parti socialiste.

Enfin, on garde le meilleur pour la fin. Direction la Charente Maritime, à La Rochelle. Une parachutée de luxe, Ségolène Royal, pensait que son élection serait une promenade de santé, dans une circonscription marquée à gauche. Toutes les conditions étaient pourtant réunies. D'abord un député sortant, également maire de la ville, qui lui fait place nette et, en prime, assure la visite guidée de la ville. Ensuite, une dispense de s'abaisser à se présenter à l'élection primaire socialiste de la circonscription. Pourquoi ? On ne sait toujours pas. Certains ont murmuré "statut particulier d'ancienne candidate à l'élection présidentielle". Ah bon ? On ne savait pas que c'était un statut ça. Elle est loin en tout cas la démocratie participative dont elle se disait pourtant l'inventrice. Enfin passons. Tout semblait se passer comme sur des roulettes. Car, dans cette histoire, les électeurs de La Rochelle ne sont que les faire valoir de la candidate. Elle vise bien plus haut évidemment qu'une simple circonscription. Le deal avec François Hollande et Martine Aubry, c'est le perchoir, la présidence de l'assemblée nationale. Elle l'a d'ailleurs clamé haut et fort. 

Sauf que rien ne s'est passé comme prévu. Un inconnu sur le plan national, mais très implanté localement, Olivier Falorni, n'a pas digéré cette candidature imposée d'en haut. Et ce, sans même l'organisation de primaire. Il se présente donc contre elle comme candidat divers gauche, s'étant fait exclure du PS. C'est beau la reconnaissance de son parti pour des années de militantismes de terrain. Et le pire, c'est qu'au soir de ce premier tour, Royal et Falorni sont au coude à coude : 32% - 29%. Le second tour sera un duel entre ces deux candidats de gauche, la candidate UMP n'ayant pas dépassé les 12,5% d'inscrits requis pour ce maintenir. Et là, c'est le scénario catastrophe. Horreur, les électeurs de droite vont voter Falorni et faire battre Dame Ségolène. Quel manque d'éducation ! Dans le camp socialiste, c'est la panique. Jean-Marc Ayrault, Martine Aubry, François Hollande. Peut être même Barack Obama. Tous ont sommé le dissident Falorni de retirer sa candidature. Il y a des lois de gauche comme quoi il devrait se retirer. Ah bon ? Quelles lois ? En vain en tout cas. Le dissident se maintient. Il est vrai que s'il ne s'était pas maintenu, Ségolène Royal aurait concouru toute seule au second tour. C'est plus facile dans ces conditions. On n'élit plus les députés, non, on les nomme. C'est ça la république exemplaire. Il est tout de même consternant que le président de la république en personne intervienne dans cette histoire, en contradiction avec toutes ses promesses de campagne. N'y a t il pas en Europe une crise autrement plus importante à gérer que le sort de cette circonscription ? Sauf que c'est l'ex du président. Alors il lui faut un beau cadeau de consolation. 

C'est donc su à Falorni. Ce candidat qui sera entaché jusqu'à la fin de ses jours par son forfait, ce candidat soutenu en sous main par les sarkozystes, ce candidat surement sarkozyste lui-même. Tout le monde va débarquer à La Rochelle dans les jours qui viennent. Martine Aubry et Cécile Duflot arrivent demain à la rescousse rependre la bonne parole à l'électeur idiot. Ridicule. Jean-Marc Ayrault y était la semaine dernière. Avec le résultat que l'on sait. François Hollande n'a t il pas un déplacement, présidentielle s'entend, à faire dans la région dans les jours qui viennent ? Un conseil en tout cas. N'allez pas à La Rochelle dans les jours qui viennent, ce sera mal fréquenté. Et un conseil à Olivier Falorni. Qu'il fasse attention en traversant les passages cloutés. Un accident est si vite arrivé.

Oui, vraiment, c'est une législative réjouissante...

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