mardi 15 mai 2012

Sarkozy : Bilan d'un quinquennat de crise


En passant le relais à François Hollande, Nicolas Sarkozy tire donc aujourd'hui sa révérence, avec une discrétion qu'on ne lui connaissait pas. Si les projecteurs sont désormais braqués sur les premiers pas de son successeur à l'Elysée, chacun conviendra que le président sortant quitte sa fonction avec dignité. Nicolas Sarkozy avait raté son entrée en fonction. Il ne rate pas sa sortie. Et pour la postérité, ça comptera. Cette passation de pouvoir à la présidence de la république est aussi l'occasion de revenir sur le bilan de Nicolas Sarkozy pendant ces 5 ans à la tête de l'Etat.

Si l'on devait qualifier d'un mot le quinquennat du président sortant, c'est certainement le mot "crise" qui remporterait la majorité des suffrages. En effet, Nicolas Sarkozy et le gouvernement de François Fillon auront fait face, pendant plus de 4 ans, à de multiples crises. Crise financière, crise économique, crise de la dette. Et nous n'en sommes pas encore sortis, loin de là. Il est évident que ceci a structuré le quinquennat d'une façon très différente des ambitions réformatrices de 2007. Néanmoins, malgré le contexte économique troublé, le président Sarkozy fut un réformateur actif. Certaines réformes sont plutôt réussies. D'autres moins. Petit tour d'horizon.

Il y a d'abord les réformes plutôt réussies, et qui devraient rester, malgré l'alternance du pouvoir. Parmi les lois les plus emblématiques du quinquennat, nous pouvons citer la Loi Relative aux libertés et responsabilités des Universités (LRU). Autrement dit, la loi sur l'autonomie des universités. Votée en août 2007, et relativement bien accueillie, elle est un enjeu majeur pour développer l'excellence de l'université française à l'échelle internationale. Une autre loi, méconnue, marquera aussi le mandat de Sarkozy : la Loi de Modernisation de l'Economie (LME) d'août 2008, qui a notamment créé le très plébiscité statut d'auto-entrepreneur, ou encore permis de raccourcir des délais de paiements, mesure cruciale pour beaucoup de PME à l'activité précaire. Toujours en faveur des entreprises, la réforme du crédit impôt recherche de 2008 qui, bien que niche fiscale coûteuse, fait plutôt l'unanimité comme exemple de déduction fiscale intelligente. Et pour compléter cette batterie de mesures à destination des entreprises, le gouvernement a supprimé en 2010 la taxe professionnelle, bouleversant la fiscalité locale, mais donnant un peu d'oxygène aux entrepreneurs. Impôt idiot selon François Mitterrand, qui l'avait pourtant conservé, elle ne devrait pas être rétablie par le nouveau pouvoir socialiste.

Le quinquennat de Sarkozy, ce sont aussi des reformes sociales. Ayant suscité l'opposition des syndicats au moment de leurs adoptions, elles ne devraient cependant pas être supprimées par le nouveau président socialiste. A ce chapitre,  il y a tout d'abord la loi sur le service minimum dans les transports et les écoles, votée en août 2007, puis étendu au secteur aérien en mars 2012. Plus sensible, la réforme des retraites pour les régimes spéciaux, votée en novembre 2007, est néanmoins passée. Ainsi que celle de novembre 2010 pour le régime général. Insuffisantes pour assurer l'équilibre à long terme, ces réformes permettent néanmoins d'équilibrer les caisses de retraites à court terme. Plus consensuelle, la réforme du RMI, remplacée par le RSA, et qui offre un complément de revenu (RSA "Activité") aux travailleurs en dessous du seuil de pauvreté. Malgré des imperfections, le RSA tend à supprimer les trappes à pauvreté.

Nicolas Sarkozy s'est révélé beaucoup plus timoré pour engager des réformes structurelles, pourtant si cruciales pour rééquilibrer les comptes publics. Cependant, il a eu le mérite d'en avoir initié quelques unes. La fusion de l'ANPE avec l'Unédic depuis janvier 2009 ne se fait sans heurt. Néanmoins, la constitution d'un guichet unique, Pôle Emploi, va dans le bon sens. Il était incompréhensible que l’indemnisation (Unédic) et la recherche d'emploi (ANPE) fonctionne de façon aussi parfaitement cloisonnées. Autre réforme structurelle importante, la refonte de la carte judiciaire, avec le regroupement des tribunaux, pour une rationalisation de fonctionnement. Compliquée à mettre en oeuvre et impopulaire, elle va néanmoins dans le sens d'une meilleure gestion. Le gouvernement a aussi mis en oeuvre la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur 2 à la retraite. Si les gains sont moins importants que prévus, cette orientation suit les recommandations de la cour des comptes, et va dans le sens de réformes engagées récemment dans d'autres pays européens (Espagne, Royaume-Uni...). Enfin, on assiste à un début de simplification du millefeuille administratif, avec la création du conseiller territorial pour les élections de 2014, et la fusion déjà programmée des deux départements alsaciens, qui pourrait servir à terme de modèle.

Sur le plan extérieur maintenant, quelques succès. La présidence européenne de Nicolas Sarkozy, au deuxième semestre 2008, a été unanimement saluée dans une période critique (Crise en Géorgie, Faillite de la banque Lehmans Brothers). Le président français a aussi été moteur dans la signature du traité de Lisbonne de 2007. Si ce traité bafoue un peu le "Non" au référendum 2005, il aura eu le mérité de débloquer une situation de blocage. Il aura aussi pris la décision logique, mais néanmoins contestée, de faire revenir la France dans le commandement intégré de l'OTAN, renforçant ainsi les relations franco-américaines et franco-britanniques. Nicolas Sarkozy aura également plutôt bien géré la crise ivoirienne début 2011, et activement participé à la chute de Khadafi en Libye à l'été 2011.

Enfin, le mandat aura été marqué par la révision constitutionnelle de juillet 2008. Adoptée avec seulement une voix de majorité, elle redonne plus de pouvoir de contrôle au parlement, notamment sur les nominations. Le président de la république se voit limité à deux mandats. Enfin, et c'est peut être le plus marquant, elle introduit la question prioritaire de constitutionnalité. Désormais, tout citoyen peut, sous certaines conditions, contester une loi devant le conseil constitutionnel.

Evidemment, Nicolas Sarkozy n'a pas tout réussi pendant ce quinquennat. La loi phare de l'été 2007, Loi Travail Emploi Pouvoir d'Achat (TEPA), a petit à petit été détricotée, car peu adaptée à la crise. Les allègements d'impôts sur les successions seront modifiés, la déduction des intérêts d'emprunts supprimée, de même que le bouclier fiscal. Seul le dispositif des heures supplémentaires a subsisté, même s'il pourrait aussi être supprimé, mais cette fois-ci par le nouveau gouvernement. Toujours niveau fiscalité, le président n'aura pas échappé à l'imbroglio de la TVA, que ce soit la TVA réduite, finalement relevée de 5,5% à 7%, la TVA sociale, annoncée bien trop tard dans le quinquennat, ou encore la TVA réduite dans la restauration, très coûteuse et peu efficace. Sans parler de la taxe carbone, issue du grenelle de l'environnement, qui finira censurée par le conseil constitutionnel, pour rester lettre morte.

Le président sortant s'est aussi, trop souvent, pris les pieds dans le tapis, par un style brouillon, et trop souvent "je veux, je veux, je veux", avant d'être trop souvent obligé de reculer devant les levers de bouclier, et de devoir ainsi assumer ses faux pas. Son  choix de faire désigner par le président de la république les responsables des chaines de radios et de télévisons publiques a donné un arrière goût d'ORTF. Anachronique dans le monde actuel.

Sur le plan économique, le bilan n'est évidemment pas bon, crise oblige. De ce point de vue, tous ses homologues européens sont dans le même cas. Il ne peut pas en porter toute la responsabilité. Mais point de vue strictement comptable, le tableau n'est pas flatteur. Hausse du chômage de près d'un million de demandeurs d'emplois, hausse de la dette de 500 milliards d'euros, croissance faible (1,7% en 2011) et pouvoir d'achat stagnant. On est loin des promesses de 2007.

Si Nicolas Sarkozy fut souvent inspiré sur la politique étrangère, et leader européen responsable en temps de crise, il a connu quelques loupés. Des débuts difficiles avec Angela Merkel et un tropisme plutôt anglo-saxon en début de mandat. Avant de se rattraper, formant le respecté tandem "Merkozy". Et si Sarkozy est intervenu avec zèle en Libye contre Khadafi, c'est pour faire oublier une position ambiguë face aux mouvements du "Printemps Arabe" début 2011, notamment en Tunisie et en Egypte.

Il est toujours délicat de faire un bilan "à chaud" de nouvelles réformes, à peine entrées en vigueur, ou d'une action politique, dans un monde encore en pleine tourmente. Néanmoins, il est certain que le bilan de Nicolas Sarkozy, quoiqu'on en pense aujourd'hui, sera réexaminé avec recul dans les prochaines années, et même en partie réhabilité. Il suivra en cela la logique de tous les présidents sortants. Qui ne se souvient pas d'un Valéry Giscard D’Estaing hué à sa sortie de l'Elysée ? D'un François Mitterrand détesté dans les dernières années de son mandat ? Ou d'un Jacques Chirac carrément tombé dans l'indifférence ? Or, quand on écoute aujourd'hui, tout le monde salue l'intelligence de Giscard, le sens de l'Etat de Mitterrand, et la profonde humanité de Chirac. Aux yeux des français, ils auraient été, eux, de grands présidents, pas comme celui qu'on a actuellement. Curieux pays que la France, où l'on déteste ceux qu'on a élu, pour mieux adorer ensuite ceux-là même qu'on avait si violemment rejetés. Bonne nouvelle donc pour Nicolas Sarkozy, il va bientôt  retrouver le chemin de la popularité. Pour François Hollande en revanche, le chemin de croix commence...

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