mercredi 18 juillet 2012

TVA ou CSG ?


Dans son récent rapport, la cour des comptes a fait deux préconisations : une réduction importante du niveau de dépenses publiques (comme à chaque rapport...) et une réforme de la fiscalité. Sur le premier point, le gouvernement a fait la sourde oreille. Sans surprise. Quant au second point, il a pris la forme d'un débat entre CSG et TVA, la cour préconisant en effet l'augmentation de l'une ou l'autre de ces taxes, pour atteindre l'objectif, pourtant peu réaliste, des 3% de déficit budgétaire en 2013.

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a prudemment et courageusement choisit de ne pas choisir. En 2012, ce ne sera donc ni hausse de la TVA, ni hausse de la CSG. Et pour 2013 ? On verra. Suggérons de mandater une énième commission pour y réfléchir. Néanmoins, l'opinion du premier ministre et de sa troupe semble clair. La TVA "sociale", votée hâtivement par la majorité de droite sortante, est en train d'être détricotée, ou plutôt décapité, avant même d'être entrée en vigueur. Comme, en ce moment, de nombreuses lois de l'ère Sarkozy. On ne sait donc pas trop si c'est un parti pris idéologique (surement un peu) ou du pur anti-sarkozysme (surement beaucoup), qui cherche à défaire ce qui a été fait précédemment, en bien ou en mal. En revanche, si rien n'est arrêté, les ministres de l'économie, Pierre Moscovici, et du budget, Jérôme Cahuzac, testent l'opinion en avançant l'idée d'une hausse de la CSG pour 2013. Mais, on avance avec prudence sur le sujet au gouvernement. Le cafouillage de cette semaine sur la rétroactivité ou non des taxes sur les heures supplémentaires a servi d'avertissement.

Sur le fond, qu'en est-il ? TVA ou CSG ? Pour le pouvoir socialiste, la TVA est un impôt injuste qu'il se refuse à augmenter. Injuste, car la TVA est payée par tout le monde au même montant, quelque-soit ses revenus. Injuste, car elle touche directement les ménages, par la consommation. C'est en parti exact. Il faut cependant nuancer. D'abord, les produits et services de première nécessité sont aux taux réduits de 2,1% (Médicaments...), 5,5% (Eau, alimentation...) ou 7% (Transports...). La hausse de la TVA, notamment la TVA dite "sociale", peut ne viser que le taux normal à 19,6% (Vêtements, biens ménagers...). Une hausse de 2% ramènerait globalement le taux français dans la moyenne européenne, actuellement à 21%. De plus, si la TVA n'est pas progressive pour un même produit, elle l'est en réalité dans les faits. En effet, plus son revenu est élevé, plus le consommateur ira vers une consommation haute gamme. Un revenu modeste achètera une voiture 10 000 euros, et payera dessus 19,6%. Un revenu élevé ira vers un véhicule à 30 000 euros, et payera aussi dessus 19,6%, ce qui rapportera donc beaucoup plus (trois fois plus). Enfin, faut-il le rappeler, la TVA est basée sur la consommation, qui est et reste un choix, pas une obligation. Pour éviter de la payer, il est toujours possible de freiner sur sa consommation en biens et services que l'on juge superflus. La vérité, c'est que le gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault croit encore aux vieilles lunes du keynésianisme, et imagine ici créer de la croissance par le volet consommation uniquement. C'est presque faire injure à Keynes lui-même que de simplifier ainsi sa pensée. Celui soutenait en effet l'utilisation de la dépense publique pour soutenir la croissance (ça se discute), mais pas la gabegie budgétaire. Et il parlait avant tout de grands travaux et d'investissement, pas de coups de pouces inappropriés et mal ciblés.

Qu'en est-il alors de la CSG ? La Contribution Sociale Généralisée est un impôt instauré par Michel Rocard, lorsqu'il était premier ministre, pour participer au financement de la protection sociale. Avouons le, c'est un impôt extrêmement efficace, qui rapporte de plus en plus, car son taux ne cesse de grimper. Il est d'autant plus efficace qu'il est prélevé à la source. Mais est-il juste ? Son assiette est basée sur tous les revenus, que ce soit les revenus du travail, des retraites, des indemnités chômages ou des revenus financiers. Revenus financiers ! Voilà qui a du faire "tilt" dans l'esprit du président dont le seul ennemi déclaré est "le monde de la  finance". Oui mais voilà, du coup, on touche là encore fiscalement tous les ménages, et non pas dans un choix de consommation, mais pour le simple fait de travailler. L'imposition sur le travail étant déjà élevée en France, est il vraiment nécessaire d'un peu plus taxer le fait de gagner sa vie par le travail ? D'autant plus que si la CSG est effectivement progressive avec le revenu, elle touche bel et bien tout le monde, y compris les très petits salaires. Pour le parti de "l'effort juste", on a connu mieux. Il est d'ailleurs assez baroque de vouloir augmenter la CSG, juste après avoir revaloriser le SMIC. Ou comment donner des signaux contraires. Niveau lisibilité de la politique gouvernementale, on a aussi connu mieux. Reste les revenus financiers. Là, on s'attaque à la rente, notamment financière, cible privilégiée des socialistes. Reste cependant que les revenus financiers ne sont pas uniquement ceux de nantis fortunés, pour qui ces tergiversations fiscales n'ont d'ailleurs que peu d'incidence. En revanche beaucoup de petits retraités complètes leurs maigres pensions par ces modestes placements mobiliers et immobiliers...

Reste l'argument choc contre la TVA : le risque d'une répercussion de la taxe sur les prix par les distributeurs  et les entreprises. Cette remarque est parfois valide, c'est exact. Mais pas non plus toujours. Un exemple ? La téléphonie mobile est passée en 2011 d'une TVA de 5,5% à 19,6%. On craignait des hausses généralisées. Finalement, les prix sont restés relativement stables. Peut être grâce à la forte concurrence dans le secteur, accentuée récemment encore par l'arrivée de Free sur ce marché. Eh oui, la concurrence comme réponse à l'impact de  la hausse TVA. Mais n'aller pas parler de "concurrence" ou "d'entrepreneur" au gouvernement. Il vous conduirait illico-presto dans un camp de redressement avec le programme de l'ENA, promotion Voltaire...

vendredi 13 juillet 2012

L'erreur économique



"La maison brûle et nous regardons ailleurs" disait Jacques Chirac lors d'un discours prononcé en 2002 en Afrique du Sud. A l'époque, c'était le réchauffement climatique qui retenait l'attention du monde entier. Aujourd'hui, dans le marasme économique et financier de la zone euro, regarder ailleurs, c'est un peu l'impression que donne le tandem Hollande - Ayrault.

Alors que l’Europe, et tout particulièrement le club des 17 de la zone euro, s'enfonce dans une crise de la dette à l'évidence insoluble, le nouveau pouvoir en place a estimé qu'il était urgent de ne rien décider. Quant aux quelques annonces qui ont pu être faites jusqu'à présent, elles ne tiennent pas compte de l'ampleur de la crise qui s'est abattue sur les pays surendettés du vieux contient. Pire, elles vont souvent à l'encontre du bon sens économique. Oui, Hollande et Ayrault commencent ce quinquennat, pourtant crucial, sur une erreur économique.

Le discours de politique générale de Jean-Marc Ayrault à l'assemblée nationale avait donné le ton. François Hollande l'a confirmé cette semaine devant le Conseil Economique et Social. S'il y a une urgence, c'est bien celle de ne pas agir. Le gouvernement déclare vouloir prendre son temps, et laisser le temps à la concertation  entre les "partenaires sociaux" comme on dit. La méthode est louable. Mais elle a rarement fonctionné, tant le dialogue entre patronat et syndicat est impossible dans le pays. Le premier ministre veut aller à rebours de la méthode Sarkozy, en évitant de réformer dans la précipitation. Certes, le temps est une notion très importante. Le cycle économique des entrepreneurs est un temps long, qui a besoin d'une grande stabilité sociale et fiscale. L'Allemagne bénéficie largement d'une politique de Merkel dans la continuité de celle de Schroeder. Mais, s'il est important de "laisser du temps au temps" comme disait Mitterrand, la nécessité d'engager des réformes, elle, ne peut plus attendre indéfiniment. La question n'est plus de savoir ce qu'il faut faire, mais bel et bien de le faire. Et le plus tôt possible, tant on a traîné depuis des décennies. Au lieu de ça, le gouvernement jette à la poubelle, une à une, toutes les réformes du précédent gouvernement (Heures supplémentaires défiscalisés, hausse de la TVA, hausse du périmètre de construction de 30%, réformes des retraites, prime Sarkozy...), illustrant une fois de plus la grande instabilité d'un pays qui règle ses comptes à chaque alternance.

Quant aux réformes, il faudra encore attendre. Une grande réforme fiscale est à prévoir, mais peine à sortir des cartons. Le candidat Hollande jurait ses grands dieux pendant la campagne électorale que la compétitivité n'était pas un problème pour la France. Désormais le président du même nom s'interroge. Le gouvernement a même commandé un rapport à Louis Gallois. Un de plus. On verra le résultat dans un an. Tous les rapports existent déjà. Ils ne demandent qu'à être mis en oeuvre. Ce gouvernement a une chance historique de réformer le pays et de passer à la postérité comme celui qui aura enfin osé. Mais il hésite. Trop explosif pour son électorat, alors que pourtant les enquêtes d'opinion semblent montrer que la France est désormais mature pour entendre des choses difficiles. L'erreur...

Alors que la cour des comptes répète inlassablement à longueur de rapports (Tiens, encore des rapports !) la nécessité absolue d'assainir les finances publiques, le gouvernement se refuse à toucher aux bataillons de la fonction publique. Il y aura bien quelques non remplacement de départ à la retraite, pour compenser l'embauches des 60 000 fonctionnaires, mais pas de réformes structurelles de grandes ampleurs dans l'appareil administratif. Ou supprimeront-ils les 60 000 postes ? A part, comme d'habitude, dans l'armée (qui ne doit plus avoir grand monde...), le gouvernement ne sait pas. Quant c'est flou, c'est qu'il y a un loup avait dit quelqu'un... Reste que la fonction publique se prépare malgré tout à une cure d'austérité salariale. Incapable de dégraisser ses effectifs, c'était inévitable. Il y a sans doute moyen de faire bien mieux . Les fonctionnaires risquent bientôt de regretter la présidence Sarkozy, plus généreuse sur les salaires dans la fonction publique. Qui l'aurait cru ? Néanmoins, rien à voir avec les coupes sombres de plusieurs dizaines de milliards que l'on voit en Italie, en Espagne, au Portugal ou en Grande-Bretagne. Autre bombe, le problème des dépenses sociales (santé, retraites...) qui explosent et deviennent hors contrôle avec le vieillissement de la population.

Mais le plus grave, c'est peut être la stratégie économique du gouvernement. Elle est peu lisible, et va à rebours des recommandations européennes et de la cour des comptes. La stratégie économique de Hollande et Ayrault semble en effet davantage guidé par un reste d'anti-sarkozysme, que sur une vision claire. Hou, hou, la campagne électorale est terminé, vous êtes aux responsabilités ça y est, Sarkozy est parti ! 10 ans d'opposition, et bien peu d'idée à proposer finalement. Du coup, on détricote tout ce qui a été fait avant. Les RGPP, on arrête. Les heures supplémentaires défiscalisées, on arrête. La hausse de la TVA, on arrête. La réforme des retraites, on arrête... La cour des comptes (ce n'est pas Sarkozy pour le coup) dit : "réduisez vos dépenses et augmentez la TVA ou la CSG". Le gouvernement ne réduit en rien ses dépenses, et ne s'attaque qu'à des symboles gadgets (Salaire des ministres en baisse de 30%). Il avoue lui-même que ça ne rapportera rien. La TVA, pas question d'y toucher. La CSG non plus. Pour l'instant en tout cas. Mais entre les deux, le coeur de Ayrault pencherait quand même pour la CSG. La ministre de la fonction publique, Marylise Lebranchu, souligne pourtant avec justesse que la CSG fait peser une fois de plus le matraquage fiscale sur le travail, et non sur le choix de consommation. Curieuse façon d'encourager le travail. Surtout quant on s'interroge (enfin) sur la compétitivité.

Quant aux tranches d'imposition nouvelles (à 45%, hausse de l'ISF) et le fameux impôt à 75%, est là un encouragement pour entreprendre en France ? Pas sûr. Et une incitation des capitaux étrangers à investir massivement ? Pas sûr non plus. La France est déjà largement imposée, et la seule arme fiscale risque de se révéler bien maigre au moment de faire les comptes. La hausse du SMIC ? De l'avis de beaucoup d'économistes, elle dessert plutôt la compétitivité des emplois peu qualifiés. Assez contre-productif là encore. Et ce que cette hausse du SMIC va coûter à l'Etat ? Ne demander pas à Jérôme Cahuzac. Il a séché sur cette question sur le plateau du grand journal de canal plus. Mais qui est donc ce Jérôme Cahuzac ? Le ministre du budget de ce gouvernement. Ça rassure. Pour le reste le commissaire à la production, Arnaud Montebourg, chapote tout, et nomme un expert sur chaque plan social. Il ne peut guère faire mieux,  l'Etat n'a plus d'argent. On pourrait cependant lui conseiller de relire Schumpeter, et son concept de "destruction créatrice". En temps de crise, nombre d'entreprises disparaissent, c'est irrémédiable. Mais d'autres aussi apparaissent, pour construire le futur de demain. Le drame, ce n'est pas tant que des entreprises disparaissent, mais plutôt qu'un nombre insuffisant apparaisse, et que la formation ne s'y adapte pas suffisamment rapidement. Pour faire vivre l'économie, juste au cas où, il y a éventuellement "l'entrepreneur" de ce fameux Schumpeter qui peut aider. Il peut créer de la croissance, si toutefois on ne lui change pas les lois sociales et fiscales tous les quatre matins.

Pour finir, je ne peux résister à l'envie de reproduire cette citation : "L’Ancien Régime professait que la sagesse seule est dans l’Etat, que les sujets sont des êtres infirmes et faibles qu’il faut toujours tenir par la main, de peur qu’ils ne tombent ou se blessent ; qu’il est bon de gêner, de contrarier, de comprimer sans cesse les libertés individuelles ; qu’il est nécessaire de réglementer l’industrie, d’assurer la bonté des produits, d’empêcher la libre concurrence. L’Ancien Régime pensait sur ce point, précisément comme les socialistes d’aujourd’hui. Et qu’est-ce qui a pensé autrement, je vous prie ?  La Révolution française.". Cette citation est on ne peut plus d'actualité ? Elle date pourtant de 1848. L'auteur en est le penseur politique français du XIXème, Alexis de Tocqueville...