lundi 28 mai 2012

Chronique d'une présidence normale (1)

Investiture en grande pompe, sommet franco-allemand, nouveau premier ministre, nouveau gouvernement, sommet de l'OTAN, sommet du G8, sommet européen. La présidence normale a commencé sur les chapeaux de roues, à un rythme finalement presque aussi tonitruant que sous le sarkozysme. Autant d’évènements, et autant d'occasions de satisfecit pour le nouveau pouvoir en place. Enfin, d'après sa propre version. Car pour la réalité, on nuancera quelque peu...

Depuis l'élection du candidat socialiste, les journalistes ne sont pas en reste. Le candidat Hollande les avait déjà particulièrement choyés pendant la campagne électorale. Imaginez, un bus mis à disposition pendant toute la tournée du candidat. Le "Hollande tour" ça s'appelait. Une campagne électorale tout confort avec le futur président. La presse étrangère s'est gaussée de ces liaisons dangereuses entre le candidat et la presse française. Qu'importe. Certains se délectaient alors déjà de la futur présidence Hollande. "On va nous emmener dans le Air Hollande One" disaient ils. Bientôt la grande vie, après tant de souffrance sous Sarkozy. Une fois élu, le nouveau président n'a pas oublié ses nouveaux amis. Il les a même remerciés pour leur participation au "Hollande tour". Et parle d’établir d'une nouvelle relation avec eux, faite de "respect". Comprenez par là de "services rendus".

Car derrière cette nouvelle idylle, se cachent des considérations un peu moins glamours. Une vieille revendication des journalistes : l'abattement de 30% pour leurs frais professionnels. Supprimé en 1996 par Alain Juppé, faisant alors la chasse aux niches fiscales inutiles, cet abattement est devenu le cheval de bataille des journalistes, dont à sa tête une certaine Valérie T. (cherchez...). En 2008, fin de non recevoir de Sarkozy sur le sujet, qui sonne aussi la fin de son idylle avec les journalistes. Grave erreur. C'est donc François Hollande, ce héros, qui rétablira le juste avantage fiscal qui leur est dû. Les journalistes vont donc à la soupe, et avec zèle. Sommet franco-allemand, un succès. Nouveau gouvernement, formidable. Sommet de l'OTAN, François Hollande tient magnifiquement son rang. Sommet du G8, François Hollande impose la croissance aux grands de ce monde, qui s'inclinent devant sa brillante vision. Sommet européen, François Hollande impose les eurobonds au reste de l'Europe, béate d'admiration. "La presse est unanime" pourrait on écrire sur l'affiche de ce nouveau spectacle. Seule ombre au tableau, le sort du magazine Marianne. Un business model orienté exclusivement sur la rejet de la personne de Sarkozy, ce "voyou" et "pétainiste". En retrait de la vie politique, il va falloir trouver autre chose à vendre aux gogos. Mais que François Hollande se souvienne de la grande règle des journalistes. Tous les politiques l'ont subi, de Mitterrand à Sarkozy, de Balladur à Jospin. C'est la règle des trois "L" : Lécher, Lâcher, Lyncher. La lune de miel ne durera pas éternellement. Car plus fort encore que les hochets, les journalistes suivent avant tout l'opinion de leurs lecteurs, et se retourneront avec celle-ci avec le même unanimisme...

Mais, qu'on ne parle pas de connivence entre les politiques et les journalistes. Ça n'existe plus ces femmes de ministres journalistes, telles que, par le passé, Anne Sinclair, Christine Ockrent ou Béatrice Schoenberg. Enfin presque plus. Il y a bien Audrey Pulvar, compagne d'Arnaud Montebourg, qui sévit sur France 2 et France Inter. Ah oui, et puis aussi Valérie de Senneville, du journal les échos, alias madame Michel Sapin, ministre du travail, qui s’interroge sur son avenir professionnel. Ah oui, j'oubliais, il y a enfin Nathalie Bensahel, du Nouvel Obs, qui est également la femme de Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. On ne cite évidemment plus notre nouvelle première dame, Valérie Trieweiller, représentante de Paris Match et Direct 8. Mais qu'importe, les journalistes sont totalement indépendants, et savent parfaitement faire la part des choses. La connivence entre le pouvoir et les médias, ça n'existe pas. Le "Hollande tour" est une invention de l'esprit ou des journalistes étrangers, qui n'y comprennent décidément rien à cette exception française. Pas de connivence ? Et les poils à gratter gauchisant de France Inter, Stéphane Guillon et Didier Porte, virés sous Sarkozy ? Le fait du prince. Et Eric Zemmour, poil à gratter de droite, bientôt viré de RTL ? Pour devancer les désirs du nouveau prince. Digne des plus belles heures de l'ORTF...

Enfin, qu'importe les médisants. Ce gouvernement est quand même formidable. Parité parfaite, réduction du salaire des ministres de 30%, charte de déontologie, exemplarité, pas de ministre condamné par la justice. Pas de ministre condamné par la justice ? Le candidat Hollande avait été très clair : "Je n'aurai pas autour de moi, à l'Elysée, de personnes jugées et condamnées". Bravache, il ajouta même : "Vous me rappellerez cette phrase, si jamais je venais à y manquer". Un gouvernement Ayrault irréprochable donc ? Et là, ça commence mal. Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, condamné en 1997 à 6 mois de prison avec sursis pour favoritisme. Merci les camarades du PS pour cette peau de banane avant la nomination à Matignon. Oui, mais il n'y a pas eu enrichissement personnel. Ah bon, alors ça va dans ce cas. Pourquoi une condamnation dans ce cas ? Et la ministre de la Justice, Christiane Taubira, condamnée pour licenciement abusif d'une collaboratrice en 2004 ? Oups, on y avait pas pensé. Et Arnaud Montebourg, ministre du savoureux ministère du "redressement productif", condamné la semaine dernière pour injure envers les dirigeants de SeaFrance ? Oui, mais ce n'est pas bien grave. En somme, à moins d'avoir été condamné pour braquage ou détournement de fonds conséquent, la règle semble souple. Heureusement que la nouvelle ministre déléguée à la justice, Delphine Batho, quitte enfin le logement social qu'elle occupait à Paris, contre l'avis même de la municipalité socialiste. On aurait pu penser qu'il y avait des casseroles dans ce gouvernement. Ouf, nous sommes rassurés !

Oui, mais prenez le bilan de Hollande tout de même. N'est y pas formidable ? Angela Merkel a enfin accepté de le recevoir, et l'a même reçu comme un chef d'Etat. C'est bien la preuve qu'il a l'étoffe, non ? Lui même n'a-t-il pas d'ailleurs bravé la foudre qui s'est abattue sur son jet présidentielle ? Et au sommet de l'OTAN, et au G8 ? Pareil. Reçu en président. Quelle stature ! Sauf qu'il est président. Recevoir un président élu, quoiqu'on en pense, c'est quand même la moindre des choses. Il n'y a pas de quoi en tresser des lauriers. Oui, mais regardez comme il impose ses idées. Au sommet de l'OTAN, il a défendu le retrait des troupes françaises d’Afghanistan dès 2012. Et il l'a obtenu ! Sauf pour les formateurs qui resteront en 2013, ce qui était le plan initialement prévu. Mais il faut bien enjoliver un peu, non ? Et le G8 alors ? François Hollande a défendu et imposé l'idée qu'il fallait de la croissance. La grande idée. Qui donc a bien pu être contre ? D'ailleurs, la croissance était largement au menu des précédents G8. Rien de nouveau à Chicago. Mais il faut bien enjoliver un peu, non ? Le président s'adresse d'ailleurs à lui-même un satisfecit, estimant qu'en plaidant pour la croissance au G8, son mandat est déjà "honoré". C'est si simple la politique finalement. Ne manque plus que la signature du décret instaurant la croissance.

Et le sommet européen de Bruxelles la semaine dernière alors ? Exemplarité et efficacité, là c'est incontestable. Voyage aller en train et voyage retour en voiture, pour faire des économies. Sauf que le jet présidentiel suivait, au cas où, et que le passage du train a nécessité une sécurité hallucinante sur le parcours franco-belge. Economique vraiment ? Quant au retour nocturne en voiture, avec toujours le jet qui suit, il faisait plus penser à la femme de Laurent Fabius allant chercher son mari en conseil des ministres en 2CV dans les années 80. Un mauvais sketch. Enfin, François Hollande aura au moins imposé sa grande idée des eurobonds au reste de l'Europe. Oui, sauf que la moitié de l'Europe rejette les eurobonds, et que c'est précisément cette moitié qui doit les payer. De plus, on ne dit pas beaucoup que l'introduction des eurobonds est contraire aux traités européens. Y recourir nécessiterait de faire ratifier de nouveaux traités dans tous les pays de la zone euro, voire d'Europe. Autrement dit, le jour où les eurobonds seront mis sur le marché, la zone euro aura éclaté depuis longtemps...

Maintenant, si l'on regarde du côté de l'opposition, rien de bien réjouissant. La "droite la plus bête du monde" est de retour. Elle promet même d'être une cuvée exceptionnelle. Alors que les élections législatives s'annoncent perdue, celle-ci n'hésite pas déclencher sa guerre des chefs. Le match Fillon-Copé a commencé. Car, ce n'est pas la défaite qui est recherché aux législatives, mais bien la Bérézina. A quoi bon sauver quelques sièges de députés, puisque la bataille est perdue. Autant laisser Hollande se dépatouiller dans la crise. Il n'y aura plus qu'à se baisser en 2017 pour ramasser les morceaux. C'est ce que pensaient certains en 1981. On sait ce qu'il en est advenu...

Reste la palme à François Bayrou, qui se sera attaché, avec méthode, à disparaître du paysage politique. A force de n'être ni de gauche, ni de droite, il a fini par être nulle part. A force de se brouiller avec la droite, puis avec la gauche, il ne sera probablement pas réélu dans la circonscription de son Béarn natale. Chapeau l'artiste. 

Une président normale quoi...

A suivre...

jeudi 24 mai 2012

Croissance ! croissance ! croissance !...

"Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri en disant l'Europe ! l'Europe ! l'Europe !... mais cela n'aboutit à rien et cela ne signifie rien". Le général de Gaulle, alors en pleine campagne électorale d'entre deux tours lors de la présidentielle de 1965, prononça cette célébrissisme phrase lors d'un entretien télévisé avec Michel Droit. Remplaçons maintenant le mot "Europe" (quoique ?) par "Croissance", et la phrase prend tout son sens. Oui, on entend beaucoup ces jours-ci "Croissance ! Croissance ! Croissance !...", sans que cela ne fasse bouger d'un iota les problèmes européens de croissance. Dans le rôle du cabri, il y a bien sûr François Hollande, ainsi que Barack Obama, mais aussi d'autres dirigeants européens (Monti, Rajoy...), qui espèrent encore échapper aux lourdes et douloureuses réformes qui les attendent et qu'ils peinent à engager dans leurs pays.

Le nouveau président français, François Hollande, se targue d'avoir été le premier à parler de croissance, et semble vouloir prendre la tête des pays qui veulent de la croissance. Il s'est d'ailleurs félicité qu'au cours du G8, ses voeux de croissance aient reçu le soutien du président Obama, et de certains partenaires européens (Monti). "Oui à la croissance", telle est donc la conclusion de ce sommet. Mais de qui se moque-t-on ? Fallait-il donc organiser un aussi coûteux barnum pour affirmer une pareille évidence ? Y a t il donc des gens pour contester que la croissance est nécessaire pour assurer la prospérité de nos sociétés ? A part quelques militants écologistes de la décroissance, je ne crois pas. Ce sommet entre les grands dirigeants de ce monde avait en réalité plutôt des allures de réunion de politburo, comme au temps de l'URSS avec ses Staline et Molotov. Manquait néanmoins une information au sortir de ce G8. Quel taux de croissance le soviet suprême a-t-il officiellement fixé aux planificateurs de l'économie ?

Blague à part, ce G8, ainsi que la réunion "informelle" d'hier soir entre les 27 dirigeants européens, semblaient marquer l'offensive des pro-croissance contre les pro-austérité. Avec un objectif, isoler la chancelière allemande Angela Merkel, qui défend bec et ongle son pacte budgétaire européen, et se veut gardienne de la bonne gestion de l'économie allemande depuis 10 ans. Cette offensive du président français pour faire adopter un pacte de croissance rencontre d'ailleurs, il faut bien le dire, un certain engouement, notamment s'agissant de sa proposition d'émission d'eurobonds (ou euro-obligations). Ces euro-bonds, c'est en quelque sorte une mutualisation des dettes de tous les pays de la zone euro, qu'ils soient très endettés ou pas, qu'ils aient une gestion rigoureuse ou non. En somme, la solution miracle pour secourir les pays de la zone euro asphyxiés par des taux d'intérêt très élevés (Grèce, Portugal, Irlande, Espagne, Italie...). Pas étonnant donc que, lors de la réunion d'hier, le président Hollande ait précisément reçu le soutien de la Grèce, du Portugal, de l'Espagne, de l'Italie... Au delà des étiquettes politiques. La chancelière allemande, qui a opposé une fin de non recevoir à ce projet d'euro-bonds, a , quant à elle, été soutenue par les Pays Bas, la Finlande ou encore la Suède (qui n'est pas dans l'euro). Précisément les pays d'Europe les plus vertueux. On ne peut que regretter que, dans cette confrontation entre les bons et les mauvais élèves, la France ait pris la tête de la seconde catégorie.

Car dans l'esprit du nouveau président français, pas de doute. Plutôt que de l'austérité, il faut de la croissance par la relance. La règle d'or budgétaire attendra, les réformes de l'Etat attendront, les coupes douloureuses dans les budgets sociaux attendront. Car, pour créer de la croissance, rien de tel que de la relance keynésienne : hausses des dépenses publiques, programmes de grands travaux, hausse des prestations sociales. Cela a un coût, certes, mais avec la magie du "multiplicateur keynésien", l'économie se relance, et la dette est remboursée plus tard... ou jamais. Car le mécanisme fonctionne mal. La référence des keynésiens, c'est le New Deal de l'après crise de 1929, lancé par le président Roosevelt. On sait depuis, en observant les chiffres de l'économie américaine des années 1930 (Chômage, croissance...), que c'est la guerre de 39-45 et la demande massive en armement qui ont véritablement relancé la machine économique américaine, et assez peu les plans de Roosevelt. Mais l'illusion est restée. Les pays européens subissent d'ailleurs précisément l'échec et l'endettement des plans keynésiens de 2008-2009.

L'austérité, voilà donc l'ennemi. C'est elle qui tue la croissance. Arrêtons donc immédiatement ces terribles plans de rigueur qui font plonger l'Europe un peu plus dans la crise. Cependant, à y regarder de plus près, il n'en est rien. A écouter les médias, de terribles coupes budgétaires seraient en train d'asphyxier les populations italiennes, espagnoles, portugaises, et bien sûr grecques. En réalité, il n'y a pas de coupes budgétaires drastiques. Les salaires de la fonction publique sont gelés, certes, mais ne baissent pas. Les pensions de retraite sont gelées, mais ne baissent pas. Elles augmentent même légèrement en Espagne. La terrible hausse de la fiscalité se traduit en fait essentiellement par une légère augmentation de la TVA. Les gouvernements ne remplacent pas la majorité des fonctionnaires partant à la retraite, mais n'en licencient pas. Plus révélateur, il n'y a en réalité pas d'austérité à proprement parler, puisque les dépenses publiques des Etats sont, malgré tout, en hausse ! On a simplement freiné la hausse, en limitant, comme le propose en France François Hollande, l'augmentation des dépenses à 1% du PIB. C'est loin d'être la fête, mais ce n'est pas ça l'austérité.

La politique de rigueur, l'Allemagne l'a connu depuis 2002. Initiée par Gehrard Schroeder, chancelier social-démocrate, elle a été strictement poursuivie par sa successeur, Angela Merkel, démocrate-chrétienne. Une politique économique cohérente sur la durée, malgré l'alternance. Voilà déjà un élément clé. Conscient, dès l'entrée dans l'euro, des failles du modèle social allemand, ces deux chanceliers se sont donnés le temps d'adapter leur pays à la compétition mondiale. Pour en tirer aujourd'hui les bénéfices. Et, puisqu'on décrit l'austérité comme ennemie de la croissance, intéressons nous au cas allemand. En 2011, l'Allemagne est à 3% de croissance quand la France est à 1,7%. Et pour le 2ème trimestre 2012, voici les prévisions : Allemagne +0,7%, France +0%, Espagne en récession, Italie en récession, Portugal en récession, Grèce en récession. Tout est dit. Une bonne gestion budgétaire tuerait donc la croissance. Encore un mythe à combattre. A noter un fait historique hier. L'Allemagne émet avec succès des obligations d'Etat sur 2 ans à 0% de taux d’intérêt ! Les investisseurs préfèrent perdre un peu d'argent, à cause de l'inflation, plutôt que d'aller sur de la dette toxique. C'est un signal particulièrement alarmant.

Admettons en tout cas que la situation de l'Europe, et particulièrement de la zone euro, est dramatique du point de vue de la croissance. Pour 2012, les Etats Unis prévoit une croissance d'au moins 2%, La Chine pourrait avoisiner les 7,5%. La zone euro, elle, sera au mieux à croissance nulle, au pire en récession. Les Etats Unis, comme souvent, ont su rebondir après la crise financière, en faisant confiance à son secteur privé pour rester le moteur de l'innovation mondiale, et le paradis des entrepreneurs. La croissance est cependant timide, car plombée par une lourde dette, sorte de gigantesque bombe à retardement. La Chine, elle, n'innove pas encore, mais reste l'usine du monde. Avec ce modèle, parfois contestable au regard du droit social, le pays trouve toujours son compte. Innovation aux Etats Unis, travail en Asie. L'Europe peine à trouver sa place dans le schéma économique mondial. En pleine désindustrialisation, et avec une frénésie de consommation, elle peine cependant à concurrencer les innovateurs américains. Clairement, l'Europe est en panne et sa croissance aussi.

Reste donc les fameuses initiatives pour la croissance proposées par certains, François Hollande en tête. Au programme : Une taxe sur les transactions financières, que la Suède a déjà testé il y a plus 20 ans sans succès, au point d'y renoncer. Des projets keynésiens d'infrastructures, sous forme de "project bonds", qui peuvent avoir une utilité, à condition d'en avoir besoin, mais qui se révèlent surtout être de la dette supplémentaire, et un moyen de placer ses amis politiques au chaud au sein de technostructures ingérables. Le New Deal des années 30 l'a déjà fait. La palme du non sens économique enfin : les fameux "eurobonds". Certainement le meilleur exemple d'aléa moral qui soit. Suite à une mauvaise gestion vous devez emprunter à 6% ? Pas de problème, on mutualise avec un bon gestionnaire qui emprunte à 0%, et vous allez désormais emprunter à seulement 3%. Magique non ? Alors ruez vous à nouveau sur les emprunts, c'est pas cher. Il est tout de même frappant de constater que la principale réponse à la crise de la dette est, pour certain, d'émettre encore et toujours plus de dettes. Mais si on n'y réfléchit bien, pourquoi des Etats comme la Grèce, L'Espagne ou l'Italie ont pu s'endetter à ce point ? Tout simplement par le mécanisme implicite des euro-bonds qu'est la monnaie unique, l'Euro. Car pendant des années, la magie de l'Euro a fait que les Grecs empruntaient au même prix que les allemands. Jusqu'à ce que la réalité économique les rattrape.

Pour la croissance, il n'y aurait donc rien de mieux que de la dette et les fumeux euro-bonds ? Si. Le 22 février dernier, pendant la campagne présidentielle française, et avant même que François Hollande ne se fasse chantre de la croissance, plusieurs dirigeants européens (David Cameron, Mariano Rajoy, Mario Monti, Mark Rutte, Donald Tusk...) ont envoyé une lettre à Herman Von Rompuy et  José Manuel Barroso, proposant un certain nombre de pistes pour doper la croissance européenne. Et ici, pas de nouvelles dettes, pas de frénésie fiscale, pas de solutions gadgets coûteuses. Essentiellement des réformes de structures, et une convergence européenne accrue : achèvement du marché unique, élimination des obstacles à la concurrence dans certains secteurs protégés, ouverture du marché des services, marché unique de l'énergie, espace unique de transport européen, réduction des réglementations sur les entreprises, mesures en faveur d'un meilleur fonctionnement du marché du travail, responsabilisation et renforcement du secteur financier... Presque un retour au grand rêve du marché unique européen finalement. Mais surtout, la philosophie des initiatives proposées, c'est de faire confiance aux entreprises, aux entrepreneurs, aux hommes, à leurs idées, à leurs innovations... Ce qui reste la seule et unique façon de créer de la croissance. A l'heure de l'euro-bond triomphant, il n'est peut être pas trop tard pour exhumer ce texte...

mardi 22 mai 2012

Quand Milton Friedman parlait de la fin de l'Euro...

L'euro est voué à l'échec. D'ailleurs, les pays de l'Euroland vont connaitre une période de fortes turbulences, et la zone euro risque d'imploser d'ici 5 à 15 ans. En effet, le moindre problème économique d'un des pays de la zone se propagera et contaminera les autres. De plus, la structure économique de l'Europe ne plaide pas en faveur de l'adoption d'une monnaie unique : la force de travail en Europe est insuffisamment mobile, les blocages économiques difficiles à résoudre, et les barrières culturelles nombreuses. "Ennemi de la démocratie", l'euro ne fera qu’accroître les différences économiques des pays de la zone, au lieu d'apporter de la stabilité. "Illusion technocratique", elle ne parviendra pas à remplacer le dollar comme monnaie de référence. "Contre-nature", cette monnaie engendrera des crises que l'Europe paiera un jour au prix fort.

Cette analyse ne date pas de 2011 ou 2012 comme on pourrait s'y attendre, mais de 1992, l'année de ratification du traité de Maastricht, établissant une monnaie unique en Europe. Et les propos précis, cités en préambule, ne datent pas d'il y a quelques jours, mais de 2002, l'année d'entrée en vigueur de l'euro. Enfin, cette démonstration, qui nous frappe par sa justesse et son caractère prémonitoire, n'est pas l'oeuvre d'un souverainiste, mais d'un économiste éminent : Milton Friedman. En effet, le prix Nobel d'économie 1976, pape du libéralisme, et chef de file de l'école monétariste de Chicago, s'est opposé dès le départ au projet de monnaie unique en Europe. C'est ainsi que, dès 1992, il mettait en garde l'Europe contre un tel projet, pointant du doigt les différences profondes entre les économies et cultures des nations européennes. Avertissement qu'il renouvela plus précisément en 2002, par le biais d'une série d'interviews dont on a compilé ci-dessus les propos.

Au regard de l'actualité de ces derniers mois, et particulièrement de ces dernières jours, on ne peut qu'être frappé par l'exactitude du scénario décrit 10 ans auparavant par l'économiste américain. Oui, la zone euro risque d'imploser. Oui, les problèmes économiques d'un pays se propagent dans le reste de la zone. Oui, la structure économique de l'Europe s'est révélée trop hétérogène, et a pâti de l'absence de convergence. Oui, la monnaie unique voit se dresser contre elle de plus en plus de peuples européens. Oui, elle est perçue comme le fruit de la technocratie européenne. Oui, l'euro n'arrive pas supplanter le dollar comme monnaie de référence. Et oui, l’Europe va le payer le prix fort. Cependant, si en 1992 Milton Friedman a eu une certaine perspicacité, en 2002, il avait surtout sous les yeux un exemple de crise due à de mauvaises décisions de gestion monétaire : l'Argentine. Et quand on regarde de plus près l'exemple Argentin, on comprend mieux les déboires de l'euro, tant les similitudes sont frappantes.

Mais que s'est il passé en Argentine ? Petit retour en arrière. Dans les années 80, le peso argentin souffrait d'une instabilité chronique et le pays était touché par l'hyper-inflation. Pour stabiliser cela, l'Argentine du président Menem va adopter le système du "Currency board" ("Caisse d'émission monétaire"). Le principe est très simple : Le peso argentin devient lié au dollar américain par un système de change fixe. Sorte de "dollarisation" de l'économie argentine. Si cette politique porte ses fruits dans un premier temps et stabilise l'économie, le vent tourne à partir de 1998. Crise financière en Asie, crise des matières premières. Le pays rentre à son tour en crise, et les recettes fiscales chutent. Plus grave, le pays n'a pas fait de réformes structurelles et mène au contraire une politique budgétaire laxiste. Il n'est pas préparé pour amortir la crise. Normalement, dans cette situation, c'est la dévaluation assurée. Impossible avec le "Currency board". Le peso suit le cours du dollar, alors très haut à l'époque. Incapable de se réformer, le pays plonge dans une très grave crise. Déficit des balances extérieures qui creusent davantage encore le déficit face à des économies à plus faibles devises (Brésil...). Les problèmes s'accumulent alors : hausse du chômage, forte inflation, taux d'intérêt vertigineux, incapacité de rembourser la dette... Les remèdes d'austérité budgétaire préconisé par le FMI ne suffisent plus. Le peso-dollar devient clairement le problème de l'Argentine. Pour s'en sortir, les remèdes incontournables arrivent à la rescousse. D'abord une forte dévaluation du peso qui redevient flottant face au dollar. Ensuite une renégociation avec les créanciers pour le remboursement de la dette. Ces derniers doivent renoncer à une grande partie du remboursement (de 60% à 75%). Enfin pour tenter d'équilibrer les comptes, des réformes fiscales conduisent à une hausse importante des impôts. Ajouter à cela, des réformes structurelles, notamment sur le partage des pouvoirs entre gouvernement fédéral et les provinces. Avec notamment une sorte de "règle d'or" budgétaire pour revenir à l'équilibre. Moyennant quoi l'Argentine a pu repartir, et son économie se porte aujourd'hui nettement mieux, malgré des zones d'ombres persistantes sur ses déficits et la solidité de sa monnaie.

Revenons maintenant au cas de l'euro. L'adoption de cette monnaie unique a repris un principe similaire au "Currency board" argentin : le change fixe. En effet, exit le change flottant entre les devises européennes, dont certaines étaient en proie à des instabilités chroniques, et place au change fixe. Toutes les monnaies deviennent en gros indexé sur le Deutchmark, la monnaie la plus forte des pays de l'euro.

Sauf qu'avoir une monnaie forte peut être un désavantage compétitif majeur à l'exportation. Pour prévenir cela, des politiques de déflation compétitive, de modération salariale, d'équilibre budgétaire, et de réformes structurelles s'imposent. L'Allemagne, que Milton Friedman considérait en 2002 comme le maillon faible (!), a fait ses réformes structurelles. Et s'est accommodée de l'Euro. Les autres pays de la zone ne les ont pas poussées assez loin (pour les pays du nord de l'Europe), voire pas commencé du tout (La France et les pays du sud de l'Europe). Suivant en cela le modèle argentin. Arrivée la première grave crise financière de son histoire (subprimes), et l'Euro tangue. La Grèce, la plus fragile, se retrouve alors, de façon extrêmement frappante, dans la même situation que l'Argentine dans les années 1998-2002 : chômage, récession, dette abyssale, taux d'intérêt astronomique, situation de défaut partiel, et sous perfusion du FMI et de l'Union Européenne, qui ont déjà mis plus de 130 milliards d'euro sur la table. A fond perdu. Les timides mesures d'austérités arrivent bien trop tard. Et l'économie grecque ne fonctionne clairement plus avec l'euro.

Car enfin, soyons clair : la Grèce va évidemment sortir de l'Euro dans les mois qui viennent. A la lumière de l'exemple argentin, on comprend bien que le système de change fixe imposé à la Grèce l'empêche de redémarrer. Elle va donc devoir retourner aux drachmes, qui sera immédiatement, et très fortement, dévalué. Ensuite, il ne faudra pas se faire d'illusion. La Grèce va renégocier et rééchelonner le remboursement de sa dette, devenu impossible à rembourser. Clairement, certains épargnants et établissement bancaires n'en reverront pas une bonne partie de la couleur. Enfin, la Grèce va devoir se contraindre à des ajustements structurels, toujours repoussés, et à mettre en place une profonde réforme fiscale. A moins de descendre encore davantage en enfer. Les grecs anticipent déjà ce scénario. Des centaines de millions d'euro sortent chaque jour des banques grecques. Les investisseurs et les capitaux fuient.

L'éclatement de la zone euro devient donc clairement d'actualité. Après la Grèce, le Portugal et l'Espagne pourrait suivre le même chemin que l'Argentine. De même que l'Italie. Les réformes structurelles arrivent là aussi beaucoup trop tard, et ne sont pas à la mesure du drame qui se préparent. On se contente d'une limitation de la hausse des dépenses, plutôt que d'une vrai réforme de l'Etat. Et leurs dettes ne sont tout simplement plus soutenables. Un défaut partiel est inéluctable. La France va, quant à elle, passer la barre symbolique des 90% d'endettement. D'après les économistes, en dessous de cette barre, c'est 1% de croissance en moins par an. On se prépare donc à une décennie très difficile. Quant à l'Allemagne, même ce bon élève pourrait se lasser d'être une locomotive d'un train devenu trop lourd à tirer. Elle pourrait vouloir sortir d'une zone euro qui prend l'eau de toute part. Les défauts qui s'annoncent sont d'une ampleur incomparable avec la Grèce, qui représente seulement 2,5% du PIB de la zone euro. Ni le FMI, ni l'union européenne, prêteurs de dernier ressort, ne sont préparés à l'ampleur du défaut qui ce dessine, et qui sera un cataclysme à l'échelle européenne et mondial.  

Reste une dernière option sur la table, mais qui n'est que rarement évoquée : une forte dévaluation de l'euro. Ce serait pour les Allemands manger leurs chapeaux, après tous les ajustements et réformes entreprises depuis 2002. Mais, pour la plupart des pays de la zone euro, ce pourrait être un peu d'oxygène, notamment face au dollar et au yuan, tombés à des niveaux relativement bas. L'avantage, c'est que cela pourrait assurer la survie à court terme de la zone euro. Et favoriser les exportations, à condition toutefois d'avoir des produits à exporter. Le danger, c'est évidemment un appauvrissement de la zone, le retour d'une inflation monstre sur nos importations, et une hausse des taux d'intérêt, qui pesera à nouveau sur notre dette. Quoiqu'il en soit, le pire est clairement devant nous...

Quand Milton Friedman parlait de la fin de l'euro...

dimanche 20 mai 2012

Facebook m'a tuer de A. des Isnards et T. Zuber

Quand on a lu L'open space m'a tuer, on a rapidement envie de découvrir le deuxième opus du duo Alexandre des Isnards et Thomas Zuber, Facebook m'a tuer. C'est chose faite. Les auteurs utilisent avec bonheur les mêmes ingrédients que dans le premier ouvrage, au travers de saynètes inspirées de la vie réelle, s'attaquant une nouvelle fois avec justesse et ironie aux comportements de ces cadres branchés urbains. Toujours enfermés dans les open space, ils sont également accros des réseaux sociaux, et connectés non stop sur Facebook, Twitter... Sans être une analyse sociologique ou psychologique poussée, ces histoires sont néanmoins révélatrices des nouveaux modes de vie de la génération web 2.0.

Nous pouvons tous observer, autour de nous, les changements décrit sur la façon gérer les relations sociales, que ce soit sur le plan amical, familial, affectif ou professionnel. Peut être sommes nous déjà nous même touchés par l'addiction ? Il est encore temps de s'en assurer, et de se plonger dans la lecture du livre. Certaines saynètes particulièrement parlantes, et  nous feront prendre un peu de recul sur nos addictions à ces réseaux sociaux.

Ce qui est ici raconté, c'est en réalité un peu l'histoire de la génération Y, né entre 1980 et 2000, et dont la vie est marquée par la culture informatique (Démocratisation des ordinateurs personnels), la mobilité (génération baladeurs, téléphones portables), et désormais les contacts virtuels via les réseaux sociaux, et notamment le premier d'entre eux : Facebook. Car désormais, tout ce passe sur Facebook. Ne pas y être, surtout quand on est de la génération Y, c'est se couper du monde. Et au delà de l'isolement, c'est presque devenu suspect. On ne demande plus un numéro de téléphone, on se "capte" sur Facebook. On ne se fait plus des soirées entre amis autour d'un verre, mais plutôt des soirées facebook : chacun chez soi, à surveiller le "mur" des autres. Prêt à commenter.

Et ici, ce ne sont pas les exemples qui manquent. Celui notamment de cette trentenaire, jeune active branchée, qui passe ses soirées sur facebook à tchatter, depuis son canapé, avec ses amies. L'occasion d'alimenter son "statut" de ses pensées les plus profondes, bien que souvent dépourvues d'intérêt ("Je suis en week end", "Il fait beau"...). Le tout bien évidemment sous l'approbation de ses copines, qui se déchaînent en cliquant "like" et en commentant abondamment tout ce qui  bouge. Et la soirée passe vite, car il faut mettre à jour son statut, pour faire le buzz, tout en surveillant l'actualité des autres, pour être sûr de ne rien manquer de fondamental. Une proposition de conversation téléphonique d'une copine ? Méthode à l'ancienne ça. La trentenaire décline et maintient le chat facebook. Moyen de tenir l'interlocuteur suffisamment à distance pour multigérer ses contacts, et toujours préférable pour s'éclipser quand bon nous semble.

Autre exemple. Ce couple qui part en vacances à l'autre bout du monde, armé d'un appareil photo, et dont chaque visite et chaque excursion sont soigneusement pensées dans le seul but, non pas d'en profiter, mais de mettre en scène et immortaliser par un cliché leur bonheur. Car l'album photo finira inévitablement sur Facebook, et le public d'amis virtuels a intérêt à en avoir pour son argent. Pas question donc de louper la photo qui fera exploser le nombre de "like". C'est pourtant ce qui est arrivé à ce couple, qui s'est disputé pour avoir oublier l'appareil photo dans la chambre au moment du plus beau cliché. Impossible dans profiter. Et après le retour des vacances, nuit blanche pour que l'album soit prêt à temps. Le public met déjà la pression sur le "mur" de l'intéressé. D'ailleurs, le statut Facebook est bien utile pour alimenter ses fans en news sur ces vacances. Depuis le compte à rebours quotidien du style "Vacances : J - 7", jusqu'à "Passe de super Vacances" en plein milieu du séjour. La vie est d'ailleurs dure pendant les vacances pour ces jeunes urbains, connectés habituellement jour et nuit, mais éprouvant les pires difficultés à trouver du réseau dès que les contrées deviennent un peu plus exotiques.  

Un autre must des réseaux sociaux, c'est bien sûr Twitter. Le site de micro-blogging instantané, limité à 140 caractères, permet de partager à tous ses "followers" tout ce qui passe par la tête à un moment précis de sa journée. Oui, tout ce qui nous passe par la tête, et c'est même un peu ça le problème. Absence de recul et de la moindre réflexion, course au sensationnel pour être le premier sur le buzz, propos de café du commerce, nombreux sont ceux qui se sont pris les pieds dans le tapis. Un épisode, amusant mais révélateur, suit ainsi cette mère de famille et parent d'élève genre plutôt bobo, et affiliée à la FCPE (Fédération des Conseils de Parents d'Elèves), qui s'acharne sur Twitter, en pleine réunion parents profs, pour faire partager à toutes ses amies "followers" son désarroi et sa colère de n'avoir peut être pas encore de prof d'anglais pour son fils scolarisé en...CM2. Des tweets sans aucun intérêt, mais qui reçoivent néanmoins l'écho d'autres mères de famille, également en ébullition. Qu'on se le dise, la prochaine révolution sera sur Twitter ! On y observe au passage la mentalité de ces nouveaux parents d'élèves. Exigeant envers l'école, peu respectueux des enseignants, prenant la défense systématique de leurs enfants, et reproduisant un comportement de client consommateur en imposant ses propres règles à l'institution scolaire. Description navrante, mais au combien réelle.

Et puis, il y l'allié devenu inséparable de Facebook pour la génération Y : l'Iphone. On ne dit d'ailleurs pas Smartphone, ça c'est pour les autres téléphones. On dit Iphone tout court. Tout une culture. La puissance du marketing. Merci Steeve Jobs. Sans cet inséparable petite merveille de la technologie, Facebook serait-il Facebook ? Car la puissance de l'Iphone, ce sont toutes ces applications que l'on télécharge depuis itunes. Parmi elle, l'application Facebook est un must. Car à chaque sortie dans le monde "réelle", ces urbains Y sont en reportage. L'exemple de ces amies qui se retrouvent le week end pour un brunch. Toutes dégainent évidemment l'iphone pour mettre à jour leur statut. Montrer que l'on fait des choses de son week end. Très important. Et puis comme celà ne suffit pas, on pend en photo les plats qu'on nous apporte, ainsi que ses amies. Et l'on poste instantanément ces photos pour alimenter son statut. Que d'autres s'empressent déjà de "liker" et de commenter. Et gare à ceux qui traînent. On remarque leur absence de réactivité. On est déçu, et vite agacer. Mais que font il donc ? Pourquoi ne commentent ils pas ? Ne suis je pas le centre du monde ? D'ailleurs, allons faire un petit tour sur les autres profils pour en savoir plus. Facebook, le plus formidable outil de surveillance et d’espionnage, que les Renseignements Généraux n'auraient jamais, même dans les rêves les plus fous, mettre en place. Imaginez,  les gens qui déballent volontairement le contenu de leur vie, alors qu'ils auraient refusé catégoriquement si cela avait été exigé par ces mêmes autorités. 

Pour aider à la mise en place de ce réseau d'espionnage volontaire, Google est également de la partie. D'ailleurs ses dirigeants n'affirment ils pas : "Seuls les criminels se soucient de protéger leurs données personnelles", ou encore "Si vous faites quelques chose et que vous voulez que personne ne le sache, peut être devriez vous déjà commencer par ne pas le faire". Google, c'est la culture de l'open source, du partage, et de la transparence. Avec Google Doc, partagez vos documents, qui seront visibles par vos amis et même disponibles en coédition. Avec Google Agenda, partagez votre emploi du temps et surveillez la vie des autres. Quelqu'un ne partage pas son Google Agenda ? C'est louche ça. Appelons la police. Le culte du secret, ou tout simplement la pudeur, n'ont pas leur place ici. Quand on a rien à se reprocher, on partage à la communauté. Les hippies californiens reconvertis dans l'informatique ont gagnés

Il ne faut pas non plus tomber dans la paranoïa, ni rejeter tous ces outils qui s'offrent désormais à nous. La technologie des systèmes d'information est en pleine mutation, et offre des perspectives considérables, presque infinies. Mais, si cette net économie est assurément la nouvelle ère de l'économie en train d'accoucher de la crise par destruction créatrice, gare au phénomène de bulle. Facebook est rentré en bourse vendredi pour une valorisation de 100 milliards de dollars, alors que son chiffre d'affaire n'est que de 3,5 milliards... Est ce que les boutons "like" et "comment" valent vraiment 100 milliards ?

jeudi 17 mai 2012

L'imagination au pouvoir : Merci Hollande !

L'imagination au pouvoir ? C'est un des slogans que l'on pouvait entendre en mai 1968. En ce mois de mai 2012, avec l'annonce de la composition du gouvernement, on se dit que c'est chose faite. Merci à François Hollande, et au nouveau premier ministre, Jean-Marc Ayrault !

Mais, si l'imagination est au pouvoir, ce n'est malheureusement pas dans les idées du gouvernement, mais bien dans sa composition. Car, à défaut d'avoir des propositions audacieuses pour réformer le pays, c'est plutôt dans l'originalité des intitulés ministériels que se trouve l'imagination débordante de cette nouvelle équipe. Ce qui importe avant tout, c'est de faire de l'affichage. Alors on affiche, et on crée des ministères farfelus. Car créer un ministère, ce serait déjà un peu résoudre le problème. Petit aperçu donc des ministères baroques qui nous ont été inventés.

Le trublion du PS, Arnaud Montebourg, hérite ainsi du ministère du "Redressemment productif". Il est vrai qu'il était trop simple de garder l’appellation "ministère de l'Industrie". Avec "Redressement productif", on atteint un double objectif : sous entendre que précédemment rien n'a été fait, et surtout afficher que désormais la ré-industrialisation est en marche. L'audace politique, c'est une simple question de vocabulaire. Autre ministère savoureux, celui délégué à la "réussite éducative", et confié à la député de Paris Georges Pau-Langevin. Est-ce donc là l'aveu que l'éducation nationale ne conduit pas à la réussite, et qu'il faut ajouter une couche ministérielle "réussite éducative" pour y arriver ? Ou bien alors qu'il y aura le ministère de la réussite scolaire, et celui de l'échec ? Interrogée sur le périmètre de ces compétences, la nouvelle ministre a affirmer ce matin n'en rien savoir encore. Pas très rassurant, on pensait tout cela bien étudié. Elle aurait au moins pu jouer un petit couplet sur l'école, la méritocratie, la république. Cela ne mange pas de pain et ça met tout le monde d'accord. 

La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, se voit quant à elle confier le ministère du "droit des femmes". Appellation qui exista sous François Mitterrand en 1981, mais fut depuis souvent remplacée par "Parité". Au delà de l'idée de lutter contre les discriminations, combat nécessaire, c'est plutôt l'intitulé qui interpelle. Ne pourrait on pas tout simplement conclure que, d'après la constitution, les femmes ont les mêmes droits que les hommes ? A la justice de statuer et de sanctionner si ceci n'est pas respecter. Autre trouvaille, le ministère confié à Cécile Duflot. Celle-ci prend ainsi la tête du ministère de "l'égalité des territoires". Auquel s'ajoute le volet logement. En d'autres termes, c'est le ministère de la Ville. Pourquoi "Egalité des territoires" alors ? Sans doute parce qu'il est bon d'afficher en gros "égalité". De l'affichage vous dis-je. Et puis après tout, le ministère de la Ville ça n'a jamais vraiment marché. Alors en changeant de nom, tous les espoirs sont permis.

En revanche, pour le ministère de Michèle Delaunay, on ne s'est pas embarrassé des termes. Elle est ainsi en charge des "Personnes âgés et de la Dépendance". Auparavant, on parlait plutôt du ministère des "Aînés" ou de la cohésion sociale. Ce qui ne voulait pas dire grand chose. Simple question maintenant, après un ministère pour la jeunesse, un autre pour les personnes âgés, pourquoi n'est il rien prévu pour ceux qui se situent entre ces deux âges. Pourquoi pas une sorte de ministère des adultes ? Le porte-parole du PS, Benoit Hamon, se voit lui confier un ministère délégué à "l'Economie sociale et solidaire". Au delà des  clins d'oeil à son électorat, avait on vraiment besoin d'un ministère spécialement consacré à ce sujet (Les sociétés coopératives, mutuelles...) ? Est-ce à dire que ses collègues de Bercy sont en charge de l'autre volet de l'économie, celle qui n'est donc ni sociale, ni solidaire ? Curieux. Quant à la député-Maire de Rouen, Valérie Fourneyron, elle prend en charge le ministère des "Sports, de la Jeunesse, de l'Education populaire et de la Vie associative". "Education populaire" ? Oui, vous avez bien lu. Qu'est ce donc encore que ça ? Probablement les animateurs socio-culturels de MJC. Allez savoir...

Auprès du ministère des affaires étrangères, nous avons aussi un ministre délégué, en charge du développement : Pascal Canfin. "Développement" ? L'intitulé de ce ministère est bien vague, mais on devine qu'il sera en charge d'aller expliquer au monde entier la meilleure façon de se développer. Il est vrai qu'avec une dette abyssale et une croissance nulle, la France a surement beaucoup de bonnes recettes à exporter dans le monde. Enfin, dernière étrangeté, nous avons un ministère délégué au "Transports et à l'économie maritime". Il a été confié à un certain Frédéric Cuviller. Ministère des Transports, ça on connait. Mais pourquoi accoler "Economie maritime". Le bateau n'est il pas un moyen de transport comme un autre ? Y a t-il un traitement spécial réserver à cette "Economie maritime". Quid de "l'économie terrestre" ? Et de "l'économie aérienne" alors ? 

Néanmoins, rendons justice à cette équipe gouvernementale. Ils ne sont pas les premiers (ni les derniers) à nous inventer des ministères farfelus. En 1981, le gouvernement de Pierre Mauroy inventait le resté célèbre ministère du "temps libre". Car c'est un vrai problème à gérer ça que le temps libre. Il fallait bien un ministre pour se charger de ça. Plus récemment, la présidence Sarkozy inaugura les tout aussi baroques ministères "de l'identité nationale" ou encore des "droits de l'homme". Ils ne terminèrent d'ailleurs pas le mandat. Pour le reste, que dire de plus ? C'est un gouvernement, comme il y en a eu beaucoup d'autres auparavant : pas terrible. Il convient toutefois de relever la relative inexpérience ministérielle de cette équipe. Certes, le Parti Socialiste est resté 10 ans dans l'opposition. Mais, sur 34 ministres, seuls 5 ont déjà une expérience ministérielle. Le premier ministre lui-même est novice en la matière. Cela ne préjuge en rien de la suite, mais en temps de houle exceptionnelle, est ce bien prudent ? Enfin, les têtes d'affiches importent peu, c'est plutôt ce qu'elles ont à proposer qui compte. Et c'est souvent là dessus qu'on est déçu...

Reste cependant une belle hypocrisie. La diminution de 30% du salaire du président de la république et des ministres. Pourquoi pas. L'exemple doit venir d'en haut.  Et pour François Hollande, c'est normal, il n'aime pas l'argent. Mais, comme Nicolas Sarkozy avait augmenté le salaire de 170% en arrivant à l'Elysée, une diminution de 30% est en réalité un renoncement bien modeste. Quant aux ministres, si leurs salaires va diminuer de 30%, leur nombre, lui, est en augmentation de 30%. En effet, de 24 ministres et ministres délégués dans le dernier gouvernement de François Fillon, on passe à 34 ministres et ministres délégués. Le gouvernement Fillon était également composé de quelques secrétaires d'Etat, mais il y a une vrai différence entre ministres et secrétaires d'Etat. Nous avons donc un gouvernement pléthorique de 34 ministres, et pas un seul secrétaire d'Etat. Or, qui dit ministre, dit directeur de cabinet, chef de cabinet, conseiller diplomatique, conseiller parlementaire, attaché de presse, conseillers en toute chose, chauffeur, garde du corps... Il est fort probable que la diminution de 30% du salaire des ministres ne compensera pas cette inflation ministérielle. L'ensemble coûtera même certainement plus cher. Mais qu'importe, il faut faire de l'affichage...

Pour le reste, la feuille de route du gouvernement est toute tracée : les élections législatives du 10 et 17 juin prochain, où le gouvernement doit impérativement s'assurer d'une majorité pour pouvoir survivre. D'ici là, une pluie de décrets va tomber : Augmentation de 25% de l'allocation de rentrée, Retraite à 60 ans pour ceux qui ont déjà les 41,5 annuités de cotisations, blocage des loyers et du prix de l'essence, abrogation du décret sur l'évaluation des enseignants... De nouvelles dépenses et des clins d'oeil à son électorat. De quoi préparer sous les meilleurs auspices ces élections. Mais après la fête, la douche froide. La cour des comptes rendra alors le rapport qui lui a été demandé sur les comptes publics. Tout le monde sait déjà ce qu'il y a dedans, une situation financière grave et des réformes impopulaires à adopter, mais prière d'attendre fin juin pour ne pas gâcher la fête...

L'imagination au pouvoir : Merci Hollande !

mardi 15 mai 2012

Sarkozy : Bilan d'un quinquennat de crise


En passant le relais à François Hollande, Nicolas Sarkozy tire donc aujourd'hui sa révérence, avec une discrétion qu'on ne lui connaissait pas. Si les projecteurs sont désormais braqués sur les premiers pas de son successeur à l'Elysée, chacun conviendra que le président sortant quitte sa fonction avec dignité. Nicolas Sarkozy avait raté son entrée en fonction. Il ne rate pas sa sortie. Et pour la postérité, ça comptera. Cette passation de pouvoir à la présidence de la république est aussi l'occasion de revenir sur le bilan de Nicolas Sarkozy pendant ces 5 ans à la tête de l'Etat.

Si l'on devait qualifier d'un mot le quinquennat du président sortant, c'est certainement le mot "crise" qui remporterait la majorité des suffrages. En effet, Nicolas Sarkozy et le gouvernement de François Fillon auront fait face, pendant plus de 4 ans, à de multiples crises. Crise financière, crise économique, crise de la dette. Et nous n'en sommes pas encore sortis, loin de là. Il est évident que ceci a structuré le quinquennat d'une façon très différente des ambitions réformatrices de 2007. Néanmoins, malgré le contexte économique troublé, le président Sarkozy fut un réformateur actif. Certaines réformes sont plutôt réussies. D'autres moins. Petit tour d'horizon.

Il y a d'abord les réformes plutôt réussies, et qui devraient rester, malgré l'alternance du pouvoir. Parmi les lois les plus emblématiques du quinquennat, nous pouvons citer la Loi Relative aux libertés et responsabilités des Universités (LRU). Autrement dit, la loi sur l'autonomie des universités. Votée en août 2007, et relativement bien accueillie, elle est un enjeu majeur pour développer l'excellence de l'université française à l'échelle internationale. Une autre loi, méconnue, marquera aussi le mandat de Sarkozy : la Loi de Modernisation de l'Economie (LME) d'août 2008, qui a notamment créé le très plébiscité statut d'auto-entrepreneur, ou encore permis de raccourcir des délais de paiements, mesure cruciale pour beaucoup de PME à l'activité précaire. Toujours en faveur des entreprises, la réforme du crédit impôt recherche de 2008 qui, bien que niche fiscale coûteuse, fait plutôt l'unanimité comme exemple de déduction fiscale intelligente. Et pour compléter cette batterie de mesures à destination des entreprises, le gouvernement a supprimé en 2010 la taxe professionnelle, bouleversant la fiscalité locale, mais donnant un peu d'oxygène aux entrepreneurs. Impôt idiot selon François Mitterrand, qui l'avait pourtant conservé, elle ne devrait pas être rétablie par le nouveau pouvoir socialiste.

Le quinquennat de Sarkozy, ce sont aussi des reformes sociales. Ayant suscité l'opposition des syndicats au moment de leurs adoptions, elles ne devraient cependant pas être supprimées par le nouveau président socialiste. A ce chapitre,  il y a tout d'abord la loi sur le service minimum dans les transports et les écoles, votée en août 2007, puis étendu au secteur aérien en mars 2012. Plus sensible, la réforme des retraites pour les régimes spéciaux, votée en novembre 2007, est néanmoins passée. Ainsi que celle de novembre 2010 pour le régime général. Insuffisantes pour assurer l'équilibre à long terme, ces réformes permettent néanmoins d'équilibrer les caisses de retraites à court terme. Plus consensuelle, la réforme du RMI, remplacée par le RSA, et qui offre un complément de revenu (RSA "Activité") aux travailleurs en dessous du seuil de pauvreté. Malgré des imperfections, le RSA tend à supprimer les trappes à pauvreté.

Nicolas Sarkozy s'est révélé beaucoup plus timoré pour engager des réformes structurelles, pourtant si cruciales pour rééquilibrer les comptes publics. Cependant, il a eu le mérite d'en avoir initié quelques unes. La fusion de l'ANPE avec l'Unédic depuis janvier 2009 ne se fait sans heurt. Néanmoins, la constitution d'un guichet unique, Pôle Emploi, va dans le bon sens. Il était incompréhensible que l’indemnisation (Unédic) et la recherche d'emploi (ANPE) fonctionne de façon aussi parfaitement cloisonnées. Autre réforme structurelle importante, la refonte de la carte judiciaire, avec le regroupement des tribunaux, pour une rationalisation de fonctionnement. Compliquée à mettre en oeuvre et impopulaire, elle va néanmoins dans le sens d'une meilleure gestion. Le gouvernement a aussi mis en oeuvre la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur 2 à la retraite. Si les gains sont moins importants que prévus, cette orientation suit les recommandations de la cour des comptes, et va dans le sens de réformes engagées récemment dans d'autres pays européens (Espagne, Royaume-Uni...). Enfin, on assiste à un début de simplification du millefeuille administratif, avec la création du conseiller territorial pour les élections de 2014, et la fusion déjà programmée des deux départements alsaciens, qui pourrait servir à terme de modèle.

Sur le plan extérieur maintenant, quelques succès. La présidence européenne de Nicolas Sarkozy, au deuxième semestre 2008, a été unanimement saluée dans une période critique (Crise en Géorgie, Faillite de la banque Lehmans Brothers). Le président français a aussi été moteur dans la signature du traité de Lisbonne de 2007. Si ce traité bafoue un peu le "Non" au référendum 2005, il aura eu le mérité de débloquer une situation de blocage. Il aura aussi pris la décision logique, mais néanmoins contestée, de faire revenir la France dans le commandement intégré de l'OTAN, renforçant ainsi les relations franco-américaines et franco-britanniques. Nicolas Sarkozy aura également plutôt bien géré la crise ivoirienne début 2011, et activement participé à la chute de Khadafi en Libye à l'été 2011.

Enfin, le mandat aura été marqué par la révision constitutionnelle de juillet 2008. Adoptée avec seulement une voix de majorité, elle redonne plus de pouvoir de contrôle au parlement, notamment sur les nominations. Le président de la république se voit limité à deux mandats. Enfin, et c'est peut être le plus marquant, elle introduit la question prioritaire de constitutionnalité. Désormais, tout citoyen peut, sous certaines conditions, contester une loi devant le conseil constitutionnel.

Evidemment, Nicolas Sarkozy n'a pas tout réussi pendant ce quinquennat. La loi phare de l'été 2007, Loi Travail Emploi Pouvoir d'Achat (TEPA), a petit à petit été détricotée, car peu adaptée à la crise. Les allègements d'impôts sur les successions seront modifiés, la déduction des intérêts d'emprunts supprimée, de même que le bouclier fiscal. Seul le dispositif des heures supplémentaires a subsisté, même s'il pourrait aussi être supprimé, mais cette fois-ci par le nouveau gouvernement. Toujours niveau fiscalité, le président n'aura pas échappé à l'imbroglio de la TVA, que ce soit la TVA réduite, finalement relevée de 5,5% à 7%, la TVA sociale, annoncée bien trop tard dans le quinquennat, ou encore la TVA réduite dans la restauration, très coûteuse et peu efficace. Sans parler de la taxe carbone, issue du grenelle de l'environnement, qui finira censurée par le conseil constitutionnel, pour rester lettre morte.

Le président sortant s'est aussi, trop souvent, pris les pieds dans le tapis, par un style brouillon, et trop souvent "je veux, je veux, je veux", avant d'être trop souvent obligé de reculer devant les levers de bouclier, et de devoir ainsi assumer ses faux pas. Son  choix de faire désigner par le président de la république les responsables des chaines de radios et de télévisons publiques a donné un arrière goût d'ORTF. Anachronique dans le monde actuel.

Sur le plan économique, le bilan n'est évidemment pas bon, crise oblige. De ce point de vue, tous ses homologues européens sont dans le même cas. Il ne peut pas en porter toute la responsabilité. Mais point de vue strictement comptable, le tableau n'est pas flatteur. Hausse du chômage de près d'un million de demandeurs d'emplois, hausse de la dette de 500 milliards d'euros, croissance faible (1,7% en 2011) et pouvoir d'achat stagnant. On est loin des promesses de 2007.

Si Nicolas Sarkozy fut souvent inspiré sur la politique étrangère, et leader européen responsable en temps de crise, il a connu quelques loupés. Des débuts difficiles avec Angela Merkel et un tropisme plutôt anglo-saxon en début de mandat. Avant de se rattraper, formant le respecté tandem "Merkozy". Et si Sarkozy est intervenu avec zèle en Libye contre Khadafi, c'est pour faire oublier une position ambiguë face aux mouvements du "Printemps Arabe" début 2011, notamment en Tunisie et en Egypte.

Il est toujours délicat de faire un bilan "à chaud" de nouvelles réformes, à peine entrées en vigueur, ou d'une action politique, dans un monde encore en pleine tourmente. Néanmoins, il est certain que le bilan de Nicolas Sarkozy, quoiqu'on en pense aujourd'hui, sera réexaminé avec recul dans les prochaines années, et même en partie réhabilité. Il suivra en cela la logique de tous les présidents sortants. Qui ne se souvient pas d'un Valéry Giscard D’Estaing hué à sa sortie de l'Elysée ? D'un François Mitterrand détesté dans les dernières années de son mandat ? Ou d'un Jacques Chirac carrément tombé dans l'indifférence ? Or, quand on écoute aujourd'hui, tout le monde salue l'intelligence de Giscard, le sens de l'Etat de Mitterrand, et la profonde humanité de Chirac. Aux yeux des français, ils auraient été, eux, de grands présidents, pas comme celui qu'on a actuellement. Curieux pays que la France, où l'on déteste ceux qu'on a élu, pour mieux adorer ensuite ceux-là même qu'on avait si violemment rejetés. Bonne nouvelle donc pour Nicolas Sarkozy, il va bientôt  retrouver le chemin de la popularité. Pour François Hollande en revanche, le chemin de croix commence...

vendredi 11 mai 2012

Paris Céline avec Lorant Deutsch

Pour une fois, ce n'est pas un livre, mais un DVD. Réalisé par Patrick Buisson et Guillaume Laidet, Paris Céline met en scène l'acteur Lorant Deutsch sur les traces de Louis-Ferdinand Céline. Sur le modèle du livre et documentaire à succès de Lorant Deutsch, Metronome, le film nous fait découvrir et revivre les lieux de Paris, mais aussi de sa banlieue, étroitement liés à la vie et à l'oeuvre du sulfureux écrivain.

Car Louis-Ferdinand Destouches, alias Louis-Ferdinand Céline, sent la poudre. Le génial styliste n'en demeure pas moins un antisémite abjecte, un collabo zélé pendant l'occupation, et un misanthrope jusqu'au boutiste. Bref, un parfais salaud. Pourtant, depuis 20 ans, son oeuvre littéraire est redécouverte et largement plébisicitée, y compris par la jeune génération. Il reste celui qui a inventé un style inimitable, que l'on a coutume d'appeler la petite musique célinienne. Deuxième auteur français du XXème siècle le plus traduit dans le monde, après Marcel Proust, son style et son oeuvre ont inspiré des écrivains aussi divers que Charles Bukowski, Frédéric Dard, Patrick Modiano ou encore Michel Audiard. Ces derniers années, de nombreuses études sur la vie et la production littéraire de l'écrivain parisien ont fleuri dans les librairies. Pressenti pour faire parti des célébrations nationales de l'année 2011, Louis-Ferdinand Céline a été retiré in extremis du programme après une belle polémique. Céline reste un sulfureux. Dans Paris Céline, Lorant Deutsch fait revivre les lieux parisiens de la vie de l'écrivain, a grand renfort de documents, d'archives de l'époque et d'illustrations du dessinateur Jacques Tardi. L'occasion aussi de relire des extraits de l'oeuvre de l'écrivain, décrivant à sa manière le Paris de l'époque. 

Louis-Ferdinand Destouches est né en 1894 à Courbevoie. Il le répétera inlassablement dans son oeuvre. Mais c'est dans Paris, au passage Choiseul, que le jeune Louis-Ferdinand passe son enfance. Avec Lorant Deutsch, nous partons donc sur les traces de sa maison d'enfance, dans ce fameux passage, où sa mère tenait une boutique de mode. Il ne reste évidemment plus aucune trace de Céline. Le théâtre des Bouffes-Parisiens a avalé la petite boutique ainsi que la chambre de Céline. Néanmoins, la visite du théâtre et des toits laisse deviner le passage de l'écrivain. Et puis, on peut se référer à sa description dans Mort à Crédit, l'oeuvre qui retrace son enfance dans le quartier. Le Passage, il le décrit comme une "Cloche de gaz", en référence à tous les becs de gaz qui s'allument le soir pour éclairer le passage. Et puis, c'est évidemment les odeurs et la puanteur qui dominent sa description. Ainsi que la violence de son père à son encontre, ou encore la méchanceté des voisins et des passants. Qu'il méprise évidemment. Mort à Crédit dépeint une enfance noire de Louis-Ferdinand au Passage Choiseul. Description évidemment très éloignée de la réalité, mais à l'image de son oeuvre, empreinte de mythomanie et de délire paranoiaque. La vie du jeune Louis-Ferdinand semble en réalité bien plus heureuse et aisée. Ses relations avec ses parents sont noircies, et sa grand-mère, Céline, l'emmène le jeudi au cinéma voir les premiers films de Georges Méliès. De cette grand-mère aimante, il en gardera son patronyme d'écrivain, Céline.

Bien des années plus tard, après avoir servi dans le 12 ème régiment de cuirassiers pendant la guerre 14-18, puis suivi une formation de médecine à Rennes, voyagé aux Etats Unis et en Afrique, le docteur Destouches revient en région parisienne et ouvre un cabinet médical à Clichy-la-Garenne. Il y travaillera ensuite dans un  dispensaire, où il y côtoiera toute la misère humaine. Car Clichy-la Garenne, Céline va la croquer dans Le Voyage au bout de la Nuit. Dans cette oeuvre, c'est La Garenne-Rancy. Banlieue prolo, il y voit les bas-fonds, les cas médicaux les plus graves : les tuberculoses, les syphilis, les ivrognes, les ouvriers qui crachent de leurs poumons toute cette poussière d'usine. Et, même si Céline, comme à son habitude, en rajoute des tonnes, ce n'était pas rose tous les jours. Étrangement magnanime, il éprouve malgré tout de la compassion pour les malades, et souvent ne les fait pas payer. Même chez le plus misanthrope des hommes, peut se cacher une part d'humanité. Il y a aussi une autre explication. Le docteur Destouches aime les gens malades, car quand ils sont malades, ils ne font pas ch... Avec Lorant Deutsch, c'est l'occasion de revenir dans ce quartier de Clichy, tout de brique rouge, pour voir le cabinet médical du docteur Destouches, ainsi que le dispensaire, qui existe toujours. 

Mais bientôt, Céline déménage à Paris, rue Lepic, dans le quartier de Montmartre. Il est suivi par Elisabeth Graig, une danseuse, qu'il surnomme son "impératrice" et a connu à Genève. Après les petits commerçants du Passage Choiseul et les prolos de Clichy, Céline s'installe au milieu des artistes de la butte Montmartre. Et en choisisant la rue Lepic, il est plutôt bien entouré. Y habitèrent les peintres Maurice Utrillo et Vincent Van Gogh, ainsi que le romancier et dramaturge Georges Courteline. C'est d'ailleurs à cette adresse qu'il produira ces deux oeuvres majeures : Le Voyage au bout de la nuit et Mort à Crédit. Rue Lepic, l'écrivain va se lier avec le peintre expressionniste Gen Paul. Artiste alcoolique et obsédé, il sera un compagnon pour Céline pour des virés noctures dans les milieux libertins du quartier, et autres lieux de la Butte de toutes les perversités. C'est aussi dans l'atelier de Gen Paul que tout le petit monde artistique de Montmartre se réunit : Maurice de Vlaminck, Marcel Aimé, Maurice Utrillo, Robert Le Vigan ou encore Michel Simon... Elisabeth Graig repart aux Etats Unis, laissant un Céline inconsolable. Il rencontrera quelques années plus tard Lucette Almanzor, elle aussi danseuse, qui ne le quittera plus. Pendant l'occupation allemande de 1940-1944, l'écrivain reste dans le quartier. Un nid de résistants habite en dessous de chez lui et projette d'éliminer cet écrivain proche des milieux collaborationnistes. A la tête de ce réseau, le futur écrivain Roger Vailland. Le projet n'est jamais mis à exécution. Céline soignera même l'un des leurs. La défaite Allemande sonne la fuite pour Céline et sa femme Lucette. Ils seront accompagnés dans ce périple par le chat béber, cadeau de Robert Le Vigan, qui est lui aussi du voyage. Direction l'Allemagne, à Sigmaringen d'abord, puis au Danemark. Périple amplement raconté dans D'un château l'autre

Ce n'est que des années plus tard, après être passé par la case prison, que Céline revient à Paris. Il s'installe dans un petit pavillon sur les hauteurs de Meudon, à l'écart. L'écrivain maudit, qui se considère comme proscrit et banni préfère contempler Paris depuis son jardin de banlieue. Il a aussi une magnifique vue sur Courbevoie, sa ville natale. Bien qu'à l'écart, l'écrivain reçoit de vieux amis (Arletty, Marcel Aymé), ou de jeunes gloires littéraires iconoclastes (Roger Nimier). Si Céline pratique occasionnellement la médecine, il bénéficie aussi des avances de Gaston Gallimard pour poursuivre son oeuvre littéraire. Il produira entre autre Nord et Rigodon, qui formeront, avec D'un Château l'autre, la triologie de l'exil en Allemagne. L'occasion aussi de sa lamenter, encore et toujours, sur son sort, sur son statut de banni, sur la modernité qu'il ne comprend pas, sur ce siècle de l'automobile qui voit disparaitre tragiquement quelques uns des plus talentueux écrivains et intellectuels (Albert Camus, Roger Nimier, Françoise Sagan). Oui, vraiment tout fout le camp. Après avoir achevé la dernière page de Rigodon, Louis Ferdinand Céline s'en va. Comme un soulagement. L'humanité fut, pour lui, un poids trop lourd à supporter. 

Aficionados de l'écrivain ou simples curieux de l'histoire de Paris, chacun y trouvera une bonne raison de voir ce documentaire intelligent, cultivé et bien conçu. A noter que Lorant Deutsch nous fait ici exceptionnellement visiter l'appartement où vécut Céline à Montmartre, ainsi que la maison de Meudon, où vit d'ailleurs encore Lucette Destouches. 

jeudi 10 mai 2012

Sarkozy : Autopsie d'une défaite annoncée

Cela faisait plus d'un an que les sondages répétaient inlassablement que le président sortant ne pourrait pas conquérir un deuxième mandat. Sondages en bernes, rapport droite/gauche défavorable, cote de popularité en chute libre. Non, vraiment, Nicolas Sarkozy ne pouvait pas l'emporter face au candidat de gauche. Pourtant, c'est ce même candidat que la France portait triomphalement à l'Elysée le 6 mai 2007. A l'époque, tout paraissait possible à cet animal politique hors du commun. Au point qu'une réélection semblait presque une formalité pour lui. La gauche en prenait pour encore 10 ans d'opposition. Les rêves de maroquins ministériels s'envolaient encore un peu plus rue de Solférino. Que s'est-il donc passé ? Tentative d'autopsie d'une défaite largement annoncée.

En réalité, la défaite du 6 mai 2012 prend ses racines le 6 mai ... 2007, le jour de la victoire de ce même Nicolas Sarkozy. Porté par un peu plus de 53% des suffrages, la France croit alors tenir son réformateur courageux, son entrepreneur audacieux, ce modernisateur de la vie politique que l'on attend depuis si longtemps. Mais le souffle de modernité va aller trop loin, trop vite, et sera trop brouillon dans ce pays habitué à des monarques républicains. Et, l'homme décomplexé vis à vis l'argent et fasciné par la réussite va choquer. Il réunit quelques riches amis au désormais célébrissisme Fouquet's. Ce n'est pourtant pas l'endroit le plus chic qui soit. Mais le symbole choque, y compris parmi électeurs sarkozystes. Le nouveau président distribue déjà des munitions à ses adversaires politiques, qui sauront rappeler cet épisode malheureux matin, midi et soir pendant 5 ans sur toutes les ondes. D'autant que suit l'épisode du yacht de Bolloré. Goût du luxe, liens avec les milieux d'affaires et d'argent. Dans un pays où la réussite et l'argent sont parfois suspectes, cela dérange la pudeur catholique et l'égalitarisme républicain. Ajouté à cela la Rolex, les Ray Ban et le tee shirt NYPD, le style détonne. Qu'importe, à l'époque, la cote de popularité de Nicolas Sarkozy atteint des sommets (Jusqu'à 75% en août 2007). Elle ne cessera alors plus de chuter inexorablement. Le Fouquet's et le yacht reviendront dans les mémoires quant les jours se feront plus sombres.

Car, dès la constitution de son gouvernement, le nouveau président va désespérer certains de ses électeurs. Voulant pousser son avantage face à un Parti Socialiste moribond, Nicolas Sarkozy va, un peu par vanité, dépouiller le PS de certains de ces membres. C'est la grande époque de l'ouverture : Bernard Kouchner, Fadela Amara, Eric Besson, Jean-Marie Bockel, Jean-Pierre Jouyet... et même DSK au FMI. Dans les rangs de l'UMP ça grince. Déjà que les places ministérielles sont chères. Sarkozy se fabrique des ennemis en interne (Jean-François Copé, François Baroin...), et se fâchent avec ses électeurs qui n'avaient pas voté pour voir pareilles têtes d'affiche. Le bling-bling, l'ouverture à gauche, les premiers déçus s'en vont. Ils ne reviendront pas tous en 2012. Des voix qui manqueront.

Si le style détonne et açace (discussion houleuse avec le pêcheur du Guilvinec, Cass' toi pov' con, lune de miel voyante avec Carla Bruni à Disney et en Egypte...), le président est, malgré tout, réformateur et actif. Loi TEPA de l'été 2007, réformes des régimes spéciaux fin 2007. L'opposition trouve sa marotte : le bouclier fiscal à 50%. L'administration fiscale fait des chèques aux foyers fiscaux les plus riches pour rembourser le trop plein perçu. Sarkozy devient le président des riches. Même si d'autres volets de la loi TEPA s'adresse aux classes moyennes et populaires (Heures supplémentaires défiscalisés, déduction des intérêts d'emprunt pour un achat immobilier...), le président sera pour le reste de son mandat associé au bouclier fiscal et au président des riches. Message qui sera martelé, là encore, matin, midi et soir par la plupart des opposants. Une attaque facile et efficace, à défaut d'être totalement juste. C'est (trop) souvent ça la politique. D'autant qu'à l'été 2007, une tempête se prépare de l'autre côté de l'atlantique. Les crédits hypothécaires "subprimes" donnent des signes de faiblesse.

La crise, c'est ce qui touchera de plein fouet la présidence Sarkozy, et prendra le pas sur tout le reste de son action politique, qu'elle soit positive ou négative. L'ouragan de la finance s'abat définitivement fin 2008. Faillite de la banque Lehman Brothers qui se répand comme une tâche d'huile dans le monde de la finance puis, dans l'économie "réelle". Le président vole de sommet de crise en sommet de crise pendant 4 ans. Les français apprécient le dynamisme et le saluent souvent dans les enquêtes d'opinion. Oui mais voilà, les entreprises sont fragilisées, le chômage augmente, les déficits aussi. L'homme a beau être au prise avec une crise financière, économique et budgétaire sans précédent, il est in fine responsable. Et même doublement, puisque dans les faits, il joue aussi le rôle du premier ministre. Dès lors, sa cote de popularité ne cesse plus de chuter, malgré un leadership européen certain avec Angela Merkel, et une politique étrangère souvent inspirée (Georgie, Libye, Côte d'Ivoire...). Qu'importe, la diplomatie d'un pays n'intéresse personne, le chômage intéresse tout le monde. It's the economy, stupid.

Son élection en 2007 avait suscité les attentes les plus folles. Un peu comme celle de Barack Obama aux Etats Unis en 2008. Le pays devait renouer avec une croissance forte, réduire ses déficits, en finir avec le problème du chômage, et entreprendre des réformes structurelles profondes. La crise aura profondément bouleversé l'action du président, comme celle de tous ses homologues des autres pays européens. Mais, si l'on compare le bilan avec les attentes d'avant la crise, la déception est d'autant plus grande. La croissance ne dépasse guère 1% en moyenne, les déficits se sont creusés, et le chômage a fortement progressé. Certes, la situation est pire dans d'autres pays. Mais, les français votent en fonction de la situation de la France, pas celle de l'Espagne ou de la Grèce. Sur les réformes structurelles, Nicolas Sarkozy a été un réformateur timide, mais néanmoins plus actif que ces prédécesseurs : Non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, nouvelle carte judiciaire, réforme des retraites... Insuffisant disent les libéraux qui attendaient tant de ce président. Une attaque sans précédent des acquis sociaux et structures qui font l'ADN du pays disent les syndicats et la gauche. Au final, Nicolas Sarkozy mobilise durement contre lui l'opposition, sans rallier le soutien des exigeants réformateurs libéraux. Des voix qui, là encore, manqueront au décompte final.

Reste la campagne électorale du président sortant. Celui-ci l'aborde en une situation particulièrement délicate. Sondages en berne, cote de popularité qui ne frémit pas d'un poil. Nicolas Sarkozy part avec le désavantage quasi insurmontable d'être à la tête d'un pays en crise profonde. Pas un dirigeant politique européen, dans cette situation, n'a réussit à l'emporter. De plus, après 5 ans d'expérience gouvernementale (2002-2007), puis 5 autres à la présidence de la république, le président-candidat est, depuis 10 ans, sous le feu de l'actualité, à la une quasi-quotidiennement de tous les journaux, et le centre de toutes les discussions. Il y a clairement overdose. Pourtant, les sondages vont frémir, avec la fameuse "droitisation" inspiré par le conseiller officieux Patrick Buisson, présenté comme une sorte de prince des ténèbres, machiavélique et tirant les ficelles. Cette stratégie est critiquée. Elle permet néanmoins un score honnête au premier tour. Par la suite, beaucoup de commentateurs ont trouvé que François Hollande avait dominé le débat d'entre deux tours. Pourtant, suite à la confrontation télévisuelle entre les deux hommes, les écarts dans les sondages se resserrent, et le score est finalement beaucoup plus étriqué qu'attendu (51,6 % - 48,4%) le 6 mai. Comme quoi, il faut se méfier des commentateurs. Malgré tout, Nicolas Sarkozy perd un combat qui, depuis le départ, semblait définitivement impossible à gagner. Reste qu'au second tour, on a décompté plus de 2 millions de bulletins blancs ou nuls. Bulletins qui ont, sans doute, fait défaut au président sortant. Des exaspérés de la période bling-bling, des libéraux déçus, des désorientés de l'ouverture à gauche, et surtout des classes populaires séduites en 2007, mais que la crise et la désindustrialisation ont frappé de plein fouet. Autant de voix qui se sont perdus.

On l'a vu, c'est dans les victoires que se forgent les futurs succès, ou les échecs. Le 6 mai 2007, sans le savoir, Nicolas Sarkozy commençait déjà à creuser sa tombe. La crise qui secoua la planète fit le reste. Fort de cette expérience, le nouveau président Hollande évita donc soigneusement le restaurant des Champs Elysées pour fêter sa victoire et se contenta, dixit les journalistes, d'un pique-nique corrézien. Sauf que ce 6 mai 2012 au soir, le président "normal" rentre à Paris en jet privé, accompagné de sa batterie de conseillers et de courtisans. Il a même fallu commander un deuxième Falcon pour caser tout ce petit monde. Mais, il ne fallait pas faire attendre la Bastille. Pour la note, pas de problème, c'est le PS qui paye. Néanmoins, pour le candidat autoproclamé de l'anti bling-bling, un jet à 30 000 euros de l'heure, ça fait désordre. A côté, le Fouquet's semble une bien piètre cantine...

lundi 7 mai 2012

Moi, président... je suis dans la merde maintenant

L'information avait filtré assez tôt hier après midi sur le site de la RTBF et sur les comptes twitter. Comme l'annonçait avec insistance les sondages, c'est donc bien le candidat socialiste, François Hollande, qui l'emporte face à Nicolas Sarkozy. L'homme, à la longue tirade "Moi, président..." lors du débat télévisé accède donc aux plus hautes fonctions de l'Etat, et ce, malgré une expérience gouvernementale inexistante. Qu'importe, le pays a majoritairement souhaité tourner la page Sarkozy. Mais, après la fête, c'est un peu la gueule de bois qui se prépare. Car le plus dur commence pour Hollande.

Il y a d'abord le score de la victoire. Si les sondages annonçaient encore la semaine dernière une victoire large, voire même un raz de marée pour le candidat socialiste, celle-ci n'a pas du tout eu lieu. C'est au contraire une courte victoire, l'une des plus courte de l'histoire des présidentielles : 51,6 % contre 48,4% à son adversaire. On aura beau dire que seule la victoire compte et observer que c'est presque le score de François Mitterrand en 1981, il y a surement un peu de déception dans le camp socialiste. Car la traduction de ce score, c'est qu'il n'y a pas un vote d'adhésion pour François Hollande, et encore moins pour la gauche. Plutôt qu'un chèque en blanc au futur président socialiste, les français ont choisi, à une courte majorité, de faire payer la crise, mais aussi son comportement, au président sortant. Le premier tour avait démontré, dans les rapports de force, que la France n'était pas en majorité à gauche. Malgré le soutien de la quasi totalité des candidats du premier tour, le socialiste ne peut pas encore s'appuyer sur un soutien total pour mettre en oeuvre sa politique. Rendez-vous aux législatives pour confirmer donc.

Ensuite, après la fête, après la Bastille, après la nuit d'ivresse, les premiers déçus ne vont pas tarder à s'afficher. Car le Parti Socialiste n'a plus été au pouvoir depuis 10 ans. 10 ans, que les jeunes loups du parti rongent leurs freins, 10 ans que les vieux briscards espèrent un retour ministériel. François Hollande a su utiliser les troupes socialistes pour sa campagne électorale à l'aide d'un organigramme pléthorique, constitué de porte-paroles et conseillers en toutes choses. Mais gouverner c'est choisir, et choisir c'est renoncer. A la constitution du gouvernement, il y aura donc des déçus. D'autant plus que le candidat veut s'imposer la parité, et doit faire place nette pour ses turbulents alliés d'Europe Ecologie Les Verts et du Front de Gauche. Qui s'ajoute aux contraintes internes que s'impose le parti, à savoir les courants, les partisans de Aubry, ceux de Montebourg, et même les radicaux de gauche de Jean-Michel Baylet, l'homme au 0,62% lors des primaires socialistes...

Mais le plus difficile sera sans conteste l'orientation politique du futur gouvernement. Car François Hollande entend agir vite et gouverner par décrets dans les semaines qui viennent. En attendant une assemblée nationale qui, selon toute vraisemblance, devrait apporter une majorité à la gauche. Pour les décrets, le nouveau président de la république prévoit l'augmentation de 25% de l'allocation de rentrée scolaire, la retraite à 60 ans pour les carrières longues, ou encore le plafonnement des tarifs de l'eau et de l'électricité. De quoi rassurer les partenaires européens et les marchés financiers ? Pas vraiment non. La bourse de Paris a ouvert à la baisse ce matin, poursuivant une baisse déjà largement anticipé depuis plusieurs semaines. Les taux d'OAT à 10 ans ne sont pas encore attaqués, mais le spread avec l'Allemagne a, aujourd'hui, un peu augmenté.

Car déjà, le ciel rose de la victoire socialiste s'assombrit. Angela Merkel a, dès aujourd'hui, rappelé son opposition à la renégociation du pacte budgétaire européen, signé par 25 pays sur 27, dont la France. Elle réaffirme par ailleurs son opposition à la croissance par la relance et le déficit, et veut continuer de privilégier les réformes structurelles. Le candidat socialiste, qui s'est fait fort d'aller expliquer aux allemands la bonne marche à suivre, risque donc de se heurter très rapidement à un mur. D'autant qu'il ne pourra guère non plus compter sur le soutien de la Grande Bretagne, de l'Italie ou de l'Espagne, tous engagés dans de vigoureuses politiques d'assainissement des finances publiques. Le nouvel élan que croit voir François Hollande n’entraîne guère derrière lui que la Grèce, en plein chaos suite à ses élections législatives de dimanche. Pas de quoi bouleverser la donne. 

Dans ce contexte, le président Hollande risque dans les semaines et mois qui viennent de se retrouver isolé sur le plan européen dans sa volonté de creuser un peu plus encore le déficit pour une énième relance sans effet. Car pour Hollande, la croissance passe forcément par l'Etat et le déficit public, pas par l'activité des entreprises. C'est là, son erreur majeur, et elle risque de coûter très cher. Mais le plus probable, c'est que la France va petit à petit rentrer dans le rang et prendre à son tour de le chemin de la rigueur, scénario inévitable que connaissent tous les pays actuellement.

Et là, politiquement, le candidat de la relance de mai 2012 va se retrouver contredit par le président de la fin 2012, obligé de faire machine arrière, et d'assumer une politique contraire à celle pour laquelle il a été élu et, qui plus est, foncièrement contraire à tous les préceptes économiques de la gauche. Les soutiens du Front de Gauche et d'EELV prendront surement la poudre d'escampette, de même que l'aile gauche du PS, et nombre d'électeurs de gauche, qui risquent de se sentir floués dans cette histoire. En espérant que l'on échappera à un scénario à la grecque, avec un Papendréou subissant la défection de ces troupes face au plan de rigueur à voter. Pour les nostalgiques de 1981, on pourra leur rappeler qu'après 1981, il y a eu la rigueur de 1982. Sauf que cette fois-ci, le défaut de paiement n'est plus très loin...

Pour François Hollande, les emmerdements, c'est maintenant...

samedi 5 mai 2012

L'open space m'a tuer de A. des Isnards et T. Zuber

Voici un ouvrage, paru il y a quelques années, qui avait rencontré beaucoup de succès. J'étais, à l'époque, passé à côté de ce livre pour grand public. Mais, comme il n'est jamais trop tard pour bien faire, je me suis plongé dans la lecture de l'édition de poche. Pour en réalité la dévorer littéralement en une soirée, tant ce livre est drôle de vérité. Dans L'open space m'a tuer, les auteurs, Alexandre des Isnards et Thomas Zuber, croquent avec justesse et un humour mordant les turpitudes du monde du travail d'aujourd'hui et les dérives du néo-management. Tout y est décortiqué, à l'aide de saynètes illustratives tirées d'exemples très proches de la réalité. Les entreprises cités sont imaginaires, mais derrière CapCefini, Price & Whisky ou KPAIMEG, on a une petite idée de celles qui se cachent derrière. Mais avec cette satire corrosive, se cache un vrai message, beaucoup plus alarmant.

Car il y a péril en la demeure chez les jeunes cadres de ces boites de service, conseil, audit, informatique ou encore SSII. Le bonheur, qu'on semblait leur avoir construit à l'aide d'open space conviviaux et de managers sympas, n'est plus. Derrière cette démocratisation de la hiérarchie et des relations de travail, c'est l'uniformisation et l'oppression qui sont apparues. L'open space, cet espace si bien conçu par les cabinets d'architecture et d'aménagement spécialisés, ne rapproche pas les collègues entre-eux. Il assure plutôt la surveillance des uns envers les autres et vice-versa. Qui est arrivé en retard ? Qui part le premier le soir ? Qui va prendre le café avec qui ? Tout se sait. Tout se contrôle. Et radio boite fait le reste. 

Mais, le néo-management n'a pas seulement inventé l'open space. Il a aussi importé un vocabulaire anglo-saxon qu'il convient d'utiliser si l'on veut passer pour "corporate" auprès de ses collègues et de son manager. Ainsi, dans le nouveau wording, il serait inconcevable de ne pas utiliser Reporting pour compte rendu d'activité, ASAP (As soon as possible), FYI (For Your Information), deadlines, rate, gap, brainstorming... Une novlangue en pesudo français a également peu à peu façonné le vocabulaire des jeunes cadres qui en veulent :  conduite du changement, customiser, implémenter, je me rapproche de..., je reviens vers toi...,  mode projet, propale... Très utile, un petit glossaire à la fin pour récapituler tous les mots clés utiles pour la bonne marche de sa carrière.

Et puis, il y a le néo-manager. Le néo-manager est sympa, sa porte est toujours ouverte, il ne porte la plupart du temps pas de cravate, est super cool avec son équipe. Presque le rêve. Sauf que le néo-manager ne prend aucune responsabilité, et préfère se couvrir. Il se contente donc de suggérer à ses équipes. Le néo-manager ne donne aucun ordre, car il est cool. Mais il sait fort bien faire descendre, le plus amicalement du monde, la pression du client et du top management vers ses troupes. Ah oui, il y a une chose que le néo-manager apprécie tout particulièrement : les timesheets. Qu'est ce que c'est ? Pour ceux qui n'auraient pas encore toute la maîtrise du glossaire du parfait cadre, on traduira par feuille de présence. C'est l'arme ultime du manager. Chaque team member se doit de remplir sa feuille de présence en fin de semaine pour décrire, heure par heure, ce qui a été réalisé. Moyen implacable de mettre la pression sur les troupes, ces timesheets finissent sur le bureau d'un contrôleur de gestion s'assurant que les salaires versés sont biens durement gagnés.

Et tout cela va loin, très loin. Le néo-management n'aime guère que des têtes dépassent. Des week ends cohésion "teambuilding" sont organisés annuellement, voir plus, pour diffuser la bonne parole et s'assurer que chacun est au top du corporate. L'occasion de rappeler les valeurs de l'entreprise, au cas où certains ne les auraient pas encore apprises par coeur. Dommage simplement que nombres d'entreprises aient oublié de les appliquer. Un jeune cadre prometteur mais un peu réservé. Inscription obligatoire à un stage de confiance soi. Développer son réseau ? Inscription à facebook est plus que recommandé pour montrer que l'on est intégré et bien dans l'entreprise. 

Et puis quand on est cadre, on est débordé. Et si ce n'est pas le cas, il faut le paraître. Les cadres courent dans les couloirs, ont le BlackBerry vissé à l'oreille, arrivent en retard en réunion. Et quand vous leur posez la question: "Je suis charrette" vous répondent-ils. D'ailleurs, quand on est cadre, c'est 24h sur 24h. Le BlackBerry professionnel vous permet de participer même en pleine nuit à l'entreprise globale, et répondre ainsi au mail d'un américain en attendant avec impatience le réveil du contient asiatique. Dommages collatéraux, multiplication des tendinites du pouce et augmentation des divorces. Et si le cadre est toujours débordé, c'est que souvent il l'est réellement. Car pour obtenir le contrat, l'ingénieur commercial, avant tout un commercial, vend des délais de livraisons totalement irréalistes pour toucher sa commission. Le malheureux ingénieur qui passera derrière se confronter à la réalité et aux difficultés du projet sera un bon candidat pour le burn out.

Une dernière chose pose question. Les cadres sont-ils encore des cadres ? Quelle valeur accorder au statut de cadre quand tous les employés de l'entreprise, à part l'hôtesse d'accueil, le sont ? Le cadre n'est guère que le maillon d'une longue chaîne d'intervenant qui au final délivre un projet de développement et de déploiement informatique. Sorte d'ouvrier avec un statut de cadre. Pour nombre d'entre eux, c'est la désillusion, et de plus en plus finissent par changer radicalement de carrière : profs, salariés d'ONG...

On ne peut que recommander la lecture de ce livre. Il vous semblera, à vous aussi, que c'est du vécu. Mais derrière cette satire, à peine exagérée, se cache un message autrement plus inquiétant. De plus en plus de jeunes, souvent brillants et diplômés des grandes écoles d'ingénieurs ou de commerce, perdent rapidement leurs illusions sur le monde de travail. En manque de reconnaissance, de responsabilités réelles, sans perspective d'évolution ou de carrière, sous la pression d'une politique corporate étouffante et d'un management qui se défausse en cas de problème, ils connaissent une véritable souffrance au travail. Pourtant, ces jeunes sont bosseurs, ambitieux et en veulent. A l'heure où l'on parle beaucoup de la valeur travail, il serait temps le néo-management change de méthode. Mais là, c'est comme jeter une bouteille à la mer...

mercredi 2 mai 2012

Indignation de Philip Roth

En 2010, l'ancien diplomate, résistant et homme de gauche Stéphane Hessel publiait le best seller mondial Indignez-vous ! Cet ouvrage médiocre, avec peu de pages et encore moins d'idées, fut le bréviaire de tous les pseudos campeurs de places et de jardins publics des mouvements Indignados en Espagne ou Occupy Wall Street aux Etats-Unis. Voulant prendre part à ce mouvement d'indignation, je me précipite donc en librairie pour me procurer le fameux opus du grand homme de la révolte. Et plutôt qu'Indignez-vous, je tombe sur l'un des derniers ouvrages du romancier américain Philip Roth : Indignation. Dans le 28 ème roman d'un des grands maîtres de la littérature américaine, pas de niaiseries ni de prêchi prêcha pour biens pensants en mal de rébellions. De la littérature, de la vrai. Et de l'indignation, de la vrai.

Pour l'occasion, le romancier natif de Newark a opportunément délaissé le narrateur âgé de ses derniers romans, pour se mettre dans la peau d'un jeune étudiant d'une université américaine, Marcus Messner. Fini donc le vieux monsieur irascible, accaparé par ses problèmes d'impuissance ou de prostate, et retour en 1951 dans la peau d'un jeune homme qui, surprenante coïncidence, a le même âge que l'auteur à la même époque. 1951, c'est donc une plongée dans cette Amérique des années 50, avec en toile de fond la très meurtrière guerre de Corée qui envoie des dizaines de milliers de jeunes américains combattre les communistes chinois et nord-Coréens au niveau du 38 ème parallèle.

Philip Roth avait ces dernières années quelque peu déçu ses fans. Avec Indignation, le grand auteur du New Jersey est de retour, en grande forme. Comme il l'avait si magistralement mis en scène dans Pastorale Américaine pour les années 60-70, Roth égratigne les travers moraux de son pays, et les moeurs puritaines de ses compatriotes. Mais cette fois-ci dans les années 50.

Sans dévoiler toute l'histoire bien sûr, quelques mots sur l’atmosphère du Roman. Marcus Messner, fils unique d'une famille de Newark dans le New Jersey, est un étudiant brillant, mais étouffe auprès d'un père protecteur et paranoïaque jusqu'à la folie. Ce fils de boucher Kasher, qui connait un bout du métier, tente donc l'aventure dans le middlewest en intégrant l'université de Winsburg dans l'Ohio. Fini la petite université du New Jersey où se côtoient juifs, italiens et irlandais. Place au campus de l'université baptiste, avec sa morale et ses traditions. 

Marcus se doit de réussir. Alors qu'importe ce puritanisme pesant et ses condisciples WASP qu'il refuse de côtoyer. Trois choses comptes pour lui : ses études, sortir avec fille et échapper à la guerre de Corée. Le reste ne l'intéresse pas. Côté étude, le jeune homme excelle. Côté fille, une gâterie inespérée et marquante d'une jeune étudiante perturbée lui fera découvrir l'amour. Jusqu'à la folie. La guerre de Corée, il pense y échapper en devenant le meilleur. Le meilleur en tout, le major de promo, y compris en préparation militaire.

Mais le jeune homme est bientôt rattrapé par la morale étouffante du campus. Il y a les fraternités, mais pour la grande majorité, elles sont réservées exclusivement aux jeunes hommes, blancs et protestants. Il y a bien quelques juifs et noirs sur le campus, mais l'accès leur est exclu. L'Amérique des années 50 est encore raciste. Le campus est aussi le lieu de toutes les frustrations. Les garçons et les filles sont séparés dans des bâtiments et dortoirs différents, et n'assouvissent leurs désirs et pulsions profondes qu'en cachette. Ou le plus souvent jamais. Car la morale veille, en la personne du doyen Caudwell. Héros de l'université pour son passé sportif, au ton cordial et volontiers paternaliste, il n'est que la résurgence d'une inquisition douce qui entend tout savoir et tout contrôler des agissements et sentiments les plus profonds de ses étudiants. Campus fondé par les baptistes, l'université n'en est pas moins laïque. Ce qui n'empêche pas le doyen d'imposer à tous les étudiants d'assister à l'office et aux sermons pour obtenir leurs diplômes. D'une famille juive, mais profondément athée, Marcus ronge son frein pendant les offices et, de rage, répète dans sa tête les strophes du champ patriotique chinois. A la 4 ème strophe : "Indignation".

Et le jeune homme brillant va aller d'indignation en indignation. Des indignations qu'il a trop longtemps refoulées. L'indignation, ce sont les violents échanges verbaux avec le placide mais inquisiteur doyen Caudwell à propos de la religion. L'indignation, c'est le refus d'intégrer les fraternités, même celles non chrétiennes qui pourraient l'accepter. Pas le temps. L'indignation, c'est de ne pas vouloir intégrer l'équipe de base ball. Pas le temps. L'indignation, c'est de ne pas participer aux beuveries de fin de semaine dans les bars du campus. Pas le temps. L'indignation, c'est de refuser d'aller à la messe écouter ses sermons qu'il trouve abjectes. Il défend un athéisme à la Bertrand Russell. L'indignation, c'est aussi ce silence général sur le sort de la fille, disparue, qui lui a fait découvrir, pour la première fois, en cachette, le plaisir et l'amour. Bientôt, il ne sera plus seul à s'indigner. Le campus va rentrer en ébullition.  Mais pour Marcus, le sort est scellé. Il paiera de sa vie son indignation...