mercredi 30 novembre 2011

Le management français en question

Il y a quelques jours, je parcourais un article intéressant sur le site WK-RH pointant du doigt certains des défauts du management à la française, avec à l'appuie une étude TNS SOFRES.

Cette étude date d'il y a quelques années (2007) mais reste pleinement d'actualité (si cela n'a pas même empiré). Sa conclusion est sans appel : les dirigeants et manageurs français n'ont pas la côte auprès de leurs collaborateurs. A titre d'exemple, seulement 40% des salariés français trouvent leur direction à l'écoute, en dessous de la moyenne européenne situé à 49% et surtout des 73% affichés aux Etats Unis.

Quelquesoit le domaine considéré par l'étude (Organisation, reconnaissance des efforts et de la performance, capacité d'écoute, concertation, partage de l'information, soutien aux équipes, clarté et suivi des objectifs) les manageurs français obtiennent des appréciations nettement inférieures à la moyenne européenne ou américaine.

Les dirigeants français balayent généralement ces critiques en affirmant maladroitement qu'ils dirigent des entreprises dans un pays de râleurs jamais contents et qu'il n'est donc pas très significatif de faire des comparaisons sur ce sujet. Malheureusement pour eux, l'enquête s'est intéressée aux salariés étrangers travaillant dans des entreprises françaises, et donc avec un management à la sauce française. Et là, les Anglo-saxons et Allemands, réputés peu râleur, le deviennent nettement plus. Quant aux français travaillant pour des entreprises étrangères, leur satisfaction augmente de façon spectaculaire.

Dans les enquêtes internationales, la description du dirigeant français est, là encore, implacable. Il est généralement décrit comme autoritaire, agissant sans concertation, mauvais communicant, coupé du reste de l'entreprise et sans réel intérêt pour le travail de ses salariés et collaborateurs. L'enquête de BPI-BVA (2007) montre que si les manageurs américains sont largement plébiscités et arrivent en tête, les dirigeants français arrivent eux bon derniers dans tous les domaines. La différence avec les américains est souvent de plus de 20 points.

Il y a donc un problème français chez les cadres-dirigeants d'entreprises. Nous pouvons y voir plusieurs raisons, notamment au travers de leur formation. Le système des grandes écoles fait émerger une élite qui sort de l'X, d'HEC ou de l'ENA et à qui l'on répète depuis les classes préparatoires qu'ils sont les meilleurs parmi les meilleurs. Le culte du chef se développe dans ces esprits brillants qui deviennent autoritaires et peu à l'écoute. L'inverse des qualités requises par un manageur. Avec cet état d'esprit, la bonne idée ne peut ainsi venir que du top management, pas du bas de l'échelle. Trop de talents et d'idées sont ainsi étouffés. L'exacte opposé de la philosophie Google qui laisse ses employés faire émerger des concepts, pour ensuite les soutenir s'ils sont jugés prometteurs.

La formation française est ensuite essentiellement technique, basée sur le culte de l'ingénieur expert et sur l'excellence universitaire. A l'opposé des formations Anglo-saxonnes, davantage orientés vers les fonctions managériales. Les classes préparatoires et l'examen écrit construit plutôt de l'individualisme, même si elle assure un bon niveau de connaissances, qu'il convient de garder. Les formations Anglo-saxonnes, elles, apprennent visiblement davantage à interagir et travailler ensemble. Essentiel pour le travail d'un manageur. 

Enfin, l'esprit grande école développe surtout l'esprit de caste. Il est remarquable de noter que l'essentiel des entreprises du CAC 40 est dirigé par d'anciens élèves des trois écoles précédemment citées. Rarement issus du sérail de l'entreprise, ces manageurs sont souvent parachutés pour leur diplôme par les réseaux d'anciens ou des liaisons, dangereuses, avec le monde politique. Ils ne restent pas très longtemps généralement et peinent à imprimer leur marque. Coupés des équipes, ils choquent surtout par leurs rémunérations. Ils s'entourent eux mêmes souvent de proches collaborateurs issus des mêmes réseaux ou alors de dociles courtisans. Le copinage fonctionne très bien, n'engendrant que davantage de frustration et ressentiment dans l'entreprise.  On est loin du dirigeant américain qui a souvent monté son entreprise, semble davantage proche de ses équipes et sait mieux faire émerger et recompenser des collaborateurs de talent. 

A l'heure où la crise frappe notre pays, où la croissance est molle et les dettes abyssales, nous avons là, me semble t-il, un levier de croissance considérable et insoupçonné, sans qu'aucun investissement ne soit nécessaire. Mais en apprenant ou réapprenant ce que veut dire gérer une entreprise à des élites déboussolées, qui ne savent plus guère gérer que leur carrière. Et en soutenant avant tout les vrais entrepreneurs.

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