mardi 15 novembre 2011

La France a-t-elle déjà perdu le triple A ?

La semaine dernière, Jacques Attali écrivait que la France avait déjà perdu son triple A, et que le plan de rigueur était déjà caduque.
Au même moment, l'agence de notation Standard's & Poors (S&P) publiait par erreur à ses abonnés une dépêche annonçant la dégradation de la France. Avant de démentir et s'excuser.
Que se passe-t-il avec la note française ?

Depuis que Moody's a mis la note française sous surveillance, on sait que le AAA est sur la sellette.
Mais ce qu'on croyait être un avertissement à peu de frais (un petit plan de rigueur peu ambitieux pour calmer), n'est-il pas en réalité déjà effectif ?

Concrètement, aujourd'hui, le taux des obligations Allemande à 10 ans est 1,808% contre 3,384% pour celui de la France. Les deux pays sont pourtant cotés AAA, mais avec un spread en hausse quasi-constante autour désormais de 160 points (1,6%). Ce qui équivaut à 5 à 6 milliards de plus pour la France d'intérêts à payer.

On peut estimer que l'Allemagne sert de valeur refuge face à la débandade des dettes italiennes et espagnols aujourd'hui à plus de 6%. Mais la France n'en profite pas, au contraire elle dévisse aussi. Si l'Allemagne est peut être un peu surcotée, par effet qualité, cette augmentation de spread indique cependant une méfiance des investisseurs sur la signature Française, à note pourtant égale.

Il nous faut donc se rendre à l'évidence. Ces agences de notations, si décriées et honnis par les politiques et commentateurs politiques n'en sont pas responsables. Simplement, les marchés apprennent à ne pas se fier qu'aux agences de notation, et à estimer par eux même la confiance que l'on peut accorder à tel ou tel signature. Si l'on juge la France, perspective de croissance quasi nulle dans les mois qui viennent, plan de rigueur trop timide, déficit budgétaire peu contrôlé, chômage déjà élevé avec une tendance à la hausse depuis plusieurs mois. Il n'y a finalement pas besoin d'être agence de notation pour deviner que la France est un créancier moins fiable que l'Allemagne qui poursuit sa croissance et contrôle ces déficits.

Il serait plus correct de considérer ces agences de notations comme des analystes, parmi d'autres, de la situation économique et macro-économique des émetteurs de dettes entreprises et souveraines. Avec également leurs lots d'erreurs (les subprimes notés AAA). Admettons cependant que si les états font des erreurs, si les entreprises font des erreurs, il serait un peu injuste de ne pas admettre que les agences puissent en faire également. Dernier signe que les agences ne font pas la pluie et le beau temps sur les taux d'intérêts souverains : la signature américaine n'a pas bougé après la dégradation par S&P cet été de AAA à AA+. Preuve de la confiance conservée par l'oncle Sam auprès des investisseurs. Mieux vaut un AA+ à taux faible comme les Etats Unis qu'un AAA comme la France à taux élevé. L'agence de notation chinoise Dagong ne s'y est d'ailleurs pas trompée, puisqu'elle a dégradé la note française depuis déjà un mois.

Côté politique, garder le AAA est symbolique pour Nicolas Sarkozy. Sa perte pourrait sonner le glas de ces ambitions de réélections. Cependant les socialistes comme Français Hollande ou Benoit Hamon auraient tort de se réjouir de cette nouvelle comme ils semblent déjà l'anticiper. Cela pourrait se traduire par une campagne électorale sous le signe de la rigueur à gauche comme à droite. Pas très mobilisateur pour l’électorat de gauche. Et Sarkozy pourrait être paradoxalement jugé plus crédible sur ce sujet. Les 60000 profs de François Hollande ou la retraite à 60 ans du PS sont passés par là, rendant sceptiques bon nombre de Français. Quoi qu'il en soit, malheur au vainqueur, qui sera certainement contraint d'appliquer un plan de rigueur bien plus sévère, qu'il soit ou non prévu dans ses cartons.

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