vendredi 24 février 2012

La tectonique de l'opinion

Le président Sarkozy est devenu depuis la semaine dernière officiellement candidat. Il l'était évidemment déjà depuis longtemps, mais l'officialisation de son entrée en campagne change néanmoins sensiblement la donne.

En effet, jusqu'à présent, le candidat socialiste, François Hollande, attirait sur lui tous les commentaires, aussi bien flatteurs que critiques, que ce soit sur son programme présidentiel ou sur sa campagne électorale. Nicolas Sarkozy restait quant à lui à l'abri derrière sa fonction présidentielle, attendant son heure. Sauf que les coups pleuvaient malgré tout contre lui, comme c'est le cas depuis son arrivée au pouvoir. Loin d'être confortable, la fonction empêchait finalement le président-candidat de répliquer à ces adversaires. Il a donc changé de stratégie pour passer à l'offensive sous le costume de candidat. Et depuis, le candidat de droite cogne sans retenu contre son adversaire. Ce qui est marquant depuis quelques jours, c'est que le président  sortant a repris la main dans la campagne, en lançant les principales controverses de campagnes : la lutte contre l'assistanat et le recours au référendum pour redonner de la souveraineté au peuple. Son intervention télévisée de mercredi soir, avec de nouvelles propositions s'aventurant sur le terrain de la gauche, le place là encore au coeur de la campagne, puisqu'il est devenu la cible de tous les commentaires. C'est donc plutôt, de ce point de vue, une bonne entrée en campagne. Il donne le rythme et éclipse pour l'instant quelque peu un François Hollande qui a dévoilé son jeu assez tôt et a été très exposé médiatiquement. 

Une batterie de sondages est publiée ces jours ci pour juger l'effet de cette entrée en campagne sur l'opinion, et notamment sur les intentions de votes. Ces enquêtes s’intéressent à plusieurs questions : l'entrée en campagne du candidat est elle jugée bonne ? Ces premières propositions sont elles jugées convaincantes ? Et surtout, quel est l'impact de cette entrée en campagne sur les intentions de votes ?

Tout d'abord, l'entrée en campagne en campagne du candidat de droite est elle jugée convaincante ? Eh bien ça dépend des instituts de sondage. Dans une première étude, une courte majorité (52 %) semble avoir été convaincu par la déclaration de candidature sur TF1. Etude aussitôt contredite par une autre, jugeant au contraire sa prestation majoritairement pas convaincante. Sur l'entrée en campagne en général, là encore, les instituts se contredisent largement. D'après l'institut CSA, l'entrée en campagne est jugée bonne par 48% contre 46%, donc un oui d'une courte tête. Pour d'autres, la réponse est plutôt non. D'après un autre institut, l'image du candidat de droite s'améliore pour 15% des personnes interrogées, et se dégrade pour 8%. En tout cas, pour une grande majorité, l'entrée en campagne n'a pas modifié son image, en bien ou en mal. 

Qu'en est-il maintenant des premières propositions du candidat en campagne ? Ce qui se dégage d'abord, c'est un jugement toujours très négatif du bilan du président sortant. De ce point de vue, l'entrée en campagne n'a pour l'instant rien changé sur ce sujet. La proposition de recourir au référendum semble largement plébicité par les français (Environ 64%). De ce point de vue là, le candidat Sarkozy a fait mouche. Concernant la dénonciation de l'assistanat, là encore, les études évoquées dans un précédent post indiquait un très large soutient à droite et d'une minorité non négligeable à gauche. Le candidat Sarkozy a donc vue juste. Cependant, les études montrent aussi que les électeurs sont plus circonspects sur l'idée de statuer sur l'assistanat, la formation des chômeurs ou encore l'immigration par le biais d'un référendum. De plus, le président sortant n'a jamais recouru à cette procédure pendant 5 ans. Sa crédibilité sur le sujet peut donc aisément être mise à mal.

Le plus important concerne sans doute les intentions de votes. Selon le sondage CSA de mardi, cela se resserre au premier tour. Hollande perd 2 points et tombe à 28 %. Sarkozy prend un point et atteint 27 %. Marine Le Pen est hors de portée, François Bayrou davantage encore. Au second tour, c'est également plus serré, à 56 % - 44 %. Les autres instituts pointent pour la plupart un frémissement au premier tour (26-27%) et au second (45%), à part IPSOS qui ne constate pas de changement dans les intentions de votes de premier tour (25%) et de second (41%). On observe donc des marges relativement importantes d'une étude à l'autre, ce qui semble montrer que l'opinion est encore mouvante. Cependant, elles indiquent toutes un François Hollande en tête au premier tour et vainqueur au second. Lors des élections précédentes, les instituts pouvaient parfois avoir des résultats contradictoires.

Enfin, dernière étude intéressante. Il a été demandé cette fois aux sondés pour quel candidat il était sûr de ne pas voter au premier tour de l'élection présidentielle. A cette question là, François Hollande recueille 40 %, c'est à dire la proportion de sondés qui exclut catégoriquement de voter pour lui au premier tour. Nicolas Sarkozy est à 54 % sur cette question. A supposer que l'étude soit transposable au second tour (si l'on exclut fermement de voter pour quelqu'un au premier tour, ce n'est à priori pas pour le l'envisager au second tour), ce résultat est inquiétant pour le président sortant qui ne parvient pas à dépasser une potentielle barre de 50 % d'électeurs susceptibles d'envisager de voter pour lui. Ceci n'est en même temps guère surprenant, tant les sondages de second tour persistent à donner un écart allant en moyenne de 8 % à 12 %. On peine à se demander comment le candidat-président sortant pourra retourner en sa faveur une proportion importante d'électeurs hostiles. Cependant, d'autres études (encore des études !) montre que seulement 66% à 75% des futurs votants ont déjà arrêté leur choix pour le second tour. Il y a donc encore beaucoup de voix à prendre, de part et d'autres, et qui peuvent faire basculer l'élection.

On peut être un peu perdu par cette succession d'études. Ce qu'elles montrent pour l'essentiel, c'est une opinion assez volatile, qui est en train de bouger, sans trop que l'on sache dans dans quel sens. Des mouvements tels ceux des "plaques tectoniques" sont en train se s'opérer. Les électeurs qui peuvent encore changer d'avis sont en train de le faire. Les indécis quant à eux vont progressivement se décider, maintenant que l'offre électorale est presque au complet, à quelques parrainages près. La cristallisation des votes est donc en train de commencer et va se poursuivre dans les prochaines semaines.

François Hollande, de son côté, est face à l’éternel dilemme de prendre des risques ou de gérer son avance, persuader d'être au second tour et de gagner ce qui sera certainement un référendum contre Sarkozy. Pour ce dernier, les semaines qui viennent sont cruciales pour lui. Il n'a guère le droit à l'erreur et doit impérativement rattraper une partie de son retard avant fin Mars et le début de la campagne officielle (synonyme d'égalité de temps de parole). Paradoxalement, le candidat Sarkozy ne semble pas avoir de problèmes de premier tour, Marine Le Pen et François Bayrou ne semblant pas en mesure de s'inviter dans le duel Hollande-Sarkozy. Et là, les élections passées montrent que c'est souvent celui qui prend des risques qui l'emporte. De ce point de vue là, le jeu est encore ouvert...

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