vendredi 10 février 2012

La cour des comptes au rapport

Une fois par an le rapport tombe. Lequel ? Celui de la cour des comptes bien sûr. C'est surtout l'occasion de faire un inventaire à la Prévert des étrangetés du système fiscal français avec ses niches farfelues, ou encore de parcourir le vaste patrimoine de l'Etat et des institutions publiques. On se croirait parfois presque devant notre écran télé à regarder l’inénarrable émission Combien ça coûte de Jean-Pierre Pernaut, passer maître dans l'art de montrer un hit parade (hélas bien réel) de l'argent public gaspillé.

Pourtant, au delà des curiosités du rapport, celui-ci devrait être pris avec beaucoup plus d'attention par les acteurs politiques, qu'ils soient au pouvoir ou dans l'opposition. En effet, ce rapport, établi avec le plus grand sérieux et en toute transparence politique, devrait fournir de bons arguments à ceux qui sont en charges désormais de combler les déficits abyssaux et de réformer la structure étatique. Pourtant, les sujets qui émergent sont souvent explosifs, et le rapport et ses préconisations restent trop souvent lettres mortes. Tout juste bon, vu épaisseur de l'ouvrage, à colmater le pied d'une vieille armoire bancale. Dommage.

Que nous dit la cuvée 2012 ? Tout d'abord, il met particulièrement en vedette le régime d'indemnisation des intermittents du spectacle et ses dérapages financiers. Pour l'année 2010, le rapport indique que ce régime perd près d'un milliard d'euro. Pas tant que cela me direz vous ? Oui, sauf que seulement 100 000 personnes en bénéficient. Ce problème est, bien entendu, connu depuis longtemps. Une timide réforme du régime en 2004, durcissant un peu les conditions d'indemnisation, avait provoqué un tempête dans le milieu artistique. Le sujet est depuis explosif, et personne n'y touchera. La France est un pays de culture et André Malraux lui-même a voulu ce régime pour les artistiques. Y toucher, c'est presque attaquer le pacte social de la résistance de 1945. La CGT-spectacle y veille chaque année avec son habituelle intervention aux cérémonies de remise des Molières et des Césars. D'ailleurs, dans ce jeu de dupe, ce sont finalement surtout les grosses entreprises de médias et d'audiovisuels (TF1, France Télévision...) qui profitent du système, en employant à plein temps des intermittents, payer la moitié du temps par les ASSEDICs. Quand TF1 et la CGT partagent le même combat. Qui l'aurait cru ?

Plus intéressant, le rapport porte un jugement sur la politique du gouvernement en matière de réduction des déficits publics. Le résultat est mitigé : satisfecit quant aux efforts initiés depuis 2011, mais mise en garde quant à la méthode et au rythme. 

Satisfecit tout d'abord. Le rapport souligne les efforts initiés par le gouvernement sur les budgets 2011 et surtout 2012. Cela faisait 20 ans qu'un tel effort n'avait pas été engagé aux plus hauts sommet de l'Etat. De plus, le rapport approuve les récentes décisions de réduction des niches fiscales. Fruit d'une accumulation d'avantages fiscaux depuis des décennies, ces niches coûtent de plus en plus cher à l'Etat et sont parfois plus un instrument de clientélisme électorale qu'une véritable arme de compétitivité et de croissance.

Le rapport contient aussi une mise en garde pour le gouvernement. Selon la cour des comptes, la méthode de réduction des déficits a, jusqu'ici, surtout été basée sur des hausses de prélèvements obligatoires, directes ou indirectes, et assez peu sur de réelles diminutions de dépenses (Mis à part le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux ou certains déremboursements). Or cette méthode ne permettra pas à France de tenir ses engagements, et particulièrement celui d'un retour au déficit de 3% en 2013 (contre 5,3% à 5,4% actuellement). D'après la cour des comptes, avec la méthode du gouvernement, il faudrait 10 ans pour un retour à l'équilibre quant l'objectif à tenir est de 5 ans. Le compte n'y est donc pas. De plus, le rapport conteste les hypothèses de croissance retenues par le gouvernement pour son plan. Elles sont jugées trop optimistes, voire irréalistes. Enfin, le rapport juge le gouvernement encore beaucoup trop timide sur la réduction des niches fiscales. C'est donc tout naturellement que le rapport invite à tailler largement dedans, à hauteur de 15 milliards, et plus généralement de réduire les dépenses publiques de fonctionnement. Au passage, les collectivités locales, plutôt gérées par la gauche, sont également épinglées quant aux dépenses et embauches de fonctionnaires territoriaux. Cependant, elles ne pèsent guère que 8% du déficit de l'Etat (La France est jacobine). Elles ne sont donc pas les plus à blâmer.

En parcourant les grandes lignes du rapport, se dégagent donc quelques idées fortes. D'abord principalement que le déficit de l'Etat est profondément structurel, et qu'il est impératif de tailler en profondeur dans les dépenses publiques. Ensuite que le niveau d'imposition est déjà très élevé en France et qu'il n'est plus guère possible de jouer beaucoup dessus, hormis quelques redéploiements. On note au passage que, pour la cour des comptes, les hausses de prélèvement obligatoires ne sont pas la solution à la réduction des déficits, mais que prime avant tout la réduction des dépenses.

Dans ce contexte, en examinant le programme économique de François Hollande, on ne peut qu'être septique sur les fondements de celui-ci. En effet, le programme est plutôt basée sur l'idée d'un déficit conjoncturelles (Crise et surtout niches de Sarkozy) et non structurelle. Il ne prévoit donc pas de réduction de dépenses, mais au contraire des augmentations (Embauche de fonctionnaires, hausse d'allocation...). L'arme de François Hollande pour réduire le déficit, c'est plutôt l'impôt, ce que ne préconise justement pas le rapport, car peu efficace. Le candidat socialiste sera peut être un plus en phase avec la préconisation sur les niches fiscales (ça dépend lesquelles), mais avec 7 milliards de réductions proposées, le compte n'y est pas. Dans le rapport de 2012, le premier président de la cour des comptes, l'ancien député socialiste Didier Migaud, n'a pas fait de cadeaux à son ex-collègue de l'assemblée nationale. Les vertus salutaires d'une institution indépendante ?

A la lueur de ce rapport nous pourrions donc commenter : élève Sarkozy en progrès mais peut beaucoup mieux faire. Élève Hollande, copie à revoir. A bon entendeur.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire