jeudi 5 janvier 2012

Les usines à gaz de la TVA

C'est l'histoire d'une usine à gaz à la française comme le pays peut si bien exceller à en créer. C'est l'histoire d'un imbroglio administratif Kafkaïen, mêler à un arbitrage absurde, digne certainement d'Ubu roi (L'avantage au moins, c'est qu'on revoit les grands classiques de la littérature). Je veux parler bien sûr de la TVA à la française. Petite (tentative) d'explication.

Alors il y a tout d'abord le taux "normal" de TVA, c'est à dire à 19,6%. Sont concernées globalement de toutes les opérations de ventes de biens et de services, à l'exception de toutes celles soumises à un autre taux. Donc taux qui n'est plus si "normal" que cela, voir même "anormal", selon le point de vue considèré. Sont quand même concernés, entre autre, les achats de vêtements, certains biens de consommations courantes, l'électroménager, la consommation d'énergie, l'essence, ventes de CD et DVD, la séance chez le coiffeur...

Oui mais voilà, il y a aussi un taux "réduit" à 5,5%. Il vise pêle-mêle les biens de premières nécessités, certains biens de consommation courantes ou encore des secteurs spécifiques à aider. Examinons un peu tout cela de plus près. C'est digne d'un inventaire à la Prévert (je vous avais prévenu, on révise ses classiques aujourd'hui). Sont ainsi concernés les biens de premières nécessités, tel que l'eau, et un certain nombre de produits alimentaires (Conserves, pâtes, céréales, huiles, fruits, plats cuisinés, sucre, confiserie, chocolat, lait, boissons, non alcoolisées...). Mais attention, il y a des exceptions ! Pour les bonbons, cela dépend du taux de sucre qu'il y a. Et certains produits de luxe d'alimentation n'en bénéfice pas non plus. Quant aux boissons non alcoolisés, attention au sucre, il y a une taxe supplémentaire sur les soda (Coca) qui rentre en vigueur. Sauf que s'il n'y pas de sucre, mais de l'édulcorant à la place (Coca light), il y a aussi taxe. Et quand il n'y a pratiquement rien du tout (Coca Zero), eh bien c'est toujours taxé ! La culture est plutôt bien lotie. Pour les livres, c'est 5,5%. Pour les sorties théâtres, cinémas, concerts aussi. Par contre, pour les rencontres sportives, ça ne marche pas. Les législateurs vantent les bienfaits du sport, mais il faut croire que les lobbyistes sportifs ne se débrouillent pas aussi bien que leurs homologues du spectacle. Toujours niveau culture, les oeuvres d'arts sont taxés à seulement 5,5%, mais à une condition tout de même, que l'artiste soit vivant. Eh oui, il faut acheter son Van Gogh plein pot. Autre curiosité, si la consommation de gaz et d'électricité est taxé à 19,6%, l'abonnement lui est à 5,5%. Si vous saisissez la subtilité, n'hésitez pas à m'écrire. Enfin, bonne nouvelle, acheter des fleurs est également à taux réduit. Alors messieurs, faisons un petit effort pour nos chéries, c'est subventionné.

J'ai découvert il y a peu qu'il y aussi un taux "super-réduit" à 2,1%. Pas de miracle, il y a relativement peu de produits concernés. On signalera bien évidemment les médicaments remboursés par la sécurité sociale. Mais il y a là encore quelques curiosités qui valent le détour. Ainsi ce taux "super-réduit" concerne aussi la presse. A condition toutefois de ne pas être à caractère pornographique. Ah ben oui quand même ! Egalement à ranger dans cette catégorie, les 140 premières représentations théâtrales d'une oeuvre nouvellement créée. Il fallait y penser.

Et puis il y a les exceptions à tout ce que je viens de citer précédemment. Fonction cette fois de critères géographiques. Prenons la Corse par exemple. L'essence est à 13% au lieu de 19,6%. Les biens au taux réduit de 5,5% en France continentale passe au taux super-réduit de 2,1% sur l’Île de beauté. Enfin, le théâtre est au taux, appelons le "ultra-réduit", de 0,9%... Dans les Départements d'Outre Mer (Guadeloupe, Martinique, Réunion), c'est encore autre chose. Ce qui est à 19,6% en métropole passe à 8,5% dans ces DOM. Et ce qui est à 5,5% passe à 2,1%. Comme en Corse. Ouf, on s'y retrouve. Quant à la Guyane, c'est tout simple. Pas de TVA.

Et puis, il y a les nouveautés. Pendant longtemps, la restauration à emporter et les fast foods jouissaient d'une TVA réduite (5,5%) pendant que la restauration classique était à 19,6%. Depuis Juillet 2009, et le feu vert de Bruxelles après intense lobbying de la France, tous les restaurants sont à 5,5%. Avec un succès plutôt mesuré en terme d'embauche, d'augmentation de salaires, et de baisse des prix à la carte. On ne manipule pas si facilement la TVA. 

Tout récemment, dans le cadre du plan de rigueur annoncé en octobre par le gouvernement Fillon, la TVA est passée de 5,5% à 7%. Oui mais c'était trop simple comme ça. Il y a bien sûr des exceptions et des distinctions subtiles à faire. Notamment concernant les produits alimentaires. Et la farce continue. Suivez un peu, ce n'est pas facile. Alors à première vue, la règle parait pourtant simple. Quand le produit est à emporter, c'est 7%. Quand il est à consommer plus tard, c'est 5,5%. Et comment fait-on la différence? Très simple voyons. Le critère, c'est le contenant. Quand votre boisson favorite est vendu dans un verre en plastique c'est 7% car à emporter et consommer tout de suite. Quand elle est vendue en cannette ou bouteille, par contre, c'est 5,5%, car consommable plus tard. Il est vrai qu'il est extrêmement rare de boire une canette le midi avec son sandwich mangé sur le pouce. Par contre chez soi, la cannette, c'est le format idéal... Plus subtile encore, pour la vente de nourriture à emporter, il y a deux critères : la présence de couverts et l'assaisonnement. Si le produit est vendu avec des couverts, c'est 7%, sinon c'est 5,5%. Vous êtes prévenu maintenant, pour payer moins cher, le prochain sandwich sera sans mayonnaise et le prochain Kebab sans harissa. Et pour la salade, il ne faudra pas avoir peur d'y mettre les doigts. Sauf que, sauf que... il y a quand même une petite exception (Désolé). Le yaourt, même avec cuillère, reste à 5,5%. Ben oui, chez soi ou sur un banc, la cuillère, ça aide toujours pour manger le yaourt. Sinon, suggérons de le boire à la paille. Enfin, ultime critère : la congélation. Et le raisonnement est implacable. Suivez bien. Un produit surgelé, c'est 5,5%, alors qu'un produit similaire au rayon frais (entre 0 et +4°C donc si tout va bien dans votre supermarché favori) c'est 7%. Mais attention là encore, il semblerait, selon les législateurs, que si dans les parages traîne un micro-onde ou un four avec option décongélation, ça change encore la donne. Retour à 7% !?... Qu'en est-il en Corse ou dans les DOM? Là j'avoue, je ne sais pas... J'ai l'impression d'être emporté dans le tourbillon de la valse à mille temps chanté si magnifiquement par Jacques Brel.

Et vous ne savez pas la dernière ? On parle maintenant de mettre en place une TVA dite "sociale" ou "anti-délocalisation", c'est selon. Encore un casse tête en perspective. Je reviendrai sur ce sujet dans un prochain post, point trop n'en faut d'un coup...

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