lundi 16 janvier 2012

Après la perte du triple A

Cela devenait le feuilleton, un peu lassant, de ces derniers mois : la France va t-elle perdre son triple A ?

Cette fois ça y est, c'est officiel, la France a été dégradée d'un cran, avec perspective négative dans les 6 mois, par l'agence américaine de notation Standards & Poors. Elle ne pointera donc plus qu'avec le rating de AA+, c'est à dire finalement comme les Etats Unis (on ne sait trop dire si c'est bon signe d'être comparé à la première puissance mondiale, mais aussi une des plus endettées et en proie au doute...).

On pourrait longuement disserter sur ces agences de notations, si décriées depuis des mois et jugées coupables de tout ou presque. D'abord, elles feraient des erreurs et avaient noté AAA les produits toxiques subprimes. Oui, c'est vrai, mais elles ne les avaient tout de même pas inventées ces mauvais produits. Il y a plus coupable qu'elles dans cette histoire. Ensuite, leurs jugements seraient victimes d'un phénomène auto-réalisateur : les catastrophes ont lieu parce qu'elles l'ont publiquement diagnostiquées. Nous pouvons observer que c'est largement faux. L'Italie et l'Espagne ont dévissé sur leur spread bien avant que les agences ne donnent leurs sentencieux verdicts. Elles seraient aussi en décalage avec la réalité des marchés et des décisions politiques. C'est vrai et faux. Vrai parce que la dégradation de la France, de l'Espagne et de l'Italie vendredi dernier correspondait précisément à une période de détente sur les taux souverains. Et faux parce que l'annonce de plans d'austérités pour rassurer les marchés ne certifie pas pour autant une bonne appréciation. Le gouvernement doit aussi donner des gages que le plan sera effectivement mis en oeuvre. Et accessoirement il convient de vérifier que celui va dans la bonne direction. Mais finalement, elles sont aussi et surtout les boucs émissaires faciles de sociétés occidentales intoxiquées à l'endettement facile et colossale. Incapable de sortir de cette spirale infernale, elles se sont mis à la merci des marchés, oui c'est vrai, mais précisément parce qu'elles l'ont sollicité. A la vérité, les agences ne sont guère que des analystes parmi d'autres (cabinets spécialisés, journalistes financiers...), et leur verdict est un jugement, parmi d'autres, qui est pris en compte par le marché, pas forcément suivit.

A la vérité, les écarts de spread, depuis plusieurs mois déjà, de la France par rapport à l'Allemagne indiquait que la France n'empruntait déjà plus comme un pays AAA. Il ne faut pas inverser l'ordre des choses. On est noté AAA pour emprunter à moindre coût. Si ce n'est pas le cas, c'est que la note n'a aucune signification. Ce qui était le cas pour la France. Nous assistons juste à un tardif réajustement. Qui pourrait également être confirmé par les deux autres grandes agences (Fitch Ratings et Moody's). Mais comme je le signalais dans un précédent post, Dagung (une agence chinoise) a réajusté la note française il y a déjà plusieurs mois de cela. Il est donc à souhaiter que cette "officialisation" de la mauvaise nouvelle que tout le monde savait déjà soit un électrochoc dans les décisions politiques des prochains mois, à commencer par les programmes des candidats à l'élection présidentielle. 

En fait, deux questions se posent maintenant. Pourquoi cette dégradation ? Et comment récupérer cette précieuse  et symbolique note ?

Standards & Poors s'est expliqué sur les motifs de cette dégradation. 9 pays de la zone euro ont vendredi été dégradés, certains d'un cran (France, Autriche), d'autres de deux (Italie, Espagne, Portugal). Il y a donc un phénomène général qui touche une zone euro malade. L'agence indique que, selon elle, les mesures décidées au sommet européen du 9 décembre sont insuffisantes. L'accent avait été alors mis sur la réduction des déficits budgétaires, ce qui est nécessaire, mais pas insuffisant. L'austérité n'est pas le seul levier d'action pour rétablir les comptes. L'agence pointe en effet un déficit de compétitivité au sein même de la zone euro, principalement des pays du sud, mais aussi de la France, vis à vis des pays du nord, notamment de l'Allemagne. C'est sur ce volet de la compétitivité qu'il convient également d'agir. La clé est donc une cure d'austérité, complétée impérativement d'une amélioration de la compétitivité, sous peine de rester dans des croissances faibles ou nulles. Autre raison également évoquée par Standards & Poors : le rôle de la BCE (Banque Centrale Européenne) et du FESF (Fonds Européen de Stabilité Financière) est pour l'instant jugé illisible. C'est pas faux. 

Maintenant, pourquoi l'Allemagne, les Pays Bas ou la Finlande ont gardé leur précieuse note et pas la France ? La réponse semble être double. D'une part la France semble souffrir une politique économique relativement peu lisible, d'où un léger repli dans le volet de la note consacré à la confiance envers les institutions. En effet, comme je le signalais dans un précédent post, le plan de rigueur de novembre dernier était majoritairement basé sur un matraquage fiscal supplémentaire (Impôt sur le revenu, TVA...) et assez peu sur une baisse des dépenses publiques. L'austérité sans baisse des dépenses de l'Etat, voilà ce que S&P n'apprécie pas. D'autre part, l'agence note aussi notre balance des paiements, qui comprend la rentrée d'investissements venus de l'étranger. A l'équilibre, il y a encore quelques années, elle compensait le déficit commercial. Ce n'est désormais plus le cas. La balance des paiements elle aussi se creuse, marquant, là encore, la faiblesse de l'économie française.

Dans les années 1980-1990, des pays européens comme le Danemark, la Suède ou la Finlande avait perdu leur triple A. Et l'ont depuis récupéré. Au point d'être maintenant parmi les pays les plus solides de l'union européenne, voire de l'euro (Finlande). Pourtant, le tableau de ces pays était à l'époque peu reluisant : déficit budgétaire important, dépenses et dettes publiques trop élevées, croissance quasi nulle. Comment ces pays scandinaves, modèles de la social-démocratie ont-ils remonté la pente ? Réponse : par des mesures drastiques et pas forcément social-démocrate. Ils ont d'abord diminué leurs dépenses publiques, en réduisant leurs nombres de fonctionnaires, et en menant des politiques de privatisations. Ils ont donc pratiqué l'austérité budgétaire pour rétablir les comptes. C'est là premier volet de la solution. Ils ont, en parallèle, mené des reformes structurelles, notamment de flexi-sécurité, pour dynamiser leur marché du travail et améliorer la compétitivité. Le chômage a ainsi baissé et les exportations repris. La balance commerciale est alors redevenue excédentaire.  C'est le deuxième volet de la solution. En une dizaine d'année, la situation économique s'est renversée et ses pays ont récupéré leur AAA et surtout leur dynamisme économique, parvenant à maintenir le chômage à un faible niveau.

Une politique de relative austérité budgétaire, couplée d'une amélioration de la compétitivité semblent être la voie à suivre pour sortir de cette piteuse situation. C'est celle que suit l'Allemagne depuis quelques années déjà. Elle s'en porte plutôt mieux qu'une France qui s'interroge encore...

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