vendredi 30 mars 2012

Les courbes se croisent...au premier tour

Est ce un tournant dans la campagne ? Pour l'instant non. Mais les choses commencent néanmoins à bouger dans cette élection où tout semblait déjà écrit d'avance. En effet, depuis maintenant deux semaines, plusieurs des principaux instituts de sondages (l'IFOP d'abord, CSA ensuite et enfin la SOFRES) ont successivement noté une même tendance : François Hollande marque le pas, perdant même plusieurs points par rapport au mois de février. A l'inverse, le président sortant, Nicolas Sarkozy, en gagne. Et logiquement, les courbes se sont croisées. Oui, les choses bougent. Mais, si les courbes se croisent, c'est uniquement au premier tour.

Ainsi, selon les différents instituts, les deux principaux candidats se tiennent désormais dans un mouchoir de poche pour être en tête au premier tour. Mais, avec un candidat de droite qui semble inexorablement passer devant, puisqu'il est régulièrement crédité de 28 % à 30 % des intentions de vote contre 26 % à 28 % pour le candidat socialiste. Derrière cette tendance, se cache un autre croisement de courbe, non encore confirmé par toutes les enquêtes, mais au moins identifié par certaines. C'est Jean-Luc Mélenchon, le candidat du Front de Gauche, qui passerait ainsi de la 5ème à la 3ème place, au nez et à la barbe de Marine Le Pen et François Bayrou. Attention toutefois, les écarts sont très faibles et les électorats de ces trois candidats particulièrement volatiles. Mais il semble en tout cas envisageable que Jean-Luc Mélenchon, avec 13 % ou 14 % d'intentions de votes, finisse l'élection devant la candidate du Front National et celui du Modem

La campagne n'est pas terminée, mais nous sommes néanmoins à trois semaines seulement du premier tour. Et pour tous les candidats, la dynamique s'est ou non lancée. Il n'y a désormais guère à espérer un tardif déclenchement si cela n'a pas été le cas, seulement une éventuelle bonne ou mauvaise surprise, dans le secret de l'isoloir. Qu'en est-il alors de ces dynamiques de campagne ? Tout d'abord, il convient de souligner le climat particulier de cette campagne. Contexte économique difficile, fort rejet des politiques, cette campagne passionne moins que d'habitude, mobilise moins que d'habitude. Et si les militants et passionnés de politiques se rendent bien dans les meetings ou sur les marchés, les enquêtes d'opinion montrent clairement un manque d'entrain pour cette élection présidentielle. Celles-ci révèlent en effet que les français sont nettement moins intéressés par cette campagne que par les précédentes, notamment celle de 2007. Ils sont aussi moins nombreux à déclarer vouloir y participer. Enfin, ils sont plus nombreux à être indécis, notamment sur leur vote de 2ème tour.

Dans ce contexte, deux candidats tirent néanmoins un peu leur épingle du jeu. Tout d'abord le président sortant, Nicolas Sarkozy. Depuis son entrée en campagne, il a pris 4 ou 5 points dans les sondages, passant de 24% - 25 % à 28 % - 30 %. Historiquement, tous les présidents sortants enregistrent un gain de 2 ou 3 points lors de leur déclaration de candidature, avant de les reperdre presque aussitôt. Dans le cas de Sarkozy, il a effectivement pris ces 2 points, pour les reperdre très vite. Avant d'enclencher une véritable dynamique, portée notamment par son grand meeting de Villepinte le 11 mars dernier, et par une grande tournée des plateaux télés et des radios. Mais au delà, c'est surtout le message qu'il délivre qu'il convient d'analyser. En effet, comme on pouvait s'y attendre, le candidat-président renoue avec sa stratégie de 2007. Sa campagne s'est ainsi tournée vers les catégories populaires, clé de l'élection, avec une tentative de réconciliation entre les électeurs du "Oui" et ceux du "Non" au traité européen de 2005. Pour cela, il remet en place sa stratégie de conquête électorale autour de trois axes forts. Sur son côté droit (conseillé par Patrick Buisson), des signes sont envoyés aux électeurs tentés par Marine Le Pen : sortie de Schengen dans un an si aucun accord n'est trouvé, réduction du nombre d'entrée d'immigrés. Sur son côté gauche (conseillé par Henri Guaino), c'est le rappel des valeurs du gaullisme social, la promesse de mettre fin aux rémunérations excessives et aux "golden" parachutes des grands patrons, ou encore la proposition de taxer les exilés fiscaux. Enfin sur son centre (conseillé par Emmanuelle Mignon), c'est l'Europe et l'avenir du couple Franco-Allemand qui est exalté,  et un discours de Villepinte en appelant aux pères fondateurs de l'Europe, notamment Jean Monnet et Robert Schuman. La libre entreprise n'est pas oubliée. Des exonérations de charges sont proposées pour l'embauche des seniors et pour les artisans. Le président s'affiche aussi volontiers avec les centristes sociaux Jean-Louis Borloo et Pierre Méhaignerie. Conforme à sa personnalité excessive, le candidat Sarkozy est donc capable de faire campagne plus à droite que Marine Le Pen, plus à Gauche que Jean-Luc Mélenchon, et plus au centre que François Bayrou. L'attelage idéologique peut laisser perplexe, mais ce cocktail a déjà fait ses preuves, avec succès, en 2007.

L'autre candidat à tirer son épingle du jeu, c'est Jean-Luc Mélenchon. Longtemps sous la barre des 10 % avant fin février, il est maintenant pointé à 13 % ou 14 % selon plusieurs études, et donc capable de concurrencer sérieusement Marine Le Pen et François Bayrou. Sa montée en puissance, Mélenchon l'a doit en partie à lui même. Soutenu par un Parti Communiste Français moribond, un succès semblait difficile à imaginer. Sauf que les talents de ce tribun médiatique ont fait mouche dans l'opinion. Le contexte de crise a évidemment largement aidé, la gauche de la gauche considérant ses thèses validées. Enfin, le candidat du Front de Gauche rassemble sur son nom d'anciens électeurs d'Arlette Laguiller et Olivier Besancenot, leurs successeurs Nathalie Artaud et Philippe Poutou peinant à prendre la relève. Dans le paysage politique français, l'extrême gauche rassemblée représente environ 10 % des suffrages. A 14 %, Mélenchon séduit donc au delà. Chez les abstentionnistes d'abord, mais il attire aussi des électeurs de François Hollande. Depuis son insurrection citoyenne et sa "prise de la bastille", c'est le candidat qui a le vent en poupe. Et les évènements de Toulouse n'ont pas cassé cette dynamique.

Deux candidats, parmi les principaux, semblent eux être un peu passé à côté et n'ont pas trouvé vraiment leurs créneaux : Marine Le Pen et François Bayrou. La candidate du Front National fera peut être mieux que son père en 2007, mais il semble exclu qu'elle puisse s'immiscer dans le duel promis Hollande - Sarkozy. Concurrencé sur sa droite par Sarkozy, champion des thèmes régaliens, elle n'a pas réussi sa percé espérée sur les sujets économiques et sociaux. La sortie de l'euro et la fermeture des frontières contre la mondialisation ne sont pas pris au sérieux. François Bayrou, lui, semble en net recul par rapport à ses 18 % de 2007. Cette année là, c'est lui qui avait crée la dynamique. Son heure semble être passée, il n'est plus le "rebelle" de l'élection. C'est au tour de Mélenchon de bénéficier, le temps de quelques semaines, de l'effet nouveauté et de connaitre les faveurs de l'opinion.

Enfin, un candidat était parti sur une dynamique très forte, qui s’effrite désormais de façon continue et presque inexorable. C'est bien sûr le toujours, mais de moins en moins, favori de l'élection : François Hollande. Porté par les primaires, il caracolait dans les intentions de votes il y a encore quelques mois. On lui attribuait de 35 % à 39 %  au premier tour, et environ 65 % au second. C'était il y a 3 ou 4 mois. Depuis, il a perdu au moins 10 points au premier tour, et tout autant au second tour. Il se situerait ainsi désormais entre 53% et 55% selon les différents instituts, ce qui reste encore très confortable. Pourtant, le candidat socialiste suscite peu d'enthousiasme et le candidat semble avoir perdu la dynamique de son début de campagne. Lors des primaires, ces concurrents l'avaient attaqué comme étant un candidat "flou" et "mou". Cette image lui colle désormais à la peau, et le doute s'installe dans la tête des électeurs. Le slogan de Nicolas Sarkozy (La France Forte), rappelle constamment qu'il incarnerait donc, dans cette logique, "La France molle".  Même des électeurs socialistes doutent, et certains préfèrent jouer Mélenchon, au moins pour le premier tour. Et Hollande baisse à 26 %. Dans une interview il y a quelques semaines, le conseiller opinion de Nicolas Sarkozy, Patrick Buisson, décrivait cette absence de dynamique chez le candidat socialiste, et prédisait qu'il ferait moins bien que Ségolène Royal en 2007 (25,8%). Cela paraissait saugrenue, tant le candidat paraissait dominateur. Finalement, on y est presque. Du coup, la nervosité gagne le camp socialiste qui a pourtant la victoire à portée de main. La séquence toulousaine a également perturbé la campagne socialiste, en représidentialisant Nicolas Sarkozy, très à son avantage dans l'exercice. D'où les attaques des lieutenants de Hollande contre l'intervention du RAID. Maladroites et malvenues, elles n'ont pas pris, bien au contraire.

Avec au moins 53 %, François Hollande conserve toujours une belle avance et ses chances de l'emporter le 6 mai prochain. D'autant que les points seront de plus en plus difficile à grappiller pour Nicolas Sarkozy. Il faudra en effet convaincre de plus en plus des électeurs déjà décidés à changer d'intention de vote, et surtout les nombreux indécis du second tour, qui détiennent les clés du scrutin. A ce jeu, le président sortant semble néanmoins avoir réussi le tour de force d'améliorer sensiblement les reports de voix pour le 2 ème tour. Ils passent ainsi de 30 % à 50 % pour l'électorat de Marine Le Pen. Et de 20 % à 50 % pour celui de François Bayrou. C'est encore insuffisant, mais en seulement quelques semaines, cela semble être une validation de sa stratégie de campagne.

On observe toujours un resserrement des intentions de votes à l'approche de l'élection entre le candidat favori et son challenger. Sans que cela ne change pour autant le résultat de l'élection, dont le sort est généralement plié beaucoup plus tôt, les candidats ultras favoris se détachant, ou au contraire s'écroulant très vite. Si Nicolas Sarkozy parvenait à gagner dans le dernier mois de campagne, ce serait sans précédent.

Les courbes se croisent...au premier tour.

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